EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie, le jeudi 16 novembre 2017, pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. André Reichardt, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean-Yves Leconte . - Je partage les conclusions des rapporteurs. La perspective ouverte par cette proposition de résolution européenne est différente du contexte dans lequel avaient été institués les tribunaux pénaux internationaux actuels. Il s'agit aujourd'hui de prévenir plus que de réprimer, et je pense en particulier à la situation des mineurs. Face au retour des djihadistes français, notre dispositif conjugue réponse judiciaire et prévention. Par ailleurs, il me semble que la reconstruction de l'Irak requiert que ses tribunaux soient compétents pour juger les djihadistes. Nous devons faire confiance aux autorités irakiennes et leur accorder éventuellement notre assistance. De même, la création d'une juridiction d'exception serait un obstacle au renforcement de la coopération européenne entre les systèmes judiciaires nationaux. Enfin, la meilleure application des principes fondamentaux du droit passe en France par la coopération entre le procureur et le préfet de Paris actuellement pratiquée.

M. André Gattolin . - Je félicite les rapporteurs et approuve leurs conclusions. Je rappelle qu'il n'existe pas de définition internationale du terrorisme et que ce concept fait souvent l'objet d'une instrumentalisation, comme on a pu le voir avec la Chine qui a cherché à faire des Ouïgours des terroristes alors qu'ils veulent seulement échapper à l'oppression de Pékin. Le véritable problème aujourd'hui, c'est celui du manque de coopération effective entre les services de police et les systèmes judiciaires. Il convient donc de mieux coopérer au niveau européen.

M. Pierre Ouzoulias . - J'ai été vivement impressionné par la qualité de l'analyse des rapporteurs sur un sujet aussi complexe. J'approuve également leur démarche qui consiste à privilégier la réflexion juridique dans un contexte marqué par l'émotion. Je partage donc leurs conclusions. Je rappelle que la France poursuit depuis longtemps les criminels de guerre. Je donnerai l'exemple du mercenaire Bob Denard, qui était également recherché par la justice italienne, mais qui n'a pu être jugé avant sa mort. Il me semble en effet que les crimes commis en Syrie et en Irak vont au-delà des crimes de guerre. Il sera néanmoins indispensable de rassembler les preuves pour démêler l'écheveau des responsabilités dans ce conflit, ce qui sera très difficile pour la justice.

M. Benoît Huré . - Je félicite les rapporteurs pour la qualité et la clarté de leurs conclusions. Il serait, selon moi, préjudiciable d'envoyer un mauvais signal consistant à retirer aux tribunaux nationaux leur compétence pour juger les djihadistes. Cela serait également le cas pour les pays aujourd'hui en guerre auxquels nous ne devons pas donner l'impression de manquer de considération pour leurs tribunaux. En revanche, nous devons appeler l'attention des pouvoirs publics français pour qu'ils ne soient pas dépassés par le phénomène des djihadistes de retour, comme ils ont pu l'être dans le passé, par exemple sur la question des mineurs non accompagnés qui ont été confiés aux départements sans moyens spécifiques dédiés.

Mme Fabienne Keller . - Je salue la qualité du travail des rapporteurs. Je suis surprise que la Cour pénale internationale ne puisse juger les crimes terroristes. Nous sommes confrontés au retour, notamment de mineurs qui ont vécu la guerre et ses horreurs, et je voulais dès lors savoir ce qu'il en était de leur suivi sur la durée. Nous devrions aussi nous intéresser sur la place du Royaume-Uni dans la lutte contre le terrorisme, une fois qu'elle aura quitté l'Union européenne. Je propose que la commission puisse réentendre M. Gilles de Kerchove pour faire un bilan des actions européennes entreprises et tracer des perspectives.

Mme Colette Mélot . - Je salue le travail des rapporteurs. Mme Goulet a eu le mérite d'appeler notre attention sur un sujet important qui nous a permis d'avoir un débat de fond. Le retour des djihadistes évoque aussi des situations individuelles souvent dramatiques et traumatisantes. Enfin, je considère que des progrès sont nécessaires en matière de coordination européenne.

M. André Reichardt . - Je voudrais d'abord apporter une précision importante : Nathalie Goulet n'avait pas pour intention, avec cette proposition de résolution européenne, de retirer aux tribunaux nationaux la possibilité de juger des djihadistes. Elle souhaitait que l'ensemble des djihadistes de retour, et pas seulement les français, puissent rendre compte de leurs actes devant la justice, et que la juridiction internationale qu'elle propose d'instituer ait son siège sur le théâtre des opérations de manière à ce que les djihadistes y soient jugés et y purgent leur peine. Or, sur ce dernier point, même en cas de jugement rendu par un tribunal international, l'incarcération serait nationale.

La commission d'enquête du Sénat sur les réseaux djihadistes avait rapporté les grandes difficultés auxquelles notre système pénitentiaire est confronté face à cette problématique et avait proposé un encellulement individuel des djihadistes, mais je crains que la mise en oeuvre de cette recommandation ne soit guère effective. L'incompétence de la Cour pénale internationale pour juger le terrorisme tient à l'absence de définition du terrorisme faisant l'objet d'un consensus international. Enfin, le groupe Union centriste du Sénat aurait obtenu, au titre de son droit de tirage, la création d'une structure temporaire relative au suivi des returnees et il est nécessaire que notre commission soit bien représentée en son sein.

M. Pierre Ouzoulias . - Plus de 2 000 monnaies anciennes, dont 21 dinars en or venus d'Espagne et du Maroc, viennent d'être découvertes à l'Abbaye de Cluny, ce qui prouve les interactions entre les différents espaces. Au sein de cette abbaye a longtemps siégé Pierre le Vénérable qui a été le premier à traduire le Coran en latin !

M. Jean Bizet , président . - Je tiens à rappeler que notre commission travaille depuis longtemps sur ces problématiques. Je suis favorable à ce qu'elle auditionne de nouveau M. de Kerchove. Enfin, je note que la commission suit la position des rapporteurs de ne pas adopter cette proposition de résolution européenne.

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À l'issue de ce débat, la commission conclut à l'unanimité au rejet de la proposition de résolution européenne.

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