DEUXIÈME PARTIE
ASSURANCE MALADIE

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L'assurance maladie représente plus de 40 % des dépenses de sécurité sociale et plus de 50 % des dépenses du régime général depuis la mise en place de la protection universelle maladie (Puma) le 1 er janvier 2016.

Elle porte également une part conséquente et désormais prépondérante du déficit des comptes sociaux.

Pour cette branche à forts enjeux, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 renvoie des signaux positifs, tout en laissant nombre d'observateurs, comme votre rapporteur, assez interrogatifs.

D'un côté, l'objectif exigeant du Gouvernement d'inscrire l'assurance maladie dans une trajectoire de retour à l'équilibre est une priorité partagée par la commission des affaires sociales. Il en est de même de l'accent porté à la prévention ou encore de la volonté affichée de donner un nouveau souffle à notre système de santé par l'innovation. Votre rapporteur soutiendra sans réserve l'extension de la vaccination des jeunes enfants.

De l'autre, ce projet de loi de financement, en s'inscrivant dans une forme de continuité par rapport aux précédentes lois de financement, semble rester au milieu du gué. Or, la logique du rabot montre aujourd'hui ses limites : elle ne peut constituer une solution durable pour la pérennité de notre système de santé, au risque de décourager l'ensemble de ses acteurs. Des évolutions plus structurelles sont aussi nécessaires qu'attendues.

Dans ce contexte, votre rapporteur a procédé à l'examen des dispositions relatives à la branche maladie dans un esprit constructif, en s'attachant à apporter des améliorations à plusieurs des mesures proposées.

I. LES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA BRANCHE ASSURANCE MALADIE : L'IMPÉRATIF DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE

A. UNE SITUATION FINANCIÈRE LOIN D'ÊTRE ASSAINIE

1. L'assurance maladie porte une part désormais prépondérante du déficit général de la sécurité sociale

Le solde de la branche maladie a été impacté à partir de 2009, comme celui des autres branches de la sécurité sociale, par l'incidence de la crise économique sur ses recettes.

Depuis 2010, année où le déficit de la branche a atteint 11,6 milliards d'euros, celui-ci a progressivement reculé.


• Il demeure toutefois à un niveau élevé, encore supérieur à celui constaté en 2008 (- 4,4 milliards d'euros) : en 2016 , le solde de la branche maladie s'établit ainsi à - 4,8 milliards d'euros soit un recul d'un milliard par rapport à son niveau de 2015 (- 5,8 milliards d'euros).

Pour la Cour des comptes 2 ( * ) , le déficit serait en fait de 5,5 milliards d'euros en 2016 en excluant un produit exceptionnel de CSG qui n'aurait pas dû être comptabilisé en recette de la branche ; il ne se réduirait que de 0,3 milliard d'euros, montrant finalement une certaine stabilité depuis 2012.

Comme l'a souligné le premier président de la Cour des comptes lors de son audition devant votre commission, la branche assurance maladie accuse un certain retard dans la trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux : son déficit excède pour la première fois en 2016 celui de l'ensemble du régime général et représente près des deux tiers du déficit total du régime général et du FSV , contre 54 % en 2015 et 49 % en 2014.

Évolution du déficit de l'assurance maladie

et de sa part dans les déficits sociaux

en milliards d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017 (p)

Maladie

- 8,6

- 5,9

- 6,8

- 6,5

- 5,8

- 4,8

- 4,1

Régime général

- 17,4

- 13,3

- 12,5

- 9,7

- 6,8

- 4,1

- 1,6

Régime général + FSV

- 20,9

- 17,5

- 15,4

- 13,2

- 10,8

- 7,8

- 5,2

Part de la branche maladie

41%

34%

44%

49%

54%

62%

79%

Source : Cour des comptes et PLFSS


• Pour 2017 , la situation de la branche maladie s'améliorerait, comme celle de l'ensemble des autres branches, avec un déficit évalué par le Gouvernement à - 4,1 milliards d'euros , constituant presque l'essentiel du déficit cumulé du régime général et du FSV. Cette réduction serait moins significative que celle prévue lors de l'examen de la précédente loi de financement : le précédent Gouvernement ciblait alors un déficit de la branche maladie pour 2017 de - 2,6 milliards d'euros.

Il faut par ailleurs noter que cette réduction résulte pour partie de l'affectation à la Cnamts d'un produit exceptionnel de 875 millions d'euros provenant des recettes mises en réserve dans l'ancienne section III du FSV, constituant la dotation initiale du fonds de financement de l'innovation pharmaceutique créé par la loi de financement pour 2017. Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport précité sur l'application des lois de financement, il s'agit d'une « mesure non pérenne » qui « permet de réduire de manière seulement ponctuelle le déficit 2017 de l'assurance maladie. »

2. L'Ondam devrait être de nouveau respecté en 2016 et 2017, au prix de biais de construction et de présentation récurrents

Institué par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 22 juillet 1996, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) constitue le principal outil de pilotage de la dépense sans en constituer un plafond limitatif.

Il s'accompagne de mesures de régulation : des mises en réserve de crédits et un suivi infra-annuel par un comité d'alerte.

Après des dépassements systématiques, l'Ondam voté a été respecté chaque année depuis 2010 . Comme 2016, l'année 2017 devrait s'inscrire dans cette tendance. Toutefois, comme l'a relevé la Cour des comptes, cela « ne saurait être considéré comme attestant d'une maîtrise rigoureuse de la dépense d'assurance maladie » , en raison de nombreux biais de construction.


Pour 2016, un Ondam en progression de 1,8 %

La loi de financement pour 2017 a maintenu l'Ondam à son objectif initial de 185,2 milliards d'euros .

En exécution, d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2017, cet objectif a été tenu avec des dépenses inférieures de 40 millions d'euros à l'objectif fixé 3 ( * ) et un taux de progression rectifié à 1,8 % (au lieu de 1,75 % en loi de financement), le plus faible depuis 1997.

Les dépenses de soins de ville (85,1 milliards d'euros) ont été les plus dynamiques, en progression de 2,4 % par rapport à l'exercice précédent (contre + 2,5 % en 2015), dépassant de 0,6 % la prévision rectifiée à la hausse. Elles sont portées par la plupart des postes de dépenses, à l'exception notable des médicaments. Celles à destination des établissements de santé (77,6 milliards d'euros) augmentent de 1,6 % et celles dédiées au médico-social de 1 %.

D'importantes mesures de régulation, pour un montant total de près de 800 millions d'euros, ont néanmoins permis d'assurer le respect de l'objectif voté, affectant principalement l'Ondam hospitalier et médico-social 4 ( * ) .

Comme l'a relevé le directeur général de la Cnam lors de son audition, l'année 2016 a été difficile, en raison d'un Ondam resserré et d'une conjoncture défavorable (notamment du fait de la structure en jours ouvrés). Les objectifs de maîtrise médicalisée n'ont été atteints qu'à 65 %.


Pour 2017 , un Ondam en évolution de 2,2 %

L'objectif de dépenses fixé en loi de financement pour 2017 à 190,7 milliards d'euros , en évolution de 2,2 % par rapport aux dépenses 2016 revues légèrement à la baisse, est confirmé par l' article 6 du présent projet de loi de financement et devrait être de nouveau respecté, grâce à l'annulation de crédits mis en réserve en début d'année.

Les prévisions de sur-exécution porteraient sur les dépenses de soins de ville (+ 280 millions d'euros), dont la dynamique serait toutefois moindre qu'en 2016, à + 1,8 %. Ce dépassement serait partiellement compensé par une moindre consommation des crédits hospitaliers (- 80 millions d'euros).


Des évolutions affectées par des biais de présentation

En 2016 comme en 2017, des biais de construction et de présentation de l'Ondam, relevés par votre commission lors de l'examen des précédentes lois de financement, réduisent la portée de ces résultats en minorant le taux réel d'évolution des dépenses .

Comme l'a souligné le premier président de la Cour des comptes lors de son audition, une part croissante des dépenses échappe à l'Ondam : « la progression réelle des dépenses en 2016 et en 2017 est pour partie masquée par les biais de plus en plus marqués qui affectent la sincérité de l'Ondam. Les cas de figure sont nombreux ». On note ainsi :

- des « ajustements opportunistes » consistant à rattacher des dépenses sur l'année suivante : c'est le cas d'une partie des dépenses des établissements de santé relatives aux molécules sous ou post-autorisation temporaire d'utilisation (ATU), pour 180 millions d'euros en 2016 ;

- des sorties injustifiées du périmètre de l'Ondam : votre commission s'était opposée à la création par la loi de financement pour 2017 d'un fonds de financement de l'innovation pharmaceutique s'apparentant à une forme de « débudgétisation » de l'Ondam d'une partie des dépenses de médicaments restant à la charge de l'assurance maladie (à hauteur de 220 millions d'euros en 2017) ;

- des minorations de dépenses sans incidence sur le solde de l'assurance maladie car ayant pour contrepartie une moindre recette du même montant : c'est le cas de la part des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés prise en charge par l'assurance maladie, présentées en mesure d'économie pour 270 millions d'euros en 2016 et 2017 ;

- des dépenses reportées sur d'autres financeurs publics : ainsi en est-il de la mobilisation des réserves de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (200 millions en 2016 et 230 millions d'euros en 2017) pour compenser les annulations de crédits de l'Ondam médico-social, ou de celles de divers organismes hospitaliers 5 ( * ) pour abonder le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp) en substitution de la contribution de l'assurance maladie (près de 300 millions en 2016 et 220 millions d'euros en 2016).

Pour la Cour des comptes, dans son rapport précité, en neutralisant ces différents effets, la progression des dépenses dans le champ de l'Ondam s'établit en fait à 2,2 % en 2016 et non à 1,8 % , soit une évolution plus forte qu'en 2015 : « compte tenu d'un tendanciel de progression des dépenses (+ 3,6 %) moins dynamique qu'en 2015 (+ 3,9%), l'effort de maîtrise des dépenses ne s'est pas renforcé, mais relâché. » Selon les mêmes analyses, l'augmentation prévisionnelle de l'Ondam serait de 2,4 % pour 2017 et non de 2,2 % .

Le fonds de financement de l'innovation pharmaceutique

Créé par l'article 95 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, le fonds de financement de l'innovation pharmaceutique (FFIP), géré par la Cnamts, vise à lisser les dépenses de médicaments innovants et coûteux.

Ce fonds retrace en dépenses les frais liés à plusieurs catégories de médicaments pris en charge par l'assurance maladie (liste en sus, médicament sous et post-autorisation temporaire d'utilisation, rétrocessions hospitalières).

Ses recettes comprennent :

- les remises conventionnelles liées à ces produits et celles liées aux dispositifs de régulation associés (mécanismes « L » et « W) ;

- une dotation annuelle des régimes obligatoires de base de l'assurance maladie, qui ne peut être inférieure à celle de l'exercice précédent majorée de 5 % pour la période 2018-2021.

Pour 2017, le compte prévisionnel du fonds marque un produit de 7 milliards d'euros et un déficit de 220 millions d'euros . Pour 2018, les produits sont évalués à 7,3 milliards d'euros, avec un déficit évalué à 164 millions d'euros.

Dans son rapport de septembre 2017 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes relève que ce fonds est « susceptible de rester durablement dans une situation déficitaire » . Elle considère qu'une suppression de ce fonds et une réintégration de l'ensemble des dépenses de médicaments dans le périmètre de l'Ondam « apparaissent indispensables à la cohérence du pilotage des dépenses d'assurance maladie » .


* 2 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2017.

* 3 Rapport de septembre 2017 de la commission de contrôle des comptes de la sécurité sociale.

* 4 Seule une mesure de régulation a concerné les soins de ville (régulation des dépenses de biologie médicale dans le cadre de l'accord triennal de 2014) pour environ 35 millions d'euros. Il ne s'agit toutefois pas d'une réelle économie puisqu'elle a vocation à être compensée sur les années suivantes.

* 5 Le fonds pour l'emploi hospitalier (FEH) et l'association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH).

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