PREMIÈRE PARTIE - LE PRÉLÈVEMENT SUR RECETTESAU PROFIT DE L'UNION EUROPÉENNE EN 2018

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) constitue le coeur de la contribution française au budget européen. Il est défini à l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 1 ( * ) comme « un montant déterminé de recettes de l'État [...] rétrocédé directement au profit [...] des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ». Comme le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales, il doit être « dans [sa] destination et [son] montant » défini et évalué « de façon précise et distincte ».

Il est calculé à partir des variables suivantes :

- les ressources rétrocédées au budget de l'UE, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) , qui correspond à 0,3 % d'une assiette harmonisée pour l'ensemble des États membres, et la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB), dite « ressource RNB » ;

- divers éléments dont la contribution à la correction britannique , les corrections accordées à d'autres États membres ou encore les éventuels intérêts de retard au titre du versement des droits de douane.

Les ressources propres traditionnelles - droits de douane et, jusqu'à la fin de l'année 2017, les cotisations sur le sucre qui représentent au total 1,8 milliard d'euros pour la France en 2016 2 ( * ) - sont quant à elles versées directement au budget de l'UE . Depuis 2010, elles ne sont plus intégrées dans le prélèvement sur recettes au profit de l'UE, dans la mesure où il s'agit de ressources collectées par l'État pour le compte de l'Union.

Le périmètre de la contribution totale de la France au budget de l'UE est donc légèrement plus large que celui du prélèvement sur recettes.

Décomposition de la contribution de la France
au budget de l'UE

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »

I. UNE CONTRIBUTION TOTALE DE 21,9 MILLIARDS D'EUROS AU BUDGET EUROPÉEN, AMENÉE À CROÎTRE SIGNIFICATIVEMENT JUSQU'EN 2020

Conformément à l'obligation fixée par la loi organique relative aux lois de finances, le projet de loi de finances initiale fournit chaque année une évaluation du montant du prélèvement sur recettes reversé par la France au budget européen . Après trois années de baisse, l'exercice 2018 est marqué par la progression de la contribution française au budget européen.

1. Un prélèvement sur recettes supérieur de 3,8 milliards d'euros au montant actualisé pour 2017

L' article 27 du projet de loi de finances pour 2018 évalue le montant du prélèvement sur recettes reversé au budget de l'Union à 20,2 milliards d'euros, ce qui représente 7 % des dépenses de l'État (hors charge de la dette et pensions) et le quatrième poste de dépenses du budget après l'enseignement scolaire, la défense et l'enseignement supérieur et la recherche.

Cette prévision se fonde sur les prévisions de recettes et de dépenses de l'Union européenne , c'est-à-dire :

- d'une part, sur une hypothèse relative au besoin de financement de l'Union, estimée à partir des crédits de paiement prévus dans le projet de budget européen pour 2018, des éventuels rectificatifs et du solde du budget européen 2017 reporté sur l'exercice 2018 3 ( * ) ;

- d'autre part, sur les données prévisionnelles relatives aux ressources propres assises sur la TVA et le RNB et au montant de la correction britannique 4 ( * ) .

La ressource fondée sur le revenu national brut (RNB)

Le RNB est un agrégat proche du produit intérieur brut (PIB) qui mesure le revenu total des agents résidant sur le territoire français . On passe du PIB au RNB en ajoutant les flux de revenus reçus de l'étranger et en retranchant les flux de revenus versés à l'étranger.

Le montant de la ressource RNB versé par chaque État membre est obtenu par l'application d'un taux d'appel à l'assiette RNB de l'État considéré . Les prévisions d'assiette réalisées par les États membres sont confrontées à celles de la Commission européenne et un compromis, généralement médian, est adopté.

La ressource RNB étant la ressource d'équilibre du budget de l'Union , le taux d'appel est fonction de la différence entre les dépenses inscrites au budget de l'Union et la somme des autres ressources de l'Union (TVA, ressources propres traditionnelles et ressources diverses). Il est ainsi obtenu en divisant le besoin en ressource manquant par la somme des assiettes RNB de l'ensemble des États membres. Il est donc susceptible d'évoluer en cours d'exercice si un budget rectificatif modifie le besoin de ressource RNB.

Source : Insee, annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »

Pour l'exercice 2018, le montant de la ressource TVA reversée par la France est estimé à 4,4 milliards d'euros, dont 1,3 milliard d'euros au titre de la correction britannique . De plus, de nombreux programmes devant prochainement atteindre leur régime de croisière, le projet de budget pour 2018 présenté par la Commission européenne prévoit une augmentation de 11 milliards d'euros des crédits de paiement (+ 8,1 % par rapport au budget 2017), ce qui conduit à estimer le montant de la ressource RNB versée par la France à 15,8 milliards d'euros afin de respecter le principe d'équilibre du budget européen.

Décomposition du prélèvement sur recettes
au profit de l'UE

(montants en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

LFI

20 224

20 742

20 169

18 690

20 212

Ressource TVA

4 368

4 527

4 720

4 368

4 437

dont correction britannique

1 427

1 494

1 725

1 384

1 303

Ressource RNB

15 977

15 172

14 268

14 322

15 775

Autres prélèvements

3

4

8

-

0

Exécution

20 347

19 702

18 996

16 400*

Évolution en exécution n-1/n

- 9,4 %

- 3,2 %

- 3,6 %

-13,7%

Part dans les recettes fiscales nettes

7,4 %

7,0 %

6,7 %

5,8%

* Prévision actualisée par le second projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »

Après trois années de baisse, le prélèvement sur recettes européen retrouve un niveau proche de celui constaté en 2014 . Il augmente de 1,2 milliard d'euros (+ 6,3 %) par rapport à l'exécution constatée en 2016 et de 1,5 milliard d'euros (+ 8,1 %) par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2017.

Si l'on considère la prévision actualisée du prélèvement sur recettes pour 2017 inscrite dans le second projet de loi de finances rectificative pour 2017 - soit 16,4 milliards d'euros 5 ( * ) - les recettes reversées par la France au budget européen augmenteront de 3,8 milliards d'euros (+ 23 %) en 2018 par rapport à l'année précédente .

En effet, les trois derniers exercices ont été marqués par des sous-exécutions importantes qui s'expliquent essentiellement par le très lent démarrage des programmes de la politique de cohésion 2014-2020 (voir infra ). Les crédits de paiement effectivement consommés par le budget européen ont été inférieurs à la prévision initiale, entraînant un ajustement à la baisse des contributions des États membres. Les contributions versées par la France au budget européen en 2016 et 2017 se situent donc à un niveau exceptionnellement bas.

Écart entre l'exécution et la prévision en loi de finances initiale
du PSRUE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »)

Enfin, si l'on tient compte des ressources propres traditionnelles versées directement au budget européen sans transiter par le budget de l'État, le montant total de la contribution française au budget européen s'élèvera à 21,9 milliards d'euros en 2018 , soit une hausse de 7 % par rapport à 2018.

Décomposition de la contribution totale de la France
au budget de l'Union (PSRUE + RPT)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »)

2. Une progression de près de 4 milliards d'euros entre 2018 et 2020

Le budget annuel de l'Union européenne, dont dépend directement le montant des contributions versées par les États membres, s'inscrit dans un cadre financier pluriannuel. Le cadre financier couvrant les années 2014 à 2020 - qui a fait l'objet d'une révision en 2017 (voir infra ) - prévoit un plafond global de dépenses de 1 026 milliards d'euros en crédits de paiement sur l'ensemble de la période.

Compte tenu du stade actuel de mise en oeuvre du cadre financier 2014-2020, les besoins en crédits de paiement seront élevés en 2019 et 2020. Dès lors, le Gouvernement prévoit une forte hausse de la contribution française , de l'ordre de 4 milliards d'euros ces trois prochaines années . Selon l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2018, le prélèvement sur recettes européen s'élèverait à 23,3 milliards d'euros en 2019 et 24,1 milliards d'euros en 2020 .

Étant donné le niveau exceptionnellement bas du prélèvement sur recettes en 2017, la somme reversée au budget européen progresserait de 35 % entre 2017 et 2020 .

Évolution du PSRUE sur la période 2014-2020

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet de loi de finances pour 2018)

Le Gouvernement considère que « cette majoration est inévitable, sauf à préempter une part conséquente du prochain cadre financier pluriannuel pour le paiement d'engagements passés » 6 ( * ) . En effet, ces prévisions découlent du montant de crédits d'engagement ouverts au niveau européen sur la période 2014-2020 et devront nécessairement donner lieu à des paiements. Or la constitution d'un arriéré de paiements élevé pourrait avoir des effets pervers sur le futur cadre financier, comme l'a montré la situation observée en 2013.

Outre les effets liés à l'accumulation des demandes de paiements en fin de période, deux facteurs pèseront sur les dernières années de mise en oeuvre du cadre financier : les dépenses supplémentaires décidées à l'occasion de la révision à mi-parcours du cadre financier - déjà prises en compte dans les prévisions du prélèvement sur recettes - et la sortie du Royaume-Uni, l'un des principaux contributeurs net au budget européen, de l'Union européenne , qui pourrait avoir des conséquences budgétaires dès 2019 (voir infra ).

In fine , si la sous-exécution du budget européen, et par là même du prélèvement sur recettes, ont représenté de « bonnes surprises » en 2016 et 2017 en permettant d'améliorer le solde budgétaire de l'État, la contribution au budget européen pèsera fortement dans la trajectoire budgétaire des trois prochaines années.

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'exclure le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne de la norme des dépenses pilotables de l'État . Il souligne, à juste titre, le caractère contraint de la contribution au budget européen et le fait que « selon les années, les variations du PSRUE ont pu constituer des effets d'aubaine pour les autres dépenses ou au contraire des contraintes insurmontables » 7 ( * ) . Cette évolution de la norme de dépenses de l'État est la bienvenue. Il conviendra de veiller à son maintien après 2020.

3. La France, deuxième contributeur net au budget européen en 2016

Le solde net de la France, qui tient compte des ressources versées au budget européen et des dépenses de l'Union effectuées sur son territoire, tend à se dégrader depuis le début des années 2000, sous l'effet des élargissements successifs. Ainsi en 2015, la France était le troisième contributeur net en volume derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni . Selon la méthode de la correction britannique 8 ( * ) , le solde net de la France atteignait - 6,2 milliards d'euros (- 0,28 % du RNB), tandis qu'il s'établissait à - 1,1 milliard d'euros (- 0,03 %) en 2000.

Les dépenses du budget européen réalisées sur le territoire français atteignaient 14,5 milliards d'euros en 2015. En valeur absolue, la France était ainsi le premier bénéficiaire du budget européen, devant l'Espagne (13,7 milliards d'euros) et la Pologne (13,3 milliards d'euros). Toutefois, si l'on considère les retours par habitant, la France se situait au vingt-et-unième rang, avec 217 euros de budget européen dépensé par habitant en 2015.

En 2016, le solde net de la France s'est dégradé : les données publiées par la Commission européenne font état d'un solde comptable net de - 9,2 milliards d'euros, soit - 0,41 % du RNB 9 ( * ) .

Soldes nets par État membre en valeur en 2016
(selon la définition de la Commission européenne)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne, rapport financier 2016)

Cette situation s'explique notamment par la variation, d'une année sur l'autre, du montant de la correction britannique : la France étant le premier financeur du rabais britannique (28 % en 2016) , un accroissement du montant de la correction britannique entraîne mécaniquement une dégradation du solde net pour la France.

Surtout, le montant des dépenses européennes exécutées en France en 2016 a été nettement inférieur à celui constaté en 2015 : 11,3 milliards d'euros (- 22 % par rapport à l'année précédente), soit un niveau légèrement inférieur à ceux de l'Espagne et de l'Italie. En particulier, le montant des dépenses payées au titre de la politique de cohésion a atteint seulement 1 milliard d'euros (2,7 milliards d'euros en 2015), tandis que les dépenses en faveur de l'agriculture et du développement rural se sont élevées à 7,3 milliards d'euros (9 milliards d'euros en 2015).

Soldes nets par État membre en pourcentage du revenu national brut en 2016
(selon la définition de la Commission européenne)

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne, rapport financier 2016)


* 1 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 2 La prévision s'établit à 1,8 milliard d'euros en 2017 et à 1,7 milliard d'euros en 2018.

* 3 Ce solde n'est connu qu'au printemps de l'année n+1.

* 4 Ces données sont fournies par la Commission européenne lors du comité consultatif des ressources propres qui se tient chaque année en mai.

* 5 Selon l'exposé général des motifs du second projet de loi de finances rectificative pour 2017, la révision à la baisse de 1,5 milliard d'euros du montant du PSRUE pour 2017 s'explique par une sous-exécution plus importante qu'initialement anticipé du budget européen et par la prise en compte d'amendes venant minorer les contributions nationales.

* 6 Dossier de presse du projet de loi de finances pour 2018.

* 7 Exposé général du projet de loi de finances pour 2018, p. 21.

* 8 La méthode de comptabilisation du solde net dite « de la correction britannique » consiste à calculer le solde net sans tenir compte du montant des ressources propres traditionnelles versées au budget de l'Union, qui sont des recettes de l'Union, mais en incluant les dépenses réparties, dont les administratives. La méthode dite « de la Commission » exclut quant à elle les dépenses administratives ce qui tend à majorer la contribution nette du Luxembourg et de la Belgique où siègent les institutions européennes.

* 9 Selon la méthode de la Commission européenne, après prise en compte de l'ajustement lié à la mise en oeuvre de la décision relative aux ressources propres de 2014.

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