CHAPITRE III - RENDRE L'INSTITUTION JUDICIAIRE PLUS PROCHE DES CITOYENS

Section 1 - Créer le tribunal départemental unique de première instance
Article 10 (art. L. 121-1, L. 121-4, L. 122-1, L. 122-2, L. 123-1, L. 123-4, L. 211-1, L. 211-2, L. 211-3, L. 211-4, L. 211-4-2 et L. 211-4-3 [nouveaux], L. 211-5, L. 211-6, L. 211-7, L. 211-8, L. 211-9-2, L. 211-10, L. 211-11, L. 211-11-1, L. 211-12, L. 211-13, L. 211-14, L. 212-1, L. 212-2, L. 212-3, L. 212-4, L. 212-6, L. 212-7 [nouveau], L. 213-1, L. 213-2, L. 213-3, L. 213-4, L. 213-4-1 [nouveau], L. 213-5, L. 213-7, L. 213-9, L. 214-1, L. 214-2, L. 215-1, L. 215-2, L. 215-3 à L. 215-6 [nouveaux], L. 216-1, L. 216-2, L. 217-1 et L. 217-2 du code de l'organisation judiciaire et art. L. 621-2, L. 722-4, L. 722-7, L. 722-10, L. 731-1, L. 731-2, L. 731-3, L. 732-3, L. 732-4, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-8, L. 743-9, L. 743-10 et L. 744-1 du code de commerce) - Création du tribunal de première instance, en principe départemental, regroupant le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance et doté de plusieurs sites sous forme de chambres détachées

L'article 10 de la proposition de loi tend à instaurer un tribunal de première instance unique, en principe départemental, regroupant le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, comportant plusieurs sites, sous forme de chambres détachées en dehors de son siège, et s'appuyant sur le service d'accueil unique du justiciable. Il traduit ainsi les propositions n os 51 à 54 du rapport d'information précité.

La proposition de loi maintient à l'écart de cette nouvelle juridiction le conseil de prud'hommes et le tribunal de commerce, solution à laquelle souscrit votre commission, même si vos rapporteurs estiment que la question du rattachement du greffe du conseil de prud'hommes à celui du tribunal de première instance aurait légitimement pu être discutée.

La proposition de loi prévoit la création du tribunal de première instance à une date fixée par décret, au plus tard au 1 er janvier 2022, cette date pouvant varier selon les départements.

L'exposé des motifs souligne que le tribunal de première instance repose sur « la notion de taille efficiente de juridiction, largement partagée par les acteurs du monde judiciaire » et « ne doit pas être conçu comme une réforme organisationnelle, à visée uniquement gestionnaire, destinée à mutualiser la pénurie actuelle de moyens humains et matériels, ou comme une nouvelle étape de rationalisation de la carte judiciaire ». Il postule que la mise en place de ce tribunal de première instance, progressive en fonction du rythme de comblement des vacances de postes de magistrats et de greffiers selon les départements, doit se faire, sauf exception, avec le maintien des implantations judiciaires actuelles, ce qui permettrait d'ailleurs de limiter les difficultés immobilières. Cette nouvelle organisation territoriale suppose également l'aboutissement de la mise à niveau de l'informatique judiciaire civile, avec le projet Portalis .

L'exposé des motifs présente cette nouvelle juridiction « comme un mode d'organisation qui doit permettre de rapprocher l'institution judiciaire du justiciable, s'agissant du contentieux civil et pénal appelant un traitement dans la proximité ». En effet, outre le contentieux actuel du tribunal d'instance, les chambres détachées pourraient aussi connaître du contentieux des affaires familiales et, éventuellement, d'autres contentieux du tribunal de grande instance qui peuvent appeler un traitement dans la proximité. Par rapport à la situation actuelle, à carte judiciaire inchangée, la proximité se trouverait indéniablement renforcée, de même que la simplicité d'accès et la lisibilité du système judiciaire pour le justiciable .

L'article 10 de la proposition de loi précise que le socle minimal de compétences des chambres détachées serait fixé par décret en Conseil d'État et que des compétences supplémentaires pourraient être attribuées, au cas par cas, sur décision conjointe des chefs de cour, sur proposition conjointe des chefs de juridiction.

La notion de taille efficiente repose sur la double constatation du mauvais fonctionnement tant des juridictions de trop petite, en raison d'un nombre insuffisant de magistrats pour assurer l'activité juridictionnelle de manière efficace, en particulier pour les contentieux spécialisés mais aussi pour l'organisation générale de la juridiction (incompatibilités, exercice de toutes les fonctions spécialisées...), que des juridictions de trop grande taille, en raison de lourdeurs de gestion et de la charge de l'activité juridictionnelle.

Le tribunal départemental unique de première instance permettrait de répondre aux difficultés d'organisation et de fonctionnement des petites juridictions lorsqu'elles sont plusieurs dans un même département. En revanche, dans les départements faiblement peuplés dotés d'un seul tribunal de grande instance, il conduirait simplement à regrouper les effectifs du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance, ce qui devrait néanmoins permettre un fonctionnement plus optimal, en décloisonnant les effectifs.

Pour les départements les plus peuplés, la formule du tribunal départemental unique n'étant pas la plus pertinente au regard de la notion de taille efficiente, la proposition de loi précise, par dérogation, qu'un même département peut comporter deux tribunaux « lorsque son importance démographique ou sa configuration géographique le justifie ».

S'agissant des nombreux arguments pratiques en faveur du tribunal de première instance et de l'historique du concept, vos rapporteurs renvoient aux abondants développements du rapport de la mission d'information. Ils signalement notamment la cohérence accrue qui en résulterait entre l'action du procureur de la République et celle du préfet et des services de l'État, tous organisés à l'échelon départemental.

Vos rapporteurs rappellent aussi les fortes réserves voire l'hostilité
- pas systématique néanmoins - des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires, ainsi que l'adhésion des conférences de chefs de cour et de juridiction. L'idée de tribunal de première instance, regroupant l'ensemble des juridictions de première instance, avait déjà été approfondie lors des travaux préparatoires à l'élaboration de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, sans pour autant être retenue par le Gouvernement.

À cet égard, vos rapporteurs rappellent que les tribunaux de grande instance, à la date du 1 er janvier 2019, devront absorber le contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité, supprimés par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 précitée, au sein de chambres spécialisées échevinées.

En outre, l'article 10 de la proposition de loi est à lire en lien avec son article 17, lequel instaure un dispositif pérenne d'évaluation périodique des sites et ressorts judiciaires devant permettre, notamment, de faire évoluer l'implantation des chambres détachées des tribunaux de première instance par la création ou la suppression de chambres en fonction des évolutions locales et des besoins de proximité des justiciables. Il est plus simple de créer ou supprimer une chambre détachée, sous réserve toutefois des aspects immobiliers, que de créer ou supprimer une juridiction.

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification .

Article 11 (art. L. 121-3 et L. 123-1-1 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire) - Garanties statutaires pour les magistrats et les personnels de greffe dans le cadre du tribunal de première instance

L'article 11 de la proposition de loi a pour objet de prévoir, dans le cadre de la mise en place du tribunal de première instance, des garanties pour les magistrats et pour les personnels de greffe. Il traduit ainsi les propositions n os 56 et 57 du rapport d'information précité.

D'une part, s'agissant de l'affectation des magistrats du siège, la proposition de loi maintient le mécanisme de l'ordonnance de roulement du président du tribunal, prise après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège, pour une affectation au siège du tribunal ou dans une chambre détachée, pour un service complet ou partagé entre les deux.

D'autre part, s'agissant des personnels de greffe, la proposition de loi apporte une garantie de localisation de l'emploi, soit au siège du tribunal, soit dans une chambre détachée. L'enjeu de stabilité géographique apparaît effectivement plus important, selon vos rapporteurs, pour les fonctionnaires, lesquels ne sont pas soumis à des obligations statutaires de mobilité. Le texte permet le changement d'affectation entre le siège et une chambre détachée, sur décision conjointe des chefs de juridiction, prise après avis du directeur de greffe, pour nécessité de service et pour une durée limitée. Le rapport annexé à la proposition de loi précise que ce système de délégation rénové et adapté à la nouvelle organisation juridictionnelle de première instance devra « comporter un accompagnement indemnitaire », lequel ressort de la compétence du pouvoir réglementaire.

Vos rapporteurs rappellent l'expérience intéressante de la chambre détachée du tribunal de grande instance d'Agen à Marmande, qui semble fonctionner de façon satisfaisante, dans les limites actuelles du dispositif, en remplacement de l'ancien tribunal de grande instance de Marmande. Cette expérience est présentée dans le rapport de la mission d'information comme une illustration, certes plus circonscrite, de ce que pourrait être une chambre détachée dans un tribunal de première instance, dotée d'effectifs permanents de personnels de greffe ainsi que d'effectifs de magistrats, pour un service complet ou partiel, en fonction de l'activité contentieuse civile et pénale.

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification .

Section 2 - Renforcer la conciliation
Article 12 (art. 4-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) - Renforcement du rôle des conciliateurs de justice

L'article 12 de la proposition de loi vise à renforcer les effets de la conciliation menée par les conciliateurs de justice en donnant, d'une part, force exécutoire aux accords trouvés dans ce cadre et en prévoyant, d'autre part, qu'en cas d'échec de la conciliation, et dans l'hypothèse où les parties envisageraient de poursuivre la procédure judiciaire, le conciliateur transmettrait au juge une proposition de règlement du litige. Il traduit ainsi la proposition n° 63 du rapport d'information précité.

• La force exécutoire donnée aux accords de conciliation

Le dispositif prévu par cet article permet de donner force exécutoire au procès-verbal de conciliation, dressé par le conciliateur de justice, dès lors qu'il serait déposé au greffe du tribunal. Ce procès-verbal serait ensuite notifié aux parties.

Actuellement, pour être revêtu de la force exécutoire, l'accord issu de la conciliation doit faire l'objet d'une homologation par le juge, dans les conditions prévues à l'article 131 du code de procédure civile s'il s'agit d'une conciliation déléguée par le juge au conciliateur de justice, et à l'article 1541 du même code dans l'hypothèse où la conciliation par le conciliateur est d'origine conventionnelle. L'accord se voit alors apposer par le greffe la formule exécutoire 21 ( * ) . Il constitue ainsi un titre exécutoire au sens du 1° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution 22 ( * ) .

Entendus par vos rapporteurs, les représentants des conciliateurs de justice se sont montrés favorables à cette évolution de leurs missions, estimant qu'il en découlerait une simplification de la procédure pour les parties et un allègement du rôle des juridictions grâce à la suppression de l'homologation. Ils ont cependant souligné la nécessité, en contrepartie de l'extension de leur pouvoir et, parallèlement, de leur responsabilité, de renforcer la formation qui leur est dispensée, alors même que l'École nationale de la magistrature est déjà très sollicitée suite au recrutement de 200 nouveaux conciliateurs de justice, dans le cadre du plan de recrutement lancé par le ministère de la justice, après l'adoption de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

Cependant, plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs se sont montrées pour le moins réservées à l'idée de donner force exécutoire aux accords de conciliation.

Comme l'ont souligné les représentants des services de la chancellerie, la force exécutoire est un démembrement de la puissance publique. Le pouvoir de la conférer est donc attribué de manière très restrictive, aux magistrats et aux officiers ministériels.

Certes, à compter du 1 er avril 2018, en application de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale, le directeur d'un organisme débiteur des prestations familiales pourra donner force exécutoire à l'accord par lequel des parents qui mettent fin à leur vie en concubinage, ou qui ont procédé à une dissolution du pacte civil de solidarité qui les liait, fixent le montant de la contribution de chacun à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Mais cette procédure est strictement encadrée et elle ne portera que sur un domaine très limité.

En raison de l'absence de véritable statut des conciliateurs de justice, de règles déontologiques précises encadrant leurs activités, ou encore en raison de l'absence de régime de responsabilité qui leur serait applicable en cas de faute, il est apparu prématuré à vos rapporteurs d'envisager de leur confier un tel pouvoir.

Par ailleurs, comme l'ont fait valoir les représentants de la profession d'avocat, lors de leur audition, il n'y a pas de justification à conférer force exécutoire aux accords dégagés par les conciliateurs de justice et à la refuser aux actes contresignés par les avocats 23 ( * ) qui peuvent également intervenir au titre d'un processus de conciliation ou de médiation 24 ( * ) .

Or, aussi légitime soit-elle, cette revendication de la profession d'avocat, qui n'est pas nouvelle 25 ( * ) , emporte un certain nombre de conséquences. En effet, si les conciliateurs de justice n'interviennent qu'en matière de petits litiges du quotidien, il n'en va pas de même des avocats, appelés à assurer des missions de médiation en toutes matières, comme par exemple en matière familiale ou pour des litiges aux enjeux économiques substantiels. Soustraire l'ensemble de ces affaires à l'homologation du juge irait au-delà de l'objet de la proposition de loi.

Par ailleurs, conférer force exécutoire à l'acte d'avocat remettrait en cause la procédure sans juge de divorce par consentement mutuel, telle qu'elle résulte de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle. De fait, si l'acte contresigné par avocats était revêtu de la force exécutoire, il ne serait plus nécessaire qu'il fût déposé au rang des minutes d'un notaire, comme le prévoit actuellement l'article 229 du code civil.

Sans être opposés sur le fond à une telle évolution, vos rapporteurs estiment que la question de la force de l'acte d'avocat mérite une réflexion d'ampleur qui n'a pas été menée dans le cadre des travaux sur le redressement de la justice et qui semble trouver toute sa place dans les chantiers de réflexion ouverts par Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, qui devraient aborder la question du développement des modes alternatifs de règlement des litiges.

Pour l'ensemble de ces raisons, à l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-9 supprimant l'octroi de la force exécutoire aux procès-verbaux de conciliation dressés par les conciliateurs de justice.

• La proposition de règlement du litige faite par le conciliateur au juge

L'article 12 de la proposition de loi prévoit, en cas d'échec de la conciliation, la transmission au juge par le conciliateur de justice d'une proposition de règlement du litige.

Pour répondre aux craintes qui avaient été exprimées par les représentants des conciliateurs de justice dans le cadre des travaux de la mission d'information sur le redressement de la justice, cette proposition devrait respecter le secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation.

Le juge aurait alors la possibilité d'avaliser directement cette proposition sans appeler les parties à l'audience, à moins qu'elles demandent à être entendues.

L'objectif de cette disposition est de mettre à profit le travail objectif réalisé par le conciliateur, qui a rencontré les parties et s'est rendu sur place le cas échéant. Ainsi, le juge n'aurait pas à refaire ce travail.

Lors de leur audition, les représentants des conciliateurs de justice ont, cette fois, fait part à vos rapporteurs de leur opposition à cette disposition, estimant qu'elle risquait de changer fondamentalement la philosophie de la conciliation, fondée sur l'accompagnement des parties dans la recherche d'un accord, et non pas sur la proposition d'une solution par un conciliateur arbitre.

Soucieux de prendre en considération ces fortes réticences, vos rapporteurs ont proposé de limiter les hypothèses dans lesquelles les conciliateurs de justice pourraient être amenés à proposer une solution au juge. Seules les hypothèses dans lesquelles la conciliation a été demandée par le juge lui-même seraient concernées. Il s'agirait des hypothèses de conciliation menées dans le cadre de l'article 129-2 du code de procédure civile, qui dispose que « lorsque le juge, en vertu d'une disposition particulière, délègue sa mission de conciliation, il désigne un conciliateur de justice à cet effet, fixe la durée de sa mission et indique la date à laquelle l'affaire sera rappelée ».

A contrario , toutes les fois où la conciliation aura été engagée à l'initiative des parties, c'est-à-dire dans la plupart des procédures de conciliation 26 ( * ) , ou toutes les fois où la tentative de conciliation relèvera d'un préalable obligatoire à la saisine du juge, le conciliateur n'aura pas à adresser, au juge saisi, de proposition de règlement du litige.

Suivant ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-10 limitant ainsi le champ d'application du dispositif.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (intitulé du chapitre III bis du titre II du livre Ier, art. L. 123-4 et L. 123-5 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire, art. 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative) - Accomplissement de missions de conciliation par des « délégués du juge », recrutés sous le statut de juristes assistants

L'article 13 de la proposition de loi tend à compléter l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire pour permettre aux juges chargés des contentieux de proximité d'être assistés de « délégués du juge », recrutés sous le statut de juristes assistants, auxquels ils pourraient confier des missions de conciliation et, en cas d'échec de celle-ci, qui seraient compétents pour rédiger un projet de jugement sous leur contrôle. Il traduit ainsi la proposition n° 65 du rapport d'information précité.

Il entre en effet dans les fonctions premières du juge d'instance, héritier en cela des anciennes justices de paix, de tenter de concilier les parties avant de trancher le litige. L'article 829 du code de procédure civile dispose ainsi que toute demande en justice est formée « à fin de conciliation et, à défaut, de jugement ».

En renforçant encore l'équipe du magistrat grâce aux « délégués du juge », vos rapporteurs estiment que la mise en oeuvre de cette mission légale serait améliorée, car les magistrats n'ont pas toujours le temps de concilier les parties et les conciliateurs de justice ont vu leur champ d'intervention s'étendre substantiellement depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, alors même que leurs effectifs n'ont pas augmenté en conséquence.

Pour répondre à la crainte exprimée par les représentants de la direction des services judiciaire, lors de leur audition par vos rapporteurs, votre commission a adopté, à l'initiative de ces derniers, un amendement COM-11 précisant que le juge ne peut déléguer qu'« une » mission de conciliation, dans le cadre d'affaires ponctuelles, et non pas « sa » mission générale de conciliation. En tout état de cause, dans l'exercice de ces missions de conciliation, le « délégué du juge » demeurerait sous le contrôle de ce dernier.

Le choix de confier ces missions à des juristes assistants a semblé par ailleurs tout à fait pertinent à vos rapporteurs. En effet, si les conditions de recrutement de ces juristes 27 ( * ) permettent de sélectionner des profils spécialisés, appelés à intervenir auprès des magistrats qui traitent certains contentieux bien spécifiques, elles permettent également de recruter des juristes de terrain, compétents pour connaître des contentieux de proximité, lesquels sont parfois extrêmement techniques.

Ces « délégués du juge » pourraient également être issus du corps des greffiers. À cet égard, il faudra envisager une modification des dispositions réglementaires qui régissent le statut des greffiers 28 ( * ) .

En outre, l'article 13 de la proposition de loi introduit un nouvel article L. 123-5 dans le code de l'organisation judiciaire qui n'est que la reprise, quasiment in extenso, de l'article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, à l'exception de la référence aux tribunaux d'instance, qui serait remplacée par la référence aux tribunaux de première instance.

L'objectif de cette codification est de regrouper, dans un même texte, les dispositions relatives aux personnels contractuels appelés à faire partie de l'équipe du magistrat.

Une précision a cependant été ajoutée par rapport à l'ancienne rédaction selon laquelle ces assistants de justice seraient nommés « à temps partiel ». Actuellement, la durée du travail des assistants de justice est seulement fixée par décret 29 ( * ) . Le nombre de vacations horaires allouées à un même bénéficiaire ne peut excéder 80 par mois dans la limite de 720 par an.

Cette précision a été introduite par parallélisme avec l'article L. 123-4, relatif au statut des juristes assistants, qui prévoit qu'ils sont recrutés « à temps partiel ou complet ».

Vos rapporteurs estiment néanmoins peu pertinent de fixer dans la loi cette limitation du temps de travail des assistants de justice. En cas de besoin plus importants des juridictions, un décret serait en effet plus facile à modifier qu'une loi. Cette précision crée donc une rigidité inutile.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a donc adopté un amendement COM-12 supprimant la référence au recrutement à temps partiel des assistants de justice.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .


* 21 Cette formule est prévue par l'article 1 er du décret n° 47-1047 du 12 juin 1947 relatif à la formule exécutoire. Elle énonce notamment que : « la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement, etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis . »

* 22 En application de cette disposition, « seuls constituent des titres exécutoires [...] les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ».

* 23 La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques a créé, en droit français, l'acte sous seing privé contresigné par avocat, plus connu sous le nom d'« acte d'avocat », en ajoutant dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques les articles 66-3-1, 66-3-2 et 66-3-3. L'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a fait entrer l'acte d'avocat dans le code civil, à l'article 1374. Celui-ci prévoit, reprenant in extenso les dispositions des articles 66-3-2 et 66-3-3 désormais abrogés, que : « l'acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l'avocat de toutes les parties fait foi de l'écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause. La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable. Cet acte est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

* 24 Pour les litiges de moins de 4 000 euros, l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle impose une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice préalable à la saisine du tribunal d'instance sauf si « les parties justifient d'autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ». Plus largement, dans leur rédaction issue du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, les articles 56 et 58 du code de procédure civile disposent que : « sauf justification d'un motif légitime tenant notamment à l'urgence ou à la matière considérée, l'assignation ou la requête doit préciser les diligences effectuées en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ou du différend ».

* 25 Le rapport de M. Kami Haeri sur l'avenir de la profession d'avocat, remis au garde des sceaux, ministre de la justice, en février 2017, préconise que la force exécutoire soit accordée à l'acte d'avocat constatant une transaction résultant d'une médiation ou d'une procédure participative ou établi dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel, en modifiant l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution. Cf. rapport p. 69 et s. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_kami_haeri.pdf

* 26 L'essentiel des missions de conciliation réalisées par les conciliateurs de justice sont d'origine conventionnelle, c'est-à-dire qu'elles découlent d'une initiative des parties elles-mêmes.

* 27 Pour devenir juriste assistant, l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire exige : un diplôme de doctorat en droit ou un diplôme sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat, deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique, une compétence qualifiant particulièrement pour exercer ces fonctions.

* 28 Décret n° 2015-1275 du 13 octobre 2015 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires.

* 29 Cf. article 8 du décret n° 96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice.

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