Rapport n° 33 (2017-2018) de MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 octobre 2017

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N° 33

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 octobre 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique de M. Philippe BAS pour le redressement de la justice , et sur la proposition de loi de M. Philippe BAS d' orientation et de programmation pour le redressement de la justice ,

Par MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Sébastien Leroux, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

640, 641 (2016-2017), 34 et 35 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 18 octobre 2017, sous la présidence de M. Philippe Bas , président , la commission des lois a examiné le rapport de MM. Jacques Bigot et François-Noël Buffet , rapporteurs , et établi ses textes sur la proposition de loi (n° 641, 2016-2017) d' orientation et de programmation pour le redressement de la justice et la proposition de loi organique (n° 640, 2016-2017) pour le redressement de la justice .

Après avoir rappelé les travaux de la mission d'information sur le redressement de la justice , dont le rapport a été présenté à la commission des lois le 4 avril 2017, les rapporteurs ont indiqué que les deux propositions de loi, déposées le 18 juillet 2017 par M. Philippe Bas, président-rapporteur de la mission, visent à traduire les recommandations de la mission relevant de la compétence du législateur , sur un total de 127 recommandations.

Après un bref rappel du constat d'une situation très dégradée de l'institution judiciaire , les rapporteurs ont ensuite présenté les objectifs des deux propositions de loi ainsi que leurs principales dispositions.

En premier lieu, ces textes tendent à sanctuariser les crédits alloués à l'autorité judiciaire et à prévoir leur progression selon un taux moyen de 5 % par an sur la période de 2018 à 2022 , pour atteindre près de 11 milliards d'euros. Cette progression s'accompagne d'une série de réformes destinées à améliorer l'organisation et le fonctionnement de la justice civile et pénale : forte progression des emplois dans les services judiciaires et pénitentiaires, création du tribunal départemental de première instance, renforcement de la conciliation, instauration d'un financement durable de l'aide juridictionnelle et d'un contrôle effectif de son attribution, clarification du régime de l'aménagement des peines ou encore création de 15 000 places de prison supplémentaires.

À l'issue d'un riche débat, dans un esprit consensuel , la commission a examiné les deux propositions de loi en y apportant un nombre limité de modifications ponctuelles, sans en remettre en cause l'économie générale.

Sur la proposition de loi d'orientation et de programmation, la commission a adopté 18 amendements , dont 17 de ses rapporteurs, visant principalement à ajuster l'extension des compétences des tribunaux de commerce et à prévoir l'avis des conseils départementaux dans le cadre du dispositif d'évaluation régulière de la carte judiciaire, ainsi qu'à supprimer la mise en place d'un fichier des contrats d'assurance de protection juridique, l'attribution de la force exécutoire aux accords de conciliation, l'ouverture du droit d'appel pour toutes les contraventions et l'instauration d'amendes civiles pour les appels et pourvois abusifs en matière pénale.

Sur la proposition de loi organique, elle a adopté 11 amendements , consistant pour l'essentiel à assouplir, sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature, les durées minimale et maximale d'affectation des magistrats dans une même juridiction.

La commission des lois a adopté les deux propositions de loi ainsi modifiées .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Saisie de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice (n° 641, 2016-2017) et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice (n° 640, 2016-2017), votre commission veut apporter sa contribution aux chantiers de la réforme de la justice que la garde des sceaux vient d'ouvrir, en indiquant les réformes prioritaires de nature à améliorer l'organisation et le fonctionnement de la justice, pour une meilleure qualité du service public rendu aux justiciables, une reconnaissance des magistrats ainsi que des personnels judiciaires et pénitentiaires qui y contribuent et un redressement de l'institution judiciaire. Telle est l'ambition plus que jamais nécessaire pour la justice de notre pays.

Vos rapporteurs étaient membres de la mission d'information sur le redressement de la justice, créée en son sein par votre commission en 2016 et présidée par son président, notre collègue Philippe Bas, qui a également exercé les fonctions de rapporteur. La mission a entendu 289 personnes lors de 117 auditions au Sénat et elle a aussi effectué 13 déplacements, dans des juridictions, écoles de formation du ministère de la justice et établissements pénitentiaires, menant ainsi une concertation particulièrement approfondie.

Le rapport de cette mission a été présenté devant votre commission le 4 avril dernier 1 ( * ) . Notre collègue Philippe Bas s'est ensuite consacré à la rédaction des deux propositions de loi ordinaire et organique, déposées le 18 juillet 2017 et aujourd'hui soumises à l'appréciation de votre commission.

Ces textes reprennent les recommandations formulées par la mission d'information relevant du domaine législatif, étant précisé que la proposition de loi d'orientation et de programmation comporte une programmation de la progression des crédits et des emplois de la mission « Justice » pour la période de 2018 à 2022 et un rapport annexé destiné à présenter les objectifs des réformes devant être réalisées sur la même période, qu'elles soient de niveau législatif ou réglementaire ou bien qu'elles concernent l'évolution de l'organisation ou des pratiques administratives.

Ainsi, dès lors que ces deux textes s'inspirent très directement, sans les dénaturer, des travaux de la mission d'information, vos rapporteurs renvoient largement au rapport de la mission pour le détail des justifications de ces propositions, afin de s'en tenir dans le présent rapport à l'essentiel, en particulier aux modifications introduites par votre commission à leur initiative. Toutefois, au vu des observations formulées lors de leurs auditions, compte tenu des débats qu'elles ont suscités, vos rapporteurs ont voulu examiner davantage les dispositions de la proposition de loi ordinaire relatives à l'exécution et à l'aménagement des peines.

Vos rapporteurs tiennent à indiquer, ainsi que cela ressort nettement de leurs auditions, que le rapport de la mission d'information a été très largement diffusé, consulté et apprécié, dans l'ensemble des milieux de la justice, en particulier dans les juridictions. Par les constats qu'il dresse, très largement partagés, comme par les réformes budgétaires et de structure qu'il préconise, souvent approuvées, sur un large champ de l'action publique, ce rapport apparaît comme une référence forte pour les réformes à venir.

À cet égard, ainsi que les représentants de la chancellerie l'ont indiqué à vos rapporteurs, le secrétariat général du ministère de la justice pilote l'élaboration de la « loi quinquennale de programmation des moyens de la justice » que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale devant nos collègues députés, le 4 juillet 2017 dernier, a annoncé comme devant être soumise au Parlement en 2018.

Enfin, dans le périmètre de ces réformes, vos rapporteurs insistent aussi sur la nécessité de soumettre au Congrès, sans tarder, le projet de révision constitutionnelle, déjà adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, destiné à renforcer l'indépendance statutaire des magistrats du parquet, en confiant au Conseil supérieur de la magistrature de nouvelles prérogatives en matière de nomination sur avis conforme et de procédure disciplinaire concernant ces magistrats 2 ( * ) .

I. DES PROPOSITIONS DE LOI AMBITIEUSES, POUR RÉPONDRE À UNE SITUATION DÉGRADÉE DE LA JUSTICE

Alors que le constat d'une dégradation continue de la situation de la justice est unanime, au détriment du service public rendu aux justiciables, et que tous s'accordent autour des objectifs à atteindre, pour juger plus vite et pour juger mieux, votre commission considère qu' il est plus que temps de voter et de mettre en oeuvre les réformes structurelles profondes de nature à améliorer l'organisation et le fonctionnement de l'institution judiciaire, en complément d'un redressement significatif et durable de ses moyens.

A. LE CONSTAT PARTAGÉ D'UNE SITUATION DÉGRADÉE DE LA JUSTICE

Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice, appuyé sur de nombreuses informations chiffrées, dressait le constat sévère d'une hausse régulière des moyens de la justice , sans amélioration significative de son fonctionnement .

Depuis la dernière loi de programmation pour la justice 3 ( * ) , les crédits de la mission « Justice » ont augmenté de 89,06 %, progressant de 4,518 à 8,542 milliards d'euros entre 2002 et 2017. Si cette progression a bénéficié aux juridictions judiciaires comme aux services pénitentiaires, ces derniers ont reçu une part toujours croissante, l'administration pénitentiaire devenant le premier budget de la mission en 2012.

Parallèlement, de trop fréquentes réformes législatives , étayées par des études d'impact insuffisantes et ne prenant pas suffisamment en compte l'application concrète des réformes, dans leurs aspects humain, informatique ou organisationnel, ont accru la charge de travail des juridictions.

La charge de l'activité juridictionnelle n'a cessé de croître , surtout en matière civile, conduisant à l'augmentation des stocks et à l'allongement des délais de jugement, au détriment de l'accès au juge et de la qualité des décisions rendues. En huit ans, entre 2007 et 2015, le délai de traitement des affaires civiles est passé de sept mois à près d'un an pour les tribunaux de grande instance. Dans le même temps, le stock d'affaires en attente d'être jugées a cru de plus de 25 % pour les juridictions civiles. Chaque année, ce sont plus de 2,7 millions d'affaires civiles et plus de 1,2 million d'affaires pénales nouvelles dont les juridictions sont saisies.

En outre, le système judiciaire français demeure moins bien classé que ses homologues européens . La commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) 4 ( * ) fait toujours le constat d'une relative modestie du budget de la justice en France par rapport aux autres États du Conseil de l'Europe. Son étude indique, en particulier, que le procureur français serait l'un des magistrats dont la charge de travail est la plus lourde en Europe 5 ( * ) .

Enfin, le parc pénitentiaire français se caractérise par un phénomène structurel de surpopulation carcérale . Ainsi, au 1 er septembre 2017, le taux d'occupation, ou « densité carcérale », qui rapporte le nombre de personnes détenues au nombre de places opérationnelles dans les établissements, était de 116 %. Cette moyenne dissimule de très grandes disparités sur un parc immobilier de 257 établissements ou quartiers. Alors que 131 établissements ou quartiers pénitentiaires ne souffrent pas de la surpopulation, 92 d'entre eux présentent une densité carcérale supérieure à 150 %.

Enfin, le rapport d'information décrivait un ministère de la justice ne parvenant pas à assurer correctement ses fonctions , dressant le constat d'une capacité insuffisante de gestion, d'évaluation, de conception des réformes ou des outils techniques, ainsi que d'une gestion insuffisante, voire défaillante des moyens humains, matériels ou encore informatiques.

Les auditions menées par vos rapporteurs ont montré combien ce constat sévère établi par la mission d'information était unanimement partagé et incitait à un salutaire et indispensable sursaut, que les propositions de loi soumises à l'examen de votre commission veulent initier, en particulier en direction du Gouvernement.

B. LES OBJECTIFS DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE

À la suite du rapport d'information précité, le rapport annexé à la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice fixe quatre grands objectifs au redressement de la justice, afin de juger plus vite et de juger mieux.

En premier lieu, il s'agit de mieux maîtriser les délais de la justice , en permettant aux juridictions de traiter les affaires civiles et pénales dans des délais raisonnables. Cet objectif exige de renforcer les moyens humains dans les juridictions, pour combler les vacances de postes de magistrats et de greffiers, mais aussi d'améliorer leurs outils informatiques.

L'allègement de la charge des juridictions passe aussi par la mise à l'étude des pistes possibles de déjudiciarisation et de dépénalisation, mais surtout par l'encouragement des modes alternatifs de règlement des litiges et par la simplification et la dématérialisation des procédures, en particulier en matière civile.

En deuxième lieu, il s'agit d' améliorer la qualité des décisions de justice , en première instance comme en appel, dans l'intérêt des justiciables, qui saisissent la justice pour trancher un litige ou qui attendent d'elle la condamnation d'auteurs d'infraction, mais aussi pour limiter le volume des appels et des pourvois en cassation. Cela suppose de laisser du temps aux magistrats pour mieux travailler, de revenir à plus de collégialité, de développer une équipe de collaborateurs autour du juge, pour lui permettre de se concentrer sur le coeur de sa mission. Cela suppose aussi de remédier à une mobilité des magistrats que vos rapporteurs jugent trop rapide, tout en évitant, en parallèle, une trop grande stabilité dans une même juridiction.

Les conditions de travail des magistrats et des fonctionnaires de greffe doivent impérativement être améliorées, du point de vue des moyens courants de fonctionnement des juridictions comme des outils informatiques ou encore de l'immobilier. Vos rapporteurs ont constaté, dans le cadre de la mission d'information, que le ministère de la justice n'était pas en mesure de garantir à ses personnels des applications informatiques performantes et adaptées, rapidement mises à jour pour tenir compte des réformes. Cette carence est aujourd'hui devenue insupportable dans les juridictions.

En troisième lieu, il est nécessaire de renforcer la proximité de la justice pour le justiciable , en particulier pour les litiges de la vie courante. L'institution judiciaire doit être simple d'accès en première instance et son organisation territoriale doit être conçue en fonction de cet objectif. La proximité passe également par le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, plus simples et rapides, à l'instar de la conciliation.

L'accès à la justice suppose aussi un financement structurel de l'aide juridictionnelle. Plusieurs pistes concurrentes ou complémentaires peuvent être envisagées, selon vos rapporteurs, étant précisé que le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique suscite de nombreuses critiques.

En dernier lieu, il est nécessaire d'assurer l' effectivité de l'exécution des peines , par une évolution des textes et des capacités pénitentiaires, tout en diminuant le risque de récidive , par un meilleur accompagnement des personnes condamnées. La mise à niveau des capacités pénitentiaires suppose à la fois d'accroître le nombre de places de prison et de relever les effectifs des personnels, chez les surveillants comme dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation. La double mission de la prison
- punir et réinsérer - doit être réaffirmée.

C. L'EXIGENCE DE RÉFORMES STRUCTURELLES FORTES ASSOCIÉES À UN REDRESSEMENT SIGNIFICATIF ET DURABLE DES CRÉDITS

Pour atteindre ces objectifs du redressement de la justice, les textes soumis à l'examen de votre commission suivent deux axes.

D'une part, la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice trace une trajectoire d'augmentation des crédits et des emplois de la mission « Justice » sur cinq ans , pour la période de 2018 à 2022.

Ainsi, les crédits de la mission devraient progresser de 8,7 milliards d'euros en crédits de paiement en 2018 à 10,9 milliards en 2022, soit un taux annuel moyen de progression de 5 % par an sur la période, et les emplois passer de 85 748 à 96 954 équivalents temps plein travaillé.

D'autre part, et de façon indissociable, sur la même période, des réformes ambitieuses devront être engagées, ainsi que les présente le rapport annexé à la proposition de loi d'orientation et de programmation.

Parmi ces réformes, vos rapporteurs veulent citer les principales, qui relèvent de la compétence du législateur et figurent à ce titre dans les deux propositions de loi :

- la sanctuarisation des crédits de l'autorité judiciaire (article 1 er de la proposition de loi organique) ;

- la mise en place de durées minimale et maximale d'exercice des fonctions pour tous les magistrats (articles 2, 3 et 8 à 13 de la proposition de loi organique) ;

- la maîtrise des innovations technologiques dans le domaine de la justice et du droit (articles 6 à 9 de la proposition de loi ordinaire) ;

- la création du tribunal départemental unique de première instance (articles 10 et 11 de la proposition de loi ordinaire) ;

- le développement de la conciliation (article 12 de la proposition de loi ordinaire) ;

- le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique pour assurer le financement de l'aide juridictionnelle (article 18 de la proposition de loi ordinaire) ;

- la consultation obligatoire d'un avocat avant toute demande d'aide juridictionnelle (article 19 de la proposition de loi ordinaire) ;

- la suppression de l'examen obligatoire, par le juge de l'application des peines, des condamnations à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans (article 27 de la proposition de loi ordinaire).

Le rapport annexé à la proposition de loi ordinaire présente aussi les réformes qui ne relèvent pas du domaine de la loi, mais de la compétence du pouvoir réglementaire ou de l'évolution des pratiques ou des organisations administratives, parmi lesquelles vos rapporteurs veulent citer :

- le renforcement du rôle de coordination stratégique du secrétariat général du ministère de la justice ;

- la rénovation de la fonction statistique et la mise à niveau de la fonction informatique au sein du ministère ;

- la dématérialisation et la simplification des procédures et des modes de saisine de la justice en matière civile ;

- le renforcement de l'autonomie de gestion des juridictions ;

- la création d'un nouveau modèle de cour d'appel, conduisant à en revoir le nombre et la carte ;

- le développement des outils de maîtrise des frais de justice.

Ainsi, à la suite des travaux de la mission d'information, votre commission estime que les crédits budgétaires de la justice ne pourront être durablement et significativement relevés que si de profondes réformes d'organisation et de structure sont engagées , pour garantir que les moyens supplémentaires ainsi alloués le seront plus efficacement.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : APPROUVER LES DEUX PROPOSITIONS DE LOI, TOUT EN Y APPORTANT DES CORRECTIFS ET DES AMÉLIORATIONS

Votre commission a adopté 18 amendements à la proposition de loi ordinaire, dont 17 à l'initiative de ses rapporteurs, et 11 amendements à la proposition de loi organique, tous à l'initiative de ses rapporteurs. Elle a ainsi apporté quelques corrections ou ajustements limités et supprimé des dispositions ponctuelles largement critiquées, sans pour autant remettre en cause l'économie générale ni l'ambition des propositions de loi.

S'agissant de la première proposition de loi, votre commission a supprimé l'attribution de la force exécutoire à l'accord de conciliation trouvé grâce à un conciliateur de justice bénévole ( article 12 ), considérant qu'une telle prérogative relevait de la puissance de l'État, au travers des magistrats et des officiers publics et ministériels, et que son attribution à d'autres, qu'il s'agisse de conciliateurs ou d'avocats, méritait une réflexion approfondie. En outre, elle a restreint la possibilité pour les conciliateurs, en cas d'échec de la conciliation, de transmettre au juge une proposition de règlement du litige au cas de conciliation demandée par le juge ( article 12 ), afin de tenir compte de l'opposition des conciliateurs à cette disposition, dans le cadre d'une conciliation non judiciaire.

Votre commission a ajusté l'extension à toutes les entreprises de la compétence du tribunal de commerce, qui deviendrait le tribunal des affaires économiques ( article 15 ), en systématisant sa compétence pour toutes les mesures et les procédures relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, quel que soit le statut du débiteur, y compris pour toutes les associations, compte tenu du savoir-faire des juges consulaires dans ce domaine, mais en supprimant cette extension de compétence pour le contentieux général intéressant les agriculteurs, les professionnels libéraux et les associations ayant une activité économique.

Elle a complété le mécanisme d'évaluation périodique de la carte judiciaire ( article 17 ), en précisant que cet examen devait être réalisé non seulement au vu des observations des chefs de cour, mais également au vu de celles des conseils départementaux, de façon à associer les élus locaux.

En matière d'aide juridictionnelle, votre commission a supprimé la création d'un fichier des contrats d'assurance de protection juridique, qui aurait été consultable par les bureaux d'aide juridictionnelle ( article 21 ), en raison d'un manque d'efficacité d'un tel dispositif, au regard de son coût, en l'état du marché de l'assurance de protection juridique en France.

En matière de procédure pénale, elle a jugé préférable de supprimer plusieurs dispositions qui auraient pu avoir des conséquences inopportunes : l'extension du droit d'appel en matière contraventionnelle ( article 23 ), au regard des risques d'accroissement conséquent du contentieux devant les cours d'appel, et la possibilité de sanctionner par une amende civile les appels ou pourvois dilatoires en matière pénale ( article 24 ), qui risquait de dissuader les justiciables de faire appel.

Enfin, votre commission a élargi le contenu du rapport annuel du ministère public relatif à l'état et aux délais d'exécution des peines, afin de renforcer les échanges entre le ministère public, les magistrats du siège et les représentants de l'administration pénitentiaire sur la question de l'exécution et de l'aménagement des peines ( article 27 bis ) . Elle a également prévu la transmission de ce rapport au Parlement.

S'agissant de la proposition de loi organique, votre commission a complété le dispositif de sanctuarisation budgétaire des crédits de l'autorité judiciaire ( article 1 er ), dans la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, en l'élargissant aux annulations de crédits en cours de gestion.

Afin de tenir compte des difficultés susceptibles de résulter des règles prévoyant une durée minimale de trois ans et une durée maximale de dix ans d'affectation des magistrats dans une même juridiction ( article 2 ), elle a prévu la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Par cohérence, votre commission a aussi modifié les autres règles de même nature ( articles 8, 9, 10, 11, 12 et 13 ), instituant une durée minimale d'exercice des fonctions de trois années pour les conseillers référendaires ou avocats généraux référendaires à la Cour de cassation, les chefs de cour ou de juridiction, et de quatre années pour les magistrats du siège exerçant des fonctions spécialisées, afin de prévoir les mêmes principes dérogatoires.

*

* *

Votre commission a adopté les deux propositions de loi ainsi modifiées.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI
CHAPITRE IER - ORIENTATION ET PROGRAMMATION DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE

Article 1er - Approbation des objectifs du redressement de la justice présentés dans le rapport annexé à la proposition de loi

L'article 1 er de la proposition de loi tend à approuver les objectifs du redressement de la justice et les moyens qui lui sont consacrés pour les années 2018 à 2022, figurant dans le rapport annexé à la proposition de loi.

Le rapport annexé reprend les objectifs du redressement de la justice ainsi que l'ensemble des réformes à accomplir sur la même période de 2018 à 2022, tels qu'ils ressortent du rapport de la mission d'information, de sorte que vos rapporteurs proposent globalement d'y souscrire. Le rapport annexé mentionne en particulier les réformes qui ne relèvent pas de l'intervention du législateur , par exemple le renforcement du rôle de coordination stratégique du secrétariat général du ministère de la justice, le renforcement du niveau d'encadrement et des compétences de la direction des services judiciaires, la rénovation de la fonction statistique et la mise à niveau de la fonction informatique au sein du ministère, la dématérialisation et la simplification des procédures en matière civile, le renforcement de l'autonomie de gestion des juridictions, le renforcement de l'attractivité de certaines juridictions, la création d'un nouveau modèle de cour d'appel ou encore le développement des outils de maîtrise des frais de justice.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-6 pour compléter le rapport annexé, en mentionnant parmi les réformes à lancer la revalorisation des métiers de l'administration pénitentiaire. Cette revalorisation, qui ne peut être uniquement financière, doit permettre une diversification des métiers et des parcours professionnels. Enfin, une rénovation en profondeur de l'organisation des concours et de la formation de l'administration pénitentiaire semble indispensable.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 - Programmation de la progression des crédits de la mission « Justice » et de ses programmes sur la période 2018-2022

L'article 2 de la proposition de loi tend à présenter la progression des crédits de paiement de la mission « Justic », répartis selon les programmes budgétaires qui la composent, sur la période 2018 à 2022.

Leur montant total atteindrait 10,902 milliards d'euros en 2022, soit un taux annuel moyen de progression de 5 % et un taux global de progression sur la période quinquennale de 27,63 %.

Reprenant la proposition n° 126 du rapport d'information précité, cette programmation a pour objet de traduire l'ensemble des autres propositions du rapport qui ont des conséquences budgétaires.

Elle prend également en compte l'une des préconisations du rapport remis par le professeur Michel Bouvier aux premier président et procureur général de la Cour de cassation le 11 septembre dernier 6 ( * ) , qui plaidait également pour l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle sur cinq ans pour la justice.

Lors des auditions menées par vos rapporteurs, ce principe a été salué par l'ensemble des personnes entendues, comme un engagement clair en faveur de l'augmentation et de la pérennisation des crédits affectés à la justice de notre pays.

La programmation proposée est également convergente avec celle présentée par le Gouvernement dans son projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 7 ( * ) .

En l'état du projet du Gouvernement, et sous réserve d'une appréciation prudente au regard des difficultés de comparaison 8 ( * ) , il apparaît que l'évolution du budget de la justice proposée par le Gouvernement pour les années 2018 à 2020 9 ( * ) correspond à un rythme très proche, voire légèrement supérieur à celui prévu par la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, avec une augmentation moyenne des crédits de 4 % 10 ( * ) .

En revanche, la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice prévoit des augmentations proportionnellement plus soutenues en 2021 (+8 %) et 2022 (+10 %), eu égard à la montée en charge du programme de construction de places de prisons.

La mission « Justice » dans le projet de loi de finances pour 2018

Selon les chiffres communiqués dans le projet de loi de finances pour 2018 11 ( * ) , les crédits de paiement de la mission « Justice » augmenteraient de 2,3 % par rapport à ceux de la loi de finances pour 2017, passant de 8,543 à 8,739 milliards d'euros, soit une hausse de 196,5 millions d'euros.

Ces chiffres sont équivalents à ceux prévus par la programmation budgétaire de la proposition de loi n° 641 d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, qui prévoit pour l'année 2018 une augmentation globale de 190,5 millions d'euros des crédits de paiement.

En revanche, il est notable de constater que, dans le projet de loi de finances pour 2018, tous les crédits de paiement des programmes de la mission augmentent, à l'exception de ceux de l'administration pénitentiaire, qui diminuent de 1,55 %, soit 56 millions d'euros. Cette baisse s'explique, selon les informations disponibles à ce jour, par le très fort recul des dépenses d'intervention du programme 12 ( * ) , qui correspondent essentiellement au subventionnement d'associations, ainsi qu'au recul des dépenses d'investissement 13 ( * ) .

Les autres programmes augmentent tous sensiblement, les crédits dédiés aux juridictions judiciaires augmentant de 3,96 %, soit près de 131 millions d'euros.

Vos rapporteurs rappellent toutefois que ces orientations pluriannuelles sont « par nature non juridiquement contraignantes, en particulier vis-à-vis des lois de finances » 14 ( * ) . Le caractère non contraignant de ces orientations a d'ailleurs été affirmé par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 sur la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 15 ( * ) .

Lors des auditions menées par vos rapporteurs, certaines personnes entendues ont en outre pu regretter que l'effort budgétaire nécessaire pour intégrer le plan de construction de 15 000 places de prison, résultant de la proposition n° 123 du rapport d'information précité, ait conduit à augmenter proportionnellement davantage le budget de l'administration pénitentiaire (+ 46,14 %) que celui des juridictions judiciaires (+ 15,93 %) sur cinq ans, amplifiant le phénomène déjà observé ces dernières années.

Vos rapporteurs relèvent, à ce sujet, la convergence de l'objectif de la proposition de loi avec celui fixé par le Président de la République en la matière, et rappellent que les crédits dédiés aux différents programmes intègrent les mesures et réformes préconisées et chiffrées par le rapport d'information précité.

Ainsi, à titre d'illustration, pour le programme dédié aux juridictions judiciaires, aux côtés des mesures relatives aux emplois décrites à l'article 3 de la proposition de loi, figurent des crédits destinés à augmenter le budget de fonctionnement courant des juridictions et celui de l'immobilier judiciaire. Le programme correspondant à la conduite et au pilotage de la politique de la justice comprend, quant à lui, une hausse du budget dédié à l'informatique et au numérique, indispensable à l'amélioration du fonctionnement des juridictions. Quant au programme de l'administration pénitentiaire, s'il comprend les crédits d'investissement destinés à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, il inclut également des crédits destinés à remettre à niveau les moyens de fonctionnement et la maintenance du parc immobilier pénitentiaire actuel.

Vos rapporteurs tiennent à souligner l'importance de cette programmation pluriannuelle des crédits de la justice, dans le calendrier budgétaire tel qu'il se présente au moment de l'examen de la présente proposition de loi.

En effet, dans sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, le mardi 4 juillet 2017, le Premier ministre a annoncé la présentation, « dès 2018, [d'] une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice », laquelle « permettra à la garde des sceaux d'engager un vaste mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation ».

Or, la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques 2018-2022, bien que les crédits ne soient présentés que jusqu'en 2020, est prévue au mois de novembre 2017. Un tel calendrier réduit ainsi nettement l'intérêt de la discussion en 2018 d'une loi de programmation des moyens de la justice, s'agissant de son volet de programmation budgétaire, après l'adoption de la loi de programmation des finances publiques fin 2017.

En effet, si le Parlement se prononce fin 2017 sur la programmation des finances publiques jusqu'en 2022, il est peu probable que les plafonds de crédits par mission ainsi votés soient remis en cause quelques mois plus tard, à l'occasion de la discussion de la loi de programmation des moyens de la justice.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 3 - Programmation de la progression des emplois de la mission « Justice » et de ses programmes sur la période 2018-2022

L'article 3 de la proposition de loi a pour objet de prévoir la programmation sur cinq années, à compter de 2018, de la progression des emplois de la mission « Justice », pour atteindre un plafond de 96 954 emplois en 2022.

Il traduit ainsi la proposition n° 126 du rapport d'information précité, et l'ensemble des autres propositions du rapport qui impliquent de revoir le schéma d'emplois du ministère.

Les emplois au sein de la mission « Justice »
dans le projet de loi de finances pour 2018

Les crédits supplémentaires prévus pour la mission « Justice » 16 ( * ) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, ont notamment vocation à financer la création de 1.753 nouveaux emplois 17 ( * ) , dont 579 dans les juridictions judiciaires et 1.029 dans l'administration pénitentiaire. Cet objectif est toutefois moindre que celui de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, qui prévoyait la création de 2 531 emplois, bien que cet écart soit essentiellement dû à un mode de calcul différent, puisque la proposition de loi ne prévoit pas de baisser d'autres dépenses par ailleurs.

Cette programmation décline en emplois les augmentations de crédits budgétaires telles qu'elles résultent de la programmation prévue à l'article 2 de la proposition de loi.

Ainsi, pour les juridictions judiciaires, la programmation vise notamment à combler les vacances de postes des magistrats (500 postes) et des greffiers (900 postes) sur cinq ans, mais aussi à prévoir la création de 100 postes de greffiers assistants de magistrats et de 300 postes de juristes assistants destinés à renforcer l'équipe du juge. Le renforcement des effectifs à la disposition des chefs de cour et de juridiction, dont le manque criant a été dénoncé dans le rapport d'information précité, est également prévu (200 postes de catégories A et B).

Les emplois créés dans l'administration pénitentiaire ont également pour objet de combler les vacances de postes de surveillants pénitentiaires d'ici cinq ans (1.500 postes), mais également d'accompagner la création de nouveaux établissements pénitentiaires (8.000 postes de surveillants) et de renforcer les services d'insertion et de probation (500 postes), de façon notamment à mettre en oeuvre les dispositions prévues à l'article 28 de la proposition de loi relatives au suivi socio-judiciaire. Des emplois sont également prévus pour renforcer les équipes du secrétariat général de la chancellerie, en particulier en matière informatique.

Si vos rapporteurs saluent l'ambition de cette programmation destinée à produire un effort majeur de rattrapage, ils tiennent toutefois à alerter votre commission sur le risque de sous-exécution du plafond d'emplois. Notre collègue Yves Détraigne, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Justice », l'a encore regretté dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2017 18 ( * ) . D'ailleurs, lors des auditions de vos rapporteurs, la chancellerie a fait part des difficultés de recrutement rencontrées par l'administration pénitentiaire, du fait notamment du manque d'attractivité du métier de surveillant pénitentiaire, confirmant les inquiétudes de vos rapporteurs.

En conséquence, votre commission indique, suivant l'analyse de ses rapporteurs, que la plus grande attention devra donc être portée à la bonne exécution du schéma de création d'emplois, dont dépend en grande partie la conduite des réformes de structure figurant dans la présente proposition de loi d'orientation et de programmation.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

Article 4 - Programmation de la progression du nombre des conciliateurs de justice sur la période 2018-2022

L'article 4 de la proposition de loi a pour objet de programmer la progression du nombre de conciliateurs de justice pour la période 2018-2022. Il traduit ainsi la proposition n° 64 du rapport d'information précité.

Il prévoit ainsi le recrutement de 1 500 conciliateurs de justice supplémentaires entre 2018 et 2022, pour atteindre le nombre de 3 420 au terme de cette même période, eu égard au renforcement de leur rôle et de leurs missions prévu par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle et à l'article 12 de la proposition de loi.

Lors de leur audition par vos rapporteurs, les représentants des conciliateurs de justice ont fait part de leur satisfaction devant cette ambition, bien qu'elle puisse se heurter aux difficultés de recrutement, en raison notamment de la faiblesse des moyens accordés aux conciliateurs pour accomplir, à titre bénévole, leur mission.

Vos rapporteurs soulignent que cet aspect a bien été pris en compte dans la programmation budgétaire, puisqu'ont été intégrés des crédits destinés, d'une part, à augmenter le forfait de prise en charge des frais engagés par les conciliateurs de justice et, d'autre part, à acquérir le matériel informatique nécessaire à l'accomplissement de leur mission.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5 - Rapport annuel au Parlement sur l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice

L'article 5 de la proposition de loi a pour objet de prévoir, pour toute la durée de la programmation, la remise d'un rapport annuel au Parlement, préalablement au débat d'orientation budgétaire, sur l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice.

Une disposition similaire figurait dans la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, afin d'assurer le suivi de l'exécution de la loi de programmation.

Autant votre commission se prononce en général défavorablement, par principe, aux demandes de rapports au Gouvernement si elles ne sont pas suffisamment étayées, autant, dans ce cas, la remise de rapports annuels lui semble indispensable, tant les chantiers sont majeurs, d'une part, et dans un souci de bonne gestion des deniers publics, d'autre part.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

CHAPITRE II - MODERNISER LE SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE EN INNOVANT ET EN MAÎTRISANT LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Article 6 (art. L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire et art. L. 10 du code de justice administrative) - Renforcement du cadre juridique de la mise à disposition du public des décisions de justice

L'article 6 de la proposition de loi vise à renforcer le cadre juridique de la mise à disposition du public des décisions de justice. Il traduit ainsi la proposition n° 43 du rapport d'information précité.

Les auditions de vos rapporteurs ont confirmé que le dispositif de mise à disposition des décisions de justice, instauré par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique au nom du principe d'ouverture des données publiques, continue à susciter des critiques et des inquiétudes . Celles-ci portent en particulier sur l' anonymisation des noms des magistrats et des avocats , au vu du risque de diffusion de statistiques quantitatives individualisées sur le profil de jugement pour les premiers et le taux de réussite pour les seconds .

Sur ce point, la rédaction en vigueur des deux articles L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire et L. 10 du code de justice administrative n'apporte pas de garanties suffisantes, car elle se borne à prévoir que « les décisions rendues par les juridictions (...) sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées » et que « cette mise à disposition du public est précédée d'une analyse du risque de ré-identification des personnes » : la notion de personnes concernées n'englobe pas les magistrats, greffiers et avocats qui concourent à la décision de justice. L'enjeu de protection des données personnelles et de la vie privée dépasse les seuls justiciables.

Un décret en Conseil d'État, dont l'élaboration a donné lieu à la mise en place d'un groupe de travail à la chancellerie sous l'égide du professeur Loïc Cadiet, doit préciser les conditions d'application de ce dispositif. Il ne saurait surmonter les difficultés que pose la rédaction de la loi.

Outre le risque de « forum shopping » résultant de la connaissance des profils des juges ou des tribunaux, vos rapporteurs y voient, comme l'auteur de la proposition de loi, un risque d'atteinte à la liberté d'appréciation du magistrat et à l'impartialité des juridictions . Votre commission a approuvé en conséquence la rédaction plus rigoureuse du dispositif ainsi proposée, selon laquelle « les modalités de cette mise à disposition préviennent tout risque de ré-identification des magistrats, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d'atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions ».

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a également tenu à préciser que les greffiers , dont les noms figurent sur les jugements, doivent aussi, à l'instar des magistrats et des avocats, être protégés du risque de ré-identification, en adoptant en ce sens un amendement COM-7 .

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. 66-1-1 [nouveau] de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) - Fixation d'un cadre juridique pour les sites internet de prestations juridiques et d'aide à la saisine de la justice

L'article 7 de la proposition de loi tend à fixer un cadre juridique plus précis pour les sites internet de prestations juridiques et d'aide à la saisine de la justice, en renforçant les garanties pour les justiciables. Il traduit ainsi la proposition n° 45 du rapport d'information précité.

L'exposé des motifs de la proposition de loi indique que l'objectif de cette disposition est de favoriser « la complémentarité entre ces nouveaux acteurs numériques, qui apportent un service utile et répondent à un besoin de simplicité, et les acteurs traditionnels du droit ». Ces nouveaux acteurs numériques du droit - dont certains ont été entendus dans le cadre de la mission d'information et qui sont parfois accusés d'être des « braconniers » du droit - sont à l'origine d'une forme de concurrence nouvelle avec les avocats, sans présenter les mêmes garanties de protection et de déontologie. Si la profession d'avocat a d'ailleurs cherché à empêcher le développement de ces pratiques, par la voie judiciaire, la Cour de cassation n'y a pas vu d'exercice illicite de la profession d'avocat 19 ( * ) , autorisant ainsi la poursuite de telles activités.

Certains de ces nouveaux acteurs numériques travaillent avec des avocats, internalisant de ce fait les règles propres à la profession, tandis que d'autres diffusent des informations juridiques, se développent sur le champ des contentieux sans représentation obligatoire et commercialisent des outils et formulaires d'aide à la saisine de la justice sans protection suffisante pour les justiciables. Par définition, ces acteurs ne peuvent pas délivrer de conseil individuel sur la pertinence d'une action en justice, de sorte que les justiciables ne sont pas toujours conscients des enjeux et des conséquences d'une telle action.

Pour ces raisons, la mise en place d'un tel dispositif d'encadrement a été approuvée lors des auditions de vos rapporteurs. Le débat ne doit pas uniquement porter sur la question de la concurrence potentielle avec les avocats - nombre d'avocats estiment d'ailleurs que ces nouveaux acteurs ont un rôle complémentaire, car ils n'offrent pas le même type de prestations et s'adressent à des justiciables qui n'iraient pas forcément consulter un avocat en raison du coût que cela représente -, mais doit se concentrer, selon vos rapporteurs, sur la protection des justiciables ayant recours à ces nouvelles prestations juridiques .

Ainsi, l'article 7 de la proposition de loi met en place des obligations d'information préalable du public et de déontologie, qui seraient définies par un décret en Conseil d'État, pour « les personnes proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne fournissant des prestations d'information et de renseignement en matière juridique ou d'aide à la saisine des juridictions ». La proposition de loi introduit de façon pertinente ces dispositions au sein du chapitre II du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui encadre la consultation juridique.

Ces nouvelles obligations seraient pénalement sanctionnées, par une peine d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende 20 ( * ) , reprenant les sanctions prévues par l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique en cas de manquement à certaines obligations légales de la part de prestataires de services de communication au public en ligne. L'instauration d'une sanction pénale semble adaptée à vos rapporteurs, dès lors que l'objectif ainsi recherché de protection des justiciables relève de l'intérêt général. L'engagement de la responsabilité civile du prestataire ne permettrait pas d'atteindre cet objectif.

De façon superflue, la proposition de loi indique que ces prestataires ne peuvent réaliser, de quelque manière que ce soit, aucun acte d'assistance ou de représentation sans recourir à un avocat. En effet, l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée dispose déjà que « nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit » et l'exercice illicite de ces actes est déjà puni par l'article 72 de la même loi d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Pour autant, une telle disposition semble de nature à apaiser les inquiétudes de la profession.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 8 (art. 4-2 et 4-3 [nouveaux] de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) - Fixation d'un cadre juridique pour les dispositifs de règlement alternatif des litiges en ligne et création d'un service public gratuit en ligne d'aide à la résolution amiable des litiges

Comparable à l'article 7, l'article 8 de la proposition de loi tend à fixer un cadre juridique plus précis pour les services en ligne de règlement amiable des litiges. Il tend également à instaurer un service public gratuit en ligne d'aide à la résolution amiable des litiges, sous l'égide du ministère de la justice, dans le contexte du développement du commerce électronique. Il traduit ainsi la proposition n° 46 du rapport d'information précité.

Cet article tend à créer des obligations d'information préalable, d'impartialité, de compétence, de diligence et, sauf accord contraire des parties, de confidentialité pour encadrer l'activité des « personnes proposant, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne fournissant des prestations d'aide à la résolution amiable des litiges ». Des plates-formes et des opérateurs privés sur internet fournissent ce type de service. Ces obligations devront être précisées par un décret en Conseil d'État.

Le manquement à ces obligations serait puni des mêmes sanctions pénales que celles prévues à l'article 7 de la proposition de loi.

Là encore, l'objectif d'intérêt général ainsi recherché est celui de la protection des justiciables et des clients de ce type de service : il relève bien de l'intérêt général. Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, il s'agit aussi, par ce cadre plus sûr, de permettre « le développement du règlement alternatif des litiges en ligne (...) en complément des modes alternatifs de règlement des litiges plus traditionnels, à l'instar de la conciliation ou, dans le domaine de la consommation, de la médiation », dans le souci général du développement des modes alternatifs de règlement pour les petits litiges de la vie courante.

Le développement de tels outils sur internet suppose un niveau de garanties suffisant pour les personnes qui y ont recours . À ces conditions, ils peuvent apporter, comme les conciliateurs, une réponse plus simple, plus rapide et moins coûteuse que la justice, sans encombrer les juridictions.

En revanche, les représentants de la chancellerie entendus par vos rapporteurs se sont interrogés sur l'utilité de créer un service public gratuit en ligne d'aide à la résolution amiable des litiges, alors que les représentants des conciliateurs de justice y ont apporté leur soutien, compte tenu des services en ligne qu'ils cherchent déjà à développer. Vos rapporteurs considèrent qu'un tel dispositif public doit permettre, en cas de litige en matière de commerce électronique, de bénéficier d'un dispositif d'aide à la résolution du litige qui ne dépende pas du vendeur ou de la plate-forme sur laquelle la vente a été réalisée, mais s'appuie, notamment, sur des conciliateurs indépendants.

Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .

Article 9 (art. L. 421-7-1 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire) - Attribution à la Cour de cassation d'un rôle de surveillance des différentes utilisations des données judiciaires mises à la disposition du public

L'article 9 de la proposition de loi tend à confier au premier président de la Cour de cassation la mission de veiller à ce que la réutilisation des données figurant dans les décisions de justice mises à disposition du public « favorise l'harmonisation des jurisprudences, prévienne le contentieux en matière civile, contribue à améliorer la qualité des décisions de justice et ne porte pas atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions ». Il traduit ainsi les propositions n os 47 à 49 du rapport d'information précité.

Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, il s'agit de permettre « le développement régulé de l'exploitation des données judiciaires (...) au service du bon fonctionnement de la justice » et de prévenir les risques de dérive liés à la notion de « justice prédictive ». Sur ce point, vos rapporteurs renvoient aux développements importants que lui consacre le rapport de la mission d'information. Mis au service de l'intérêt général, de tels outils pourraient contribuer à prévenir le contentieux en matière civile ainsi qu'à renforcer la prévisibilité et la qualité des décisions de justice. L'exposé des motifs est clair : « la liberté d'appréciation des magistrats doit rester entière ».

Si le caractère législatif de cette disposition ne paraît pas assuré à vos rapporteurs, ils observent cependant qu'une telle mission présente un lien avec l'encadrement par la loi de l'« open data » des décisions de justice, ainsi qu'avec la mission traditionnelle de la Cour de cassation en matière de diffusion et d'harmonisation de la jurisprudence. Dans l'exercice de cette mission, il appartiendra au premier président de favoriser la coordination des différents acteurs publics et privés.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-8 prévoyant que le procureur général près la Cour de cassation, au même titre que son premier président, veille également au développement maîtrisé de l'exploitation des données judiciaires. En effet, dès lors que cette mission particulière s'inscrit dans les missions générales de la Cour de cassation, il y a lieu d'impliquer le procureur général également.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

CHAPITRE III - RENDRE L'INSTITUTION JUDICIAIRE PLUS PROCHE DES CITOYENS

Section 1 - Créer le tribunal départemental unique de première instance
Article 10 (art. L. 121-1, L. 121-4, L. 122-1, L. 122-2, L. 123-1, L. 123-4, L. 211-1, L. 211-2, L. 211-3, L. 211-4, L. 211-4-2 et L. 211-4-3 [nouveaux], L. 211-5, L. 211-6, L. 211-7, L. 211-8, L. 211-9-2, L. 211-10, L. 211-11, L. 211-11-1, L. 211-12, L. 211-13, L. 211-14, L. 212-1, L. 212-2, L. 212-3, L. 212-4, L. 212-6, L. 212-7 [nouveau], L. 213-1, L. 213-2, L. 213-3, L. 213-4, L. 213-4-1 [nouveau], L. 213-5, L. 213-7, L. 213-9, L. 214-1, L. 214-2, L. 215-1, L. 215-2, L. 215-3 à L. 215-6 [nouveaux], L. 216-1, L. 216-2, L. 217-1 et L. 217-2 du code de l'organisation judiciaire et art. L. 621-2, L. 722-4, L. 722-7, L. 722-10, L. 731-1, L. 731-2, L. 731-3, L. 732-3, L. 732-4, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-8, L. 743-9, L. 743-10 et L. 744-1 du code de commerce) - Création du tribunal de première instance, en principe départemental, regroupant le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance et doté de plusieurs sites sous forme de chambres détachées

L'article 10 de la proposition de loi tend à instaurer un tribunal de première instance unique, en principe départemental, regroupant le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, comportant plusieurs sites, sous forme de chambres détachées en dehors de son siège, et s'appuyant sur le service d'accueil unique du justiciable. Il traduit ainsi les propositions n os 51 à 54 du rapport d'information précité.

La proposition de loi maintient à l'écart de cette nouvelle juridiction le conseil de prud'hommes et le tribunal de commerce, solution à laquelle souscrit votre commission, même si vos rapporteurs estiment que la question du rattachement du greffe du conseil de prud'hommes à celui du tribunal de première instance aurait légitimement pu être discutée.

La proposition de loi prévoit la création du tribunal de première instance à une date fixée par décret, au plus tard au 1 er janvier 2022, cette date pouvant varier selon les départements.

L'exposé des motifs souligne que le tribunal de première instance repose sur « la notion de taille efficiente de juridiction, largement partagée par les acteurs du monde judiciaire » et « ne doit pas être conçu comme une réforme organisationnelle, à visée uniquement gestionnaire, destinée à mutualiser la pénurie actuelle de moyens humains et matériels, ou comme une nouvelle étape de rationalisation de la carte judiciaire ». Il postule que la mise en place de ce tribunal de première instance, progressive en fonction du rythme de comblement des vacances de postes de magistrats et de greffiers selon les départements, doit se faire, sauf exception, avec le maintien des implantations judiciaires actuelles, ce qui permettrait d'ailleurs de limiter les difficultés immobilières. Cette nouvelle organisation territoriale suppose également l'aboutissement de la mise à niveau de l'informatique judiciaire civile, avec le projet Portalis .

L'exposé des motifs présente cette nouvelle juridiction « comme un mode d'organisation qui doit permettre de rapprocher l'institution judiciaire du justiciable, s'agissant du contentieux civil et pénal appelant un traitement dans la proximité ». En effet, outre le contentieux actuel du tribunal d'instance, les chambres détachées pourraient aussi connaître du contentieux des affaires familiales et, éventuellement, d'autres contentieux du tribunal de grande instance qui peuvent appeler un traitement dans la proximité. Par rapport à la situation actuelle, à carte judiciaire inchangée, la proximité se trouverait indéniablement renforcée, de même que la simplicité d'accès et la lisibilité du système judiciaire pour le justiciable .

L'article 10 de la proposition de loi précise que le socle minimal de compétences des chambres détachées serait fixé par décret en Conseil d'État et que des compétences supplémentaires pourraient être attribuées, au cas par cas, sur décision conjointe des chefs de cour, sur proposition conjointe des chefs de juridiction.

La notion de taille efficiente repose sur la double constatation du mauvais fonctionnement tant des juridictions de trop petite, en raison d'un nombre insuffisant de magistrats pour assurer l'activité juridictionnelle de manière efficace, en particulier pour les contentieux spécialisés mais aussi pour l'organisation générale de la juridiction (incompatibilités, exercice de toutes les fonctions spécialisées...), que des juridictions de trop grande taille, en raison de lourdeurs de gestion et de la charge de l'activité juridictionnelle.

Le tribunal départemental unique de première instance permettrait de répondre aux difficultés d'organisation et de fonctionnement des petites juridictions lorsqu'elles sont plusieurs dans un même département. En revanche, dans les départements faiblement peuplés dotés d'un seul tribunal de grande instance, il conduirait simplement à regrouper les effectifs du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance, ce qui devrait néanmoins permettre un fonctionnement plus optimal, en décloisonnant les effectifs.

Pour les départements les plus peuplés, la formule du tribunal départemental unique n'étant pas la plus pertinente au regard de la notion de taille efficiente, la proposition de loi précise, par dérogation, qu'un même département peut comporter deux tribunaux « lorsque son importance démographique ou sa configuration géographique le justifie ».

S'agissant des nombreux arguments pratiques en faveur du tribunal de première instance et de l'historique du concept, vos rapporteurs renvoient aux abondants développements du rapport de la mission d'information. Ils signalement notamment la cohérence accrue qui en résulterait entre l'action du procureur de la République et celle du préfet et des services de l'État, tous organisés à l'échelon départemental.

Vos rapporteurs rappellent aussi les fortes réserves voire l'hostilité
- pas systématique néanmoins - des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires, ainsi que l'adhésion des conférences de chefs de cour et de juridiction. L'idée de tribunal de première instance, regroupant l'ensemble des juridictions de première instance, avait déjà été approfondie lors des travaux préparatoires à l'élaboration de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, sans pour autant être retenue par le Gouvernement.

À cet égard, vos rapporteurs rappellent que les tribunaux de grande instance, à la date du 1 er janvier 2019, devront absorber le contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité, supprimés par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 précitée, au sein de chambres spécialisées échevinées.

En outre, l'article 10 de la proposition de loi est à lire en lien avec son article 17, lequel instaure un dispositif pérenne d'évaluation périodique des sites et ressorts judiciaires devant permettre, notamment, de faire évoluer l'implantation des chambres détachées des tribunaux de première instance par la création ou la suppression de chambres en fonction des évolutions locales et des besoins de proximité des justiciables. Il est plus simple de créer ou supprimer une chambre détachée, sous réserve toutefois des aspects immobiliers, que de créer ou supprimer une juridiction.

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification .

Article 11 (art. L. 121-3 et L. 123-1-1 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire) - Garanties statutaires pour les magistrats et les personnels de greffe dans le cadre du tribunal de première instance

L'article 11 de la proposition de loi a pour objet de prévoir, dans le cadre de la mise en place du tribunal de première instance, des garanties pour les magistrats et pour les personnels de greffe. Il traduit ainsi les propositions n os 56 et 57 du rapport d'information précité.

D'une part, s'agissant de l'affectation des magistrats du siège, la proposition de loi maintient le mécanisme de l'ordonnance de roulement du président du tribunal, prise après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège, pour une affectation au siège du tribunal ou dans une chambre détachée, pour un service complet ou partagé entre les deux.

D'autre part, s'agissant des personnels de greffe, la proposition de loi apporte une garantie de localisation de l'emploi, soit au siège du tribunal, soit dans une chambre détachée. L'enjeu de stabilité géographique apparaît effectivement plus important, selon vos rapporteurs, pour les fonctionnaires, lesquels ne sont pas soumis à des obligations statutaires de mobilité. Le texte permet le changement d'affectation entre le siège et une chambre détachée, sur décision conjointe des chefs de juridiction, prise après avis du directeur de greffe, pour nécessité de service et pour une durée limitée. Le rapport annexé à la proposition de loi précise que ce système de délégation rénové et adapté à la nouvelle organisation juridictionnelle de première instance devra « comporter un accompagnement indemnitaire », lequel ressort de la compétence du pouvoir réglementaire.

Vos rapporteurs rappellent l'expérience intéressante de la chambre détachée du tribunal de grande instance d'Agen à Marmande, qui semble fonctionner de façon satisfaisante, dans les limites actuelles du dispositif, en remplacement de l'ancien tribunal de grande instance de Marmande. Cette expérience est présentée dans le rapport de la mission d'information comme une illustration, certes plus circonscrite, de ce que pourrait être une chambre détachée dans un tribunal de première instance, dotée d'effectifs permanents de personnels de greffe ainsi que d'effectifs de magistrats, pour un service complet ou partiel, en fonction de l'activité contentieuse civile et pénale.

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification .

Section 2 - Renforcer la conciliation
Article 12 (art. 4-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) - Renforcement du rôle des conciliateurs de justice

L'article 12 de la proposition de loi vise à renforcer les effets de la conciliation menée par les conciliateurs de justice en donnant, d'une part, force exécutoire aux accords trouvés dans ce cadre et en prévoyant, d'autre part, qu'en cas d'échec de la conciliation, et dans l'hypothèse où les parties envisageraient de poursuivre la procédure judiciaire, le conciliateur transmettrait au juge une proposition de règlement du litige. Il traduit ainsi la proposition n° 63 du rapport d'information précité.

• La force exécutoire donnée aux accords de conciliation

Le dispositif prévu par cet article permet de donner force exécutoire au procès-verbal de conciliation, dressé par le conciliateur de justice, dès lors qu'il serait déposé au greffe du tribunal. Ce procès-verbal serait ensuite notifié aux parties.

Actuellement, pour être revêtu de la force exécutoire, l'accord issu de la conciliation doit faire l'objet d'une homologation par le juge, dans les conditions prévues à l'article 131 du code de procédure civile s'il s'agit d'une conciliation déléguée par le juge au conciliateur de justice, et à l'article 1541 du même code dans l'hypothèse où la conciliation par le conciliateur est d'origine conventionnelle. L'accord se voit alors apposer par le greffe la formule exécutoire 21 ( * ) . Il constitue ainsi un titre exécutoire au sens du 1° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution 22 ( * ) .

Entendus par vos rapporteurs, les représentants des conciliateurs de justice se sont montrés favorables à cette évolution de leurs missions, estimant qu'il en découlerait une simplification de la procédure pour les parties et un allègement du rôle des juridictions grâce à la suppression de l'homologation. Ils ont cependant souligné la nécessité, en contrepartie de l'extension de leur pouvoir et, parallèlement, de leur responsabilité, de renforcer la formation qui leur est dispensée, alors même que l'École nationale de la magistrature est déjà très sollicitée suite au recrutement de 200 nouveaux conciliateurs de justice, dans le cadre du plan de recrutement lancé par le ministère de la justice, après l'adoption de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

Cependant, plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs se sont montrées pour le moins réservées à l'idée de donner force exécutoire aux accords de conciliation.

Comme l'ont souligné les représentants des services de la chancellerie, la force exécutoire est un démembrement de la puissance publique. Le pouvoir de la conférer est donc attribué de manière très restrictive, aux magistrats et aux officiers ministériels.

Certes, à compter du 1 er avril 2018, en application de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale, le directeur d'un organisme débiteur des prestations familiales pourra donner force exécutoire à l'accord par lequel des parents qui mettent fin à leur vie en concubinage, ou qui ont procédé à une dissolution du pacte civil de solidarité qui les liait, fixent le montant de la contribution de chacun à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Mais cette procédure est strictement encadrée et elle ne portera que sur un domaine très limité.

En raison de l'absence de véritable statut des conciliateurs de justice, de règles déontologiques précises encadrant leurs activités, ou encore en raison de l'absence de régime de responsabilité qui leur serait applicable en cas de faute, il est apparu prématuré à vos rapporteurs d'envisager de leur confier un tel pouvoir.

Par ailleurs, comme l'ont fait valoir les représentants de la profession d'avocat, lors de leur audition, il n'y a pas de justification à conférer force exécutoire aux accords dégagés par les conciliateurs de justice et à la refuser aux actes contresignés par les avocats 23 ( * ) qui peuvent également intervenir au titre d'un processus de conciliation ou de médiation 24 ( * ) .

Or, aussi légitime soit-elle, cette revendication de la profession d'avocat, qui n'est pas nouvelle 25 ( * ) , emporte un certain nombre de conséquences. En effet, si les conciliateurs de justice n'interviennent qu'en matière de petits litiges du quotidien, il n'en va pas de même des avocats, appelés à assurer des missions de médiation en toutes matières, comme par exemple en matière familiale ou pour des litiges aux enjeux économiques substantiels. Soustraire l'ensemble de ces affaires à l'homologation du juge irait au-delà de l'objet de la proposition de loi.

Par ailleurs, conférer force exécutoire à l'acte d'avocat remettrait en cause la procédure sans juge de divorce par consentement mutuel, telle qu'elle résulte de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle. De fait, si l'acte contresigné par avocats était revêtu de la force exécutoire, il ne serait plus nécessaire qu'il fût déposé au rang des minutes d'un notaire, comme le prévoit actuellement l'article 229 du code civil.

Sans être opposés sur le fond à une telle évolution, vos rapporteurs estiment que la question de la force de l'acte d'avocat mérite une réflexion d'ampleur qui n'a pas été menée dans le cadre des travaux sur le redressement de la justice et qui semble trouver toute sa place dans les chantiers de réflexion ouverts par Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, qui devraient aborder la question du développement des modes alternatifs de règlement des litiges.

Pour l'ensemble de ces raisons, à l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-9 supprimant l'octroi de la force exécutoire aux procès-verbaux de conciliation dressés par les conciliateurs de justice.

• La proposition de règlement du litige faite par le conciliateur au juge

L'article 12 de la proposition de loi prévoit, en cas d'échec de la conciliation, la transmission au juge par le conciliateur de justice d'une proposition de règlement du litige.

Pour répondre aux craintes qui avaient été exprimées par les représentants des conciliateurs de justice dans le cadre des travaux de la mission d'information sur le redressement de la justice, cette proposition devrait respecter le secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation.

Le juge aurait alors la possibilité d'avaliser directement cette proposition sans appeler les parties à l'audience, à moins qu'elles demandent à être entendues.

L'objectif de cette disposition est de mettre à profit le travail objectif réalisé par le conciliateur, qui a rencontré les parties et s'est rendu sur place le cas échéant. Ainsi, le juge n'aurait pas à refaire ce travail.

Lors de leur audition, les représentants des conciliateurs de justice ont, cette fois, fait part à vos rapporteurs de leur opposition à cette disposition, estimant qu'elle risquait de changer fondamentalement la philosophie de la conciliation, fondée sur l'accompagnement des parties dans la recherche d'un accord, et non pas sur la proposition d'une solution par un conciliateur arbitre.

Soucieux de prendre en considération ces fortes réticences, vos rapporteurs ont proposé de limiter les hypothèses dans lesquelles les conciliateurs de justice pourraient être amenés à proposer une solution au juge. Seules les hypothèses dans lesquelles la conciliation a été demandée par le juge lui-même seraient concernées. Il s'agirait des hypothèses de conciliation menées dans le cadre de l'article 129-2 du code de procédure civile, qui dispose que « lorsque le juge, en vertu d'une disposition particulière, délègue sa mission de conciliation, il désigne un conciliateur de justice à cet effet, fixe la durée de sa mission et indique la date à laquelle l'affaire sera rappelée ».

A contrario , toutes les fois où la conciliation aura été engagée à l'initiative des parties, c'est-à-dire dans la plupart des procédures de conciliation 26 ( * ) , ou toutes les fois où la tentative de conciliation relèvera d'un préalable obligatoire à la saisine du juge, le conciliateur n'aura pas à adresser, au juge saisi, de proposition de règlement du litige.

Suivant ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-10 limitant ainsi le champ d'application du dispositif.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (intitulé du chapitre III bis du titre II du livre Ier, art. L. 123-4 et L. 123-5 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire, art. 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative) - Accomplissement de missions de conciliation par des « délégués du juge », recrutés sous le statut de juristes assistants

L'article 13 de la proposition de loi tend à compléter l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire pour permettre aux juges chargés des contentieux de proximité d'être assistés de « délégués du juge », recrutés sous le statut de juristes assistants, auxquels ils pourraient confier des missions de conciliation et, en cas d'échec de celle-ci, qui seraient compétents pour rédiger un projet de jugement sous leur contrôle. Il traduit ainsi la proposition n° 65 du rapport d'information précité.

Il entre en effet dans les fonctions premières du juge d'instance, héritier en cela des anciennes justices de paix, de tenter de concilier les parties avant de trancher le litige. L'article 829 du code de procédure civile dispose ainsi que toute demande en justice est formée « à fin de conciliation et, à défaut, de jugement ».

En renforçant encore l'équipe du magistrat grâce aux « délégués du juge », vos rapporteurs estiment que la mise en oeuvre de cette mission légale serait améliorée, car les magistrats n'ont pas toujours le temps de concilier les parties et les conciliateurs de justice ont vu leur champ d'intervention s'étendre substantiellement depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, alors même que leurs effectifs n'ont pas augmenté en conséquence.

Pour répondre à la crainte exprimée par les représentants de la direction des services judiciaire, lors de leur audition par vos rapporteurs, votre commission a adopté, à l'initiative de ces derniers, un amendement COM-11 précisant que le juge ne peut déléguer qu'« une » mission de conciliation, dans le cadre d'affaires ponctuelles, et non pas « sa » mission générale de conciliation. En tout état de cause, dans l'exercice de ces missions de conciliation, le « délégué du juge » demeurerait sous le contrôle de ce dernier.

Le choix de confier ces missions à des juristes assistants a semblé par ailleurs tout à fait pertinent à vos rapporteurs. En effet, si les conditions de recrutement de ces juristes 27 ( * ) permettent de sélectionner des profils spécialisés, appelés à intervenir auprès des magistrats qui traitent certains contentieux bien spécifiques, elles permettent également de recruter des juristes de terrain, compétents pour connaître des contentieux de proximité, lesquels sont parfois extrêmement techniques.

Ces « délégués du juge » pourraient également être issus du corps des greffiers. À cet égard, il faudra envisager une modification des dispositions réglementaires qui régissent le statut des greffiers 28 ( * ) .

En outre, l'article 13 de la proposition de loi introduit un nouvel article L. 123-5 dans le code de l'organisation judiciaire qui n'est que la reprise, quasiment in extenso, de l'article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, à l'exception de la référence aux tribunaux d'instance, qui serait remplacée par la référence aux tribunaux de première instance.

L'objectif de cette codification est de regrouper, dans un même texte, les dispositions relatives aux personnels contractuels appelés à faire partie de l'équipe du magistrat.

Une précision a cependant été ajoutée par rapport à l'ancienne rédaction selon laquelle ces assistants de justice seraient nommés « à temps partiel ». Actuellement, la durée du travail des assistants de justice est seulement fixée par décret 29 ( * ) . Le nombre de vacations horaires allouées à un même bénéficiaire ne peut excéder 80 par mois dans la limite de 720 par an.

Cette précision a été introduite par parallélisme avec l'article L. 123-4, relatif au statut des juristes assistants, qui prévoit qu'ils sont recrutés « à temps partiel ou complet ».

Vos rapporteurs estiment néanmoins peu pertinent de fixer dans la loi cette limitation du temps de travail des assistants de justice. En cas de besoin plus importants des juridictions, un décret serait en effet plus facile à modifier qu'une loi. Cette précision crée donc une rigidité inutile.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a donc adopté un amendement COM-12 supprimant la référence au recrutement à temps partiel des assistants de justice.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

CHAPITRE IV - AMÉLIORER L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS EN PREMIÈRE INSTANCE ET EN APPEL

Section 1 - Étendre la compétence des tribunaux de commerce
Article 14 (art. L. 713-7, L. 713-11 et L. 723-4 du code de commerce) - Extension du corps électoral des tribunaux de commerce aux agriculteurs et professionnels libéraux

L'article 14 de la proposition de loi tend à élargir le corps électoral des juges consulaires aux agriculteurs et professionnels libéraux, y compris membres des professions réglementées, par cohérence avec l'extension de la compétence rationae personae des tribunaux de commerce à l'ensemble des entreprises, prévue à l'article 15 de la proposition de loi. Il traduit ainsi la proposition n° 60 du rapport d'information précité.

En effet, même si, avant la réforme adoptée, à l'initiative du Sénat, dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, le tribunal de commerce a pu connaître des difficultés des entreprises artisanales alors que les ressortissants du répertoire des métiers ne participaient pas au scrutin indirect pour l'élection des juges consulaires, vos rapporteurs jugent nécessaire que les nouvelles catégories d'entreprises entrant dans le champ de compétence du tribunal de commerce puissent également être représentées parmi les juges consulaires formant ce tribunal . L'électorat comme l'éligibilité seraient ainsi étendus à ces nouvelles entreprises.

Cette réforme entrerait en vigueur à compter du 1 er janvier 2018. Elle suppose l'établissement de listes électorales. Pour les agriculteurs, celles-ci pourraient être établies sur la base des inscrits au registre des actifs agricoles 30 ( * ) , pour les professions réglementées, sur la base des inscrits aux tableaux des ordres professionnels et, pour les autres indépendants, sur la base des personnes déclarées auprès de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF).

Par cohérence avec les règles en vigueur relatives aux commerçants et aux artisans, les conjoints collaborateurs des agriculteurs et des libéraux pourraient également être électeurs.

L'article 14 de la proposition de loi ne prévoit pas l'extension du corps électoral des juges consulaires aux personnes morales non commerçantes ayant une activité économique, qui sont essentiellement des associations, alors que l'article 15 prévoit une extension de la compétence des tribunaux de commerce à ces entreprises. La raison en est qu'il n'existe pas de registre ou d'autre instrument public permettant de connaître la liste de ces entreprises au sens économique 31 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification .

Article 15 (art. L. 611-2, L. 611-2-1, L. 611-3, L. 611-4, L. 611-5, L. 621-2, L. 662-3, L. 662-6, L. 713-6, L. 713-7, L. 713-11, L. 713-12, L. 721-1, L. 721-2, L. 721-3, L. 721-3-1, L. 721-4, L. 721-5, L. 721-6, L. 721-7, L. 721-8, L. 722-1, L. 722-2, L. 722-3, L. 722-3-1, L. 722-4, L. 722-5, L. 722-6, L. 722-6-1, L. 722-6-2, L. 722-6-3, L. 722-7, L. 722-8, L. 722-9, L. 722-10, L. 722-11, L. 722-12, L. 722-13, L. 722-14, L. 722-15, L. 722-16, L. 722-17, L. 722-18, L. 722-19, L. 722-20, L. 722-21, L. 723-1, L. 723-3, L. 723-4, L. 723-7, L. 723-9, L. 723-10, L. 723-11, L. 723-12, L. 724-1, L. 724-1-1, L. 724-2, L. 724-3, L. 724-3-1, L. 724-3-3, L. 724-4, L. 724-7, L. 731-2, L. 731-4, L. 732-1, L. 732-2, L. 732-3, L. 732-4, L. 732-5, L. 732-6, L. 732-7, L. 741-1, L. 741-2, L. 742-1, L. 742-2, L. 743-1, L. 743-2, L. 743-3, L. 743-4, L. 743-5, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-8, L. 743-12, L. 743-12-1, L. 743-13, L. 743-14, L. 743-15, L. 744-1 et L. 744-2 du code de commerce, art. L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 215-1 et L. 261-1 du code de l'organisation judiciaire) - Extension de la compétence des tribunaux de commerce, renommés tribunaux des affaires économiques, aux agriculteurs, professionnels libéraux et personnes morales de droit privé non commerçantes

L'article 15 de la proposition de loi vise à étendre la compétence rationae personae des tribunaux de commerce à l'ensemble des entreprises au sens économique, pour en faire de réels tribunaux des affaires économiques, alors qu'ils ne sont compétents aujourd'hui que pour les commerçants, les artisans et les sociétés commerciales. Il traduit ainsi la proposition n° 60 du rapport d'information précité.

Seraient concernés les agriculteurs, les professionnels libéraux, incluant les membres des professions réglementées, et les personnes morales non commerçantes ayant une activité économique.

Cette extension de compétence concerne tant le contentieux général que les mesures et procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, relevant du livre VI du code de commerce. Elle entrerait en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1 er janvier 2022. Dès lors, la mission civile du tribunal de grande instance et, demain, du tribunal de première instance, s'en trouverait recentrée sur les litiges intéressant les particuliers, allégeant quelque peu la charge d'activité de cette juridiction.

À l'issue de leurs auditions, sans remettre en cause cette disposition dans son principe, vos rapporteurs s'interrogent sur deux aspects.

D'une part, le transfert du contentieux général est plus contesté que celui des affaires relevant du livre VI du code de commerce. De surcroît, les représentants des juges consulaires entendus par vos rapporteurs plaident principalement pour le transfert des procédures intéressant les difficultés des entreprises, au titre d'un savoir-faire juridictionnel particulier, notamment la gestion de l'urgence et la connaissance de la matière économique, dont les magistrats professionnels des tribunaux de grande instance disposeraient moins.

D'autre part, limiter ce transfert de compétence aux entreprises conduirait à laisser au tribunal de grande instance une compétence résiduelle pour les difficultés des personnes morales non commerçantes sans activité économique, principalement des associations, qui pourraient se trouver à devoir demander leur liquidation judiciaire. De plus, la notion de personne morale non commerçante ayant une activité économique, si elle est connue juridiquement du code de commerce 32 ( * ) , se caractérise par des contours trop incertains pour fonder une compétence juridictionnelle spécifique et peut en conséquence créer d'inutiles conflits de compétence entre juridictions.

Vos rapporteurs estiment donc plus simple de confier au futur tribunal des affaires économiques une compétence exclusive sur l'ensemble des mesures et des procédures relevant du livre VI du code de commerce, quel que soit le statut du débiteur.

Aussi votre commission a-t-elle voulu corriger ces deux aspects, sur la proposition de ses rapporteurs, en adoptant un amendement COM-13 . Elle a ainsi supprimé l'extension de compétence intéressant le contentieux général et elle a donné compétence au seul tribunal des affaires économiques pour les mesures et procédures relatives aux difficultés des entreprises, déterminées par le livre VI du code de commerce, quelle que soit la forme juridique du débiteur, y compris toutes les associations, dans un objectif de simplification.

Par ailleurs, lors des auditions de vos rapporteurs se sont exprimées certaines inquiétudes à l'idée que des membres de professions réglementées, pour certains officiers publics et ministériels participant à une mission de service public, puissent relever d'une juridiction économique composée de chefs d'entreprise, méconnaissant les enjeux de ces professions.

Vos rapporteurs rappellent que le livre VI du code de commerce comporte déjà des dispositions spécifiques aux professions réglementées, associant leurs ordres professionnels, applicables à ce jour devant le tribunal de grande instance. En outre, l'extension de l'électorat et de l'éligibilité des juges consulaires aux membres des professions réglementées doit également permettre à ceux-ci d'être représentés au sein du tribunal. Il semble dès lors que ces inquiétudes puissent être apaisées.

Par l'adoption de cet amendement, votre commission a également procédé à plusieurs coordinations, dont une concernant le régime du règlement amiable, applicable aux exploitations agricoles en difficulté, ainsi qu'à la correction de plusieurs erreurs matérielles.

Par ailleurs, les auditions de vos rapporteurs ont fait apparaître une difficulté, en cas de procédure collective, en raison de la compétence du tribunal de grande instance en matière de baux commerciaux 33 ( * ) . En effet, il n'est pas rare que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire pour un commerçant soit accompagnée ou précédée d'un litige concernant un bail commercial . Dans ce cas, si le tribunal de commerce est compétent pour la procédure collective, le tribunal de grande instance le demeure pour le litige sur le bail commercial, chaque procédure suivant son rythme propre, alors que la procédure collective est en principe guidée par un impératif d'urgence et de rapidité.

Aussi, dans un objectif de cohérence et de rapidité de l'action des juridictions consulaires, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-14 pour prévoir, lorsqu'un litige sur un bail commercial concerne le débiteur dans une procédure collective, que le tribunal saisi de la procédure collective est appelé à trancher le litige, en lieu et place du tribunal de grande instance. Vos rapporteurs n'ont pas souhaité, à ce stade, aller jusqu'à transférer le contentieux des baux commerciaux au tribunal de commerce, cette question méritant à leurs yeux une réflexion approfondie, au regard notamment des motifs qui ont conduit à attribuer la compétence en la matière au tribunal de grande instance. En tout état de cause, en cas de procédure collective, il convient d'éviter que le délai de la procédure portant sur le bail ne fasse obstacle à une action rapide de la juridiction commerciale.

Enfin, l'article 15 de la proposition de loi dispose que le greffe des tribunaux mixtes des affaires économiques dans les départements et régions d'outre-mer est bien assuré par un greffier de tribunal des affaires économiques, à l'article L. 732-3 du code de commerce. Il s'agit de réaffirmer ainsi clairement la volonté du législateur, exprimée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, jamais appliquée par le Gouvernement à ce jour, selon laquelle le greffe de ces tribunaux, à l'instar de celui des tribunaux de commerce métropolitains, doit être assuré par un greffier de tribunal de commerce et non, comme c'est encore le cas aujourd'hui, par le greffe du tribunal de grande instance, dans des conditions qui ne permettent pas la tenue du registre du commerce et des sociétés de manière satisfaisante, en dépit des efforts déployés par le ministère de la justice. À ce jour, les graves dysfonctionnements du registre du commerce et des sociétés, en particulier les retards de traitement des formalités et le défaut de dématérialisation, pénalisent gravement les entreprises locales, leur accès aux marchés publics et le développement économique de ces territoires.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .

Section 2 - Assouplir l'organisation interne du conseil de prud'hommes
Article 16 (art. L. 1423-10 du code du travail) - Possibilité de modifier de façon permanente la répartition des conseillers entre les sections de chaque conseil de prud'hommes

L'article 16 de la proposition de loi tend à instaurer un mécanisme permettant d'affecter, de façon définitive, un conseiller prud'homme dans une section du conseil de prud'hommes autre que celle dans laquelle il a été désigné au début de son mandat. Il traduit ainsi la proposition n° 62 du rapport d'information précité, pour ce qui relève du domaine de la loi.

L'objectif affiché est de pouvoir adapter la composition et l'effectif de chaque section 34 ( * ) du conseil à l'évolution de l'activité contentieuse, telle qu'elle résulte des évolutions de l'emploi à long terme propres à chaque secteur économique, mais aussi des contentieux de masse liés au contexte local (fermeture d'un site industriel...) ainsi qu'à d'éventuelles vacances. On constate aujourd'hui une évolution différenciée de la charge d'activité entre les sections et un déséquilibre entre le nombre de conseillers et le volume des affaires à traiter au sein de chaque section, entraînant un allongement des délais dans les sections plus chargées.

À ce jour, il n'existe qu'un dispositif d'affectation temporaire 35 ( * ) , prévu à l'article L. 1423-10 du code du travail, en cas de « difficulté provisoire de fonctionnement d'une section » et sous réserve de l'accord des intéressés, alors qu'il existe aujourd'hui des situations de difficulté structurelle dans certains conseils. De plus, ce dispositif n'est valable que pour une durée de six mois renouvelable deux fois, soit un an et demi.

Il faut ajouter que la modification des effectifs des sections d'un conseil de prud'hommes, en raison vraisemblablement des modalités de désignation des conseillers, relève d'un décret, procédure particulièrement lourde, évidemment sans comparaison avec les changements d'affectation de magistrats au sein d'un tribunal de grande instance ou de juges consulaires au sein d'un tribunal de commerce.

Pour surmonter cette rigidité, la proposition de loi reprend la même procédure que celle prévue pour un changement d'affectation temporaire, en y ajoutant l'exigence de l'accord du premier président de la cour d'appel, afin de s'assurer du bien-fondé et de la régularité du changement définitif envisagé par le président et le vice-président du conseil de prud'hommes. Une telle approbation permettrait d'ailleurs de développer le dialogue entre le président et le premier président, sur le fonctionnement du conseil.

Si les représentants du ministère de la justice ont émis des réserves, suggérant de prolonger davantage les changements d'affectation temporaire, vos rapporteurs ne voient pas d'objection de principe à ce dispositif, compte tenu de la difficulté structurelle à résoudre. Au surplus, alors que désormais les conseillers prud'hommes sont désignés et ne sont plus élus, il ne semble pas problématique à vos rapporteurs qu'un conseiller soit désigné dans une section puis se trouve affecté définitivement dans une autre section, d'autant que la matière contentieuse est comparable quel que soit le secteur d'activité.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Section 3
Simplifier l'adaptation de la carte des implantations judiciaires
Article 17 (art. L. 124-1 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire) - Instauration d'un mécanisme consultatif permanent d'évaluation périodique de la carte judiciaire

L'article 17 de la proposition de loi tend à instaurer un mécanisme consultatif permanent d'évaluation de la pertinence du siège et du ressort des juridictions de première instance ainsi que des chambres détachées des tribunaux de première instance. Il traduit ainsi la proposition n° 80 du rapport d'information précité.

Cet examen de la carte judiciaire aurait lieu au moins tous les cinq ans, au vu des observations des chefs de cour. Il donnerait lieu à un rapport public, proposant des modifications du siège ou du ressort de tribunaux et de chambres détachées ainsi que la suppression ou la création de tribunaux ou de chambres détachées. Cet examen serait conduit sur la base de critères rationnels, objectifs et partagés définis par un décret en Conseil d'État.

Ce dispositif a soulevé certaines inquiétudes chez les organisations syndicales entendues par vos rapporteurs.

Inspiré de l'exercice réalisé par le rapport remis en février 2013 au garde des sceaux par M. Serge Daël sur l'évaluation de la carte judiciaire 36 ( * ) , qu'il tend à pérenniser et systématiser, un tel dispositif aurait vocation, selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, à « faire évoluer le réseau et l'implantation des sites judiciaires de première instance, en fonction des évolutions locales et de l'exigence de proximité », en préservant « la sérénité des débats sur la carte judiciaire, en les focalisant sur les enjeux locaux d'organisation judiciaire, au plus près des justiciables », pour « gérer de façon plus fluide et locale, moins brutale et globale, l'évolution de la carte, sans les bouleversements ni les traumatismes suscités par la réforme de 2008 ».

L'exposé des motifs indique que ce rapport périodique pourrait être élaboré par un « comité permanent d'évaluation de la carte judiciaire, comprenant les différentes parties prenantes ». À ce titre, vos rapporteurs considèrent que ce dispositif, s'il pourrait permettre de simplifier l'évolution des implantations judiciaires, doit également mieux associer les élus locaux, a fortiori s'il vise en premier lieu à adapter la carte des chambres détachées des tribunaux de première instance, dont il est proposé qu'elle reste, dans un premier temps, à implantations judiciaires inchangées. Aussi votre commission a-t-elle adopté, à leur initiative, un amendement COM-15 visant à préciser que cet examen périodique de la carte se ferait au vu des observations non seulement des chefs de cour, mais aussi des conseils départementaux. Une telle implication des conseils départementaux est d'autant plus nécessaire avec la création du tribunal de première instance, en principe unique dans chaque département et comportant des chambres détachées. En outre, le département est de droit représenté au conseil départemental de l'accès au droit 37 ( * ) et donc impliqué, à ce titre, dans l'accès des justiciables à la justice.

La création du tribunal départemental unique de première instance simplifiera cet exercice, car il est plus simple de créer ou de supprimer une chambre détachée qu'un tribunal de plein exercice, en fonction des besoins de proximité et des évolutions locales.

Votre commission a adopté l'article 17 ainsi modifié .

CHAPITRE V - ACCROÎTRE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D'AIDE JURIDICTIONNELLE

Article 18 (art. 1635 bis Q [nouveau] du code général des impôts) - Rétablissement de la contribution pour l'aide juridique, modulable de 20 à 50 euros

L'article 18 de la proposition de loi vise à rétablir la contribution pour l'aide juridique supprimée par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. Elle serait désormais modulée, de 20 à 50 euros, en fonction du type d'instance engagée. Il traduit ainsi la proposition n° 103 du rapport d'information précité.

Cette proposition n'avait pas fait l'objet d'un consensus au sein de la mission d'information sur le redressement de la justice. L'article 18 constitue également l'un des rares points de divergence entre vos deux rapporteurs.

Par ailleurs, au cours des auditions qu'ils ont organisées, vos rapporteurs ont pu constater que la quasi-totalité des personnes rencontrées étaient hostiles au rétablissement d'un « droit de timbre », quel que soit son montant, estimant qu'il constituerait un véritable frein à l'accès à la justice.

Pour autant, le rétablissement de cette contribution, qui rapportait chaque année plus de 50 millions d'euros, a le mérite d'apporter une réponse simple, pérenne et efficace aux difficultés permanentes de financement de l'aide juridictionnelle, pour un coût limité pour le justiciable, grâce à la modulation prévue par le dispositif.

Comme lors de sa mise en place en 2011, la contribution n'aurait pas à être acquittée pour certains contentieux, auxquels cet article ajoute les procédures engagées par les salariés devant les conseils de prud'hommes. Comme par le passé, les personnes éligibles à l'aide juridictionnelle ne seraient pas non plus redevables de la contribution.

Entendus par vos rapporteurs, les représentants des conciliateurs de justice ont souligné la nécessité d'exclure expressément la conciliation du champ de la contribution, ce qui n'était pas le cas dans le dispositif antérieur, et avait soulevé quelque difficultés.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-16 rectifié en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 18 ainsi modifié .

Article 19 (art. 18-1 [nouveau] de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) - Consultation obligatoire d'un avocat avant toute demande d'aide juridictionnelle

L'article 19 de la proposition de loi tend à prévoir la consultation obligatoire d'un avocat préalablement au dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, à l'exception des actions pour lesquelles le justiciable est défendeur ou, en matière pénale, des demandes relevant de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle en raison de leur caractère urgent. Il traduit ainsi la proposition n° 110 du rapport d'information précité.

Il s'agit de rendre effectif le filtre actuellement prévu par l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui n'est jamais appliqué en pratique. Cet article prévoit que l'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement.

Cette consultation serait rétribuée comme un acte d'aide juridictionnelle, dès lors que le demandeur de l'aide remplit bien les autres conditions que celle relative au bien-fondé de son action.

Au cours des auditions qu'ils ont organisées, vos rapporteurs ont pu constater que cette disposition rencontrait un accueil très favorable de la part de la quasi-totalité des personnes entendues.

Les représentants de la profession d'avocat ont soutenu la mise en place de cette consultation, qu'ils se sont dits tout à fait prêts à assumer.

Bien sûr, la mise en place de cette mesure supposera une organisation spécifique des barreaux, ainsi que divers ajustements pratiques, qui devront être réglés par le pouvoir réglementaire. C'est pourquoi, le présent article renvoie à un décret en Conseil d'État la fixation des modalités d'application de cette nouvelle procédure.

Vos rapporteurs attendent beaucoup de la mise en oeuvre de ce dispositif qui, s'il fonctionne correctement, devrait améliorer grandement le contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle. Cette attribution obéit aujourd'hui à une « logique de guichet ». En effet, 90 % des demandes formulées en première instance donnent lieu à une admission, alors même que ce taux est de 23,5 % en cassation car l'aide juridictionnelle est refusée au demandeur si aucun moyen de cassation sérieux ne peut être relevé.

Ce système de contrôle du bien-fondé et de la recevabilité de la demande a également d'autres vertus. En Allemagne, par exemple, il permet d'orienter les demandes qui le justifient vers des procédures de conciliation et d'aboutir à un accord amiable pour une part importante des affaires traitées.

Votre commission a adopté l'article 19 sans modification .

Article 20 (art. 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) - Consultation obligatoire des organismes sociaux par les bureaux d'aide juridictionnelle pour apprécier les ressources du demandeur

L'article 20 de la proposition de loi vise à rendre obligatoire, à l'article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la consultation par les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) des services ou des organismes sociaux compétents pour apprécier les ressources des demandeurs. Il traduit ainsi la proposition n° 106 du rapport d'information précité.

Actuellement, cette consultation n'est qu'une faculté pour les BAJ. En application de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1991 « les services de l'État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle ».

Or, en pratique, cette possibilité n'est que peu utilisée. Il n'est pas rare que les bureaux d'aide juridictionnelle se contentent exclusivement de déclarations sur l'honneur des justiciables pour attribuer l'aide juridictionnelle, ce qui explique en partie le taux très élevé d'admission, 90 %, observé en première instance.

Vos rapporteurs estiment que confier l'appréciation du niveau de ressources du demandeur à des magistrats et des personnels judiciaires, dont ce n'est pas le métier, constitue une perte de temps coûteuse pour la justice, alors même que ce travail est déjà fait par d'autres administrations spécialisées. Ils approuvent donc pleinement ce nouveau dispositif, qui permet de mutualiser les informations relatives aux ressources d'un demandeur, détenues par d'autres administrations.

Votre commission a adopté l'article 20 sans modification .

Article 21 (supprimé) (art. 21-1 [nouveau] de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et art. L. 127-9 [nouveau] du code des assurances) - Mise en place d'un mécanisme permettant la vérification, par les bureaux d'aide juridictionnelle, de l'existence de contrats d'assurance de protection juridique bénéficiant au demandeur

L'article 21 de la proposition de loi vise à favoriser une meilleure application du principe de subsidiarité, en vertu duquel l'aide juridictionnelle n'est accordée que si les frais de l'action du demandeur ne sont pas déjà couverts par une protection juridique assurantielle. Il traduit ainsi la proposition n° 111 du rapport d'information précité.

Il s'agit de permettre aux bureaux d'aide juridictionnelle de vérifier, auprès des compagnies d'assurance, que le demandeur ne bénéficie pas d'une couverture assurantielle qui pourrait jouer en lieu et place de l'aide juridictionnelle sollicitée.

Entendus par vos rapporteurs, les représentants des compagnies d'assurance se sont vivement opposés à ce nouveau dispositif, estimant qu'il se heurtait à des difficultés techniques insurmontables, la profession n'étant pas en mesure de centraliser l'ensemble des contrats de protection juridique et des contrats dont l'objet principal n'est pas la protection juridique mais qui comportent des garanties de protection juridique, souscrits auprès de toutes les compagnies d'assurance.

Par ailleurs, ils ont fait valoir à vos rapporteurs que la mise en place d'un tel outil n'aurait que peu d'intérêt puisque ces contrats couvrent rarement les litiges qui bénéficient de l'aide juridictionnelle, tels que le contentieux familial et le contentieux pénal.

Puisque, à périmètre constant de l'assurance de protection juridique, le principe de subsidiarité de l'aide juridictionnelle ne peut avoir qu'un effet limité, vos rapporteurs estiment que la réflexion autour de l'élargissement du champ d'application de la protection juridique assurantielle, initiée par les travaux de la mission d'information sur le redressement de la justice, doit être poursuivie.

Dans la droite ligne de la proposition n° 112 du rapport d'information précité, qui préconisait la création d'un nouveau type de contrat d'assurance de protection juridique, le premier président de la Cour de cassation, M. Bertrand Louvel, s'est prononcé, dans une tribune en date du 27 septembre 2017, en faveur d'une réforme de l'aide juridictionnelle, « reconstruite sur le modèle des assurances obligatoires avec la garantie de l'État à titre subsidiaire » 38 ( * ) .

Pour l'heure, estimant que la réflexion sur le sujet n'était pas suffisamment mûre, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-17 supprimant la mise en place du fichier des contrats d'assurance de protection juridique.

Votre commission a supprimé l'article 21.

Article 22 (art. 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) - Attribution au Trésor public du recouvrement des sommes à récupérer versées au titre de l'aide juridictionnelle

L'article 22 de la proposition de loi vise à améliorer le taux de recouvrement des sommes versées au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à la suite d'une décision de retrait de l'aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès, dès lors que celle-ci n'est pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, en confiant ce recouvrement au Trésor public. Il traduit ainsi la proposition n° 109 du rapport d'information précité.

Les personnes entendues par vos rapporteurs, qui se sont exprimées sur le sujet, ont toutes fait valoir la nécessité d'améliorer les mécanismes de recouvrement des sommes indûment versées au titre de l'aide juridictionnelle.

En pratique, le retrait de l'aide juridictionnelle n'est que rarement ordonné - il représente environ 0,1 % du nombre annuel d'admissions - et, quand il l'est, les sommes ne sont recouvrées que dans 3 ou 4 % des cas.

Vos rapporteurs estiment que les dispositions proposées devraient améliorer cette situation.

Votre commission a adopté l'article 22 sans modification .

CHAPITRE VI - REDRESSER LA JUSTICE PÉNALE

Section 1 - Adapter et simplifier la procédure d'appel et de cassation en matière pénale
Article 23 (supprimé) (art. 546 du code de procédure pénale) - Extension du droit d'appel en matière contraventionnelle

L'article 23 de la proposition de loi vise à étendre le droit d'appel à l'ensemble des jugements des tribunaux de police, qui sont compétents pour le jugement des contraventions 39 ( * ) . Il traduit ainsi la proposition n° 83 du rapport d'information précité.

• Les limites du droit d'appel des jugements de police

Actuellement, les possibilités d'appel en matière contraventionnelle sont limitées.

En application de l'article 546 du code de procédure pénale, la recevabilité de l'appel est soumise à des conditions tenant à la condamnation effectivement prononcée ou à la peine encourue .

L'appel peut être formé, par le prévenu, la personne civilement responsable, le procureur de la République, le procureur général ou l'officier du ministère public près le tribunal de police, à l'encontre :

- des jugements de condamnation à une peine d'amende supérieure à 150 euros 40 ( * ) : qu'il s'agisse d'une contravention de troisième ou de quatrième classe ou de plusieurs contraventions de classe inférieure dont le montant cumulé excède 150 euros 41 ( * ) ;

- des jugements de condamnation ou de relaxe lorsque la peine encourue est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe 42 ( * ) ;

- des jugements ayant condamné à des réparations civiles 43 ( * ) ;

- et des jugements ayant prononcé une peine de suspension du permis de conduire prévue par l'article 131-16 du code pénal.

Concernant les jugements qui ne peuvent faire l'objet d'un appel, ils sont prononcés en dernier ressort par le tribunal de police et peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Montant des amendes contraventionnelles

Nature de la contravention

Montant maximal de l'amende pénale

Montant de l'amende forfaitaire

Contravention de première classe

38 euros

11/17 euros

Contravention de deuxième classe

150 euros

35 euros

Contravention de troisième classe

450 euros

68 euros

Contravention de quatrième classe

750 euros

135 euros

Contravention de cinquième classe

1 500 euros, ou 3 000 euros en cas de récidive

Non applicable

Source : articles 131-13 du code pénal et R. 49 du code de procédure pénale

L'appel suspend l'exécution du jugement 44 ( * ) , sauf en ce qui concerne la provision allouée à la partie civile ou le renvoi sur intérêts civils.

Pour l'appel des contraventions de police, la cour d'appel est composée du seul président de la chambre des appels correctionnels siégeant à juge unique 45 ( * ) .

Les voies de recours en matière pénale

En matière pénale, il existe des voies de recours ordinaires - opposition, appel - et des voies de recours extraordinaires - pourvoi en cassation, pourvoi en révision.

Parmi les voies de recours, on distingue les voies de rétractation des voies de réformation . L'opposition, recevable contre les décisions rendues par défaut, est une voie de rétractation qui renvoie une affaire jugée devant la même juridiction. L'appel , le pourvoi en cassation ou le pourvoi en révision sont des voies de réformation qui soumettent l'affaire à l'examen d'une juridiction supérieure.

Sauf exception, les voies de recours ont un effet suspensif qui fait obstacle à l'exécution d'une décision dépourvue de l'autorité de la chose jugée.

• Le pourvoi en cassation, une voie de recours excessivement utilisée en raison d'un droit d'appel limité

Si la faculté d'appel est limitée en matière contraventionnelle, la faculté de se pourvoir en cassation pour violation de la loi est toujours ouverte.

En application de l'article 567 du code de procédure pénale, les jugements de police rendus en dernier ressort peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation formé par le ministère public ou par la partie à laquelle il est fait grief.

Comme le relevait le rapport d'information, « l'absence de voie de recours en appel de certaines contraventions de police incite à de nombreux pourvois en cassation en raison d'erreurs procédurales de certaines juridictions de proximité ».

Entre 2010 et 2016, en matière de police, ont été observés à la fois un nombre non négligeable de pourvois recevables et des taux de cassation élevés 46 ( * ) : en 2013, la Cour de cassation a ainsi statué sur 125 pourvois en matière de police et prononcé une cassation dans 75,20 % des affaires.

Nombre de pourvois

Nombre de pourvois 2

Nombre de décisions de cassation
avec ou sans renvoi

Taux de cassation 2

2010

448

193

128

66,32%

2011

497

135

79

58,52%

2012

486

184

120

65,22%

2013

633

125

94

75,20%

2014

549

118

72

61,02%

2015

359

83

57

68,67%

2016

391

118

85

72,03%

2017 47 ( * )

104

15

9

60 %

Source : commission des lois du Sénat à partir de données communiquées par la Cour de cassation

Le rapport d'information estimait qu'il ne semblait pas « nécessaire d'encombrer la Cour de cassation avec des pourvois concernant des violations manifestes de la loi, en particulier pour des contentieux de masse concernant souvent le code de la route ».

• L'extension du droit d'appel à l'ensemble des contraventions afin de rationaliser les pourvois en cassation

Afin d'éviter des pourvois en cassation fondés sur des violations manifestes de la loi qui auraient pu être évitées par un double degré de juridiction, l'article 23 de la proposition de loi vise à étendre le droit d'appel à l'ensemble des jugements des tribunaux de police.

Cette disposition contribuerait à une meilleure lisibilité de l'architecture des recours en ne faisant plus dépendre la faculté d'appel de la réalisation d'un calcul, parfois complexe, en cas de condamnation à des contraventions de première, deuxième, troisième ou quatrième classe.

Néanmoins, le nombre de pourvois en matière de police semble en nette diminution pour l'année en cours : seulement 15 pourvois recevables au 9 octobre 2017 contre 118 en 2016. Dès lors, la charge pour la Cour de cassation apparaît plus limitée qu'auparavant.

Surtout, plusieurs magistrats entendus par vos rapporteurs ont estimé que cette disposition était de nature à encombrer les juridictions d'appel et à encourager des recours dilatoires , notamment en matière routière en cas de perte de points du permis de conduire en raison de l'effet suspensif des voies de recours.

Or le stock des affaires en attente de jugement par les cours d'appel reste actuellement très élevé.

Ce risque semble être confirmé par les données statistiques communiquées par la chancellerie sur le nombre de contraventions pouvant d'ores et déjà, au regard des critères posés à l'article 546 du code de procédure pénale, faire l'objet d'un appel et sur le nombre de contraventions qui pourraient désormais faire l'objet d'un appel en application de la disposition proposée par l'article 23 de la proposition de loi.

Nombre de jugements de condamnation

Nombre de jugements de condamnation à une peine d'amende supérieure à 150 euros ou à une peine de suspension
de permis

Nombre d'appels

Nombre de condamnations pour lesquelles l'appel deviendrait possible

Contravention de première classe

6 269

704

269

5 565

Contravention de deuxième classe

12 773

867

353

11 906

Contravention de troisième classe

13 241

4 991

554

8 250

Contravention de quatrième classe

45 534

23 049

3 338

22 485

Contravention de cinquième classe

17 567

14 329

2 362

Non applicable

Source : commission des lois du Sénat
à partir de données extraites de l'application Minos communiquées par la Chancellerie

Dès lors que cette mesure est susceptible d'avoir un effet non négligeable sur l'activité des cours d'appel sans réduire sensiblement le contentieux devant la Cour de cassation, votre commission a estimé préférable de supprimer cet article, en adoptant l' amendement COM-18 de ses rapporteurs.

Votre commission a supprimé l'article 23.

Article 24 (supprimé) (art. 497, 546 et 567-1 du code de procédure pénale) - Sanction des appels et des pourvois abusifs en matière correctionnelle par une amende civile

L'article 24 de la proposition de loi vise à permettre le prononcé d'une amende civile en cas d'appel ou de pourvoi jugé dilatoire ou abusif, afin de lutter contre l'engorgement des cours d'appel. Il traduit ainsi la proposition n° 84 du rapport d'information précité.

• L'amende civile, sanction de l'abus du droit d'introduire une action en justice et de former des recours

Si l'exercice d'une action en justice constitue un droit, l'abus de ce droit peut être sanctionné par la condamnation à une amende civile.

En procédure civile , une amende civile peut être prononcée lorsque le juge constate une faute spéciale commise par une partie, constitutive d'un abus, dans l'exercice de son droit d'introduire une action en justice ou de former des recours.

Sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, la personne qui agit en justice « de manière dilatoire ou abusive » peut être condamnée à une amende civile d'un montant maximal de 10 000 euros. La même sanction est également encourue en cas d'appel principal dilatoire ou abusif (article 559 du code de procédure civile), d'exercice abusif ou dilatoire des voies extraordinaires de recours (article 581 du code de procédure civile) ou en cas de pourvoi en cassation jugé abusif (article 628 du code de procédure civile).

Cette sanction s'ajoute aux éventuels dommages et intérêts prononcés sur le fondement de l'article 1240 du code civil 48 ( * ) en réparation d'un préjudice né de cet abus.

Selon la jurisprudence, cette amende, qui doit être motivée, peut être justifiée en cas « d'attitudes malicieuses 49 ( * ) », « d'entêtement et de mauvaise foi 50 ( * ) », de « comportement processif et manoeuvres dilatoires diverses » » ou encore « de dénégation systématique de la loi, consistant à s'opposer par tous les moyens (...) et à multiplier les recours 51 ( * ) » .

En procédure pénale, seul l'abus du droit d'introduire une action en justice et non, plus largement, du droit de former des recours, peut actuellement être sanctionné par une amende civile, en sus d'éventuels dommages-intérêts et d'une éventuelle action sur le fondement de l'infraction de dénonciation calomnieuse.

Cette amende civile a pour objet de lutter contre le risque d'une instrumentalisation de l'action publique , en dissuadant les déclenchements intempestifs ou malintentionnés de poursuites pénales.

En application des articles 177-2 et 212-2 du code de procédure pénale, les juridictions d'instruction peuvent sanctionner toute constitution de partie civile « abusive ou dilatoire » par une amende civile d'un montant maximal de 15 000 euros.

Le tribunal correctionnel , saisi par une citation directe de la partie civile , peut également, en cas de relaxe et s'il estime que la citation directe était abusive ou dilatoire , condamner la partie civile au paiement d'une amende civile dont le montant ne saurait excéder 15 000 euros 52 ( * ) .

• La possibilité d'une condamnation à une amende civile en cas de recours dilatoire ou abusif en matière pénale

L'article 24 de la proposition de loi vise à permettre de sanctionner d'une amende civile, d'un montant maximal de 10 000 euros, les appels et les pourvois abusifs ou dilatoires en matière contraventionnelle et correctionnelle .

À l'instar des dispositions prévues par le code de procédure civile, cette amende civile sanctionnerait tout comportement fautif dans l'exercice du droit au recours, y compris par le défendeur qui ne serait donc pas à l'origine de l'action en justice.

Si elle peut permettre, selon certains magistrats, de dissuader certains recours intempestifs , plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs ont souligné les difficultés concrètes d'application de cette disposition faute de pouvoir rapporter la preuve d'un recours abusif, sauf mauvaise foi manifeste.

Selon les représentants des avocats, cette disposition porterait une atteinte substantielle au droit des personnes d'exercer un recours effectif devant une juridiction. S'il est largement admis qu'il existe des recours manifestement abusifs, le phénomène semble néanmoins concerner un faible nombre de personnes, pouvant parfois présenter des troubles psychiques. Une piste alternative à la sanction des appels et pourvois abusifs pourrait être de systématiser les consultations d'avocats préalablement à un appel afin d'en évaluer l'intérêt et d'encourager des désistements.

Considérant que l'équilibre entre le droit d'ester en justice et la lutte contre les actions abusives est délicat à établir, votre commission a adopté l' amendemen t COM-2 de notre collègue Patrick Kanner, au nom du groupe socialiste et républicain, visant à supprimer cet article.

Votre commission a supprimé l'article 24.

Article 25 (art. 380-8-1 [nouveau], 380-12 et 380-13 du code de procédure pénale, art. 48 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, art. 50 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française et art. L. 555-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Faculté d'un appel limité en matière criminelle

L'article 25 de la proposition de loi vise à permettre au condamné et au ministère public de limiter leur appel, en matière criminelle à certains faits ou aux peines prononcées, à leur quantum ou à leurs modalités d'application. Il traduit ainsi la proposition n° 85 du rapport d'information précité.

• L'appel en matière criminelle : la nécessité d'un réexamen entier

L'appel des décisions des cours d'assises n'a été instauré que récemment, par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Initialement réservée aux seuls arrêts de condamnation, la possibilité d'un appel est désormais accordée au parquet général contre les arrêts d'acquittement.

Faculté de faire appel des décisions de condamnation prononcées par une cour d'assises

Faculté d'appeler d'une décision d'acquittement

L'accusé

Le procureur général

Le ministère public

La personne civilement responsable (quant à ses intérêts civils)

La partie civile (quant à ses intérêts civils)

Contrairement aux règles qui prévalent en matière d'appel correctionnel, l'acte d'appel ne peut pas être limité à certaines dispositions de la décision rendue par la cour d'assises en premier ressort 53 ( * ) .

Ainsi, le condamné ne peut pas faire seulement appel de la peine prononcée, sans contestation de sa culpabilité. De même, pour être recevable, l'appel du procureur général doit porter sur l'ensemble des chefs d'accusation retenus contre un même accusé, même ceux pour lesquels il a été reconnu coupable 54 ( * ) .

Cette spécificité de l'appel criminel oblige la cour d'assises statuant en appel à réexaminer l'affaire dans son entier, en droit et en fait 55 ( * ) . La cour d'assises de renvoi qui, à la différence des juridictions d'appel en matière correctionnelle, n'est pas une « juridiction supérieure » mais une autre cour d'assises autrement composée, ne peut pas se contenter d'infirmer, de confirmer ou de réformer la décision rendue par la « première » cour d'assises, qu'elle n'a pas à viser dans sa propre décision 56 ( * ) .

• Accorder en matière criminelle les mêmes facultés d'appel limité qu'en matière correctionnelle

L'article 25 de la proposition de loi vise à compléter les dispositions applicables en matière criminelle afin de prévoir une limitation de l'effet dévolutif de l'appel semblable à celui de l'appel en matière correctionnelle.

Selon le principe tantum devolutum quantum appellatum, le juge d'appel correctionnel ne peut statuer que sur les chefs frappés d'appels 57 ( * ) .

Le texte proposé pour insérer un nouvel article 380-8-1 dans le code de procédure pénale tend à préciser que la dévolution de l'affaire à la cour d'appel statuant en appel est limitée tant par « l'acte d'appel », qui pourrait ne viser que certains faits ou que les peines prononcées, que par « la qualité de l'appelant ».

Ainsi, la cour d'assises statuant en appel conserverait une plénitude de juridiction , sauf volonté contraire des parties. Dans ce cas, la cour ne devrait connaître que des chefs de demande contenus dans l'acte d'appel. Cette faculté permettrait, par exemple, aux condamnés à des peines lourdes mais qui reconnaissent les faits de ne contester que les peines prononcées, qu'il s'agisse du quantum d'une peine d'emprisonnement ou d'une peine complémentaire, par exemple d'interdiction d'exercer une profession.

Cette proposition a été accueillie favorablement par les magistrats qui siègent dans les cours d'assises : les représentants entendus par vos rapporteurs ont relevé que cette disposition serait de nature à diminuer la durée des procès d'assises , sans limiter pour autant les droits de la défense, et permettrait d'éviter le réexamen obligatoire de tous les experts et témoins du premier procès dès lors que leurs témoignages ne seraient pas contestés.

L'effet de cette disposition sur la réduction de l'engorgement des cours d'assises ne doit toutefois pas être surévalué. Même en cas d'appel limité à la peine, la cour d'assises devrait toujours examiner, au moins succinctement, la nature même des faits afin de déterminer, conformément au principe d'individualisation des peines, une peine adaptée en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-19 de coordination.

Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié .

Article 26 (art. 567, 567-2, 574-1 et 574-2, 584 et 585 [abrogés], 585-1, 586, 588, 590-1 et art. 858 [abrogé] du code de procédure pénale, art. 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et art. 49 [abrogé] de la loi n° 83-520 du 27 juin 1983 rendant applicables le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d'outre-mer) - Représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

L'article 26 de la proposition de loi vise à rendre obligatoire la représentation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation par un avocat aux Conseils. Il traduit ainsi la proposition n° 86 du rapport d'information précité.

Si la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577 du code de procédure pénale resterait dispensée de représentation obligatoire, le requérant serait tenu de faire appel à un avocat aux conseils pour présenter un mémoire à l'appui de son pourvoi.

À la différence de la procédure devant les chambres civile et commerciales de la Cour de cassation, la procédure de cassation en matière pénale n'impose pas que les pourvois soient soutenus par un avocat aux Conseils : les justiciables peuvent ainsi, sans intermédiaire, saisir la Cour de cassation et faire valoir leurs arguments juridiques.

Cette dérogation a été justifiée par la volonté de faciliter l'accès à la Cour de cassation dans une matière pénale où, par nature, la liberté individuelle du plaideur peut être en jeu. Aussi a-t-il été jugé préférable de lui permettre d'éviter d'engager des frais d'avocat.

Néanmoins, cette exception peut avoir pour effet de réduire les chances réelles de voir aboutir les pourvois présentés directement par les requérants.

Ainsi, en 2016, le taux de non-admission pour les pourvois soutenus par un mémoire personnel est de 54,68 %, contre 10,71 % pour les pourvois soutenus par un avocat aux Conseils.

De même, la probabilité d'une cassation est plus élevée en cas de représentation. Ce taux était de 25,35 % pour les pourvois soutenus par un avocat aux Conseils, contre 14,44 % pour les pourvois soutenus par un mémoire personnel.

Sort des pourvois portés devant la chambre criminelle de la cour de cassation

Taux de non-admission des pourvois

Taux de cassation
des pourvois

Taux de cassation
des pourvois
(hors pourvois non-admis)

Pourvois soutenus par un mémoire personnel

Pourvois soutenus par un avocat aux conseils

Pourvois soutenus par un mémoire personnel

Pourvois soutenus par un avocat aux conseils

Pourvois soutenus par un mémoire personnel

Pourvois soutenus par un avocat aux conseils

2010

38,90%

12,15%

11,10%

22,40%

18,17%

25,49%

2011

49,63%

10,45%

9,81%

22,98%

19,49%

25,66%

2012

54,74%

8,60%

12,00%

24,54%

26,51%

26,85%

2013

51,25%

8,67%

11,81%

19,14%

24,22%

20,96%

2014

55,89%

8,59%

10,82%

20,89%

24,53%

22,86%

2015

49,52%

8,09%

14,14%

20,86%

28,01%

22,70%

2016

54,68%

10,71%

14,44%

25,35%

31,86%

28,39%

2017 58 ( * )

56,10%

14,72%

11,66%

26,38%

26,56%

30,94%

Source : commission des lois du Sénat à partir de données communiquées par la Cour de cassation

En effet, la procédure de cassation répond à un formalisme précis dans la présentation des moyens de droit critiquant la décision soumise à recours. Or les mémoires personnels peuvent ne pas énoncer correctement un moyen ou même ne pas le soulever : à défaut de moyen soulevé d'office par la Cour de cassation, il en résulte une perte de chance pour le défendeur et une inégalité entre les parties représentées ou non.

Actuellement, plus de 50 % des pourvois formés devant la chambre criminelle ne sont pas soutenus par un mémoire 59 ( * ) . Une telle proportion traduit la difficulté rencontrée par les justiciables pour rédiger un mémoire au regard de la complexité de la technique de cassation.

De plus, la procédure devant la Cour de cassation est essentiellement écrite , les auditions des avocats étant inhabituelles. Si les demandeurs au pourvoi peuvent parfois se voir accorder le droit de comparaître personnellement devant la Cour de cassation, cette faculté n'est guère utilisée et ne saurait remplacer l'expertise d'un avocat aux Conseils. Comme le relevait en 2003 M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, dans une étude sur l'égalité d'accès à la Cour de cassation 60 ( * ) , « on ne voit pas comment des personnes sans qualification particulière pourraient utilement prendre parti à l'oral sur des mémoires ou sur des observations des avocats aux Conseils, des avocats généraux, régis par une stricte technique juridique, ou répondre à des moyens de pur droit soulevés d'office par la Cour ».

Par ailleurs, les délais impartis à l'auteur du pourvoi pour présenter un mémoire sont différents selon qu'il agit seul ou qu'il est assisté d'un avocat aux Conseils. Ainsi, sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, le mémoire du demandeur condamné pénalement agissant seul doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi 61 ( * ) . En revanche, lorsque la partie intéressée au pourvoi est représentée par un avocat aux Conseils, le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt du mémoire, qui peut être supérieur à un mois.

Enfin, l'absence de représentation obligatoire ne permet pas aux avocats aux Conseils de jouer leur rôle habituel de conseil, qui permet de dissuader les justiciables de former des pourvois voués à l'échec.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, comme le soutiennent depuis plusieurs années les rapports annuels de la Cour de cassation, il apparaît donc que la dispense du ministère d'avocat aux conseils, « traditionnellement présentée comme une mesure instituée en faveur du justiciable », ne permet pas réellement « d'assurer un accès égal et effectif au juge de cassation dans le respect du principe de contradiction ».

En conséquence, votre commission a approuvé le principe de la représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, mettant fin à l'exception qui prévalait en matière pénale, sous réserve de l'adoption d'un amendement COM-20 de coordination de vos rapporteurs.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié .

Section 2 - Redonner du sens à la peine d'emprisonnement
Article 27 (art. 132-25, 132-26-1, 132-27 du code pénal et art. 474, 732-15, 723-15-1, 723-17, 723-17-1 et 747-2 du code de procédure pénale) - Clarification du régime d'aménagement des peines d'emprisonnement

L'article 27 de la proposition de loi vise à clarifier le régime d'aménagement des peines d'emprisonnement, en supprimant l'obligation d'examen, par le juge de l'application des peines, avant mise à exécution, des peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement, ou un an en état de récidive légale. Il traduit ainsi partiellement les propositions n os 119, 120 et 121 du rapport d'information précité.

• Une déconnexion entre le prononcé de la peine et son exécution

Comme le relevait le rapport d'information précité, il existe une étanchéité préjudiciable entre les décisions des juges statuant en matière correctionnelle et les décisions d'exécution des peines prononcées, qu'il s'agisse des décisions des magistrats des juridictions de l'aménagement des peines ou des mesures d'exécution prises par les services de l'administration pénitentiaire.

Dans un contexte d'accroissement du stock des affaires pénales en attente de jugement, par manque de temps, les juges du siège ne sont pas incités à solliciter des enquêtes pré-sentencielles, à utiliser davantage la procédure de l'ajournement ou même à prononcer des aménagements ab initio des peines. Ces procédures permettent pourtant de prononcer des peines individualisées et adaptées non seulement à la situation matérielle, familiale et sociale du condamné, mais également aux moyens des services pénitentiaires d'insertion et de probation et aux capacités du parc pénitentiaire.

L'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement à l'audience

Lorsque qu'elles prononcent certaines peines d'emprisonnement, les juridictions de jugement disposent de la faculté de les aménager, dès le stade du prononcé de la peine, en raison de la situation médicale, professionnelle, familiale ou sociale du condamné.

Le code pénal distingue quatre modalités d'aménagement dit ab initio des peines privatives de liberté : la semi-liberté, le placement à l'extérieur, le placement sous surveillance électronique et le fractionnement de la peine.

Les seuils de peine d'emprisonnement permettant un aménagement ab initio ont été progressivement élevés. Initialement applicables aux peines d'emprisonnement d'une durée maximale de six mois, les mesures d'aménagement de peine ab initio peuvent actuellement être prononcées pour toute peine d'emprisonnement inférieure à deux ans, ainsi que pour toute peine pour laquelle il existe un reliquat d'emprisonnement ferme inférieur à deux ans. Ce reliquat est réduit à un an en cas de récidive légale.

Vos rapporteurs regrettent que les magistrats des juridictions de jugement ne s'intéressent qu'insuffisamment à l'exécution effective des peines qu'ils prononcent alors même que leur rôle ne se limite pas à la déclaration de culpabilité mais inclut nécessairement la détermination de la peine la plus adaptée.

La manifestation la plus concrète de cette « rupture » entre le prononcé de la peine et son exécution réside dans le circuit obligatoire d'aménagement des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement, ou un an en état de récidive légale, prévu à l'article 723-15 du code de procédure pénale.

Cette procédure d'aménagement des peines a été introduite dans la partie législative du code de procédure pénale en 2004 62 ( * ) , puis modifiée par la loi pénitentiaire de 2009 afin d'en faciliter la mise en oeuvre et l'application à toutes les personnes non incarcérées condamnées à des peines d'emprisonnement dont la durée est inférieure ou égale à deux ans.

En application de cette procédure, avant toute mise à exécution de la peine d'emprisonnement, le parquet transmet toutes les pièces utiles aux fins d'aménagement au juge de l'application des peines et éventuellement au service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). En application de l'article 474 du code de procédure pénale, la personne condamnée présente à l'audience se voit remettre deux avis de convocation, devant le juge de l'application des peines, dans un délai qui ne peut excéder 30 jours et devant le SPIP, dans un délai qui ne peut excéder 45 jours.

Cette procédure répond à plusieurs finalités .

En premier lieu, elle permet une réelle adaptation de la peine au condamné, alors que le processus d'individualisation de la peine n'a pu être mené par la juridiction de jugement, faute de rapports pré-sentenciels systématiques sur la situation du prévenu et faute de temps de débat prévu à l'audience.

Elle permet également d'éviter les incarcérations de courte durée, de quelques mois, qui produisent des effets désocialisants sans offrir le temps d'un travail sur l'insertion. Les mesures d'aménagement de peines, telles que le placement à l'extérieur sont en réalité des mesures plus structurantes pour l'individu qu'une peine d'emprisonnement peu accompagnée.

Enfin, elle permet d'éviter des occupations de places de prison dans un contexte de sous-dimensionnement du parc carcéral.

Cette procédure apparaît néanmoins très critiquée, tant par la doctrine que par certains magistrats, en ce qu'elle dénature le sens même de la peine de prison et décrédibilise le système répressif 63 ( * ) , comme le soulignait le rapport d'information précité.

Surtout, la finalité de lutter contre l'exécution des courtes peines n'apparaît plus pertinente dès lors que le seuil a été fixé en 2009 à deux ans d'emprisonnement. Ce seuil apparaît très élevé pour de nombreux magistrats entendus et ne correspond plus à une « courte peine ».

Taux de saisine du juge de l'application des peines par rapport aux peines
éligibles à l'article 723-15 du code de procédure pénale

Quantum des peines

2011

2012

2013

2014

2015

1 an (récidive)

37 399

39 341

39 654

40 027

41 833

2 ans

78 550

80 390

77 376

74 571

77 001

Peine non aménageable

10 851

10 781

10 634

10 158

10 522

Total des peines éligibles

115 949

119 731

117 030

114 598

118 834

Saisine du juge
de l'application
des peines 64 ( * )

73 885

71 138

71 634

69 955

71 355

Taux de saisine/décisions éligibles

63,7 %

59,4 %

61,2 %

61 %

60 %

Source : inspection générale des services judiciaires

En 2015, on dénombre 71 355 saisines des juges de l'application des peines sur le fondement de l'article 723-15 du code de procédure pénale, avec une moyenne de 6 000 décisions de rejet des aménagements.

• Restituer le pouvoir d'individualisation de la peine aux juridictions de jugement

Afin de réaffirmer le rôle des juridictions de jugement dans la détermination de la peine effectivement exécutée par le condamné et de restaurer de la crédibilité aux peines prononcées, l'article 27 vise à supprimer l'examen obligatoire par le juge de l'application des peines des condamnations à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou à égale à deux ans, ou un an en cas de récidive.

Les juridictions de jugement conserveraient néanmoins la faculté de saisir le juge de l'application des peines aux fins d'aménagement, lorsque la situation matérielle, familiale, médicale ou sociale du condamné le justifie.

Par cohérence avec sa finalité de prévention des incarcérations de courte durée, son champ d'application serait restreint aux seules personnes condamnées à une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à un an, ou six mois en état de récidive légale.

Cette procédure resterait applicable aux seules personnes présentes à l'audience.

Par cohérence, l'article 27 réduit également le seuil d'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement , par la juridiction de jugement à l'audience, de deux ans à un an d'emprisonnement et d'un an à six mois en état de récidive légale. Comme l'ont relevé de nombreux magistrats, une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure à douze mois est une peine lourde et difficile à aménager ab initio. Il n'existe aucune production statistique permettant de déterminer le nombre d'utilisations annuelles de cette faculté mais d'après l'inspection générale des services judiciaires, ce nombre apparaît très faible.

Enfin, vos rapporteurs soutiennent la proposition n° 122 du rapport d'information précité consistant à inviter les juridictions à utiliser davantage la procédure de l'ajournement du prononcé de la peine 65 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 27 sans modification .

Article 27 bis (nouveau) (art. 709-2 du code de procédure pénale) - Rapport annuel sur l'exécution des peines

Issu de l' amendement COM-21 de vos rapporteurs, l'article 27 bis a pour objet de renforcer les échanges entre, d'une part, le ministère public et les magistrats du siège sur la question de l'exécution et de l'aménagement des peines , et d'autre part, les magistrats et les représentants de l'administration pénitentiaire au niveau local.

À cet effet, il tend à élargir le contenu du rapport annuel public du procureur de la République sur l'état et les délais de l'exécution des peines, prévu à l'article 709-2 du code de procédure pénale : ce rapport comporterait désormais une présentation de la politique pénale et d'aménagement des peines du ministère public, une présentation de la jurisprudence du tribunal de grande instance en matière de peine privative de liberté, ainsi qu'une synthèse des actions et conclusions de la commission de l'exécution et de l'application des peines du tribunal. Il tend également à prévoir la transmission au Parlement du rapport annuel public prévu à l'article 709-2 du code de procédure pénale.

Comme le soulignait le rapport d'information précité, les juges statuant en matière correctionnelle semblent se désintéresser de la question de l'exécution concrète des peines qu'ils prononcent. Vos rapporteurs dénoncent à nouveau cette « étanchéité entre l'application du principe constitutionnel d'individualisation de la peine par les magistrats de la juridiction de jugement et l'application qui en est faite par les magistrats des juridictions de l'aménagement des peines ».

De même, vos rapporteurs déplorent l'absence de dialogue régulier entre les magistrats et les représentants de l'administration pénitentiaire, sur la prise en charge des condamnés par cette dernière, en milieu ouvert comme en milieu fermé.

À cet égard, vos rapporteurs considèrent que les magistrats devraient se rendre plus souvent dans les établissements pénitentiaires comme les y invite l'article 10 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire : « le premier président de la cour d'appel, le procureur général, le président de la chambre de l'instruction, le président du tribunal de grande instance, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction, le juge de l'application des peines et le juge des enfants visitent au moins une fois par an chaque établissement pénitentiaire situé dans leur ressort territorial de compétence » . Alors qu'il existe 186 établissements pénitentiaires, seulement 184 visites de magistrats ont été recensées en 2015 et 270 en 2016.

Le dialogue entre l'institution judiciaire et l'administration pénitentiaire doit être renforcé et les bonnes pratiques généralisées : les magistrats devraient, par exemple, être régulièrement informés des conditions de détention dans les maisons d'arrêt.

Les outils de concertation existent et doivent être mobilisés, qu'il s'agisse du projet de juridiction ou de la conférence régionale portant sur les aménagements de peines et les alternatives à l'incarcération 66 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 27 bis ainsi rédigé .

Article 28 (art. 131-36-1, art. 131-36-2 et 132-36-3 [abrogés], 131-36-4, 131-36-12, art. 221-9-1 et 221-15 [abrogés], art. 222-48-1, art. 222-65, 224-10, 227-31 et 421-8 [abrogés] du code pénal et art. 763-3, 763-5 et 763-10 du code de procédure pénale) - Élargissement du champ d'application du suivi socio-judiciaire

L'article 28 de la proposition de loi vise à étendre la possibilité de prononcer, en tant que peine complémentaire, un suivi socio-judiciaire à l'ensemble des infractions délictuelles et criminelles. Il traduit ainsi la proposition n° 124 du rapport d'information précité.

• Le suivi socio-judiciaire : une peine complémentaire permettant le suivi d'un condamné

Créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, le suivi socio-judiciaire est une peine restrictive de liberté .

Instituée à l'origine pour la prévention et la répression des seules infractions sexuelles, son champ d'application a été considérablement élargi à d'autres infractions d'une particulière gravité, à raison de leur nature, comme les infractions de meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (article 221-9-1 du code pénal), ou à raison de la qualité de l'auteur ou de la victime, comme les infractions commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou par une personne ayant autorité sur la victime (article 222-48-1 du code pénal).

Le suivi socio-judiciaire consiste dans l'imposition de mesures de surveillance et d'obligations sociales ou médicales , exécutées sous le contrôle du juge de l'application des peines et dont l'inobservation, entraîne la mise à exécution d'une peine privative de liberté.

Les mesures de surveillance, prévues à l'article 132-44 du code pénal, peuvent consister dans l'obligation de répondre aux convocations du juge d'application des peines ou de signaler tout changement d'emploi. Les obligations auxquelles le condamné peut être soumis sont généralement l'obligation de s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné, par exemple accueillant les mineurs, ou celle de s'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes ou des catégories de personnes. Le suivi socio-judiciaire s'accompagne généralement d'une injonction de soins.

À l'instar des mesures de sûreté, cette peine permet de prolonger la durée d'un contrôle social pesant sur un condamné, même au-delà de la réalisation d'une peine d'emprisonnement.

Lorsque le suivi socio-judiciaire accompagne une peine privative de liberté, son application commence lorsque la privation de liberté prend fin.

Le condamné à un suivi socio-judiciaire peut solliciter la juridiction de jugement aux fins de relèvement de la mesure, après avis de la juridiction d'application des peines. Le juge de l'application des peines peut également mettre fin par anticipation au suivi socio-judiciaire dès lors que le reclassement du condamné est acquis.

• L'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire : la définition d'une peine complémentaire et générale pour accompagner les sorties de prison

L'article 28 de la proposition de loi tend à éviter les sorties d'incarcération dites « sèches » , c'est-à-dire sans suivi renforcé ou retour progressif à la liberté, génératrices de récidive 67 ( * ) .

Depuis plusieurs années, cette volonté du législateur d'accompagner les condamnés à leur sortie de prison s'est principalement manifestée par la simplification du prononcé des aménagements de peine avec, par exemple, l'examen systématique de la situation de tous les détenus aux deux tiers de leur peine. Ces dispositifs présentent l'inconvénient de ne permettre un suivi du condamné que pendant la stricte durée de la peine privative de liberté prononcée par la juridiction de jugement .

S'inspirant de la proposition de création d'un « suivi socio-judiciaire probatoire » du rapport de M. Bruno Cotte 68 ( * ) , l'article 28 de la proposition de loi vise à permettre un suivi post-libération même lorsque le condamné a intégralement purgé sa peine d'emprisonnement, sans pour autant avoir recours aux mesures de sûreté.

Il prévoit ainsi une extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire afin d'en faire une peine complémentaire et générale permettant d'accompagner toutes les sorties de détention .

La durée maximale pour les délits de droit commun serait fixée à trois ans, les autres durées maximales de suivi étant conservées.

Plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs ont souligné la difficulté pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation de prendre en charge le surplus de condamnés soumis au suivi socio-judiciaire. En effet, au 1 er avril 2017, 3 163 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation suivaient 246 838 personnes placées sous main de justice, soit un ratio de 78 personnes suivies par conseiller.

Selon une étude de 2013 69 ( * ) , environ 13 % des condamnés éligibles au suivi socio-judiciaire entre 2010 et 2011 (39 % s'agissant des auteurs de crime et 9 % s'agissant des auteurs de délits) ont été effectivement soumis à un suivi socio-judiciaire d'une durée moyenne de six ans pour les crimes et de cinq ans pour les délits.

En se fondant sur cette étude, il est probable que le prononcé du suivi socio-judiciaire augmente légèrement avec l'extension du champ d'application, sans pour autant générer une hausse massive difficilement absorbable par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Comparaison entre le droit actuel et la proposition de loi

Droit actuel

Proposition de loi

Champ d'application
du suivi socio-judiciaire

Lorsqu'il existe une mention législative expresse dans l'incrimination

Tout délit
et tout crime

Délais maximaux du suivi socio-judiciaire

Délit de droit commun

Non applicable

3 ans

Délit mentionné à l'article 706-47 du code de procédure pénale ou commis en récidive

10 ans

10 ans

Délit + décision spécialement motivée de la juridiction de jugement

20 ans

20 ans

Crime

20 ans

20 ans

Crime puni de trente ans de réclusion criminelle

30 ans

30 ans

Crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité

Sans limitation
de durée

Sans limitation
de durée

Enfin, vos rapporteurs soulignent que la création d'une peine complémentaire et générale de suivi socio-judiciaire n'est envisagée qu'en parallèle de l' augmentation , prévue à l'article 3 de la proposition de loi, des effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que des moyens mis à leur disposition.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-22 de coordination.

Votre commission a adopté l'article 28 ainsi modifié .

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS FINALES

Article 29 - Gage financier

L'article 29 de la proposition de loi prévoit que les conséquences financières résultant pour l'État du présent texte sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits perçus sur les tabacs manufacturés vendus au détail ou importés dans les départements de la France continentale.

Votre commission a adopté l'article 29 sans modification .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
CHAPITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SANCTUARISATION DES CRÉDITS DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE

Article 1er (art. 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances) - Identification des crédits alloués à l'autorité judiciaire au sein de la mission « Justice » et exonération de ces crédits de la procédure de mise en réserve budgétaire

L'article 1 er de la proposition de loi organique vise à consacrer, dans la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, l'existence de deux programmes consacrés aux crédits de l'autorité judiciaire et comprenant ceux des juridictions judiciaires ainsi que ceux du Conseil supérieur de la magistrature. Il tend également à instituer une clause « anti-gel », en prévoyant que ces crédits sont exonérés de la procédure de mise en réserve budgétaire, plus communément dénommée « gel budgétaire ». Il traduit ainsi la proposition n° 1 du rapport d'information précité.

Cette proposition résultait d'un constat unanime des conséquences négatives et très concrètes des mesures de régulation budgétaire opérées sur le budget du ministère de la justice. En effet, de l'avis de l'ensemble des chefs de cour et de juridiction, dont l'analyse converge avec celle de la Cour des comptes, ces « gels » de crédits substantiels en début d'année et « dégels » erratiques au cours de l'année méconnaissent l'exigence de bonne gestion des deniers publics d'une part, et, sont de nature à désorganiser gravement le fonctionnement des juridictions, d'autre part.

La mission d'information sur le redressement de la justice a considéré que l'autorité judiciaire, en raison de son rang constitutionnel, devait bénéficier d'un traitement équivalent à celui réservé aux institutions dont le budget fait partie de la mission « Pouvoirs publics » 70 ( * ) , qui sont exonérées de gel budgétaire.

Si, lors des auditions, la quasi-unanimité des personnes entendues par vos rapporteurs ont salué cet objectif de sanctuarisation des crédits de l'autorité judiciaire, cette ambition n'est toutefois pas sans poser des difficultés d'ordre institutionnel et juridique.

Outre la crainte de revendications d'autres ministères de bénéficier d'un traitement équivalent, la mise en réserve de crédits constitue une prérogative de gestion du Gouvernement, et il existe donc un doute sur la conformité à la Constitution de dispositions visant à l'en priver. En effet, le Conseil constitutionnel a reconnu la conformité à la Constitution de cette pratique de la « régulation budgétaire », qui découle des pouvoirs que le Gouvernement tient des articles 20 et 21 de la Constitution en matière d'exécution de la loi de finances, dans la mesure où il en informe le Parlement lors de la discussion du projet de loi de finances 71 ( * ) .

Vos rapporteurs tiennent à souligner que, si la mise en réserve de crédits constitue bien une prérogative de gestion du Gouvernement, elle demeure encadrée par la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, qui mentionne expressément qu'est jointe au projet de loi de finances de l'année « une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement, indiquant en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel et celui prévu pour les crédits ouverts sur les autres titres ».

De surcroît, le rang constitutionnel de l'autorité judiciaire pourrait justifier le traitement spécifique des crédits qui lui sont alloués, de même que le montant mineur de ceux-ci en proportion du budget de l'État (3,451 milliards d'euros soit à peine 1 % dans le projet de loi de finances pour 2018) pourrait être interprété comme ne portant pas atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation.

En outre, si des arbitrages interministériels peuvent faire bénéficier certains programmes de modalités avantageuses de mise en réserve par le biais de dégels anticipés, comme cela est déjà le cas pour les juridictions financières et administratives, et comme cela est également suggéré par M. Jean Pisani-Ferry pour les crédits alloués au « Grand plan d'investissement 2018-2022 » 72 ( * ) , force est de constater que de telles dispositions n'ont jamais été prises pour le budget de l'autorité judiciaire, justifiant, selon vos rapporteurs, l'intervention du législateur.

Afin de compléter le dispositif prévu par la proposition de loi organique, votre commission a adopté, sur proposition de ses rapporteurs, un amendement COM-1 visant à exclure les annulations de crédits en cours de gestion pour les crédits de l'autorité judiciaire.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE LA MAGISTRATURE

Article 2 (art. 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place de durées minimale et maximale d'affectation dans une même juridiction pour tous les magistrats

L'article 2 de la proposition de loi organique vise à poser le principe selon lequel les magistrats ne peuvent être affectés moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction, sans préjudice des durées maximales spécifiques déjà prévues par le droit en vigueur. Ces nouvelles règles s'appliqueraient aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2018, ceux ayant exercé leurs fonctions depuis au moins dix années à cette date devant quant à eux se conformer à cette nouvelle obligation de mobilité dans les trois années à compter de cette même date. Cet article traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Les dispositions proposées ont pour objet de se conformer aux exigences constitutionnelles, et en particulier au principe énoncé à l'article 64 de la Constitution selon lequel « les magistrats du siège sont inamovibles », et en conséquence duquel « le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement », conformément à l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur les obligations de mobilité en vigueur, qui ne comprennent que des règles maximales d'exercice des fonctions dans le temps, ou des obligations de mobilité géographique conditionnant un avancement de carrière.

Si ces hypothèses ne sont pas identiques aux nouvelles règles que tend à prévoir l'article 2 de la proposition de loi organique, en particulier concernant la règle générale de durée minimale d'affectation qui ne fait l'objet d'aucun précédent, vos rapporteurs les estiment conformes aux principes de portée générale définis par la jurisprudence constitutionnelle 73 ( * ) .

En premier lieu, des dispositions qui subordonnent l'avancement des magistrats ou leur accès à certaines fonctions à des conditions de mobilité géographique ou fonctionnelle ne portent atteinte ni au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège, ni à aucun autre principe ou exigence de valeur constitutionnelle. En deuxième lieu, les règles de portée générale doivent s'appliquer à tous les titulaires des fonctions en cause. En troisième lieu, les magistrats doivent être pleinement informés de la limitation dans le temps de leurs fonctions ; ainsi, en les acceptant, ils auront consenti aux modalités d'affectation prévues par la loi organique. En conséquence, de nouvelles obligations de mobilité et les conséquences qui s'y attachent ne peuvent s'appliquer que dans un délai suffisant pour leur permettre de prendre connaissance de ces nouvelles règles, pouvant impliquer un régime transitoire. Enfin, en quatrième et dernier lieu, le législateur organique doit déterminer les garanties de nature à concilier les conséquences qui résultent d'une obligation de mobilité avec le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège. Tel est l'objet de l'article 3 de la proposition de loi organique.

La fixation de nouvelles règles de mobilité constitue un impératif au regard des difficultés de gestion des ressources humaines soulignées dans le rapport d'information précité et, surtout, de leurs conséquences en termes de désorganisation des juridictions.

La mobilité dans la magistrature a fait l'objet d'une étude approfondie remise au Conseil supérieur de la magistrature en septembre dernier par le professeur Jean Danet 74 ( * ) , que vos rapporteurs ont entendu. Cette étude met en évidence, sur les années 2015 et 2016, une forte mobilité auto-entretenue par le nombre des vacances de postes 75 ( * ) . Selon M. Jean Danet, la chancellerie « doit en effet absolument éviter que les vacances de postes ne soient localisées trop longtemps dans les mêmes juridictions et les mêmes fonctions, [ce qui] génère de nombreux mouvements en cascade ». En outre, la mobilité est encore plus forte sur les premiers postes, et a fortiori dans les régions qui sont perçues comme les moins attractives.

Cette situation ne peut, selon vos rapporteurs, manquer d'interroger, puisqu'elle n'a aucun équivalent dans la fonction publique.

L'exposé des motifs de la proposition de loi organique rappelle également le récent constat du Conseil supérieur de la magistrature, dans son rapport annuel d'activité pour 2016 76 ( * ) , d'une accentuation du phénomène du « turn over » des magistrats, celui-ci concernant près de 20 % en moyenne des postes en juridiction chaque année sur les trois dernières années, même si, parallèlement, « des magistrats demeurent très longtemps dans le même poste, dans la même juridiction notamment au siège ».

Si vos rapporteurs ne souhaitent pas revenir sur le principe des durées minimale et maximale d'affectation dans une même juridiction, il n'en reste pas moins que ces règles semblent poser plusieurs difficultés de mise en oeuvre d'ordre pratique qui ont été portées à leur connaissance lors des auditions.

En effet, si les personnes entendues reconnaissent les difficultés que peuvent engendrer ces phénomènes d'ultra mobilité et de sédentarité dans l'exercice de fonctions juridictionnelles, elles ont indiqué à vos rapporteurs que l'inscription de telles règles dans la loi organique, sans dérogation possible, serait très complexe à mettre en oeuvre en raison de leur rigidité, et pourrait même avoir des effets contre-productifs d'évitement, avec, à titre d'illustration, un accroissement des demandes de mise en disponibilité.

Afin de permettre la mise en oeuvre effective de ces règles, il convient donc de prévoir la possibilité de dérogations, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, qui pourraient prendre en compte à la fois la survenance d'un événement personnel familial ou médical, mais aussi des cas exceptionnels de nomination à certaines fonctions, et également de mettre en oeuvre, le cas échéant, les dispositions relatives au régime disciplinaire des magistrats, conformément au statut de la magistrature.

Vos rapporteurs estiment également indispensable de prévoir une mention expresse selon laquelle des dérogations peuvent aussi être accordées pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. Certaines personnes entendues leur ont ainsi indiqué que l'articulation de la durée requise pour le passage au premier grade et les différentes règles de mobilité pourrait, dans certains cas, retarder d'un ou deux ans la promotion de grade, ce que vos rapporteurs souhaitent bien évidemment prévenir.

Afin de tenir compte de ces difficultés, votre commission a adopté, sur la proposition de ses rapporteurs, un amendement COM-2 qui vise à prévoir la possibilité de déroger à ces nouvelles règles, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. Elle a également adopté un second amendement COM-13 de nature rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (art. 2 -1 [nouveau] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Dispositif de sortie de la durée maximale d'affectation dans une même juridiction

L'article 3 de la proposition de loi organique a pour objet de tirer les conséquences des dispositions de l'article 2 en prévoyant les modalités de sortie de la durée maximale de dix années d'affectation dans une même juridiction. Il dispose ainsi qu'avant l'expiration de cette durée, le magistrat concerné peut soumettre au ministre de la justice, garde des sceaux, six demandes d'affectations différentes au total, et prévoit le cas où les magistrats n'expriment aucun choix. Cet article traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Ainsi qu'en dispose l'exposé des motifs, le dispositif proposé s'inspire de celui applicable aux conseillers référendaires et avocats généraux référendaires à la Cour de cassation, prévu à l'article 28-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, et dont les dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel 77 ( * ) .

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, si le législateur peut instaurer des durées maximales d'affectation des magistrats dans une juridiction, il doit impérativement prévoir un dispositif permettant de concilier ce caractère temporaire des fonctions avec le principe constitutionnel d'inamovibilité des magistrats du siège.

Si le dispositif du présent article a pu être jugé complexe par certaines personnes entendues par vos rapporteurs, notamment en raison du nombre trop élevé de choix possibles d'affectation pour les magistrats, il permet néanmoins de prendre réellement en compte les desiderata d'affectation des magistrats. En conséquence, il apporte les garanties suffisantes d'emploi requises par le Conseil constitutionnel et permet ainsi le respect du principe de l'inamovibilité des magistrats du siège.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

Articles 4 et 7 (art. 3-2 et 21-2 [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège

Les articles 4 et 7 de la proposition de loi organique visent à mettre en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège, pour le traitement de contentieux particuliers ou pour la préparation de décisions complexes. Ainsi, le magistrat en charge de l'affaire, qui seul endosserait la responsabilité du jugement, bénéficierait d'un renfort précieux pour préparer sa décision et, le jeune magistrat, qui se verrait confier le traitement d'une partie de l'affaire, pourrait quant à lui parfaire sa formation. Ces articles traduisent la proposition n° 94 du rapport d'information précité.

L'article 4 concerne les magistrats en poste depuis moins de trois ans. Le président de la juridiction pourrait leur demander de prêter leur concours au magistrat en charge d'une affaire dont la nature le justifierait, de par sa complexité par exemple.

Quant à l'article 7, il prévoit que des auditeurs de justice pourraient être nommés en premier poste auprès d'un magistrat du siège exerçant ses fonctions au sein d'une juridiction qui détient des compétences particulières ou au sein d'une juridiction spécialisée. L'objectif de cette disposition est de créer, pour les magistrats du siège, des pôles d'excellence sur le modèle de ce qui existe déjà, pour les magistrats du parquet, avec les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

Ces dispositions se sont heurtées à une forte opposition de la part de la quasi-totalité des magistrats entendus par vos rapporteurs, qui ont estimé que la création de ce que certains ont qualifié de « sous-magistrats » portait atteinte à leur indépendance, constitutionnellement garantie.

Vos rapporteurs estiment que cette interprétation revient à avoir une conception particulièrement extensive du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, consacré à l'article 64 de la Constitution 78 ( * ) .

Ils ont néanmoins jugé que l'objectif de la proposition de loi organique pouvait être atteint par d'autres moyens plus consensuels et, en particulier, par un recours accru à la collégialité, qui suppose une délibération et un jugement collectifs.

Le renforcement du recours à la collégialité n'implique pas de modification législative. Il est d'ores et déjà possible, sur décision du président de la juridiction ou de son délégué (article 804 du code de procédure civile), soit à la demande du juge unique saisi, soit d'office (article R. 212-9 du code de l'organisation judiciaire), y compris en matière de référé (article 487 du code de procédure civile) ou d'exécution des décisions de justice (article L. 213-7 du code de l'organisation judiciaire).

Le recours à la collégialité a cependant marqué un net recul au cours des dernières années, en raison principalement de l'insuffisance des effectifs de magistrats. À cet égard, vos rapporteurs soulignent que la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, examinée en même temps que la présente proposition de loi organique, prévoit un renforcement des moyens humains pour arriver à combler les vacances de postes de magistrats à l'horizon 2022, ce qui devrait favoriser grandement un retour progressif de la collégialité au sein des juridictions.

À côté du recours accru à la collégialité, prôné par la totalité des personnes entendues par vos rapporteurs sur ces dispositions, une réflexion devrait être menée pour développer les hypothèses de co-saisine, actuellement prévues en matière pénale seulement, pour les juges d'instruction 79 ( * ) .

Vos rapporteurs ont donc présenté deux amendements COM-3 et COM-5 de suppression de ces dispositions.

Cependant, au cours de la réunion d'établissement de son texte, au terme d'un riche débat, votre commission a décidé de ne pas adopter ces amendements, estimant que les articles 4 et 7 apportaient un début de solution à la problématique de l'isolement de nombreux jeunes magistrats du siège, à la sortie de l'École nationale de la magistrature, en promouvant une forme utile de tutorat.

Votre commission a adopté les articles 4 et 7 sans modification .

Article 5 (art. 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Articulation entre les critères de sélection et d'évaluation des chefs de juridiction

L'article 5 de la proposition de loi organique a pour objet de prévoir la prise en compte, lors de l'évaluation des chefs de juridiction, des critères de sélection eux-mêmes pris en compte par le Conseil supérieur de la magistrature lors de leur nomination, et institués par les articles 14 et 15 de la proposition de loi organique. Il traduit la proposition n° 67 du rapport d'information précité.

Ces dispositions n'ont pas suscité de remarques particulières lors des auditions organisées par vos rapporteurs, à l'exception d'une suggestion d'adaptation des grilles d'évaluation à ces nouveaux critères pour les chefs de juridiction, qui semble tout à fait opportune à vos rapporteurs.

Par ailleurs, à l'occasion de ces auditions, vos rapporteurs ont noté que le dispositif d'évaluation ne s'appliquait pas aux chefs de cour.

Ces derniers doivent en revanche, depuis la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, définir les objectifs de leur action dans les six mois de leur nomination, et élaborer ensuite tous les deux ans un bilan de leur activité dans l'ensemble du ressort. Il a semblé intéressant à vos rapporteurs qu'un premier bilan de ces nouvelles obligations puisse être effectué par la chancellerie en concertation avec les principaux intéressés.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Article 6 (art. 14 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Obligation de formation à la prise des fonctions de chef de cour ou de juridiction

L'article 6 de la proposition de loi organique tend à instituer une obligation de formation des chefs de cour et de juridiction, qu'ils devraient suivre au plus tard dans les trois mois de leur prise de fonctions. Il traduit ainsi la proposition n° 68 du rapport d'information précité.

Lors des auditions organisées par vos rapporteurs, cette disposition a été saluée comme tout à fait opportune au regard des compétences requises pour l'exercice des fonctions de chefs de cour et de juridiction, qui dépassent largement les compétences juridictionnelles.

De surcroît, si cette disposition s'inscrit dans la continuité du programme de formation continue mis en place par l'École nationale de la magistrature, ce qui devrait permettre une mise en oeuvre facilitée, il semble néanmoins à vos rapporteurs que deux points pourraient être revus afin de donner plus de souplesse à l'organisation concrète de cette formation.

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a donc adopté un amendement COM-4 visant à rallonger à six mois, au lieu de trois, le délai au cours duquel les chefs de cour et de juridiction doivent suivre cette formation au moment de leur installation, de façon à ne pas porter atteinte au fonctionnement de la juridiction dans laquelle le responsable est nommé. De même, votre commission a substitué un décret simple au décret en Conseil d'État prévu pour la définition des modalités et du programme, dans l'objectif d'en faciliter la mise en oeuvre.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 8 (art. 28 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire à la Cour de cassation

L'article 8 de la proposition de loi organique introduit le même principe que celui retenu par l'article 2 d'une durée minimale d'affectation de trois années dans la même juridiction, s'appliquant aux fonctions de conseiller référendaire et d'avocat général référendaire à la Cour de cassation. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Il laisse, en outre, inchangées les dispositions spéciales actuelles qui limitent à dix années la durée maximale d'exercice de ses fonctions par un conseiller référendaire ou un avocat général référendaire à la Cour de cassation.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-6 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9 (art. 28-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction du premier grade

L'article 9 de la proposition de loi organique introduit le même principe que celui retenu à l'article 2 et institue une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de président et de procureur de la République d'un même tribunal de grande instance ou de première instance, pour les magistrats du premier grade. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Il laisse, en outre, inchangées les dispositions spéciales qui limitent la durée maximale d'exercice de ces fonctions à sept années dans le droit en vigueur.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-7 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 (art. 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions spécialisées dans une même juridiction

L'article 10 de la proposition de loi organique décline le même principe que celui retenu par l'article 2 en instituant une durée minimale de quatre années d'exercice des fonctions spécialisées dans la même juridiction. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Seraient concernées les fonctions spécialisées de juge des libertés et de la détention, de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines, ainsi que de juge de tribunal de grande instance chargé du service d'un tribunal d'instance, dans l'attente de la mise en place du tribunal de première instance, prévue par la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice.

La durée minimale d'exercice des fonctions de quatre années, supérieure d'un an à l'affectation minimale prévue pour les autres magistrats, se justifie par la continuité requise dans le traitement des dossiers traités en cabinet, une rotation trop rapide dans ses fonctions ayant trop souvent pour corollaire du retard dans l'instruction des dossiers le temps que le successeur les appréhende dans sa globalité. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé conforme à la Constitution l'instauration d'une règle particulière de mobilité pour certaines fonctions, dans la mesure où « les régimes dérogatoires trouvent leur justification dans la spécificité des fonctions exercées par les intéressés » et qu'ainsi ils ne « portent pas atteinte au principe d'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière » 80 ( * ) .

Les dispositions spéciales actuelles qui limitent la durée maximale d'exercice de ces fonctions à dix années resteraient inchangées.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-8 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 (art. 37 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de premier président d'une même cour d'appel

L'article 11 de la proposition de loi organique introduit le même principe que celui retenu par l'article 2, en instituant une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de premier président d'une même cour d'appel. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Les dispositions spéciales actuelles qui limitent la durée d'exercice de ces fonctions à sept années resteraient inchangées.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-9 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 12 (art. 38-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de procureur général près une même cour d'appel

L'article 12 de la proposition de loi organique tend à introduire le même principe que celui retenu par l'article 2, en instituant une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de procureur général d'une même cour d'appel. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Les dispositions spéciales actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d'exercice de ces fonctions resteraient inchangées.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-10 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (art. 38-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction placé hors hiérarchie

L'article 12 de la proposition de loi organique tend à introduire le même principe que celui retenu par l'article 2, en instituant une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de chef de juridiction placé hors hiérarchie. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Les dispositions spéciales actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d'exercice de ces fonctions resteraient inchangées.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-11 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

Article 14 A (nouveau) (art. 10-1-2 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature et art. 7-3 [abrogé] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Coordination relative à la déclaration de situation patrimoniale des membres du Conseil supérieur de la magistrature

Introduit par votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, par l'adoption de leur amendement COM-12 , l'article 14 A de la proposition de loi organique vise à tirer les conséquences d'une décision récente du Conseil constitutionnel et à assurer une coordination avec les lois du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, s'agissant de la déclaration de situation patrimoniale des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

L'obligation pour les membres du Conseil d'établir une déclaration de situation patrimoniale résulte de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature. Lorsqu'il a examiné ce texte 81 ( * ) , le Conseil constitutionnel a censuré l'obligation d'établir une déclaration de situation patrimoniale pour les seuls chefs de cour et chefs de juridiction, sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), au motif d'une rupture d'égalité entre les magistrats, tout en admettant cette même obligation pour les membres du Conseil supérieur de la magistrature dans leur intégralité.

D'une part, le présent article tire les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel, en abrogeant les dispositions relatives à la déclaration de situation patrimoniale au sein de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, pour les transférer au sein de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

D'autre part, il étend de six mois à un an le délai pendant lequel un membre du Conseil supérieur de la magistrature est dispensé d'adresser une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la HATVP, par coordination avec la modification similaire opérée par la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique et la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, pour les parlementaires, élus et autres responsables publics soumis à cette obligation.

Votre commission a adopté l'article 14 A ainsi rédigé .

Article 14 (art. 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) - Critères de sélection pour la nomination des premiers présidents de cour d'appel et des présidents de tribunal de grande instance

L'article 14 de la proposition de loi organique vise à définir des critères de sélection respectivement applicables aux premiers présidents de cour d'appel et présidents de tribunal de grande instance, que la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature doit apprécier, sur le rapport de l'un de ses membres, pour arrêter les propositions de nomination qu'elle soumet au Président de la République conformément à l'article 65 de la Constitution. Il traduit ainsi la proposition n° 67 du rapport d'information précité.

Lors des auditions organisées par vos rapporteurs, l'instauration dans la loi organique de critères de sélection des chefs de cour et de juridiction a reçu un accueil favorable, dans la mesure où ces critères se rapprochent de ceux déjà appliqués par le Conseil supérieur de la magistrature. Le risque évoqué selon lequel cette disposition pourrait ouvrir un nouveau champ contentieux de contestation de l'application des critères par un candidat évincé par exemple, n'a pas convaincu vos rapporteurs de revoir la rédaction de cet article qui renforce la transparence et l'objectivité de la nomination des chefs de cour et de juridiction.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification .

Article 15 (art. 16 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) - Critères de sélection pour la nomination des procureurs généraux et des procureurs de la République

L'article 15 de la proposition de loi organique vise à définir des critères de sélection respectivement applicables aux procureurs généraux près une cour d'appel et procureurs de la République près un tribunal de grande instance, que la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature doit apprécier, pour donner son avis, sur le rapport de l'un de ses membres, concernant les propositions de nomination du ministre de la justice. Il traduit ainsi la proposition n° 67 du rapport d'information précité.

Votre commission a adopté l'article 15 sans modification .

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS FINALES

Article 16 (art. 3, 3-1, 13, 32, 41-10, 41-11, 41-13, 41-14, 41-25, 41-26, 41-28, 41-29, 72-3 et 76-1-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Coordinations avec la création du tribunal de première instance

L'article 16 de la proposition de loi organique tend à procéder à plusieurs coordinations, au sein de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, exigées par la création, à l'article 10 de la proposition de loi ordinaire, du tribunal de première instance.

Ces coordinations entreraient en vigueur à compter de la création de ce nouveau tribunal, c'est-à-dire à une date fixée par décret, et au plus tard le 1 er janvier 2022.

Il s'agit de supprimer les références au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance, pour les remplacer par des références au tribunal de première instance. Il s'agit également de supprimer, par cohérence, la fonction spécialisée de juge d'instance. Si certaines personnes, entendues en audition par vos rapporteurs, ont évoquée l'idée de maintenir une fonction spécialisée de juge chargé des contentieux de proximité, au siège et dans les chambres détachées du tribunal de première instance, vos rapporteurs ont considéré qu'une telle idée s'éloignait quelque peu de la logique du nouveau tribunal de première instance.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 17 (art. 1er, 2 et 4-1 de loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) - Coordinations avec la création du tribunal de première instance

L'article 17 de la proposition de loi organique tend à procéder à plusieurs coordinations, au sein de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, exigées par la création, à l'article 10 de la proposition de loi ordinaire, du tribunal de première instance.

Ces coordinations entreraient en vigueur à compter de la création de ce nouveau tribunal, c'est-à-dire à une date fixée par décret, et au plus tard le 1 er janvier 2022.

Il s'agit de supprimer les références au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance, pour les remplacer par des références au tribunal de première instance.

Votre commission a adopté l'article 17 sans modification .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

(MERCREDI 18 OCTOBRE 2017)

M. Philippe Bas , président . - Nous en venons à l'examen de la proposition de loi n° 641 (2016-2017) d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice et de la proposition de loi organique n° 640 (2016-2017) pour le redressement de la justice dont je précise, en tant qu'auteur, qu'elles font suite au rapport de notre mission d'information, qui comportait un représentant de chaque groupe.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Ces deux textes font en effet suite aux travaux de notre mission d'information, qui ont donné lieu à 117 auditions au cours desquelles ont été entendues 289 personnes ainsi qu'à 13 déplacements, et dont le rapport a été présenté le 4 avril dernier. Je précise cependant qu'ils n'en reprennent pas toutes les conclusions, puisque la thématique retenue, très large, avait conduit la mission à se pencher sur des dispositions relevant tant de la loi que du règlement.

Ces deux propositions de loi partent du constat que la hausse des moyens dévolus à la justice, passés de 4,5 à 8,5 milliards d'euros entre 2002 et 2017, n'a pas apporté d'améliorations significatives. De fait, trop de réformes sont venues complexifier le fonctionnement de la justice, en même temps que l'activité juridictionnelle n'a cessé de croître, si bien que notre système judiciaire souffre aujourd'hui de la comparaison avec d'autres systèmes européens.

L'objectif de la proposition de loi d'orientation et de programmation est d'augmenter les crédits de la mission « Justice », pour les faire passer de 8,5 à 10,9 milliards d'euros entre 2018 et 2022, soit un taux moyen de progression de 5 % sur cinq ans. Cet objectif est indissociable - il ne faudra pas le perdre de vue au cours de nos débats - de réformes ambitieuses à engager.

Avec Jacques Bigot, nous avons travaillé main dans la main sur ces deux textes, qui nous ont conduits à aborder de multiples questions : sanctuarisation des crédits de l'autorité judiciaire, évolution des tribunaux de commerce et des conseils de prud'hommes, statut des magistrats, création d'un tribunal départemental de première instance, exécution des peines, aide juridictionnelle...

L'objectif premier est, ainsi que je l'ai indiqué, de sanctuariser les moyens de l'autorité judiciaire, étant entendu que les lois d'orientation pluriannuelles ne sont pas juridiquement contraignantes, en particulier vis-à-vis des lois de finances, ainsi que l'a réaffirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 décembre 2012 sur la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Soulignons également qu'au cours de nos auditions, plusieurs personnes entendues ont constaté, à regret, que l'effort budgétaire nécessaire pour intégrer le plan de construction de 15 000 places de prison, résultant de la proposition n° 123 du rapport d'information, ait conduit à augmenter bien davantage les crédits de l'administration pénitentiaire que ceux des juridictions judiciaires. Ce point, qui reste l'objet de débat, appelle à rechercher un équilibre. J'indique ainsi d'emblée que l'augmentation projetée de 5 % par an tient compte des enjeux propres à chacun des secteurs de la justice.

Cette augmentation des moyens passe aussi par une augmentation du plafond des emplois, qui devrait atteindre, en 2022, le nombre de 96 954, ainsi que par le recrutement, sur la même période, de 1 500 conciliateurs de justice, dans l'optique de favoriser la résolution des conflits par la voie de la conciliation et de la médiation.

Si notre commission des lois n'est guère favorable à la demande de rapports au Gouvernement, il nous est cependant apparu utile, dans le cas présent, d'assurer le suivi de l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, et c'est pourquoi nous proposons un rapport annuel à cette fin.

S'agissant de la mise à disposition, sous forme numérique, des décisions de justice au bénéfice du grand public, nous jugeons utile de prévoir l'anonymisation de tous ceux qui sont appelés à participer à la décision, afin de les protéger.

À titre personnel, j'estime que notre justice au sens large est très en retard, tant en termes de gestion des ressources humaines que de moyens matériels dévolus aux magistrats et aux greffiers. Il y a un souci majeur d'organisation de ce ministère et de mise à niveau de cette organisation. Autant de questions qui ne relèvent pas de la responsabilité du législateur, mais auxquelles il ne faudra pas moins être vigilants.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Le rapport de notre mission d'information est en effet très évocateur, puisque ses 127 propositions abordent de nombreuses questions touchant à l'organisation de la justice. Si c'est bien la question du financement qui préside à l'esprit de ce texte, il reste que ce renforcement des moyens de la justice ne saurait se passer d'une organisation nouvelle, plus efficiente - ce qui ne relève pas, pour l'essentiel, du législateur, et pas même, parfois, du pouvoir réglementaire...

La proposition de loi organique vise, principalement, à stabiliser la nomination des magistrats. Le fait est que dans certaines juridictions, les magistrats aspirent rapidement à une autre affectation, pour des raisons d'ordre géographique ou tenant à la charge de travail. Cela est vrai tant à Vesoul qu'à Bobigny, pour ne citer que ces exemples. Le texte prévoit donc que les magistrats resteront trois ans au moins dans leur affectation, quatre dans les fonctions spécialisées, avec en parallèle une durée maximale d'affectation de dix ans dans la même juridiction, tout en laissant une indispensable souplesse au Conseil supérieur de la magistrature. Il nous paraît important de l'affirmer dans la loi.

La proposition de loi ordinaire traite bien de questions d'organisation - son chapitre II est intitulé « Moderniser le service public de la justice en innovant et en maîtrisant la révolution numérique » -, mais on sait que l'essentiel de cette révolution passera par une évolution des modes d'organisation interne, qui ne relèvent pas de notre compétence. Le texte s'en tient à définir des cadres juridiques applicables à la mise à disposition des décisions de justice, aux sites internet de prestations juridiques et d'aide à la décision de justice, aux dispositifs de règlement alternatif des litiges - on sait que des sites commencent à se créer qui proposent aux gens de mettre en oeuvre des procédures de conciliation : il faut en définir le cadre et leur fixer une déontologie. Tel est l'objet, fort pertinent, des articles 7 et 8.

S'agissant de l'organisation de la justice à proprement parler, la proposition de loi reprend un point intéressant du rapport de la mission d'information, sur lequel nous nous étions montrés assez unanimes : la création d'un tribunal départemental de première instance, institution unique venant remplacer les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance, étant entendu que, dans certains départements, deux tribunaux peuvent rester nécessaires, compte tenu de divers critères comme le flux d'affaires ou la démographie. Il s'agit, en somme, de promouvoir une organisation plus rationnelle. On se souvient que la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle avait déjà transféré les audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance, et que toute une série de compétences du juge d'instance ont peu à peu disparu au profit du tribunal de grande instance. Cette proposition de nouvelle organisation, à laquelle nous nous étions montrés plutôt favorables, n'est pas de nature à nuire, ainsi que le précise l'auteur de la proposition de loi, à la proximité du juge, car les structures existantes seraient maintenues et fonctionneraient sous forme de chambres détachées. Il y a là un équilibre possible.

Rappelons-nous aussi que la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle entendait décharger le juge d'un certain nombre de tâches, et renforcer la conciliation. La proposition de loi s'inscrit dans cette perspective en conférant force exécutoire aux procès-verbaux de conciliation dressés par les conciliateurs de justice - nous vous proposerons un amendement sur ce point, qui pose aujourd'hui des difficultés juridiques susceptibles, néanmoins, d'être réglées à l'avenir. Elle vise également à permettre au juge de déléguer sa mission de conciliation à des juristes assistants ou à des greffiers assistants du magistrat. Tel est l'objet de l'article 13.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - J'en viens à la proposition visant à transformer les tribunaux de commerce en tribunaux des affaires économiques, en leur donnant compétence à l'égard des agriculteurs, des professions libérales et des personnes morales de droit privé non commerçantes, autrement dit les associations ayant des activités à caractère économique, pour les problèmes liés aux difficultés économiques, qui relèvent pour l'heure des tribunaux de grande instance. Cela suppose, en conséquence, de revoir le collège électoral des juges consulaires, pour que ces professions y soient électeurs et éligibles. Cette évolution, intéressante, traduit la compétence reconnue du tribunal de commerce, ainsi qu'en ont témoigné tant nos auditions que celles de la mission d'information, en matière de règlement des situations propres aux entreprises en difficulté.

En ce qui concerne le conseil des prud'hommes, le texte entend autoriser de façon non plus temporaire mais permanente le transfert d'un conseiller de section dans une autre section, pour s'adapter à la charge de travail. Cette souplesse permettra au conseil de fonctionner dans de meilleures conditions. Tel est l'objet de l'article 15.

S'agissant, enfin, de l'aide juridictionnelle, le texte prévoit un droit de timbre de 20 à 50 euros, pour financer le dispositif, saturé et onéreux. Nous avons exclu l'idée de constituer un fichier des assurances de protection juridique, consultable par les bureaux d'aide juridictionnelle, qui vérifieraient ainsi directement si la demande d'aide juridictionnelle n'est pas déjà couverte par une assurance. Les assureurs se disent incapables de mettre en place un tel fichier, dont l'utilité serait par ailleurs limitée puisque l'assurance ne couvre pas les mêmes contentieux que l'aide juridictionnelle.

M. Pierre-Yves Collombat . - Ce qui interdit, bien évidemment, de légiférer !

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Une précision sur les contrats de protection juridique. Ainsi que nous le relevons dans le rapport, ces contrats tels que proposés par les assureurs, en France, à la différence d'autres pays, n'ont pas pour objet la prise en charge des frais financiers d'accès à la justice. Ils visent plutôt à organiser un service de conseil juridique, à faire de la médiation - ce qui exclut, du même coup, les contentieux familiaux, pénaux et prudhomaux, c'est à dire les contentieux du quotidien.

J'en arrive au dernier point de la proposition de loi ordinaire, qui concerne le redressement de la justice pénale. Le groupe socialiste et républicain, dans sa contribution annexée au rapport d'information, avait manifesté des réserves sur ce point. Soyons clairs, nous ne sommes pas pleinement d'accord. Je sais gré, cependant, à l'auteur de la proposition de loi de ne pas y avoir inscrit la suppression de la contrainte pénale, et de poser clairement, à l'article 27, une question qui suscite l'incompréhension des populations. Depuis 2009, la loi précise que, lorsqu'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans est prononcée par le tribunal correctionnel, son exécution est soumise à l'appréciation du juge de l'application des peines. Elle peut donc ne pas être exécutée en détention. Si bien que les gens en viennent à penser que les peines d'emprisonnement prononcées ne sont pas effectives. Le Président de la République, lui-même, n'a-t-il pas déclaré qu'il fallait que les peines d'emprisonnement prononcées soient effectivement exécutées ? Avant sa suppression, on réglait le problème de la surpopulation carcérale par la grâce présidentielle du 14 juillet, qui permettait de faire de la place dans les prisons. Mais il n'est pas sûr que ce soit là une solution adéquate. L'article 27 a le mérite de poser le débat, en soulignant que les juges qui prononcent la sanction ne doivent pas renvoyer à d'autres la décision sur ses modalités d'exécution. Lors des auditions de la mission d'information, les juges de l'application des peines se sont plaints de voir leurs collègues en correctionnelle se décharger sur eux. Et nos auditions sur ce texte nous ont amenés à constater une rupture totale et une absence de dialogue manifeste entre les magistrats et l'administration pénitentiaire, à telle enseigne que les visites d'établissements pénitentiaires par des magistrats sont assez exceptionnelles. Des juges prononcent ainsi des peines sans jamais se préoccuper des conditions qui prévalent en maison d'arrêt. Certains directeurs de maison d'arrêt disent qu'ils ne peuvent plus accepter de détenus, sauf à créer un risque de sécurité. L'article 27 nous permettra d'avoir un vrai débat sur ce problème, et d'interpeller la ministre de la justice sur le sens de la peine. Nous constatons que très peu de tribunaux correctionnels font le choix de l'ajournement du prononcé de la peine, qui donnerait le temps de se renseigner après le prononcé de la culpabilité. Certes, la sanction est nécessaire, mais on sait qu'après la peine, il y a aussi la sortie, et que les courtes peines d'emprisonnement sont inefficaces et conduisent souvent à la récidive.

Pour toutes ces raisons, il importe que la politique pénale soit bien comprise au niveau des juridictions. Nous vous proposerons un amendement pour aller dans ce sens. Il y a là un vrai sujet, qui appelle une prise de conscience du monde judiciaire. Nous n'avons pas le pouvoir de provoquer une telle prise de conscience par la loi, mais nous avons celui d'interpeller : tel est le sens des articles 27 et 28 qui, sans résoudre le problème, ont le mérite d'ouvrir le débat.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Je précise que le rapport annexé à la proposition de loi d'orientation et de programmation présente un panorama complet des grands enjeux de la réforme de la justice, tant au plan législatif que réglementaire, pour assurer la cohérence d'ensemble. Il reprend les recommandations du rapport d'information.

M. Philippe Bas , président . - Je remercie nos deux rapporteurs dont le travail nous a permis de vérifier que nombre des propositions contenues dans ces deux textes sont consensuelles, en même temps que d'autres méritent d'être mieux affirmées, ce qui justifiera certains des amendements qui vont nous être présentés.

Le travail engagé depuis le mois de juillet 2016 a été inspiré par la conviction que la justice, comme la défense ou la diplomatie, est une grande fonction de l'État qui mérite d'être traitée hors des clivages partisans. C'est pourquoi nous avons recherché le consensus, afin de la soustraire à une gestion erratique et d'inscrire son redressement dans la continuité.

Notre diagnostic n'est pas original : notre justice va mal, elle souffre, elle est embolisée. Ses manques en matière de gestion, d'organisation, de fonctionnement l'empêchent de réagir à la marée montante des affaires. Nous en tirons deux robustes conclusions : il lui faut plus de moyens, mais qu'il serait inutile de déverser sans réforme. D'où ces deux textes, qui visent à répondre à cette double exigence.

Notre travail n'est pas sans précédent. Il y a déjà eu une loi d'orientation et de programmation pour la justice, votée en juillet 2002 et promulguée en septembre de la même année. C'est dire que lorsque l'on a le sentiment de l'urgence, on peut aller vite. Le Gouvernement s'est attelé à la tâche mais se donne, ce que l'on ne peut lui reprocher, le temps de la réflexion. Comme nous avions pris un peu d'avance sur le sujet, il nous a paru juste de nous mettre en capacité d'aiguillonner cette réflexion, en traduisant la nôtre en propositions de loi, dans l'espoir que, lorsque le Gouvernement sera mûr, il pourra directement inscrire nos deux textes à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, au lieu de présenter un texte en conseil des ministres à la fin du premier semestre 2018, au risque que celui-ci ne soit pas voté définitivement, compte tenu du calendrier des textes budgétaires, avant le début de l'année 2019 - ce qui, s'agissant d'une loi de programmation quinquennale, amènerait la fin de l'exécution de cette loi deux ans après la fin du quinquennat.

J'ajoute que le système de la loi de programmation, même s'il ne contraint pas l'État dans son budget annuel, s'est révélé efficace. La plus forte augmentation du budget de la justice s'est précisément observée durant le quinquennat 2002-2007 : elle a été de 37 %, contre 19 % entre 2007 et 2012 et 15,5 % seulement entre 2012 et 2017. D'où notre choix.

La réforme doit avoir pour effet de faciliter l'accès de nos concitoyens à la justice. Qu'ils ne se perdent plus dans la répartition des compétences entre tribunal d'instance et tribunal de grande instance serait déjà beaucoup. Il ne s'agit pas de fermer des lieux de justice, mais de faire en sorte que, dans tous, on puisse traiter les affaires de la justice de tous les jours, et de donner au président de juridiction et au procureur de la République les moyens d'organiser le travail des magistrats et des greffiers, en les mettant à la tête d'un effectif suffisant pour qu'un congé ou une vacance de poste n'entraîne pas un dysfonctionnement brutal, comme on l'a vu trop souvent dans nos départements. Ce n'est pas perdre en proximité, car les tribunaux d'instance deviendront des chambres détachées devant lesquelles tout contentieux pourra être présenté. Ce qui n'interdit pas, si la configuration ou la démographie d'un département le réclame, qu'il y existe plusieurs tribunaux de première instance.

Quant aux cours d'appel, il faut bien souligner qu'il s'agit d'en concevoir un nouveau modèle, plus homogène. Selon qu'une cour compte 11 ou 250 magistrats, elle ne peut, d'évidence, faire le même travail. Lorsqu'une cour est confrontée à un contentieux impliquant une grande entreprise, nos magistrats se sentent souvent bien démunis faute de spécialisation pour faire face à des brigades d'avocats et des services juridiques puissants. La qualité de l'appel s'en ressent. Les propositions de loi qui vous sont soumises ne visent pas, encore une fois, à fermer des lieux de justice mais à monter en gamme dans la réponse judiciaire aux contentieux complexes. Notre souci est de mettre en place, pour user d'une métaphore empruntée à la politique de la santé, des « plateaux techniques » performants, dotés de moyens humains adéquats.

Je suis heureux que nous puissions procéder ici à l'ajustement de ces deux textes pour permettre leur examen en séance publique.

M. Patrick Kanner . - Le groupe socialiste et républicain accueillera favorablement ces deux propositions de loi, qui confortent l'action menée durant le précédent quinquennat, avec l'objectif d'améliorer le fonctionnement de la justice, à partir d'un constat sans concession sur la situation de notre système judiciaire que nous partageons.

Ces deux textes et le rapport d'information auquel ils font suite - et qui est une somme remarquable sur notre système judiciaire - soulèvent plusieurs questions. Comment donner aux jeunes magistrats l'envie de rester en poste dans des juridictions difficiles ? Comment assurer l'effectivité de l'exécution des peines ? Comment faire en sorte que les moyens de la justice soient en corrélation avec sa mission de service public ? Comment adapter le fonctionnement de la justice à la révolution numérique ? On est très loin du compte en la matière. Telles sont quelques-unes de ces questions.

Les réponses apportées par ces propositions de loi sont conformes à nos attentes. En particulier, la nécessité d'augmenter les moyens de la justice. Il nous faut aller jusqu'au bout de cette ambition et je tiens à souligner ici l'action de Jean-Jacques Urvoas, qui en avait fait son premier combat. Je me félicite de nous voir favorables à poursuivre ensemble la bataille, avec cette loi de programmation budgétaire.

Si nous souhaitons des sanctions, il faut des moyens pour les mettre en oeuvre et pour s'assurer de l'effectivité de la peine. Il faut cesser de prononcer des peines d'emprisonnement qui ne sont pas, in fine , exécutées ; les Français ne le comprennent pas, il faut en tenir compte. Cela suppose aussi un système pénitentiaire qui prévienne la récidive.

J'observe que, malgré des divergences de position sur le sujet, ce texte ne remet pas en cause la contrainte pénale. C'est en cohérence avec l'augmentation des moyens, qui permettra une meilleure mise en oeuvre de ce dispositif.

Ce texte respecte l'esprit de la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle, portée par Christiane Taubira, et qui entendait restaurer la confiance des Français dans une justice rendue moins complexe, plus lisible, plus accessible, notamment grâce à la modernisation du service public de la justice par le numérique.

Vous l'avez compris, notre groupe est particulièrement bienveillant à l'égard de ces textes. Il demeure, néanmoins, quelques points de divergence, notamment dans la proposition de loi ordinaire. Réinstaurer une contribution pour l'aide juridique ou mettre en place une nouvelle amende en cas de pourvoi jugé dilatoire ou abusif nous semble faire obstacle à un accès à la justice pour tous. Baisser les seuils d'aménagement de peine ou étendre le suivi socio-judiciaire ne nous semble pas cohérent avec la volonté de rendre les peines plus efficaces, donc avec l'esprit même du texte que vous présentez.

Enfin, même si le lien de l'amendement que je vais évoquer est certes ténu avec le contenu de ce texte, je ne saurais passer sous silence une actualité douloureuse. Nous avons voulu apporter notre contribution pour rendre justice aux victimes des prédateurs sexuels et combler un vide juridique en affirmant clairement le caractère irréfragable de l'absence de consentement d'un mineur victime d'un acte sexuel, comme cela existe dans d'autres pays européens.

Tel est l'esprit dans lequel notre groupe a abordé ces deux propositions de loi.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie de cette appréciation d'ensemble. Une précision sur la contrainte pénale : si sa suppression ne figure pas dans ce texte, c'est que le Sénat l'a déjà votée, le 31 janvier dernier, dans une proposition de loi de François-Noël Buffet sur l'efficacité de la justice pénale dont François Pillet fut le rapporteur. Nous espérons que ce texte sera prochainement débattu à l'Assemblée nationale, même si nous n'avons encore reçu aucune assurance en ce sens...

M. Alain Richard . - Je rejoins les approbations portées sur le travail qui a conduit à ces textes et à l'état d'esprit constructif et partenarial que nous observons aujourd'hui.

Devant la dureté des défis auxquels l'appareil judiciaire est confronté, je veux insister sur une dimension qui n'est ni dans la sensibilité du législateur ni dans les habitudes de pensée du monde de la justice : le management judiciaire. Beaucoup de pays comparables au nôtre ont introduit dans le fonctionnement de leurs juridictions une préoccupation touchant à l'efficacité dans l'utilisation des moyens. Les choses évoluent, certes, avec l'arrivée de nouvelles générations de magistrats, mais nous avons encore beaucoup de progrès à faire. À part dans le corps de l'inspection, c'est un mode de pensée, disons-le, qui est absent de la place Vendôme. Or, une quantité de conditions sont à remplir, même avec davantage de moyens, pour que le système fonctionne mieux.

Je rejoins Jacques Bigot sur le constat des difficultés de contact entre le « juge jugeant » et ceux qui sont en amont et en aval. En amont, car la concertation avec les barreaux sur le fonctionnement quotidien du déroulement des audiences, les rapports avec les experts, les choix en matière de durée d'instruction ne sont en rien collégiaux et ne font l'objet d'aucun retour d'expérience évalué au niveau national, pour développer les bonnes pratiques. Ceux qui font cet effort de management sont isolés, et personne ne profite de leur expérience. Quant à l'aval, le problème de l'exécution des peines et du rapport avec l'administration pénitentiaire est récurrent, alors que l'exécution effective des peines est nécessaire.

Il faudra, par conséquent, y insister auprès de la garde des sceaux : sans esprit d'efficacité ni bonne utilisation de ressources humaines - qui seront toujours rares -, la meilleure réforme du monde ne saurait produire ses effets.

Nous n'en sommes qu'au début de la déjudiciarisation. En matière pénale, en particulier, le volume d'énergie et de temps consacré à la plus modeste action de répression est devenu disproportionné et provoque une autre déjudiciarisation : il ne se passe rien, concrètement, après le constat des faits, on ne poursuit pas. C'est un sujet difficile sur le plan légal et constitutionnel, mais si l'on n'augmente pas la part de la matière contraventionnelle, dont l'initiative revient à l'officier de police judiciaire, on échouera durablement dans la répression de la délinquance.

Il est de la responsabilité du législateur de faire la chasse à tout ce qui contribue à faire que celui qui a intérêt à jouer la montre gagne toujours. Du fait que les magistrats eux-mêmes sont sous la vague, si bien que s'ils contraignaient les parties à abandonner les manoeuvres dilatoires, ils provoqueraient une nouvelle vague de volume à absorber, il y a aujourd'hui consensus entre la partie qui y a intérêt et l'appareil judiciaire, pour favoriser toutes les procédures dilatoires. Il faut y remédier, car c'est l'une des choses qui alimente le plus le sentiment d'inégalité devant la justice.

Enfin, se pose la question de la durée de formation des nouveaux magistrats. Mme Taubira disait qu'il fallait 31 mois. Si l'on dispose de moyens supplémentaires, il faudra inévitablement en venir à une question sur laquelle le Parlement et le Gouvernement se sont affrontés à plusieurs reprises au cours des dernières décennies, et augmenter les recrutements latéraux de magistrats en cours de carrière, venant des professions juridiques, plutôt que provenant de la seule voie des concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature, puisque lorsque l'on augmente substantiellement le nombre d'admis, on baisse fortement le taux de sélection, qui, parfois, peut varier de 1 à 5. Cela revient au final à amoindrir le niveau universitaire des candidats à l'entrée à l'École.

M. Pierre-Yves Collombat . - J'ai été particulièrement satisfait de voir que, pour une fois, une proposition de loi parle d'argent ! Je me demande cependant comment vous avez pu réussir ce petit exploit d'échapper à l'article 40 de la Constitution... Peut-être y a-t-il là un secret que vous ne souhaitez pas partager, comme on reste discret sur l'emplacement d'un coin à champignons, mais enfin...

Je m'interroge sur ce que serait, à vous suivre, la nouvelle carte de l'organisation judiciaire. Un exemple : dans le département du Var, il existe un tribunal de grande instance à Draguignan et un à Toulon. Faut-il comprendre qu'il n'y aurait plus qu'un tribunal de première instance du Var ? Si tel est le cas, cela veut dire que la donne change, car la justice ne tient pas seulement à une question de localisation.

Concernant l'aide juridictionnelle, je constate qu'il s'agit, avant tout, comme pour beaucoup de dispositions proposées, de faire des économies. Comme l'administration judiciaire ne met pas les moyens ou ne peut pas faire la sélection, on va demander à d'autres de le faire. C'est un peu délicat. On met en place d'autres méthodes de filtrage comme le paiement d'une contribution par les justiciables, notamment.

Sur les tribunaux de commerce, enfin, la proposition de loi ne me choque pas, mais le problème n'est pas tant celui de la prise de décision que de l'exécution de ces décisions, abandonnée aux mains de gens qui n'ont peut-être pas toute l'objectivité qui conviendrait.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je salue la qualité de ce rapport, dans la continuité des propositions de loi et du rapport d'information qui l'ont précédé.

Les constats sont anciens, mais ces textes, intervenant à la veille de l'examen du projet de loi de finances et à l'orée de chantiers gouvernementaux sur la justice ouvrent un débat utile.

Je veux insister sur la mise en place du tribunal départemental de première instance. Pour avoir pratiqué cette institution, avant la départementalisation, à Mayotte, qui aura été à l'avant-garde en la matière, je puis témoigner que c'est une excellente initiative, propre à optimiser les moyens de la justice.

Mon autre sujet de préoccupation concerne l'article 24, relatif à l'amende en cas d'appel abusif ou dilatoire. En matière pénale, les délais d'appel sont très restreints et le justiciable, dans une position difficile, doit se déterminer dans un laps de temps très court. Je crains donc que la perspective d'une possible amende ne soit dissuasive.

M. Alain Marc . - Je salue à mon tour la qualité de votre rapport et souhaiterais savoir quel pourcentage du budget nous consacrons à la justice, par rapport aux autres pays européens. Quels objectifs fixez-vous pour les années à venir ?

Quelle est la durée moyenne d'attente entre une affaire et son jugement ? On sait que la situation est, en France, très hétérogène, mais j'aimerais savoir si elle s'est dégradée dans les années passées. Quels objectifs temporels pour les années à venir grâce à l'augmentation budgétaire prévue ?

Mme Brigitte Lherbier . - Les moyens de la justice doivent augmenter, c'est une évidence. Le président du tribunal de grande instance de Lille dit qu'il ne fait même plus laver les carreaux, faute de moyens pour payer une femme de ménage. Cela fait peine.

Vous parlez de stabiliser les affectations des magistrats, j'en suis fort aise. Si l'on peut ouvrir ainsi des perspectives professionnelles à de brillants étudiants en droit qui peinent à s'insérer dans le monde professionnel et hésitent, en particulier dans le Nord, à s'engager dans une voie qui leur paraît inaccessible, c'est tant mieux. Car une telle situation est regrettable. Le juge est le garant des libertés, celles des plus misérables, en particulier. C'est un beau métier. Ceux qui l'exercent dans le Nord sont contents d'y être, et demandent même parfois des prolongations. Pour les autres, ils doivent comprendre qu'un fonctionnaire est appelé à s'adapter aux ambiances locales.

À Lille, 150 000 plaintes ont été déposées et 8 000 affaires pénales jugées. La conciliation, qui est une bonne chose, n'explique pas tout de cette déperdition. Les justiciables, qui veulent des explications sur les classements sans suite de leurs plaintes, se tournent bien souvent vers les élus locaux pour les obtenir...

Que les peines d'emprisonnement de moins de deux ans ne soient pas exécutées est un fait. À Tourcoing, j'ai mis en place des chantiers de travaux d'intérêt général dont le juge de l'application des peines est très content, vu le taux de jeunes en attente de sanction. Les faire participer à de tels chantiers, pour repeindre la salle de sports par exemple, c'est faire entendre qu'ils ont commis une infraction et qu'une sanction a bien été appliquée. Peut-être pourrait-on, dans le texte, inciter les municipalités à proposer de tels chantiers, car il n'y a rien de pire que de ne pas exécuter une peine prononcée.

J'ai évoqué la place du juge, garant des libertés. Il est de bon ton de dire qu'il faut déjudiciariser la protection des mineurs. J'estime, depuis trente ans que je travaille dans ce domaine, que l'on a baissé le seuil de tolérance pour en venir à confier à l'administration, au conseil départemental, le soin de s'occuper du sujet. Cela me peine, car un juge peut avoir plus de poids qu'un éducateur ou qu'un médiateur, face à une famille maltraitante, pour mettre le holà. Nous sommes dans un domaine où il ne faut pas négliger la puissance de la parole de la loi.

M. François Grosdidier . - Je salue le travail important de la mission d'information, qui a mené des investigations approfondies et effectué de nombreux déplacements - même si j'aurais souhaité que l'un d'eux soit poussé plus au nord de 60 kilomètres, vers l'ancienne région Lorraine.

M. Philippe Bas , président . - Nous sommes allés à Metz, cher collègue.

M. François Grosdidier . - Je n'en ai pas eu vent. La cour d'appel de Metz ne remonte pas à Pierre Messmer mais à Louis XIII. Même si elle a été un temps suspendue par le duc de Lorraine, elle a été très vite rétablie et confortée par la République française.

Je ne reviens pas sur les points sur lesquels nous nous retrouvons largement, par-delà le clivage gauche-droite. Mais il en est d'autres qui appellent quelques réflexions moins consensuelles.

La justice est le département ministériel qui connaît le plus important problème de moyens. Les budgets n'ont jamais été à la hauteur, depuis des décennies. La responsabilité en revient, pour ce qui concerne les juridictions, à la droite comme à la gauche mais, pour ce qui concerne l'administration pénitentiaire, je serais tenté, quitte à briser le consensus, de l'imputer à la gauche. Car, depuis 1986, tous les programmes de construction initiés sous des gouvernements de droite ont systématiquement été interrompus à la faveur des alternances. Et même si j'ai été très heureux d'entendre M. Urvoas dire qu'il fallait construire, j'observe qu'il ne l'a fait qu'après interruption, par Mme Taubira, en 2012, du programme de construction envisagé sous le quinquennat précédent. Bref, on en reste à une vision trop binaire. Construire des places de prison est absolument nécessaire, au premier chef dans une optique de dignité pour tous les citoyens, à commencer par ceux qui sont incarcérés et qui, plutôt que souffrir de la promiscuité et s'exposer à être recrutés, en prison, par le grand banditisme ou le djihadisme, doivent pouvoir se préparer, durant leur détention, à une réinsertion pleine et entière.

S'agissant des objectifs quantitatifs, je ne pense pas qu'une progression de 5 % par an du budget de la justice soit suffisante si l'on veut construire, sur le quinquennat, 12 000 à 15 000 places immédiatement nécessaires, non pas pour mettre en prison ceux qui devraient y être, mais simplement pour placer tous les détenus en cellule individuelle. Une progression de 5 %, qui représente déjà peu pour les juridictions, est absolument insuffisante non seulement pour ce qu'il faudrait mettre en place mais pour créer une police pénitentiaire, afin que les prisons redeviennent des zones de droit. Car les premières zones de non droit, dans notre pays, ce ne sont pas les quartiers sensibles, ce sont les prisons. On a autorisé l'administration pénitentiaire à posséder des IMSI-catchers , c'est à dire des appareils capables de détecter les communications par portable et de les écouter : j'aimerais savoir combien elle en a acquis à ce jour.

Oui, une loi de programmation est indispensable. Même si l'on sait qu'elles ne sont pas toujours respectées, on sait aussi que, sans elles, on est sûr d'être en deçà... Cela dit, je crains, encore une fois, que l'objectif quantitatif assigné soit insuffisant.

Une autre question, qui déborde l'objet de ces propositions de loi, touche aux relations entre police et justice. Quand je vois, si j'en crois la presse de ce matin, la crise qui a éclaté entre l'office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants et la juridiction interrégionale spécialisée de Paris, je ne peux que constater que le problème ne se limite pas à la question des moyens, même si les tensions en sortent renforcées.

Un mot de la justice des mineurs, sur laquelle ce texte fait l'impasse. Le sujet est peut-être moins consensuel... La question des juridictions pour mineurs, celle de la majorité pénale restent, à mon sens, entières.

J'en arrive au problème de la territorialisation. Je loue les efforts déployés par notre président pour nous rassurer, mais je ne le suis pas pleinement. Je suis opposé à la notion de tribunal départemental de première instance. Si j'adhère à l'idée d'un tribunal de première instance regroupant les tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance - pour autant que soient maintenus les lieux de justice existants - je regrette déjà, pourtant, que les tribunaux de police aient glissé des tribunaux d'instance aux tribunal de grande instance, car j'y vois un mauvais signe lancé sur le maintien de la proximité, qui augure mal de la prospérité que connaîtra votre idée - même si elle est pleinement défendable, sachant qu'à l'heure actuelle, le justiciable peine à démêler ce qui relève respectivement du tribunal d'instance et du tribunal de grand instance.

D'autres collègues vous le rappelleront, nos territoires sont très différents en termes d'espace et de population. Entre la Meuse, avec 200 000 habitants, et la Moselle, qui en compte un million, sur des territoires très diffus, quel est le bon étiage pour les cours d'appel ? Vous connaissez ma position. J'admets que l'on définisse une taille minimum, mais ne faut-il pas prévoir, de même, une taille maximum ? Rend-on mieux la justice dans une cour d'appel de 200 magistrats ? Sur quel bassin de population ? Avec quel nombre d'affaires ?

À cette aune, je veux vous poser deux questions. Quelle est la durée du traitement des affaires, respectivement, dans les petites, moyennes et grandes cours d'appel ? Quel est le taux de cassation ? Pourrait-il nous renseigner sur la manière dont la justice est rendue ? Les magistrats, qui passent pourtant sans difficultés des unes aux autres, sont-ils moins bons dans des petites cours ? Voilà des questions que le Sénat, chambre des territoires, se doit d'approfondir. Il serait paradoxal de répéter sans cesse qu'il faut défendre les citoyens, tout en les éloignant sans cesse de leur justice. Et ce disant, je ne m'en tiens pas à la notion de lieu, car j'estime qu'il n'y a de bonne justice que décontextualisée. Et cela vaut, au premier chef, pour les parquets et les parquets généraux. Ne nous hâtons pas vers des orientations qui pourraient s'avérer contre-productives, tant pour les territoires que pour notre idée de la justice. La justice doit être territorialisée.

M. Philippe Bas , président . - Merci d'avoir défendu un point de vue qui correspond bien à la vocation du Sénat, qui est l'assemblée démocratique des territoires. Les deux propositions de loi que j'ai déposées, de même que le rapport d'information que nous avons rendu en commun, permettent de répondre à nombre de vos préoccupations, mais il est bon qu'elles soient exprimées.

Mme Sophie Joissains . - J'approuve la majorité des arguments développés par mon collègue François Grosdidier. Le rapport de la mission fait consensus : on ne peut effectivement qu'être d'accord sur la hausse des moyens de la justice, mais il faudra vérifier chaque année que cette hausse est effective. De même, la création de 15 000 places supplémentaires de prison est une belle avancée, mais je ne suis pas certaine que l'ensemble des problèmes sera réglé, notamment pour ce qui concerne les soins, le respect du droit ou la réinsertion des détenus - ces questions devraient faire l'objet d'un rapport plus spécifique.

En ce qui concerne le tribunal unique départemental, on peut faire les mêmes critiques qu'au sujet des cours d'appel, qu'il s'agisse de la taille, de la population concernée ou de la configuration géographique. Je me permets de suggérer, dans ce cas, de recourir à l'expérimentation : appliquons le dispositif à trois départements présentant des caractéristiques très différentes afin de détecter les éventuels écueils.

Je suis un peu déçue par les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle. J'ai rédigé, avec Jacques Mézard, un rapport d'information qui visait à élargir l'accès à l'aide juridictionnelle et, à la fois, à revoir ses modalités de financement à travers une taxation des actes notariés et des assurances. En effet, nous avons constaté que la plupart des contrats d'assurance comportent une clause de garantie juridique que personne ne voit, mais que le consommateur paie malgré tout : il s'agissait de faire contribuer les assureurs au financement de l'aide juridictionnelle. Je ne peux que déplorer un retour en arrière.

Patrick Kanner a évoqué la présomption irréfragable de non-consentement des mineurs à un acte sexuel, je ne peux qu'être d'accord, à titre personnel, avec sa proposition. De même, j'approuve la proposition d'élargissement du recrutement des magistrats formulée par Alain Richard.

Notre groupe votera ce texte, mais je pense que les points que je viens de mentionner méritent d'être reconsidérés.

Mme Esther Benbassa . - Je félicite les deux rapporteurs de leur travail minutieux et efficace. En principe, le rôle de la justice est de rétablir l'égalité des moyens entre les parties pour leur défense. Le plus souvent, ce sont les personnes précaires qui demandent à bénéficier de l'aide juridictionnelle. Je m'attarderai donc sur l'article 19 qui dispose : « Toute demande d'aide juridictionnelle est précédée de la consultation d'un avocat. Celui-ci vérifie que l'action envisagée n'apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement. »

Cette démarche supplémentaire dans le parcours des personnes les plus démunies économiquement et culturellement aura pour effet de les décourager, d'autant qu'elles devraient chercher une consultation gratuite. Pourquoi donc avoir introduit cette disposition ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je remercie également les rapporteurs, ainsi que les membres de la mission d'information.

Les déclarations concordantes des représentants des différents groupes m'inspirent une interrogation : nous partageons tous, sur l'essentiel, le constat relatif à l'insuffisance des moyens de la justice, identifiant de manière convergente les sujets sur lesquels il faut progresser : accueil des justiciables, conditions de détention, accès au droit, etc. Ne devrions-nous pas conjuguer nos forces, au-delà des groupes politiques, pour que ce sujet avance ? Quel pacte sommes-nous prêts à conclure pour avancer collectivement ? J'insiste, parce que certains de nos collègues ici présents sont sur la même ligne que la majorité de l'Assemblée nationale - Alain Richard, qui fait autorité sur ces questions, a en effet déclaré qu'il partageait notre analyse. Nous sommes d'accord à 75 % sur ces textes, il faut avancer, sinon nous allons voter de très belles propositions de loi et il ne se passera rien !

Mme Josiane Costes . - Je salue également le travail des rapporteurs. Je me félicite de nouvelles règles en faveur de la stabilité des affectations des magistrats, en particulier pour des départements ruraux très enclavés où l'on a du mal à les garder : le fonctionnement de notre justice sera ainsi amélioré.

La création d'un tribunal départemental de première instance m'inquiète un peu : je crains que, dans les départements à faible densité de population, des lieux de justice ne soient promis à fermeture, ce qui éloignerait encore les populations fragiles de la justice. Dans l'intérêt de ces mêmes populations, l'aide juridictionnelle doit être confortée, améliorée et élargie.

Enfin, on parle beaucoup de surpopulation carcérale. Or, dans le département du Cantal, la maison d'arrêt d'Aurillac, de 72 places, a été entièrement rénovée - Michel Mercier était venu l'inaugurer lorsqu'il était garde des sceaux -, mais elle se caractérise par une sous-utilisation chronique : actuellement, à peine 46 places sont occupées. Cette situation inquiète les élus du Cantal.

M. Yves Détraigne . - Je retrouve dans ce travail de nombreuses propositions qui avaient émergé dans différents rapports que j'ai rédigés, de même que la question cruciale des moyens, que j'ai soulevée maintes fois en tant que rapporteur pour avis du budget des juridictions judiciaires. Combien de fois avons-nous constaté que des mesures qui nous semblaient bonnes n'ont jamais été entièrement appliquées, parce que le ministère de la justice est un ministère pauvre par rapport au rôle que la justice devrait jouer dans la société ? Les divers gouvernements ont fait preuve d'imagination, mais force est de constater que les moyens humains, immobiliers ou techniques ont toujours manqué. Quelle action mener pour avoir l'assurance que les moyens seront au rendez-vous ?

Mme Nathalie Delattre . - Je félicite les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Comme l'a dit Mme Lherbier, nous voyons tout le paradoxe de ce travail législatif : nous comprenons que les moyens ne sont pas suffisants et que les améliorations à la marge ne relèvent pas toutes du pouvoir législatif. Je connais une juge des enfants qui a passé une demi-journée à téléphoner pour trouver un foyer qui accepte d'accueillir un enfant en danger dans sa famille. De nettes améliorations doivent donc être apportées pour que les magistrats n'aient plus à assumer des tâches qui ne sont pas de leur ressort, mais malheureusement elles ne relèvent pas de la loi.

Monsieur le président, vous avez délibérément choisi de ne pas traiter des conseils de prud'hommes, or je pense que des modifications sont nécessaires dans ce domaine. Il faut conserver le conseil de prud'hommes pour la phase de conciliation, qui ne doit pas être de pure forme. En cas d'échec, il faudrait que l'intervention du juge départiteur, entouré le cas échéant d'assesseurs représentant les employeurs et les salariés, soit la règle et non l'exception. À Paris, 30 000 dossiers sont en attente de jugement. Est-il possible de déposer des amendements sur ce point ?

M. Philippe Bas , président . - Ma chère collègue, vous pourrez déposer vos amendements aux textes de la commission jusqu'au lundi 23 octobre à 12 heures. Bien entendu, ils devront présenter un lien avec les textes pour être recevables. Les rapporteurs sont à votre disposition pour vous aider sur ce point.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Quelques éléments de réponse aux questions d'ordre budgétaire.

En ce qui concerne l'application de l'article 40 de la Constitution, je rappelle qu'une loi de programmation n'a pas de portée contraignante sur les lois de finances, mais a le mérite de fixer un cadre...

M. Pierre-Yves Collombat . - Donc, elle ne sert à rien !

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Ne soyez pas si pessimiste !

En ce qui concerne les délais de jugement en première instance, entre 2012 et 2015, on est passé de 7 mois à un an en matière civile. L'augmentation des délais est comparable en matière pénale.

Le budget de la justice représente très exactement 2,8 % du budget de l'État. En termes de comparaisons européennes, la France dépense 64 euros par habitant pour sa justice, l'Autriche 96, la Belgique 85 et l'Italie 73.

François Grosdidier a posé la question du taux de cassation des décisions rendues par les cours d'appel : nous disposons de chiffres globaux, mais pas de statistiques par cour d'appel.

J'ajoute un point concernant l'aide juridictionnelle, car je n'ai peut-être pas été suffisamment clair. Il n'est pas question de faire payer un droit de timbre aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle : ils sont évidemment exonérés. En revanche, la question de fond du financement de l'aide juridictionnelle se pose, d'où l'idée de rétablir un droit de timbre, pour que les justiciables qui ne relèvent pas de l'aide juridictionnelle contribuent à son financement. Cette recette était de 50 millions d'euros environ avant la suppression de cette contribution en 2013, ce qui n'est pas négligeable. Ce droit de timbre ne serait pas acquitté par les défendeurs et ne s'appliquerait pas à certaines procédures pénales.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Notre collègue Alain Richard l'a dit et l'annexe à la proposition de loi le rappelle, il est évident que toute une série de difficultés tient à des notions de management et d'organisation. La proposition de loi comporte quelques dispositions qui portent sur ces points, concernant notamment le rôle de l'équipe du juge - le président Bas a été choqué par l'organisation hyperindividualiste des magistrats, qui ne correspond plus à notre époque. Cette notion d'équipe du juge permettrait de réduire la dépense, en améliorant l'efficacité du travail.

La création d'un tribunal de première instance répond à ce type de préoccupation : comment mieux organiser les services à l'échelle du département, qui est la circonscription de base de l'administration de l'État ? Les procureurs seraient très intéressés par la cohérence de l'action, au niveau du département, avec le préfet, l'administration de la police et l'administration pénitentiaire. Toutefois, le texte prévoit de prendre en compte les problématiques spécifiques des départements. Le Var, par exemple, est un département très peuplé et on peut concevoir qu'il ait deux tribunaux de première instance : cette exception est prévue...

M. Pierre-Yves Collombat . - Où ça ?

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Nous avons déposé un amendement prévoyant la consultation du conseil départemental sur la révision de la carte judiciaire, car cette question relève de l'aménagement du territoire. Par ailleurs, le texte insiste sur la justice de proximité. Il faut faire le lien entre ces questions d'organisation et l'idée du service d'accueil unique du justiciable. Cette clé d'entrée, qui ne fonctionne pas aujourd'hui, faute de moyens, doit pouvoir être organisée sur le territoire départemental, dans tous les lieux de justice.

Madame de la Gontrie, il y a bien un pacte entre nous et nous sommes effectivement d'accord à 75 % sur les questions essentielles. Il faut espérer que ces propositions de loi donnent à Mme le garde des sceaux la vision de ce qu'attend le Sénat, afin d'éviter la multiplication des navettes. Après les états généraux de Mme Taubira, Mme Belloubet lance des chantiers, ce qui ajoute des délais : s'il y a un consensus, il faut pouvoir avancer. Les justiciables attendent que l'on progresse dans tous les domaines, et pas seulement dans celui de la justice pénale dont on parle beaucoup. La justice du quotidien, c'est aussi le temps qu'il faut pour prononcer un divorce, pour que le juge statue sur la résidence des enfants ou les droits de visite, pour que le juge des enfants se prononce sur des cas difficiles. Ces sujets sont la cause d'une véritable souffrance.

Nous n'avons pas tout réglé, mais nous avons été véritablement choqués par le fait que la magistrature semble ne pas se préoccuper des problèmes de l'administration pénitentiaire. Nous proposons la création de maisons d'arrêt et de centres de détention, mais il faut prendre en compte la réalité du terrain : à l'École nationale de l'administration pénitentiaire d'Agen, 10 % des candidats reçus au concours renoncent à intégrer l'école, 10 % des élèves renoncent à être nommés à la sortie de l'école, 10 % à 20 % des nouveaux fonctionnaires démissionnent dans l'année qui suit leur prise de fonctions, notamment parce qu'ils sont mal payés par rapport aux autres administrations. Nous devons donc faire face à un véritable problème de recrutement des personnels pénitentiaires, d'autant plus que des emplois sont créés par ailleurs dans le secteur de la sécurité.

M. Alain Richard . - Aucun système statutaire n'efface les phénomènes de marché !

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - La totalité des amendements que nous présentons vise à préciser le contenu des propositions de loi, en particulier pour le parcours professionnel au sein de l'administration pénitentiaire ou l'application concrète des durées minimale et maximale d'affectation pour les magistrats, afin que le Conseil supérieur de la magistrature puisse disposer d'une relative souplesse. Par ailleurs, nous apportons quelques précisions concernant les conseils de prud'hommes ou les tribunaux de commerce.

Nous aurons un point de discussion concernant l'aide juridictionnelle, mais je considère que les explications ont été données.

Un amendement de suppression porte sur la question de la généralisation du droit d'appel des jugements des tribunaux de police.

Enfin, une question de fond est posée par l'amendement de notre collègue Patrick Kanner, concernant la présomption irréfragable de non-consentement des mineurs à un acte de pénétration sexuelle. Le sujet est extrêmement important et nous l'avons abordé en début d'année lors de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale et plus indirectement lors de l'examen de la proposition de loi relative aux délais de prescription en matière pénale. Je pense sincèrement que le présent texte n'est pas le véhicule législatif adéquat, car il faut envisager un travail plus large. En outre, Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes annonce un texte, sans parler de la démarche générale lancée par Mme le garde des sceaux.

À titre personnel, je propose au président de la commission de créer un groupe de travail sur ces thématiques, pour que nous soyons prêts au moment où le sujet sera abordé. Lorsque j'étais rapporteur de la proposition de loi réformant les délais de prescription en matière pénale, nous avions maintenu le délai de prescription à vingt ans ; j'entends que Mme la secrétaire d'État proposerait un délai de trente ans ; enfin, la question de l'imprescriptibilité est reposée...

M. Pierre-Yves Collombat . - Ils sont cinglés !

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - J'avoue que ma réflexion n'est pas aboutie, mais j'estime que ces questions méritent que nous ayons une discussion approfondie.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie de cette suggestion intéressante et propose donc que nous mettions en place un groupe de travail pour lequel nous désignerons un rapporteur auquel s'ajoutera un membre de chaque groupe représenté au sein de la commission. Ce sujet n'est pas nouveau pour nous, comme l'a rappelé François-Noël Buffet, et nous devons élaborer notre propre doctrine rapidement, en quelques semaines. Si la commission en est d'accord, que chaque groupe désigne un membre pour participer au groupe de travail et je proposerai le nom d'un rapporteur la semaine prochaine.

M. Patrick Kanner . - Monsieur le président, j'avais bien conscience que le lien de mon amendement avec le texte était ténu. L'actualité nous appelle cependant à réagir en tant que de besoin, mais naturellement cet amendement est irrecevable et je ne contesterai pas cette appréciation. Je prends acte de la création de ce groupe de travail, qui me semble relever du bon sens qui sied au Sénat et nous permettra d'être prêts quand le texte de Mme Schiappa nous sera soumis. J'ajoute que des propositions de loi allant dans le même sens seront déposées sur le Bureau du Sénat. Ce sujet de société mérite que nous lui consacrions du temps pour trouver les bonnes solutions.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Annexe

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-6 prend en compte la nécessité de renforcer l'attractivité des carrières dans l'administration pénitentiaire.

L'amendement COM-6 est adopté.

Article 6

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-7 intègre les greffiers parmi les personnes bénéficiant de l'anonymat dans le dispositif de mise à disposition du public des décisions de justice.

L'amendement COM-7 est adopté.

Article 9

M. Jacques Bigot , rapporteur . - L'amendement COM-8 associe le procureur général près la Cour de cassation au premier président de la Cour de cassation dans la mission de contrôle de l'exploitation des données judiciaires.

L'amendement COM-8 est adopté.

Articles additionnels après l'article 9

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avec l'amendement COM-23 , notre collègue Jean-Pierre Grand veut favoriser la comparution par vidéotransmission. En matière pénale, il faut que les parties soient présentes à l'audience : avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat . - Tout à fait !

L'amendement COM-23 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-24 du même auteur relatif à la suppression de missions du parquet considérées comme accessoires n'est pas sans intérêt, mais ses conséquences ne sont pas maîtrisées. Avis défavorable.

L'amendement COM-24 n'est pas adopté.

Article 12

M. Jacques Bigot , rapporteur . - La proposition de loi prévoit que, lorsque les conciliateurs de justice parviennent à un accord entre les parties qui les ont saisis, le procès-verbal soit assorti de la force exécutoire : lorsqu'une des parties n'exécutera pas les obligations résultant de l'accord, l'autre pourra demander à un huissier de faire exécuter l'accord. Cette disposition pose un problème technique : la force exécutoire est une prérogative de puissance publique, confiée aux officiers publics et ministériels et aux magistrats. Il paraît donc prématuré d'envisager de confier un tel pouvoir aux conciliateurs de justice.

Nous risquons en effet d'ouvrir la boîte de Pandore : les avocats nous ont fait observer que les actes d'avocat et les accords d'avocat ne sont pas assortis de la force exécutoire, à telle enseigne que, dans la réforme du divorce par consentement mutuel, la chancellerie a eu l'idée de faire enregistrer les divorces par consentement mutuel sous forme de contrat auprès des notaires qui, eux, sont habilités à conférer la force exécutoire.

L'amendement COM-9 supprime donc l'octroi de la force exécutoire aux procès-verbaux de conciliation, en attendant qu'une réflexion de fond soit menée sur cette question.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - L'amendement COM-10 restreint le champ d'application de l'article 12.

L'auteur de la proposition de loi proposait que, lorsque la conciliation échoue, les conciliateurs adressent néanmoins un rapport au juge assorti d'une proposition de règlement du litige. Les conciliateurs que nous avons entendus considèrent que cette disposition dénature leur mission.

Nous vous proposons de distinguer l'hypothèse où les parties ont saisi de leur propre initiative le conciliateur qui, en cas d'échec, ne peut pas faire de proposition de règlement, de l'hypothèse où le conciliateur est mandaté par le juge : il paraît alors logique que le conciliateur lui adresse un rapport suggérant une solution.

M. Alain Richard . - Cet amendement pose un problème de cohérence. La loi de modernisation de la justice du XXI e siècle oblige les parties à recourir à la conciliation avant de saisir le juge dans de très nombreux domaines. Dans tous ces cas, votre amendement aboutit à dispenser le conciliateur d'adresser une proposition de règlement du litige au juge.

Il peut se produire que les deux parties, après l'échec de la conciliation, ne saisissent pas le juge, mais si l'une d'entre elles le fait, il serait logique que le conciliateur adresse d'office au juge les éléments du dossier. Le fait que la conciliation résulte d'une demande du juge est un allongement de procédure dont je ne vois pas l'utilité.

Mme Muriel Jourda . - Ce qui me gêne dans la transmission de la proposition de conciliation au juge, c'est que le conciliateur ne concilie pas en droit, alors que le juge doit juger en droit.

M. François Pillet . - Je suis tout à fait d'accord avec notre collègue Muriel Jourda. Si l'on veut que la conciliation fonctionne, il faut que l'on puisse tout se dire devant le conciliateur, y compris rechercher une transaction que l'on ne rechercherait pas dans le procès. Si le conciliateur doit rapporter tout ce qui s'est dit dans la conciliation, plus rien ne se dira devant lui. Il me semble d'ailleurs que la procédure civile comporte des règles excluant que l'on puisse faire état devant le juge des propositions faites devant le conciliateur.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Le problème réel tient à la mission de conciliation. La loi de modernisation de la justice du XXI e siècle impose le recours à la conciliation pour les litiges d'une valeur inférieure à 4 000 euros, en application de l'adage selon lequel un mauvais accord vaut mieux qu'un bon procès. Le rôle du conciliateur est de trouver ce mauvais accord, même en dehors de la règle de droit.

En revanche, il est tout à fait possible que le juge, par exemple pour une question de trouble du voisinage, donne mission à un conciliateur de trouver un accord entre les parties, ce qui l'amène à étudier la situation. Le juge peut alors lui demander d'établir un rapport complet, comme il le fait en matière d'expertise - malheureusement, il se contente parfois d'homologuer le rapport de l'expert, ce qui n'est pas la solution la plus heureuse d'un point de vue juridique.

Nous avons essayé de trouver un équilibre : l'article 12 était intéressant, mais il ne pouvait pas s'appliquer à une conciliation ab initio .

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le juge reste maître de l'appréciation et de la défense de l'ordre public. Un accord intervenu en conciliation qui irait à l'encontre des principes de l'ordre public ne doit évidemment pas être homologué.

M. Philippe Bas , président . - Il s'agit aussi de ne pas laisser perdre le travail du conciliateur quand la conciliation n'a pas abouti et de faire économiser du temps au juge pour l'examen des faits de l'espèce. C'était l'idée de départ.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Le texte précise bien que le secret des échanges auxquels a donné lieu la conciliation doit être respecté.

L'amendement COM-10 est adopté.

Article 13

M. Jacques Bigot , rapporteur . - L'amendement COM-11 précise que le juge ne délègue pas l'intégralité de sa mission de conciliation aux « délégués du juge », mais seulement des missions de conciliation ponctuelles, selon les affaires.

L'amendement COM-11 est adopté.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - L'amendement COM-12 supprime la précision selon laquelle les assistants de justice sont nommés à temps partiel, car cela relève plutôt du décret.

L'amendement COM-12 est adopté.

Article 15

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-13 est relatif à la compétence du tribunal de commerce, renommé tribunal des affaires économiques, qui serait étendue pour les mesures et les procédures relatives aux difficultés des entreprises, déterminées par le livre VI du code de commerce, aux professions libérales, aux agriculteurs et aux associations, sans compétence résiduelle du tribunal de grande instance. Le contentieux général resterait en revanche de la compétence du tribunal de grande instance pour ces professions et ces entreprises.

L'amendement COM-13 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-14 donne compétence au tribunal saisi d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire pour trancher tout litige relatif au bail commercial, afin d'éviter d'attendre la décision du tribunal de grande instance.

M. Philippe Bas , président . - L'accessoire suit le principal...

L'amendement COM-14 est adopté.

Article 17

M. Jacques Bigot , rapporteur . - L'amendement COM-15 prévoit la saisine pour avis des conseils départementaux lors de l'évaluation périodique de la carte judiciaire.

M. Philippe Bas , président . - Cet amendement devrait rassurer les représentants des territoires sur les transformations des juridictions qui pourraient être mises en oeuvre.

L'amendement COM-15 est adopté.

Article 18

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-16 rectifié précise que la contribution pour l'aide juridique n'est pas due dans le cadre de la tentative de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge d'instance ou dans le cadre de la conciliation déléguée par un juge à un conciliateur de justice.

L'amendement COM-16 rectifié est adopté et l'amendement de suppression COM-1 devient sans objet.

Article 21

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-17 supprime l'article 21 relatif à la constitution du fichier des assurances de protection juridique.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne comprends pas la position des rapporteurs. Les assureurs bénéficient-ils du privilège d'échapper à la loi ? Chaque fois qu'un lobby est mécontent, va-t-on s'abstenir de légiférer ?

Mme Muriel Jourda . - D'un point de vue pratique, lors de l'ouverture d'un dossier d'aide juridictionnelle, l'assureur doit remplir un formulaire confirmant que le demandeur n'est pas pris en charge au titre de la protection juridique - le plus souvent au titre de l'assurance habitation. Le bureau d'aide juridictionnelle vérifie donc la réalité du contrat de protection juridique.

Mme Sophie Joissains . - Lorsque Jacques Mézard et moi-même avions rédigé notre rapport d'information sur l'aide juridictionnelle, nous avions constaté que trois quarts des demandeurs ne savaient pas qu'ils étaient bénéficiaires d'une assurance au titre de contrats de garantie. Je ne peux donc pas être d'accord avec ma collègue : il faut admettre la réalité sociologique, qui n'est pas toujours conforme à la logique administrative.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - La protection juridique en France pose un vrai problème, car les assureurs ne cherchent pas à favoriser la prise en charge de contentieux. Nous allons trouver en annexe des contrats d'assurance multirisque habitation des clauses de défense-recours qui s'appliquent de manière limitée. Les clauses de protection juridique initialement intégrées dans ces contrats ont été pratiquement supprimées.

La proposition de loi prévoyait que les bureaux d'aide juridictionnelle puissent consulter un registre national pour vérifier si le demandeur d'aide juridictionnelle est couvert ou non par une assurance de protection juridique. Après avoir entendu les spécialistes, nous avons conclu qu'une telle disposition n'est pas applicable, parce qu'il n'existe pas de fichier de ce type...

M. Pierre-Yves Collombat . - Eh bien, on le fait !

M. Jacques Bigot , rapporteur . - On risque tout simplement de retarder la décision d'attribution de l'aide juridictionnelle.

En revanche, les services d'accueil unique du justiciable auront un vrai problème le jour où les gens leur demanderont de vérifier. On n'en est pas là, puisque ces services ne fonctionnent pas aujourd'hui, comme nous avons pu le constater lorsque nous nous sommes rendus avec le président de la commission à Brest. Lorsque nous sommes arrivés, la responsable du service de greffe nous a expliqué que le service ne fonctionnait plus, puisque le poste du greffier qui le faisait fonctionner avait été supprimé. L'intéressé avait été envoyé à Lorient pour y mettre en place un nouveau service d'accueil, sans disposer des effectifs nécessaires.

Puisque cette proposition de loi comporte une partie de programmation financière, avec l'obligation de rendre un rapport annuel, nous parviendrons peut-être à avoir une idée de la manière dont la justice s'organise pour que les moyens qui lui sont alloués profitent aux justiciables.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - D'un point de vue pratique, les assureurs et la chancellerie ont prévu un nouveau formulaire qui permet au bureau d'aide juridictionnelle de savoir si le demandeur est couvert par un contrat de protection juridique. Une fois que le demandeur a indiqué avoir souscrit un contrat d'assurance auprès de tel assureur, c'est au bureau d'aide juridictionnelle qu'il revient de saisir la compagnie d'assurance pour savoir si le contentieux potentiel est couvert ou non.

Nous ne cherchons pas à exonérer les assureurs de leurs responsabilités. Nous constatons simplement qu'il n'est pas possible, à l'heure actuelle, de prévoir la consultation automatique d'un fichier central par les bureaux d'aide juridictionnelle. On ne peut pas exclure que la situation évolue, mais il n'est pas possible d'envisager aujourd'hui une consultation efficace.

Mme Sophie Joissains . - De fait, se pose à nouveau la question de la taxation des contrats de protection juridique.

M. Pierre-Yves Collombat . - On plie sous les fichiers plus ou moins utiles et, dans le cas présent, on ne peut pas faire de fichier ! On pourrait imaginer que la question soit posée à l'assureur au moment de la demande d'aide juridictionnelle...

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - C'est le cas !

M. Pierre-Yves Collombat . - Alors, il faut trouver un système pour vérifier les déclarations des assureurs. C'est un peu gros : ils refusent de couvrir, mais ils encaissent les primes ! Comment peut-on se permettre d'exonérer les assureurs d'un certain nombre d'obligations ? Faisons-le, ce fichier !

M. Alain Richard . - La réflexion sur ce sujet n'est pas achevée. On pourrait imaginer que le contrat d'assurance comporte l'obligation pour l'assureur de couvrir des séquences précises de défense juridique, y compris l'engagement d'un contentieux, mais ce n'est pas prévu actuellement. L'assistance juridique est une proposition commerciale de l'assureur qui n'entre pas dans les cases de l'aide juridictionnelle. Je pense que le système de l'aide juridictionnelle est dans une impasse, parce qu'il ne trouvera jamais son équilibre. Du coup, le recours aux assurances mériterait d'être évalué, mais cela suppose qu'une loi définisse les obligations de base d'un assureur : ce n'est pas un travail facile, car il est évident que l'on ne peut pas imposer l'assistance en demande, sauf à assurer les plaideurs professionnels.

Quoi qu'il en soit, nous sortons du cadre de la proposition de loi, car il s'agirait de substituer les assureurs à l'aide juridictionnelle. Cela ne peut pas être l'objet du débat d'aujourd'hui, parce que les contrats existants ne s'y prêtent pas.

M. Philippe Bas , président . - Nous sommes dans un domaine où les assureurs n'offrent pas de prestations pour la plupart des contentieux, qu'ils soient pénaux ou familiaux. Les cas où l'assistance juridique joue ne sont pas les plus nombreux et, s'il fallait demander aux assureurs de monter en régime, encore faudrait-il que, dans le cadre de la liberté du commerce et de l'industrie, ils offrent une prestation qui puisse être financée sur un marché solvable. Nous pourrions réfléchir à ce type de question, mais dans un autre cadre.

Je rappelle que la disposition que nos rapporteurs proposent de supprimer est bien modeste : il s'agissait de mettre en place un fichier qui permette aux bureaux d'aide juridictionnelle de vérifier qu'un assureur ne prend pas en charge la protection juridique d'un justiciable, sachant que, par hypothèse, ce justiciable est dénué de tout moyen puisqu'il demande l'aide juridictionnelle. C'est par souci de perfectionnisme que j'avais introduit cette disposition, sans me rendre compte que sa difficulté de mise en oeuvre, rapportée à son intérêt extrêmement limité, risquait de la réduire à un coup d'épée dans l'eau. Je me rallie donc à l'amendement de suppression de nos rapporteurs.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Il faut préciser que l'intérêt de l'article 21 est d'avoir suscité le débat. En réalité, ce texte vise à améliorer le fonctionnement de la justice tout en réduisant son coût. L'adoption de cette disposition ne ferait qu'aggraver l'encombrement des bureaux d'aide juridictionnelle. En outre, la population visée ne fait pas partie des « clients » des assureurs de protection juridique, la seule exception concernant les victimes qui pourraient invoquer l'assurance multirisque habitation qui comporte une clause de défense-recours - mais les bureaux d'aide juridictionnelle connaissent bien cette situation.

L'amendement de suppression COM-17 est adopté.

Article 23

M. Jacques Bigot , rapporteur . - L'amendement COM-18 supprime l'article 23, qui étend le droit d'appel des jugements des tribunaux de police à l'ensemble des contraventions. La Cour de cassation est très favorable à cette mesure, car les contraventions les plus faibles, pour lesquelles l'appel n'est pas possible aujourd'hui, peuvent faire l'objet de pourvois en cassation. Les procureurs généraux et les premiers présidents de cour d'appel nous ont cependant fait observer que les prétoires risquaient de se trouver encombrés et qu'une telle mesure semblait prématurée.

M. Pierre-Yves Collombat . - L'épisode précédent et celui-là me rappellent la maxime selon laquelle il faut se méfier du premier mouvement parce que c'est le bon...

L'amendement de suppression COM-18 est adopté.

Article 24

M. Patrick Kanner . - L'amendement COM-2 supprime l'article 24. Nous ne sommes pas favorables à la création d'une amende civile de 10 000 euros en cas d'appel ou de pourvoi qui serait jugé dilatoire ou abusif. Nous pensons qu'il s'agit d'une remise en cause d'une composante essentielle du droit à un procès équitable, pour un effet très faible.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je soutiens cet amendement, parce qu'il me paraît dangereux de porter atteinte au principe du double degré de juridiction. J'ajoute que le temps de la réflexion est limité en matière pénale, les délais de recours étant très brefs, à la différence de la procédure civile. L'amende civile représente donc une épée de Damoclès pour le justiciable.

M. Pierre-Yves Collombat . - Notre groupe votera aussi cet amendement.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les deux rapporteurs considèrent qu'il est compliqué de mettre en oeuvre une amende civile en matière pénale et émettent un avis favorable à cet amendement. En la matière, le justiciable a dix jours pour faire appel et la vie pour maudire son juge.

M. Alain Richard . - Je vote contre cet amendement.

L'amendement de suppression COM-2 est adopté.

Article 25

L'amendement de coordination COM-19 est adopté.

Article 26

L'amendement de coordination COM-20 est adopté.

Article 27

M. Patrick Kanner . - L'article 27 risque d'aboutir au gonflement de la population carcérale, alors que nous ne disposons pas de suffisamment de places de prison. Au 1 er mars 2017, on comptait 69 430 détenus pour 59 664 places. L'amendement COM-3 , que je défends, vise à supprimer cet article.

Mme Muriel Jourda . - Nous ignorons totalement quel sera l'effet de cet article. En revanche, les articles 132-25 et suivants du code pénal, qui permettent l'aménagement ab initio de la peine d'emprisonnement, ne sont jamais utilisés pour des raisons pratiques, le tribunal ne disposant pas des éléments suffisants pour décider d'aménager la peine.

J'ajoute que l'application des peines est un métier à part entière, extrêmement complexe. Les juges des tribunaux n'ont pas les connaissances nécessaires, car il faut prendre en compte les peines qui ont été prononcées antérieurement. Pour ma part, je trouvais assez efficace l'ancien article 723-15.

Mme Catherine Troendlé . - Monsieur le président, excusez-moi de réagir avec retard, mais j'aurais souhaité que nous revenions sur le vote de l'amendement COM-2 , parce que je ne pense pas que son adoption recueille la majorité.

M. Philippe Bas , président . - Ma chère collègue, à partir du moment où j'ai constaté l'expression de la commission, il ne me paraît pas convenable d'y revenir. Je regrette que vous n'ayez pas fait part de votre observation en temps utile.

En ce qui concerne l'amendement COM-3 , je tiens à rappeler qu'il touche au coeur de la partie pénale de notre dispositif. Nous avons en effet constaté une large incompréhension face à un régime qui conduit à prononcer des peines de prison ferme qui ne sont pas suivies d'un emprisonnement. Bien sûr, c'est parce que le prononcé d'une peine de prison ferme n'implique pas nécessairement son exécution en détention que cette situation est possible.

Il faut mesurer l'écart entre la condamnation à une peine de prison ferme, revêtue de l'autorité de la justice, prononcée devant le délinquant, les parties civiles, les médias, et la réalité, c'est-à-dire un délinquant qui rentre chez lui et sera convoqué ensuite devant le juge de l'application des peines, pour voir comment cette peine se traduira, soit en prison ferme, soit en mesures alternatives à la prison. Ce n'est pas récuser la nécessité de diversifier les peines pour les adapter à la situation du condamné et aux nécessités de sa réinsertion que de dire que ce système, qui n'est compris que d'une poignée d'initiés, doit aujourd'hui évoluer de sorte que les mots retrouvent leur sens. Cela n'empêche nullement de développer les peines alternatives à l'emprisonnement dont chacun mesure les limites.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je trouve le raisonnement curieux : sous prétexte que l'on n'a pas les moyens d'appliquer une bonne justice, on en établit une mauvaise. Au nom du principe de réalité, on se résout à ce que le système marche cahin-caha !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Seule une poignée de pratiquants connaît ces mécanismes, mais la plupart de nos concitoyens ne les comprennent pas, même quand les personnes ont été incarcérées - je pense notamment au bruit fait récemment autour de l'affaire Cantat, même si elle ne concerne pas la justice française.

De deux choses l'une : soit une information suffisante est donnée à nos concitoyens pour qu'ils comprennent qu'il existe une échelle des peines et une échelle des infractions et que la condamnation à une peine de prison ferme résulte de leur application ; soit nous supprimons le juge de l'application des peines, parce que nous voulons que le condamné sorte du tribunal avec une condamnation correspondant à la peine qu'il va réellement subir. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître, par ailleurs, qu'il ne s'agit pas de peines non exécutées, mais de condamnés non incarcérés, ce qui n'est pas la même chose.

Je ne peux donc pas suivre votre raisonnement, monsieur le président. Vous prenez acte d'une situation que nous connaissons tous et vous estimez qu'il n'est pas bon qu'une incompréhension puisse subsister concernant le rôle de la justice, doublée d'une impression d'impunité
- jusque-là, nous pouvons vous suivre -, mais le traitement que vous proposez ne résout rien, car la même question se posera pour des peines moins importantes. Par ailleurs, cela revient à baisser les bras face à la mécanique de l'aménagement des peines. Or notre responsabilité de législateur est d'expliquer la situation et, peut-être, d'enjoindre aux juridictions de « nommer les choses », comme dirait le Président de la République.

Voilà pourquoi nous soutenons cet amendement.

Mme Brigitte Lherbier . - Ce n'est pas seulement dans la presse que l'on constate une incompréhension : la police qui a arrêté le délinquant a été informée de la condamnation, de même que les voisins, et ils le voient rentrer chez lui le lendemain. L'effet est terrible au niveau local.

Mon expérience du terrain m'amène à penser qu'il vaut mieux qu'un jeune soit condamné à des travaux d'intérêt général - si tant est que l'on ait des travaux à lui faire faire et, si c'est le cas, cela peut prendre des mois. Il faut aider le juge de l'application des peines en lui donnant un éventail d'alternatives à l'emprisonnement. Sinon, quand le condamné rentre chez lui le lendemain de son jugement, ses copains se disent que la justice est cool ...

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Il faut situer cette proposition de loi dans son contexte : une programmation pluriannuelle qui affirme qu'il faut donner plus de moyens à la justice et à l'administration pénitentiaire, dont le rôle ne se limite pas à l'incarcération, mais s'étend aussi à la réinsertion.

Cette proposition de loi doit susciter le débat. Je comprends l'amendement déposé par les collègues de mon groupe. En l'état actuel, l'article 27 est bien sûr discutable, mais il doit nous amener à réfléchir sur un nouveau mode de fonctionnement. Le Président de la République lui-même veut que les peines d'emprisonnement prononcées soient effectivement exécutées : c'est faire porter au tribunal correctionnel la responsabilité de l'efficience de la peine. Les tribunaux correctionnels, aujourd'hui, ont complètement renoncé à l'ajournement du prononcé de la peine, à la réflexion sur le choix d'un travail d'intérêt général. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement pour obliger la justice à réfléchir, localement, à son action, nous le verrons dans un instant.

Comme l'ont rappelé nos collègues, le fait qu'une personne condamnée semble ne pas subir de sanction pose un problème. Alain Richard a estimé que la justice ne savait pas créer un tissu relationnel en amont comme en aval. Elle ne sait notamment pas rendre compte à la police de ses décisions - j'avais appelé l'attention d'Hubert Haenel sur ce point, il y a vingt ans...

Le juge de l'application des peines conserve toute sa valeur. En fait, de plus en plus de courtes peines sont prononcées, et l'exécution de ces courtes peines conduira à la récidive tant que l'administration pénitentiaire n'aura pas repensé son organisation. La préparation de la sortie de prison est tout aussi importante que l'incarcération, mais l'administration pénitentiaire ne dispose pas des moyens pour agir en ce sens.

J'ai accepté de défendre cet article, parce que je pense qu'il a le mérite d'ouvrir la discussion. J'espère que nous aurons un débat avec la ministre de la justice et que ses chantiers apporteront des réponses efficaces, notamment en termes de moyens financiers.

Mme Brigitte Lherbier . - Le problème est de disposer d'alternatives réelles à l'emprisonnement...

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Il y en a !

M. Philippe Bas , président. - Nous sommes d'accord. Cet article suppose d'avoir une vision des moyens nécessaires pour diversifier les types de peine.

M. Jacques Bigot . - Je m'abstiens sur cet amendement, pour ne pas devenir schizophrène !

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 27

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, l'amendement COM-21 étend le contenu du rapport annuel du procureur de la République sur l'état et les délais de l'exécution des peines, pour permettre un renforcement des échanges entre, d'une part, le ministère public et les magistrats du siège sur la question de l'exécution et de l'aménagement des peines et, d'autre part, les magistrats et les représentants de l'administration pénitentiaire au niveau local, dans le cadre des commissions de l'exécution et de l'application des peines.

Il s'agit d'inviter les magistrats à se préoccuper de leur politique pénale, en concertation avec l'ensemble des acteurs.

L'amendement COM-21 est adopté.

L'amendement COM-25 n'est pas adopté.

Article 28

L'amendement de coordination COM-22 est adopté.

M. Patrick Kanner . - L'amendement COM-4 a pour objet d'éviter la banalisation du suivi socio-judiciaire, que nous voulons réserver aux actes les plus répréhensibles, raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l'article 28.

L'amendement de suppression COM-4 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 28

M. Patrick Kanner . - J'ai bien compris que l'amendement COM-5 serait déclaré irrecevable, mais vous avez proposé une solution alternative qui nous convient, monsieur le président.

L'amendement COM-5 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45, alinéa 1, de la Constitution.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-1 complète le dispositif de sanctuarisation budgétaire en excluant les annulations de crédits en cours de gestion pour les crédits de l'autorité judiciaire.

M. Alain Richard . - Le wishful thinking budgétaire est la matière la plus facile pour une assemblée parlementaire !

M. Philippe Bas , président . - Je me permets de vous signaler qu'il ne s'agit plus de wishful thinking lorsque l'on modifie la loi organique relative aux lois de finances pour interdire la mise en réserve des crédits du ministère de la justice. Certes, il peut en résulter un effet négatif sur le calcul des crédits lors de l'élaboration du projet de loi de finances.

L'amendement COM-1 est adopté.

Article 2

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-2 vise à tenir compte des difficultés d'ordre pratique susceptibles de résulter des nouvelles règles instituées par la proposition de loi organique en matière de durée d'affectation des magistrats, en permettant d'y déroger sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature.

L'amendement COM-2 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-13 .

Article 4

M. Jacques Bigot , rapporteur . - L'amendement COM-3 supprime l'article 4. La volonté que vous exprimez, monsieur le président, de permettre à des jeunes magistrats d'assister des magistrats du siège sans prendre part à la décision est rejetée par l'ensemble de la profession au nom du principe constitutionnel d'indépendance de l'autorité judiciaire. La solution est en réalité dans la collégialité. Il nous a donc paru prudent de renoncer à insérer une telle disposition dans la loi organique, parce que nous sommes convaincus qu'elle n'aboutira pas.

M. Philippe Bas , président . - Je déplore les réactions qui se sont exprimées au cours des auditions. J'avais imaginé, comme une voie d'excellence, la possibilité pour un jeune magistrat de faire partie d'une équipe animée par un magistrat chevronné pour traiter de contentieux complexes. La constitution de ces équipes se ferait sur la base du volontariat : il ne s'agit donc pas d'une affectation sous contrainte. Les membres de ces équipes auraient ainsi pu s'aménager un parcours d'excellence qui les aurait conduits vers les plus hautes fonctions juridictionnelles.

Je veux bien renoncer à cette innovation, mais la levée de boucliers qu'elle a suscitée en dit long sur la souplesse d'esprit de ceux qui se sont exprimés...

M. Pierre-Yves Collombat . - Mon raisonnement sera le même que sur la question des assureurs. Il n'y a pas de raison d'exclure cette disposition de la proposition de loi organique. Personnellement, je vous suis.

Mme Sophie Joissains . - Moi de même. Cet article introduit une forme de tutorat tout à fait bienvenue.

Mme Brigitte Lherbier . - Le fait est que l'École nationale de la magistrature apprend à ses recrues à ne pas douter de soi, à être des magistrats opérationnels dès la sortie.

Mme Sophie Joissains . - C'est une très mauvaise chose que de ne jamais douter.

Mme Brigitte Lherbier . - Cela fait partie de leur formation, il faut être opérationnel à 100 % dès le premier jour. On peut le regretter.

L'amendement de suppression COM-3 n'est pas adopté.

Article 6

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-4 vise à donner plus de souplesse à l'organisation de la formation des chefs de cour et de juridiction.

L'amendement COM-4 est adopté.

Article 7

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Notre amendement de suppression COM-5 devrait se voir opposer la même fin de non recevoir que l'amendement COM-3.

L'amendement de suppression COM-5 n'est pas adopté.

Article 8

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Notre amendement COM-6 , comme les cinq suivants, vise à introduire un peu de souplesse dans l'application des dispositions relatives à la mobilité des magistrats, dans la continuité de l'amendement COM-2.

L'amendement COM-6 est adopté.

Article 9

L'amendement COM-7 est adopté.

Article 10

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 11

L'amendement COM-9 est adopté.

Article 12

L'amendement COM-10 est adopté.

Article 13

L'amendement COM-11 est adopté.

Article additionnel avant l'article 14

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Notre amendement COM-12 , de cohérence, est relatif aux déclarations de situation patrimoniale des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

L'amendement COM-12 est adopté.

La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans les tableaux suivants :

PROPOSITION DE LOI

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Annexe à l'article 1 er

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

6

Revalorisation des métiers de l'administration pénitentiaire

Adopté

Article 6
Renforcement du cadre juridique de la mise à disposition
du public des décisions de justice

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

7

Protection de l'anonymat des greffiers dans le dispositif de mise à disposition du public des décisions de justice

Adopté

Article 9
Attribution à la Cour de cassation d'un rôle de surveillance
des différentes utilisations des données judiciaires mises à la disposition du public

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

8

Partage avec le procureur général de la mission de supervision de l'exploitation des données judiciaires attribuée au premier président de la Cour de cassation

Adopté

Article additionnel après l'article 9

M. GRAND

23

Suppression de l'accord du détenu pour une comparution par vidéotransmission

Rejeté

M. GRAND

24

Suppression des missions accessoires du parquet

Rejeté

Article 12
Renforcement du rôle des conciliateurs de justice

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

9

Suppression de l'octroi de la force exécutoire aux accords de conciliation

Adopté

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

10

Limitation des cas de transmission au juge d'une proposition de règlement par le conciliateur aux conciliations demandées par le juge

Adopté

Article 13
Accomplissement de missions de conciliation par des « délégués du juge »,
recrutés sous le statut de juristes assistants

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

11

Précision rédactionnelle

Adopté

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

12

Précision relative aux temps de travail des assistants de justice

Adopté

Article 15
Extension de la compétence des tribunaux de commerce, renommés tribunaux des affaires économiques,
aux agriculteurs, professionnels libéraux et personnes morales de droit privé non commerçantes

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

13

Extension de la compétence des tribunaux de commerce à toutes les procédures relatives aux difficultés des entreprises et suppression de l'extension de leur compétence au contentieux général des agriculteurs, professionnels libéraux et associations ayant une activité économique

Adopté

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

14

Attribution au tribunal de commerce de la compétence pour statuer sur un litige en matière de bail commercial lié à une procédure de traitement d'une entreprise en difficulté

Adopté

Article 17
Instauration d'un mécanisme consultatif permanent
d'évaluation périodique de la carte judiciaire

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

15

Association des conseils départementaux au mécanisme d'évaluation périodique de la carte judiciaire

Adopté

Article 18
Rétablissement de la contribution pour l'aide juridique, modulable de 20 à 50 euros

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

16 rect.

Exemption de la contribution pour l'aide juridique pour la conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge d'instance et pour la conciliation déléguée par un juge

Adopté

M. KANNER

1

Suppression

Satisfait ou sans objet

Article 21
Mise en place d'un mécanisme permettant la vérification,
par les bureaux d'aide juridictionnelle, de l'existence de contrats d'assurance
de protection juridique bénéficiant au demandeur

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

17

Suppression

Adopté

Article 23
Extension du droit d'appel en matière contraventionnelle

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

18

Suppression

Adopté

Article 24
Sanction des appels et des pourvois abusifs en matière correctionnelle par une amende civile

M. KANNER

2

Suppression

Adopté

Article 25
Faculté d'un appel limité en matière criminelle

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

19

Coordination

Adopté

Article 26
Représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

20

Coordination

Adopté

Article 27
Clarification du régime d'aménagement de peines d'emprisonnement

M. KANNER

3

Suppression

Rejeté

Article additionnel après l'article 27

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

21

Rapport du ministère public sur l'exécution des peines

Adopté

M. GRAND

25

Possibilité de cumuler une peine d'emprisonnement et une peine restrictive de liberté

Rejeté

Article 28
Élargissement du champ d'application du suivi socio-judiciaire

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

22

Coordination

Adopté

M. KANNER

4

Suppression

Rejeté

Article additionnel après l'article 28

M. KANNER

5

Présomption d'absence de consentement en cas d'infraction sexuelle sur un mineur

Irrecevable
art. 45 alinéa 1 de la Constitution

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Identification des crédits alloués à l'autorité judiciaire au sein de la mission « Justice »
et exonération de ces crédits de la procédure de mise en réserve budgétaire

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

1

Exemption de toute annulation de crédit pour les crédits de l'autorité judiciaire

Adopté

Article 2
Mise en place de durées minimale et maximale d'affectation
dans une même juridiction pour tous les magistrats

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

2

Possibilité de dérogation aux durées minimale et maximale d'affectation des magistrats dans une même juridiction sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature

Adopté

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

13

Rédactionnel

Adopté

Article 4
Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

3

Suppression

Rejeté

Article 6
Obligation de formation à la prise des fonctions
de chef de cour ou de juridiction

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

4

Assouplissement des modalités d'organisation de la formation obligatoire à la prise des fonctions de chefs de cour ou de juridiction

Adopté

Article 7
Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège
en sortie d'école sur des postes dédiés dans des juridictions spécialisées

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

5

Suppression

Rejeté

Article 8
Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de conseiller référendaire
ou d'avocat général référendaire à la Cour de cassation

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

6

Possibilité de dérogation aux durées minimales et maximales d'affectation des magistrats dans une même juridiction sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature

Adopté

Article 9
Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions
de chef de juridiction du premier grade

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

7

Possibilité de dérogation aux durées minimales et maximales d'affectation des magistrats dans une même juridiction sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature

Adopté

Article 10
Mise en place d'une durée minimale d'exercice
des fonctions spécialisées dans une même juridiction

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

8

Possibilité de dérogation aux durées minimales et maximales d'affectation des magistrats dans une même juridiction sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature

Adopté

Article 11
Mise en place d'une durée minimale d'exercice
des fonctions de premier président d'une même cour d'appel

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

9

Possibilité de dérogation aux durées minimales et maximales d'affectation des magistrats dans une même juridiction sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature

Adopté

Article 12
Mise en place d'une durée minimale d'exercice
des fonctions de procureur général près une même cour d'appel

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

10

Possibilité de dérogation aux durées minimales et maximales d'affectation des magistrats dans une même juridiction sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature

Adopté

Article 13
Mise en place d'une durée minimale d'exercice
des fonctions de chef de juridiction placé hors hiérarchie

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

11

Possibilité de dérogation aux durées minimales et maximales d'affectation des magistrats dans une même juridiction sous le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature

Adopté

Article additionnel avant l'article 14

MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, rapporteurs

12

Coordination relative à la déclaration de situation patrimoniale des membres du Conseil supérieur de la magistrature

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice

Secrétariat général

M. Stéphane Verclytte , secrétaire général

Mme Anne Duclos-Grisier , directrice et secrétaire générale adjointe

Direction de l'administration pénitentiaire

M. Stéphane Bredin , directeur

Direction des services judiciaires

Mme Marielle Thuau , directrice

M. Lionel Paillon , sous-directeur des finances, de l'immobilier et de la performance

Direction des affaires civiles et du sceau

M. Thomas Andrieu , directeur

Mme Valérie Delnaud , chef de service, adjointe au directeur

Direction des affaires criminelles et des grâces

M. Rémy Heitz , directeur

M. Francis Le Gunehec , chef du bureau de la législation pénale générale

Ministère de l'économie

Direction du budget

M. Philippe Lonné , sous-directeur

Cour de cassation et Conseil supérieur de la magistrature

M. Bertrand Louvel , premier président de la Cour de cassation

M. Jean-Claude Marin , procureur général près la Cour de cassation

Mme Agnès Labrégère-Delorme , secrétaire générale du parquet général

M. Daniel Barlow , secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature

Contrôleur général des lieux de privation de libertés

M. André Ferragne , secrétaire général

Conseil national de l'aide juridique

Mme Agnès Martinel , présidente, conseillère à la Cour de cassation

M. Yves Badorc , chef du service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes

Mme Lise Duquet , cheffe du bureau de l'aide juridictionnelle

M. Nicolas Francillon , secrétaire

Conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel

M. Paul-André Breton , membre du bureau de la conférence, premier président de la cour d'appel de Rouen

Conférence nationale des procureurs généraux

M. Jean-François Thony , président de la conférence, procureur général près la cour d'appel de Colmar

Mme Véronique Malbec , vice-présidente de la conférence, procureure générale près la cour d'appel de Rennes

Conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance

Mme Joëlle Munier , présidente de la conférence, présidente du tribunal de grande instance d'Albi

M. Christophe Mackowiak , vice-président de la conférence, président du tribunal de grande instance de Versailles

Conférence nationale des procureurs de la République

M. Marc Cimamonti , président de la conférence, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon

M. Éric Virbel , membre de la conférence, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne

Conférence générale des juges consulaires de France

M. Georges Richelme , président de la conférence, ancien président du tribunal de commerce de Marseille

M. Michel Thomas , membre du bureau de la conférence, président du tribunal de commerce de Lyon

M. Éric Feldmann , membre du bureau de la conférence, président du tribunal de commerce de Lille métropole

Association nationale des juges d'instance

Mme Violette Baty , présidente, chargée du tribunal d'instance de Villejuif

M. Paul Barincou , président, chargé du secrétariat général de la cour d'appel de Douai

M. Bruno Tadeusz , président, chargé du tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne

Association nationale des juges de l'application des peines

Mme Mathilde Valin , vice-présidente de l'application des peines au tribunal de grande instance de Marseille

Mme Martine Lebrun , ancienne présidente de l'association

Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille

Mme Sophie Bouttier , vice-présidente du tribunal pour enfants de Marseille

Mme Christina Rinaldis , vice-présidente du tribunal pour enfants de Bobigny

Association française des magistrats instructeurs

Pascal Gastineau , président, vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Lille

M. Marc-Emmanuel Gounot , secrétaire général, vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Lyon

Union syndicale des magistrats

Mme Marie-Jane Ody , vice-présidente

M. Jacky Coulon , secrétaire national

Syndicat de la magistrature

Mme Juliane Pinsard , secrétaire nationale

Mme Katia Dubreuil , secrétaire nationale

Syndicat national des magistrats FO

Mme Béatrice Brugère , secrétaire générale

M. Jean de Maillard , secrétaire général adjoint

Mme Claire Danko , membre du conseil national

Organisations syndicales des greffiers et des personnels judiciaires

CFDT Services judiciaires

M. Michel Besseau , directeur des services de greffe judiciaire au tribunal de grande instance de Versailles

Mme Mireille-Aline Weber , greffière au tribunal de grande instance de Lyon

CGT Chancellerie et services judiciaires

M. Cyril Papon , secrétaire général adjoint

Mme Dominique Dutemps , secrétaire nationale, trésorière

Syndicat des greffiers de France FO

M. Jean-Jacques Piéron , secrétaire général adjoint

Mme Josette Courjol , déléguée à la cour d'appel de Paris

UNSa Services judiciaires

M. Hervé Bonglet , secrétaire général

M. André Toutain , secrétaire général adjoint

C.JUSTICE

Mme Lydie Quirié , secrétaire général

Mme Lucie Guillon , responsable nationale pour la région parisienne

Organisations syndicales des directeurs pénitentiaires

Syndicat national des directeurs pénitentiaires CFDT

M. Jérôme Brugallé , secrétaire national, directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation du Nord

M. Emmanuel Riehl , secrétaire national, directeur adjoint de la maison d'arrêt de Douai

M. Jean-Michel Dejenne , conseiller national, directeur adjoint du service pénitentiaire d'insertion et de probation des Alpes-Maritimes

Syndicat national pénitentiaire FO Direction

M. Ivan Gombert , secrétaire national

Organisations syndicales des surveillants pénitentiaires

CGT pénitentiaire

M. Alexis Grandhaie , commandant au centre pénitentiaire de Nantes

Syndicat national pénitentiaire FO Personnels de surveillance

M. Stéphane Touil , major, affecté à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, secrétaire général adjoint

M. Emmanuel Guimaraes , surveillant affecté au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, chargé du pôle communication

Syndicat pénitentiaire des surveillants non gradés

M. Philippe Kuhn , délégué régional, direction interrégionale de Paris

M. Pascal Goulard , délégué régional, direction interrégionale de Dijon

M. Joseph Paoli , délégué régional, direction interrégionale de Bordeaux

UFAP UNSa Justice

M. David Calogine , secrétaire général adjoint

M. Laurent Scassellati , secrétaire national

Organisations syndicales des personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation

CGT Insertion - Probation

Mme Delphine Colin , secrétaire nationale

Mme Fabienne Titet , secrétaire nationale

SNEPAP FSU

Mme Aurélie Demmer , secrétaire générale adjointe

M. Youssef Choukri , secrétaire national

Fédération des associations socio-judiciaires Citoyens et justice

Mme Stéphanie Lassalle , conseillère technique post-sentenciel

Mme Sophie Diehl , conseillère technique justice des enfants et des adolescents

Conseil national des barreaux

M. Pascal Eydoux , président

Mme Françoise Marthe , présidente de la commission Libertés et droits de l'homme

M. Yves Tamet , président de la commission Accès au droit et à la justice

M. Florent Loyseau de Grandmaison , vice-président de la commission Textes

Mme Géraldine Cavaillé , directrice du service juridique

Mme Françoise Louis-Tréfouret , responsable des relations institutionnelles

Barreau de Paris

Mme Camille Potier , membre du conseil de l'ordre

Conseil supérieur du notariat

M. Didier Coiffard , président

Mme Christine Mandelli , administrateur, chargée des relations avec les institutions

Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires

M. Christophe Thévenot , vice-président, administrateur judiciaire

M. Christophe Basse , membre, mandataire judiciaire

M. Alexandre de Montesquiou , consultant

Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce

M. Jean Pouradier-Duteil , président

Mme Sophie Jonval , vice-président

M. Christophe Hazard , secrétaire général

Conciliateurs de France, fédération des associations de conciliateurs de justice

M. Michel Pinet , président

Mme Catherine Lemoine , secrétaire

M. Patrick Tronche , secrétaire adjoint

Fédération française de l'assurance

Mme Catherine Traca , directrice des assurances de biens et de responsabilité

M. Alexis Merckling , sous-directeur des assurances de biens et de responsabilité

Mme Viviane Mitrache , conseillère parlementaire

Mme Élisa Abhervé-Guéguen , chargée des affaires parlementaires

Association pour le développement de l'informatique juridique

M. Fabien Waechter , président

Personnalité qualifiée

M. Jean Danet , membre du Conseil supérieur de la magistrature, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'université de Nantes

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

PROJET DE LOI

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 9

Amendement n° COM-23 présenté par

M. GRAND

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° A l'avant dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 135-2, après le mot : « réalisées, », supprimer les mots : « avec l'accord de la personne et » ;

2° L'article 706-71 est ainsi modifié :

a) A l'alinéa 2, après le mot : « République », supprimer les mots : « et de l'ensemble des parties » ;

b) Supprimer la dernière phrase de l'alinéa 3.

OBJET

L'article 706-71 du code de procédure pénale fixe les modalités d'utilisation des moyens de télécommunications au cours d'une procédure judiciaire.

L'utilisation de visioconférence est possible dans de nombreux cas mais pour certains d'entre eux il convient d'obtenir l'accord de l'ensemble des parties ou du détenu.

Un détenu peut donc aujourd'hui s'opposer à cette modalité technique par exemple pour sa comparution d'un prévenu devant le tribunal correctionnel ou pour une audience au cours de laquelle il doit être statué sur son placement en détention provisoire ou la prolongation de sa détention provisoire.

Sans remettre en cause le droit d'accès au juge, il est proposé de pouvoir recourir à la visioconférence dans l'ensemble des cas prévus par la loi, sans qu'un détenu ne puisse s'y opposer.

Cette simplification permettrait de répondre en partie aux nombreux dysfonctionnements en matière d'extractions judiciaires depuis l'extension de leur prise en charge par l'administration pénitentiaire.

Amendement n° COM-24 présenté par

M. GRAND

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le huitième alinéa de l'article L3332-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En cas de transfert prévu à l'article L. 3332-11, il en transmet copie intégrale uniquement au représentant de l'Etat dans le département. » ;

II. - Au premier alinéa de l'article 431 du code civil, remplacer les mots : « procureur de la République » par les mots : « représentant de l'Etat dans le département ».

OBJET

Le « livre noir » du ministère public de juin 2017 dénonce l'ampleur de la charge de travail et notamment celle des missions non assumées.

En effet, il n'y pas aujourd'hui de sujet touchant de près ou de loin la Justice, pour lequel un rôle ne soit réservé au ministère public.

Pour certaines attributions, c'est un simple avis qui est demandé au parquet mais parfois c'est également l'instruction complète du dossier et son suivi alors qu'à l'évidence une autre autorité serait mieux placée pour y procéder.

Le « livre noir » dresse ainsi une liste des attributions où l'intervention du parquet est dépourvue de sens réel et qu'il conviendrait donc d'assouplir.

Si un grand nombre d'allègements nécessitent des modifications réglementaires, il est proposé d'enclencher une dynamique de réduction de la charge de travail en adoptant les modifications législatives suivantes :

- Supprimer l'avis du parquet en matière de licences de transfert de débits de boissons car c'est aujourd'hui le maire qui en définit les conditions et il n'y a pas changement de propriétaire ou de gérant.

- Transférer l'instruction et l'établissement de la liste des médecins habilités en matière de mesures de protection des majeurs au représentant de l'État dans le département.

ARTICLE 18

Amendement n° COM-1 présenté par

M. KANNER et les membres du groupe socialiste et républicain

Supprimer cet article.

OBJET

La contribution à l'aide juridictionnelle, créé par le Gouvernement de François Fillon afin de financer la réforme de la garde à vue, avait été supprimée par Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux.

La présente proposition de loi en propose le rétablissement sous une forme sensiblement identique.

Par cet amendement nous marquons notre opposition à ce rétablissement. En effet, cette contribution porte atteinte au libre accès à la justice et à l'égalité des citoyens, deux principes auxquels nous sommes particulièrement attachés. Elle constituera un frein, notamment pour les litiges du quotidien, à l'accès au juge.

ARTICLE 27

Amendement n° COM-3 présenté par

M. KANNER et les membres du groupe socialiste et républicain

Supprimer cet article.

OBJET

Le présent article propose d'abaisser les seuils de possibilité d'aménagement des peines ab initio. Fixés aujourd'hui et depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 à deux ans pour les primo délinquants et à 1 an pour les récidivistes, le texte ramène ces seuils à 1 an pour les primo délinquants et à 6 mois pour les récidivistes.

Dans le but de « redonner du sens à la peine d'emprisonnement », les auteurs de la proposition de loi préconisent de supprimer la saisine  obligatoire du juge de l'application des peines, préalablement à toute mise à exécution pour les condamnations inférieures ou égales à deux ans lorsque le condamné est libre.

Il n'est plus à démontrer que les peines alternatives à l'emprisonnement sont des réponses plus utiles pour le prévenu et la société que la peine d'emprisonnement, notamment en matière de prévention de la récidive.

Par ailleurs, alors que dans l'annexe de la proposition de loi, son auteur affirme sa préoccupation concernant la surpopulation carcérale, cette proposition aboutira immanquablement à une inflation carcérale. Certes le présent texte a pour objet de donner à la justice des moyens supplémentaires et pérenne et prévoit la création de nombreuses places de prison mais chacun sait que, dans la pratique, entre l'annonce de la création d'un établissement pénitentiaire et sa mise en oeuvre effective un délai de 10 ans s'écoule. Dans l'intervalle et dans le contexte de surpopulation carcérale que nous connaissons, que faire des détenus supplémentaires que cette réforme ne va pas manquer d'induire.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 27

Amendement n° COM-25 présenté par

M. GRAND

Après l'article 27

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 1 du chapitre I er du titre III du livre I er du code pénal est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l'article 131-6, les mots : « , à la place de l'emprisonnement, » sont supprimés ;

2° Le premier alinéa de l'article 131-9 est ainsi rédigé :

« L'emprisonnement peut être prononcé cumulativement avec une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6. »

OBJET

Afin de redonner du sens à la peine d'emprisonnement, l'article 27 de ce texte reprend les dispositions des articles 9 et 24 de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale adoptée par le Sénat le 31 janvier 2017.

Dans ce même texte, la Haute Assemblée avait adopté un amendement du rapporteur François PILLET, devenu article 6 bis, visant à permettre la condamnation par le tribunal correctionnel à des peines complémentaires privatives ou restrictives de liberté, cumulativement au prononcé d'une peine d'emprisonnement.

En effet, aujourd'hui, le code pénal prévoit qu'en matière correctionnelle l'emprisonnement ne puisse être prononcé cumulativement avec une des peines privatives ou restrictives de droits, ni avec la peine de contrainte pénale ou la peine de travail d'intérêt général.

Ainsi un tribunal correctionnel ne peut prononcer de l'emprisonnement avec des peines complémentaires telles que l'interdiction d'entrer en relation avec la victime ou l'interdiction de séjour dans certains lieux.

Il est proposé d'insérer à nouveau cette disposition dans ce texte.

ARTICLE 28

Amendement n° COM-4 présenté par

M. KANNER et les membres du groupe socialiste et républicain

Supprimer cet article.

OBJET

Le suivi socio-judiciaire a été instauré pour prévenir la récidive et pour seconder les efforts de réinsertion sociale par des mesures de surveillance, assorties éventuellement d'une injonction de soins, et des mesures d'assistance. Le suivi est une peine complémentaire qui ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi et pour les infractions les plus graves (atteintes à la vie, disparition forcée, trafic d'armes, détournement de moyens de transport, corruption de mineur, terrorisme).

La présent article vise à faire du suivi socio-judiciaire une peine complémentaire de portée générale susceptible d'être prononcée pour tous les délits et les crimes afin de soumettre tous les condamnés, une fois leurs peines d'emprisonnement purgées, à des obligations particulières pendant une certaine durée.

Cette disposition nous parait inutile dans la mesure où un accompagnement est toujours possible dans le cadre d'un aménagement de peine et fait perdre tout son sens au suivi socio-judiciaire qui était en principe prévu pour les infractions les plus graves.

Nous en proposons la suppression.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 28

Amendement n° COM-5 présenté par

M. KANNER et les membres du groupe socialiste et républicain

Après l'article 28

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 222-23 du code pénal introduire un article additionnel ainsi rédigé :

Article 222-23-1 - Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commis par un majeur sur la personne d'un mineur de 15 ans sans violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

OBJET

Amendement tendant à proposer, comme c'est le cas pour l'infraction d'atteinte sexuelle, que l'âge de 15 ans soit retenu comme seuil au-dessous duquel le mineur est présumé ne pas avoir consenti à l'acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit commis sur sa personne par un majeur.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

ARTICLE 4

Amendement n° COM-3 présenté par

MM.  Jacques BIGOT et BUFFET, rapporteurs

Supprimer cet article.

OBJET

Cet amendement vise à supprimer l'article 4 en application duquel le président d'une juridiction peut demander à des magistrats en poste depuis moins de trois ans de prêter leur concours au magistrat en charge d'une affaire dont la nature le justifierait, de par sa complexité par exemple.

En application de cette disposition, seul le magistrat en charge de l'affaire endosserait la responsabilité du jugement, le jeune magistrat qui apporterait son concours ne participant pas à la décision.

Alors même que cette disposition permettrait au magistrat en charge de l'affaire de bénéficier d'un renfort précieux pour préparer sa décision et au jeune magistrat de perfectionner sa formation, elle s'est heurtée à une vive opposition de la part des magistrats consultés, au nom du principe constitutionnel d'indépendance de l'autorité judiciaire.

Bien que cette conception du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, consacré à l'article 64 de la Constitution, semble particulièrement extensive, il est proposé de supprimer l'article 4 de cette proposition de loi organique et d'encourager plutôt le recours à la collégialité et le développement des hypothèses de cosaisines.

A cet égard, la proposition de loi de d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, examinée en même temps que la présente proposition de loi organique, prévoit un renforcement des moyens humains pour arriver à combler les vacances de postes à l'horizon 2022, ce qui devrait favoriser grandement le développement de ces deux procédures.

La suppression de l'article 4 ne doit pas laisser penser que la problématique de l'isolement de nombreux jeunes magistrats du siège à la sortie de l'École nationale de la magistrature est ignorée. Elle devra faire l'objet d'une réflexion approfondie spécifique.

ARTICLE 7

Amendement n° COM-5 présenté par

MM.  Jacques BIGOT et BUFFET, rapporteurs

Supprimer cet article.

OBJET

Cet amendement vise à supprimer l'article 7 en application duquel des auditeurs de justice pourraient être nommés en premier poste auprès d'un magistrat du siège exerçant ses fonctions au sein d'une juridiction qui détient des compétences particulières ou au sein d'une juridiction spécialisée.

L'objectif de cette disposition est de créer, pour les magistrats du siège, des pôles d'excellence sur le modèle de ce qui existe déjà, pour les magistrats du parquet, avec les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

Cette suppression est justifiée par les mêmes raisons que celles évoquées à l'appui de la suppression de l'article 4. Elle s'accompagne également des mêmes réserves.


* 1 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html

* 2 Le dossier législatif du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl12-625.html

* 3 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

* 4 Instance du Conseil de l'Europe créée en 2002 pour évaluer l'efficacité des systèmes judicaires.

* 5 Systèmes judiciaires européens, efficacité et qualité de la justice , études de la CEPEJ n° 23, édition 2016 (données 2014). Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/default_fr.asp

* 6 Quelle indépendance financière pour l'autorité judiciaire ? Rapport du groupe de travail animé par le professeur Bouvier, remis au premier président de la Cour de cassation et au procureur général près cette cour, le 11 septembre 2009. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.courdecassation.fr/venements_23/relations_institutionnelles_7113/relations_institutionnelles_7859/autonomie_budgetaire_autorite_judiciaire_7853/financiere_autorite_8359/

* 7 Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/images/actualite/PLF2018/LPFP-2018-2022.pdf

* 8 Les chiffres présentés par le Gouvernement sont arrondis, basés sur un périmètre ne prenant pas en considération le compte d'affectation spéciale dédié aux pensions de retraite et ne présentent pas la ventilation des crédits par programme. À l'inverse, la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice présente l'ensemble des crédits, y compris ceux du compte d'affectation spéciale dédié aux pensions de retraite. Ce choix de présentation de la proposition de loi résulte sans doute du fait que, dans les documents budgétaires, le montant des crédits « hors compte d'affectation spéciale pensions » n'est précisé que pour la mission « Justice » complète, et n'est pas précisé pour chaque programme.

* 9 Le projet de loi ne présente que les objectifs et orientations pluriannuels des finances publiques sur les cinq années 2018 à 2022, les crédits de paiement de chaque mission du budget de l'État ne sont présentés que pour trois années, de 2018 à 2020.

* 10 La programmation budgétaire telle que proposée par la proposition de loi prévoit en effet une augmentation moyenne des crédits de 5 % par an, et une augmentation globale des crédits de 27,63 % sur cinq ans, étant précisé que l'augmentation des crédits annuelle est une moyenne et que ceux-ci augmentent en proportion davantage les trois dernières années. De plus, il est normal que les évolutions proportionnelles du budget soient ici légèrement différentes puisque les bases de calcul ne sont pas les mêmes que dans la proposition de loi, afin de comparer l'évolution du budget selon le même périmètre que celui utilisé par le Gouvernement dans son projet de loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022.

* 11 Projets annuels de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2018, mission « Justice ». Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/PAP2018_BG_Justice.pdf

* 12 Elles diminuent de 144 à 16 millions d'euros.

* 13 Celles-ci diminuent de 287 à 236 millions d'euros.

* 14 Rapport n° 83 (2012-2013) de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l12-083/l12-0831.pdf

* 15 « 12. Considérant que les orientations pluriannuelles ainsi définies par la loi de programmation des finances publiques n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation ; qu'elles n'ont pas davantage pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou de tout autre projet ou proposition de loi ; »

* 16 Cf. commentaire de l'article 2 de la proposition de loi.

* 17 Les emplois sont comptabilisés en équivalents temps plein travaillé.

* 18 Rapport n° 146 (2016-2017) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2017, p. 26. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a16-146-9/a16-146-91.pdf

* 19 Cour de cassation, chambre criminelle, 21 mars 2017, n° 16-82.437.

* 20 Pour une personne physique. La proposition de loi reprend également les sanctions pénales prévues par l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique pour une personne morale.

* 21 Cette formule est prévue par l'article 1 er du décret n° 47-1047 du 12 juin 1947 relatif à la formule exécutoire. Elle énonce notamment que : « la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement, etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis . »

* 22 En application de cette disposition, « seuls constituent des titres exécutoires [...] les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ».

* 23 La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques a créé, en droit français, l'acte sous seing privé contresigné par avocat, plus connu sous le nom d'« acte d'avocat », en ajoutant dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques les articles 66-3-1, 66-3-2 et 66-3-3. L'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a fait entrer l'acte d'avocat dans le code civil, à l'article 1374. Celui-ci prévoit, reprenant in extenso les dispositions des articles 66-3-2 et 66-3-3 désormais abrogés, que : « l'acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l'avocat de toutes les parties fait foi de l'écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause. La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable. Cet acte est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

* 24 Pour les litiges de moins de 4 000 euros, l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle impose une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice préalable à la saisine du tribunal d'instance sauf si « les parties justifient d'autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ». Plus largement, dans leur rédaction issue du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, les articles 56 et 58 du code de procédure civile disposent que : « sauf justification d'un motif légitime tenant notamment à l'urgence ou à la matière considérée, l'assignation ou la requête doit préciser les diligences effectuées en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ou du différend ».

* 25 Le rapport de M. Kami Haeri sur l'avenir de la profession d'avocat, remis au garde des sceaux, ministre de la justice, en février 2017, préconise que la force exécutoire soit accordée à l'acte d'avocat constatant une transaction résultant d'une médiation ou d'une procédure participative ou établi dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel, en modifiant l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution. Cf. rapport p. 69 et s. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_kami_haeri.pdf

* 26 L'essentiel des missions de conciliation réalisées par les conciliateurs de justice sont d'origine conventionnelle, c'est-à-dire qu'elles découlent d'une initiative des parties elles-mêmes.

* 27 Pour devenir juriste assistant, l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire exige : un diplôme de doctorat en droit ou un diplôme sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat, deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique, une compétence qualifiant particulièrement pour exercer ces fonctions.

* 28 Décret n° 2015-1275 du 13 octobre 2015 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires.

* 29 Cf. article 8 du décret n° 96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice.

* 30 Article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime, tel qu'il résulte de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

* 31 Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, il existe un registre des associations, tenu par le greffe du tribunal d'instance, mais en tout état de cause il n'y a pas de tribunal de commerce dans ces départements, la compétence commerciale étant attribuée au tribunal de grande instance.

* 32 Articles L. 612-1 à L. 612-5 du code de commerce.

* 33 Article R. 145-23 du code de commerce.

* 34 Chaque conseil de prud'hommes comporte cinq sections : agriculture, industrie, commerce, activités diverses et encadrement.

* 35 Il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire, prise par ordonnance du président du conseil non susceptible de recours.

* 36 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_1_Rapport_Dael_missioncartejudiciaire_2013.pdf

* 37 Article 55 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 38 Cette tribune est consultable à l'adresse suivante :

https://www.courdecassation.fr/IMG/Tribune_Pour_l_unit%C3%A9_de_la_proc%C3%A9dure_civile.pdf

* 39 Constitue une contravention toute infraction punie au plus d'une amende de 1 500 euros, hors récidive.

Les contraventions peuvent faire l'objet de procédures simplifiées : jugement par ordonnance pénale, extinction de l'action publique en cas de transaction pénale ou de paiement d'une amende forfaitaire.

* 40 Soit le maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe.

* 41 Contrairement à la règle de droit commun applicable en matière délictuelle et criminelle, les fautes contraventionnelles ainsi que les peines d'amende contraventionnelles peuvent se cumuler entre elles, en application de l'article 132-7 du code pénal.

* 42 Pour déterminer l'amende encourue, il y a lieu, lorsque le prévenu est poursuivi pour plusieurs contraventions, de totaliser les amendes dont il est passible (Cour de cassation, chambre criminelle, 23 mars 1999, Bull. crim., n o 50).

* 43 En application de l'article 546, alinéa 2, du code de procédure pénale.

* 44 Par renvoi de l'article 549 du code de procédure pénale aux articles 506 à 509, 511 et 514 à 520 du code de procédure pénale.

* 45 En application de l'article 547 du code de procédure pénale.

* 46 Hors hypothèses de désistement du pourvoi, d'irrecevabilité du pourvoi ou de non-admission du pourvoi.

* 47 Au 9 octobre 2017.

* 48 Article 1382 du code civil selon la numérotation en vigueur jusqu'au 1 er octobre 2016.

* 49 Cour de cassation, 2 e chambre civile, 16 juin 1993, n° 91-20.203.

* 50 Cour de cassation, 2 e chambre civile, 13 octobre 2005, n° 03-19.435.

* 51 Cour de cassation, 2 e chambre civile, 2 décembre 2010, n° 09-17.495.

* 52 En application de l'article 392-1 du code de procédure pénale.

* 53 Le troisième alinéa de l'article 380-14 du code de procédure pénale prévoit qu'il est « procédé comme en cas de renvoi après cassation », soit un réexamen entier du litige.

* 54 Cour de cassation, chambre criminelle, 24 juin 2009, n° 08-88.262.

* 55 En application de l'article 380-3 du code de procédure pénale et du principe de l'interdiction de la reformation in pejus , la cour d'assises d'appel ne peut toutefois aggraver la peine prononcée sur le seul appel de l'accusé.

* 56 Cour de cassation, chambre criminelle, 25 septembre 2002, n° 01-88.024.

* 57 Cette limitation peut être levée par le droit d'évocation lorsque la cour d'appel constate une irrégularité dans le jugement de première instance.

* 58 Au 9 octobre 2017.

* 59 Selon les données communiquées à vos rapporteurs, la part de pourvois non soutenus par un mémoire est de 57 % en 2016, de 60,2% en 2015 et 62,8% en 2014.

* 60 Cette étude a été publiée dans le rapport annuel de la Cour de cassation pour l'année 2003. Elle est consultable à l'adresse suivante :

https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2003_37/deuxieme_partie_tudes_documents_40/tudes_theme_egalite_42/cour_cassation_6249.html

* 61 En application de l'article 585-1 du code de procédure pénale.

* 62 Par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Auparavant, l'article D. 49-1 du code de procédure pénale permettait en opportunité au parquet de saisir le juge de l'application des peines.

* 63 Martine Herzog-Evans, « La perte de sens des aménagements de peine », in Fabienne Ghelfi, Le droit de l'exécution des peines. Espoirs ou désillusions ? , L'Harmattan, 2014, page 39.

* 64 Ce différentiel peut s'expliquer par le fait que les peines ayant déjà fait l'objet d'un mandat de dépôt ou d'un aménagement ab initio à l'audience figurent dans le total des peines éligibles à un aménagement.

* 65 Cette procédure consiste à statuer, dans un premier temps, sur la culpabilité de l'intéressé et à reporter la décision sur la peine à une audience ultérieure, une fois la juridiction suffisamment éclairée sur la situation personnelle du condamné, sa personnalité, ses facteurs de risque et de vulnérabilité, pour évaluer sa propension à la récidive et ses perspectives d'insertion.

* 66 En application de l'article D. 48-5-1 du code de procédure pénale, une conférence régionale portant sur les aménagements de peines et les alternatives à l'incarcération doit être organisée annuellement dans chaque cour d'appel afin :

- de dresser le bilan des aménagements de peines et des alternatives à la détention intervenus dans le ressort de la cour, de recenser ou mettre à jour le recensement des moyens disponibles en cette matière ;

- d'améliorer les échanges d'informations entre les juridictions, les services pénitentiaires et les services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- de définir et mettre en oeuvre les actions nécessaires à un renforcement des aménagements de peines et des alternatives à la détention ;

- de prévenir la surpopulation carcérale au sein des établissements pénitentiaires du ressort.

* 67 Selon une étude de 2011, le taux de « recondamnation toutes peines confondues, cinq ans après la sortie de prison » des sortants de prison sans aménagement était de 63 %, tandis que celui des bénéficiaires d'une libération conditionnelle était de 39 %. A. Kensey, A.Benaoudal « Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation », Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, n° 36, mai 2011.

* 68 Commission présidée par M. Bruno Cotte, rapport à Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, Pour une refonte du droit des peines , décembre 2015. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_refonte_droit_peines.pdf

* 69 Infostat Justice, février 2013, numéro 121, Rémi Josnin, « Le recours au suivi socio-judiciaire ».

* 70 Sont concernés la présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat, le Conseil constitutionnel, la Haute Cour et la Cour de justice de la République.

* 71 Conseil constitutionnel, décision n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002, loi de finances pour 2003.

* 72 « Le grand plan d'investissement 2018-2022 », rapport au Premier ministre remis par Jean Pisani Ferry, septembre 2017, p. 59 : « Pour donner de la visibilité aux ministères gestionnaires, les dotations relevant du Grand plan d'investissement seraient exonérées de la régulation budgétaire (gels et annulations) qui s'imposent chaque année aux crédits ouverts. Cette exception devrait être notifiée au Parlement comme un cas particulier du taux de mise en réserve qui lui est communiqué chaque année ». Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/174000710.pdf

* 73 Conseil constitutionnel, décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ; décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016, loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats, ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 74 « Mouvements et mobilités d'un corps », une étude des « transparences », au siège et au parquet (années 2015 et 2016), par Jean Danet, 12 septembre 2017. Cette étude est consultable à l'adresse suivante :

http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/actualites/publication-dune-etude-du-csm-sur-la-mobilite-des-magistrats

* 75 Ce nombre est évalué par la chancellerie à 410 postes de magistrats en juridiction au 1 er septembre 2017.

* 76 Conseil supérieur de la magistrature, rapport d'activité 2016, pages 38 et 42. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/actualites/rapport-dactivite-2016-du-csm

* 77 Conseil constitutionnel, décision n° 67-33 DC du 12 juillet 1967, loi organique modifiant et complétant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 78 Le premier alinéa de l'article 64 de la Constitution dispose que « le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire ».

* 79 Cette procédure a été créée par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale. Elle est régie par les articles 83-1 et 83-2 du code de procédure pénale. La co-saisine permet, lorsque la gravité ou la complexité de l'affaire le justifie de désigner un ou plusieurs juges d'instruction pour être adjoints au juge d'instruction chargé de l'information.

* 80 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

* 81 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016, loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

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