II. UNE FLUIDIFICATION DES ÉCHANGES ET UNE ENTRAIDE EN CAS DE COMPÉTENCE EXTRATERRITORIALE

L'article 2 consacre classiquement, et comme c'était déjà le cas dans le protocole judiciaire de 1962, le principe d'une communication directe entre les autorités centrales désignées par les parties. Les demandes, y compris l'échange spontané d'informations prévu à l'article 19, les dénonciations aux fins de poursuites prévues à l'article 20 et l'entraide en cas de l'exercice d'une compétence extraterritoriale de l'article 21, font l'objet d'une transmission directe aux autorités centrales des deux parties et ne passent plus par la voie diplomatique.

Pour la France, le ministère de la justice, et plus précisément le bureau de l'entraide pénale internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces , sera chargé d'exécuter les demandes ou de les transmettre aux autorités compétentes.

La convention règlemente, de manière plus détaillée que la convention de 1962, le formalisme que doivent adopter les demandes d'entraide ainsi que leurs modalités d'exécution, ce qui devrait offrir davantage de sécurité juridique.

L'article 4 décrit, de manière classique, la forme et le contenu des demandes d'entraide , qui doivent être rédigées dans la langue de la partie requérante et accompagnées d'une traduction dans la langue de la partie requise, sauf urgence et sous réserve de confirmation ultérieure par l'envoi du document original. Ces demandes peuvent être transmises par tout moyen permettant au destinataire d'en obtenir une trace écrite et d'en vérifier l'authenticité. Ce changement de régime linguistique demandé par la partie algérienne ne devrait avoir qu'un impact financier mineur .

L'article 5 relatif aux conditions d'exécution des demandes d'entraide rappelle le principe d'exécution des demandes d'entraide, conformément au droit de la partie requise et pose une exigence de célérité dans l'exécution des demandes de la part de la partie requise , le défaut de diligence vidant en pratique celles-ci de toute substance, ce qui pourrait conduire la France à contrevenir au paragraphe 1 er de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Toutefois, afin de faciliter l'intégration des preuves au dossier pénal de la partie requérante, celle-ci a la possibilité de demander expressément l'application de formalités et procédures particulières , dès lors qu'elles ne sont pas contraires aux principes fondamentaux du droit de la partie requise. En effet, l'expérience montre que les actes équivalents accomplis par les autorités de la partie requise en lieu et place des actes expressément demandés par la partie requérante, ne bénéficient pas toujours de la même force probatoire dans le cadre de la procédure conduite par celle-ci. Le droit interne français intègre cette modalité spécifique d'exécution des demandes d'entraide à l'article 694-3 du code de procédure pénale depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

La présente convention maintient la possibilité , prévue par le protocole de 1962, pour les autorités compétentes de la partie requérante ou pour les personnes mentionnées dans la demande d'entraide d'assister à l'exécution de celle-ci, ce qui s'est révélé un outil précieux dans les affaires de terrorisme . Il y est désormais ajouté la possibilité d' interroger un témoin ou un expert ou de les faire interroger, dans la mesure autorisée par la législation de la partie requise.

En droit interne français , la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 a introduit, dans le code de procédure pénale, la possibilité pour le magistrat instructeur, accompagné de son greffier, et pour le procureur de la République, dans le cadre d'une commission rogatoire ou d'une demande d'entraide adressée à un État étranger, de procéder à des auditions sur le territoire de cet État, avec son accord . À l'inverse, le droit français ne permet pas , pour des raisons d'ordre constitutionnel liées à l'exercice de la souveraineté nationale, à une autorité étrangère de procéder elle-même à des auditions sur le territoire français mais uniquement d'assister à l'exécution de la demande d'entraide. Il est donc exclu qu'une autorité compétente algérienne procède elle-même à une audition en France dans le cadre de cette convention.

L'article 6 simplifie les informations à transmettre s'agissant des demandes complémentaires .

Pour les besoins d'une affaire pénale, l'article 18 autorise la communication des extraits de casier judiciaire par la partie requise à la partie requérante, dans la mesure où ses propres autorités pourraient elles-mêmes les obtenir en pareil cas. Par dérogation au principe de transmission entre les autorités centrales, les demandes peuvent être adressées directement par l'autorité judiciaire de la partie requérante au service compétent de la partie requise, le casier judiciaire national pour la France et le service central du casier judiciaire du ministère de la justice pour l'Algérie.

En outre, au moins une fois par an, chacune des parties transmet à l'autre les avis de condamnations pénales inscrites au casier judiciaire et prononcées par ses juridictions à l'encontre des ressortissants de l'autre partie. Sous réserve du respect de la légalité et de la sécurité, cette communication peut se faire par voie électronique.

Toujours dans un souci d'efficacité et pour combler une lacune du protocole judiciaire de 1962, l'article 19 prévoit l'échange spontané d'informations concernant des infractions pénales, dont le traitement relève de la compétence de l'autorité destinataire, tandis que l'article 20 relatif aux dénonciations aux fins de poursuite permet à une partie de dénoncer à l'autre des faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de sa compétence, afin que des poursuites pénales puissent être diligentées.

À la différence des instruments européens précités, la présente convention contient, à l'article 21, une disposition, introduite à la demande de la partie algérienne, relative à l'entraide dans le cas de l'exercice, par l'une des parties, d'une compétence extraterritoriale .

L'article 21 de la convention permet tout d'abord d'assurer l'information de chacune des parties quant aux procédures se rapportant à des infractions commises sur son territoire par ses ressortissants et dont serait saisie une autorité judiciaire de l'autre partie . Ainsi, par exemple, la partie algérienne devra être informée de l'engagement en France d'une procédure judiciaire relative à des faits punissables commis par un Algérien en Algérie. Cette stipulation, qui s'applique aux procédures diligentées sur le territoire de l'une des parties à raison d'une compétence personnelle passive 7 ( * ) ou quasi-universelle 8 ( * ) , est identique à celle prévue par la convention d'entraide judiciaire en matière pénale modifiée par le protocole avec le Maroc.

Cet article traite ensuite le cas où lesdites procédures ont été engagées devant les autorités compétentes d'une partie par une personne qui n'en possède pas la nationalité. Par exemple, une procédure est engagée auprès d'un juge français par une personne qui n'a pas la nationalité française pour des faits punissables commis par un Algérien en Algérie. Il prévoit alors que l'autre partie recueille auprès de la partie initialement saisie ses observations et le cas échéant, tout élément utile, en vue de l'ouverture d'une procédure judiciaire. La partie initialement saisie doit être tenue informée des suites de la procédure ouverte par l'autre partie et recevoir, s'il y a lieu, la copie de la décision intervenue, afin de pouvoir déterminer les suites à réserver à sa propre procédure. Dans l'exemple précité, la partie algérienne recueillera auprès de la partie française ses observations en vue de l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire. La partie française sera ensuite informée des suites réservées à la procédure ouverte par l'autorité judiciaire algérienne et appréciera les suites qu'elle entend donner à sa propre procédure.

La présente convention prévoit que la partie initialement saisie doit seulement informer l'autre partie de l'existence de la procédure. Il revient à cette autre partie, par la suite, de s'informer sur cette procédure. La convention laisse celle-ci libre d'apprécier les suites à donner à la procédure qu'elle avait ouverte, en précisant « notamment sa clôture dans le respect du principe non bis in idem ». Autre ajout, elle crée une obligation de transmettre une copie de la décision éventuellement rendue à la partie initialement saisie.

Ainsi, les échanges d'informations, qui interviendront en application de l'article 21 de la présente convention, permettront d'assurer une meilleure administration de la justice et une conduite plus efficace et diligente des procédures, au regard notamment du principe de territorialité des poursuites, sans préjudice des règles applicables en matière de compétence quasi-universelle. Ils faciliteront notamment la mise en oeuvre des conventions internationales auxquelles la France et l'Algérie sont parties , dont la convention des Nations unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 et la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée adoptée à New York le 15 novembre 2000.

Par ailleurs, signe d'une confiance mutuelle entre les parties, l'article 24 dispense de légalisation les documents, dossiers ou éléments de preuve transmis et ce, pour plus de rapidité.

De plus, l'article 26 instaure, entre les parties, un échange de documentation portant sur la législation nationale applicable à l'entraide judiciaire en matière pénale ainsi que sur les textes relatifs à l'organisation judiciaire et à la compétence territoriale des juridictions.


* 7 Article 113-7 du code pénal.

* 8 Articles 689 à 689-11 du code de procédure pénale.

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