EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Ratification de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

L'article unique du projet de loi se limite à proposer de ratifier, sans modification, l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

En dépit de l'opposition exprimée par le Sénat à utiliser la voie de la législation déléguée pour réformer le droit des contrats, votre commission considère qu'il y a lieu, à ce stade, de ratifier cette ordonnance , à condition toutefois d'y apporter certaines clarifications et corrections nécessaires , soit en explicitant l'interprétation de l'intention du législateur, soit en modifiant les articles du code civil issus de l'ordonnance.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 2 (nouveau) (art. 1102, 1110 et 1111 du code civil) - Les principes directeurs du contrat, la définition du contrat de gré à gré et du contrat d'adhésion, le contrat cadre et ses contrats d'application

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-1 rectifié bis , l'article 2 du projet de loi apporte plusieurs modifications au chapitre I er du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1101 à 1111-1), qui regroupe des dispositions dites liminaires, se rapportant à la définition du contrat, aux principes directeurs du contrat et aux différentes catégories de contrats.

. Le respect des bonnes moeurs dans les contrats (article 1102 du code civil)

En premier lieu, votre rapporteur a relevé une incohérence interne au sein du code civil, s'agissant des normes supérieures que les contrats ne peuvent écarter . Alors que l'article 6 du code civil, au sein de son titre préliminaire, précise qu'« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs », l'article 1102 énonce que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public », sans plus mentionner les bonnes moeurs. Si votre rapporteur comprend le souci de modernisation qui a pu prévaloir dans la rédaction de l'ordonnance, il n'est pas certain, à la lumière de ses auditions, que l'ordre public englobe entièrement les bonnes moeurs. En outre, les bonnes moeurs restent une notion connue en droit 36 ( * ) et utilisée par la jurisprudence, de façon souple et adaptée aux circonstances. Plus largement, la notion juridique de bonnes moeurs reste utilisée par le droit civil, par exemple comme critère pour la naturalisation 37 ( * ) ou pour le contrat de mariage 38 ( * ) .

Si votre rapporteur, en conséquence, jugeait nécessaire de procéder à une harmonisation avec l'article 6 du code civil et a proposé en ce sens une modification des principes directeurs du contrat, votre commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de le faire.

. La définition du contrat de gré à gré et du contrat d'adhésion (article 1110 du code civil)

Parmi les catégories de contrats énumérées par le code, l'article 1110 définit le contrat de gré à gré et le contrat d'adhésion, l'un étant conçu en principe comme le symétrique de l'autre. Le contrat de gré à gré est « celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties », tandis que le contrat d'adhésion est « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties ».

Ce faisant, la réforme a consacré la notion doctrinale de contrat d'adhésion, dégagée au début du XX ème siècle par Raymond Saleilles et fondée sur l'idée que, dans certains contrats, la volonté d'une partie peut imposer à l'autre l'essentiel du contenu du contrat - notion doctrinale qui n'avait pas jusqu'à présent de réelle portée dans le droit positif français. À titre de comparaison, l'article 1379 du code civil du Québec comporte une disposition très similaire sur le contrat d'adhésion 39 ( * ) .

La définition du contrat d'adhésion permet d'asseoir le mécanisme de lutte contre les clauses abusives, prévu à l'article 1171, lequel ne concerne que cette forme de contrat. Dans le cours de l'élaboration de l'ordonnance, le cantonnement de ce mécanisme aux contrats d'adhésion a permis de limiter les inquiétudes qu'avaient fait naître l'introduction dans le droit commun, marqué par l'égalité des parties, d'un dispositif inspiré de droits spéciaux connaissant des contrats plus structurellement déséquilibrés, en droit de la consommation et en droit des relations commerciales 40 ( * ) .

La grande majorité des personnes entendues par votre rapporteur en audition ont indiqué que la définition du contrat d'adhésion, par elle-même ainsi que par rapport à la définition du contrat de gré à gré, n'était ni claire ni satisfaisante, et ce pour plusieurs raisons.

Ces deux définitions laissent un espace intermédiaire pour un tiers contrat - certes peut-être théorique -, dont des clauses seraient imposées unilatéralement par l'une des parties sans être des conditions générales. Ce n'est pas toutefois la difficulté la plus importante.

Définir le contrat de gré à gré comme celui dont les stipulations sont librement négociées peut avoir deux sens : un contrat dont les stipulations ont toutes été effectivement et librement négociées ou un contrat dont les stipulations n'ont pas toutes été négociées mais auraient toutes pu l'être. Si la jurisprudence retenait un critère de négociation effective, elle conduirait a contrario à une extension du champ du contrat d'adhésion, puisque les deux définitions se conçoivent comme complémentaires, et donc du champ des contrats susceptibles d'être contestés au titre de l'article 1171 du code. Cette ambiguïté doit être levée selon votre rapporteur, d'autant qu'elle pourrait poser une difficulté en matière de preuve, s'il fallait rapporter la preuve de la négociation effective.

Le fait que toutes les clauses n'aient pas été effectivement négociées et qu'une partie ait adhéré à des clauses proposées par l'autre partie sans les négocier ne signifie pas que l'on est en présence d'un contrat d'adhésion. Ce type de contrat se caractérise par le fait qu'une partie propose le contrat sans permettre à l'autre partie d'en discuter tout ou partie des stipulations, ce qui peut seul justifier le mécanisme de sanction des clauses abusives. En effet, il serait très contestable qu'une partie qui accepte des clauses sans vouloir les discuter soit admise ensuite à les contester au motif qu'elles présenteraient un caractère prétendument abusif.

Votre rapporteur estime donc que le critère distinctif pertinent est celui de la négociabilité des stipulations contractuelles et non celui, trop ambigu, de leur libre négociation, de façon à assurer une cohérence avec le dispositif de l'article 1171. Des stipulations qui ne sont pas négociables, déterminées unilatéralement par une partie, peuvent créer un déséquilibre significatif entre les droits des parties dans la mesure où la partie qui n'a pas pu les discuter doit les accepter, sans autre choix possible, si elle veut contracter. Il faut qu'une partie ne soit pas en mesure de négocier pour que la question du caractère abusif d'une clause puisse logiquement se poser .

En outre, la définition du contrat d'adhésion s'appuie sur la notion de conditions générales soustraites à la négociation et déterminées à l'avance par l'une des parties. Non seulement la notion de clauses soustraites à la négociation est là encore ambiguë - elle peut inclure des clauses qui auraient pu être négociées mais qui ne l'ont pas été effectivement -, mais le recours à la notion de conditions générales crée une incertitude, car celle-ci n'est pas définie, même si elle peut évoquer des notions connues dans certains droits particuliers.

Certes, l'article 1119 du code civil évoque lui aussi les conditions générales, mais dans une autre perspective, dans le cadre d'une distinction entre conditions générales et conditions particulières et d'une incompatibilité entre les conditions générales de chaque partie, de sorte que cet article ne permet guère d'éclairer la définition du contrat d'adhésion sur la base du critère des conditions générales.

Substituer à la notion de conditions générales celle de stipulations essentielles, comme cela a été évoqué lors des auditions de votre rapporteur, ne semble pas davantage satisfaisant, hors même ses contours indéterminés, qui nourriraient une abondante jurisprudence. En effet, des clauses abusives peuvent se trouver dans des stipulations qui ne sont pas jugées comme essentielles à la formation du contrat. Si la nature de la prestation, le prix, la référence à un indice, la durée ou encore les limitations ou exonérations de responsabilité sont sans doute des stipulations essentielles, qu'en est-il d'une clause, dans des contrats susceptibles d'être résiliés, prévoyant une durée de préavis excessivement longue pour résilier ou subordonnant la résiliation au versement d'une forte indemnité ?

Dès lors que des clauses peuvent être abusives sans figurer dans des conditions générales ou relever des stipulations essentielles du contrat, la jurisprudence pourrait interpréter extensivement de telles notions imprécises pour pouvoir leur faire application de l'article 1171. Votre rapporteur estime en conséquence que la notion de contrat d'adhésion doit être plus clairement définie, sur la base également du critère de négociabilité : en effet, l'absence de négociabilité d'une clause peut contraindre la partie qui la subit, car elle veut contracter, à un déséquilibre significatif constitutif de l'abus.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc clarifié la rédaction des deux définitions, en précisant que le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont « librement négociables », tandis que le contrat d'adhésion est celui qui comporte des clauses « non négociables, déterminées à l'avance unilatéralement par l'une des parties ». Ces deux définitions deviennent ainsi réellement symétriques.

Par ailleurs, la définition du contrat d'adhésion a soulevé une autre interrogation dans le cadre des auditions de votre rapporteur : elle évoque des clauses « déterminées à l'avance », sans que l'on soit certain d'y inclure les cas où le contrat a été rédigé par un tiers à la demande de la partie (notaire, avocat, contrat-type de location saisonnière...). Votre commission considère que la rédaction incluait bien ce cas de figure. En tout état de cause, la rédaction retenue par votre commission ne comporte plus cette incertitude : quel que soit le rédacteur effectif de l'acte, il s'agit d'apprécier si la clause non négociable a été imposée par une partie, quand bien même celle-ci ne l'aurait pas matériellement rédigée elle-même.

Le contrat de gré à gré et le contrat d'adhésion étant ainsi définis, la question peut se poser de savoir si un contrat de gré à gré peut devenir un contrat d'adhésion, dans l'hypothèse où une nouvelle partie se substituerait à une partie présente à la conclusion du contrat ou adhérerait à un contrat de gré à gré déjà conclu sans pouvoir en discuter les stipulations, entraînant dès lors l'application potentielle de l'article 1171 - par exemple une société ou un autre groupement qui accueillerait postérieurement à sa création un nouvel associé, sans pour autant rediscuter les statuts, ou un pacte d'actionnaires qui accueillerait postérieurement à sa conclusion un nouvel actionnaire, sans rediscuter les termes du pacte. Votre commission estime qu'un contrat de gré à gré le demeure toujours, puisque le code le définit par les seules conditions de sa formation, c'est-à-dire les modalités de négociation de ses stipulations, de sorte que l'adhésion ultérieure d'une nouvelle partie ne saurait en aucun cas avoir d'effet quant à sa qualification de contrat de gré à gré.

. Le contrat cadre et ses contrats d'application (article 1111 du code civil)

La rédaction de l'article 1111 du code civil a soulevé un doute lors des auditions de votre rapporteur. Cet article définit le contrat cadre, qui est « un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures », ainsi que les contrats d'application destinés à en assurer l'exécution dans le temps. Le code indique que les contrats d'application « précisent les modalités d'exécution » du contrat cadre. Afin de lever toute ambiguïté d'interprétation, votre commission indique que les contrats d'application sont bien des contrats autonomes . À cet égard, dans l'hypothèse où le contrat cadre a été conclu avant le 1 er octobre 2016 et des contrats d'application après cette date, ceux-ci sont bien régis, en tant que nouveaux contrats, par les dispositions issues de l'ordonnance.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé .

Article 3 (nouveau) (art. 1112 à 1112-2 du code civil) - Les négociations précontractuelles

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-2 , l'article 3 du projet de loi apporte plusieurs modifications à la sous-section 1 du chapitre II du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1112 à 1112-2), qui regroupe les dispositions relatives à la conclusion du contrat et se rapportant aux négociations précontractuelles. Suivant son rapporteur, votre commission a modifié l'article 1112 du code civil, tout en précisant aussi l'interprétation qu'elle entend donner aux articles 1112-1 et 1112-2, sans pour autant proposer de modifier ces dispositions.

. La liberté des négociations précontractuelles (article 1112 du code civil)

En premier lieu, conformément au principe constitutionnel de liberté contractuelle, l'article 1112 du code civil énonce que « l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres ». Ce principe doit toutefois être concilié avec celui de la bonne foi , puisque les négociations « doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». Conformément au rapport au Président de la République, il faut déduire de l'adverbe « impérativement », que le respect de ce principe de bonne foi est d'ordre public 41 ( * ) .

En second lieu, l'article 1112 traite du contentieux des négociations précontractuelles et vise à définir le régime de la sanction en cas de faute de l'une des parties commise à l'occasion de ces pourparlers. La responsabilité de l'auteur de la faute peut en effet être engagée, sous réserve d'une réparation du préjudice expressément restreinte par l'article.

Lors des auditions, la question de l'étendue du préjudice réparable a suscité des interrogations : exclut-il seulement les avantages attendus du contrat ou également le préjudice distinct de la perte de chance de conclure le contrat ?

Le rapport au Président de la République indique l'intention de consacrer la jurisprudence dite « Manoukian » 42 ( * ) , qui conduit à exclure du préjudice réparable non seulement les gains que permettaient d'espérer la conclusion du contrat , mais également la perte de chance 43 ( * ) de réaliser des gains 44 ( * ) .

Si le rapport au Président de la République semble bien vouloir consacrer cette jurisprudence 45 ( * ) , l'article 1112 ne fait pourtant mention expresse que de « la perte des avantages attendus du contrat », sans évoquer le préjudice de perte de chance. Il en résulte que la rédaction de l'article peut faire naître une incertitude et laisser penser que la perte de chance est admise en tant que préjudice réparable, contrairement avec ce qu'indique le rapport au Président de la République.

Afin de clarifier l'étendue du préjudice réparable , et de sécuriser le dispositif en se conformant à l'intention des rédacteurs de l'ordonnance révélée par le rapport au Président de la République, votre commission a, sur la proposition de son rapporteur, exclu expressément la perte de chance des préjudices réparables en cas de faute lors des pourparlers.

À l'inverse, votre rapporteur estime que la rédaction du texte permet bien la réparation du préjudice résultant des opportunités perdues de conclure un contrat avec un tiers , confortant une solution déjà admise par la jurisprudence 46 ( * ) .

. L'obligation précontractuelle d'information (article 1112-1 du code civil)

L'article 1112-1 du code civil consacre, en premier lieu, l'obligation pour une partie qui a connaissance d'une information « déterminante pour le consentement » de l'autre de la lui transmettre « dès lors que légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant » : ces trois critères sont requis pour faire naître l'obligation d'information . L' « importance déterminante » des informations est expressément définie comme résultant du « lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat 47 ( * ) ou la qualité des parties » 48 ( * ) . Ne sont donc pas visées l'ensemble des informations.

Si, lors des auditions organisées par votre rapporteur, certaines personnes ont pu souhaiter que soit exigé en parallèle du devoir d'information un devoir de s'informer , votre rapporteur souligne que le rapport au Président de la République indique bien qu'il faut déduire du critère de l'ignorance légitime que « le devoir de s'informer fixe (...) la limite de l'obligation précontractuelle d'information ». Ainsi, d'une part, lorsque l'information était accessible, l'ignorance du contractant ne sera plus légitime mais, d'autre part, lorsqu'un lien de « confiance » particulier existe, voire préexiste entre les deux parties, cette situation peut justifier un devoir d'information particulier.

En deuxième lieu, l'article 1112-1 du code civil exclut explicitement du devoir d'information « l'estimation de la valeur de la prestation » . Les rédacteurs de l'ordonnance ont ainsi fait le choix de consacrer la jurisprudence dite « Baldus », selon laquelle « aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur » 49 ( * ) concernant la valeur d'un objet, même si celui-ci avait été acquis à un prix manifestement sous-évalué. L'ajout de cette disposition, qui ne figurait ni dans l'« avant-projet Catala », ni dans l'« avant-projet Terré », ni même dans l'avant-projet d'ordonnance du Gouvernement soumis à la consultation publique en 2015, est justifié par le rapport au Président de la République comme répondant au souci de ne pas « susciter une insécurité juridique et de répondre aux inquiétudes des entreprises ».

En troisième lieu, l'article 1112-1 du code civil fait peser la charge de la preuve de l'obligation d'information sur le créancier de celle-ci 50 ( * ) , tandis que le débiteur de cette même obligation doit quant à lui prouver qu'il l'a bien transmise.

En quatrième lieu, le caractère impératif de l'article 1112-1 du code civil est expressément mentionné à son cinquième alinéa : les parties ne peuvent pas déroger à cette obligation légale d'information précontractuelle.

En cinquième et dernier lieu, sont prévues les sanctions au manquement à l'obligation d'information précontractuelle , qui peuvent être cumulatives. Un tel manquement peut non seulement engager la responsabilité 51 ( * ) de celui qui en est l'auteur, mais il peut également entraîner l'annulation du contrat 52 ( * ) pour vice du consentement. La nullité prévue n'est encourue que si le manquement à l'obligation précontractuelle d'information constitue un dol ou a entraîné une erreur constitutive d'un vice du consentement. Pour être prononcée, la nullité doit être demandée par la partie dont le consentement a été vicié. Dès lors que le prononcé de la nullité lui est demandé, si les éléments constitutifs du vice du consentement allégué sont réunis, le juge est alors tenu de la prononcer, ne bénéficiant pas d'un pouvoir d'appréciation lui permettant d'écarter la nullité pour maintenir le contrat.

. L'obligation de confidentialité des négociations précontractuelles (article 1112-2 du code civil)

L'article 1112-2 du code civil vise à soumettre les parties négociatrices à une obligation de confidentialité. Deux comportements sont sanctionnés : l'utilisation ou la divulgation d'une information.

Deux principes tempèrent cette obligation de confidentialité : elle peut être levée sur autorisation de la partie qu'elle protège et elle ne peut aboutir à méconnaître une obligation d'information due à un tiers telle que celle prévue à l'article 1112-1 du code civil, dans le cadre d'autres négociations par exemple.

Votre rapporteur en conclut donc que, contrairement aux deux autres articles qui composent la sous-section consacrée aux négociations précontractuelles, cet article revêt un caractère supplétif .

Deux points ont toutefois suscité des interrogations lors des auditions de votre rapporteur, et auxquels il a souhaité apporter des clarifications, sans en modifier la rédaction.

En premier lieu, l'absence de définition précise de l'information confidentielle . Le qualificatif de « confidentielle » pourrait recouvrer toute information sensible dont la mise à profit par le partenaire ou par un tiers en ayant eu connaissance, pourrait nuire à celui que le secret protège. Les informations communiquées dans le cadre des pourparlers ne sont pas présumées confidentielles, elles ne le sont qu'en raison d'une déclaration expresse des parties en ce sens ou en considération de la nature des informations ou de la qualité des parties. Il appartiendra toutefois aux juridictions d'apprécier la nature confidentielle des informations selon les cas .

En second lieu, la durée de la confidentialité des informations visées à l'article 1112-2 du code civil, ainsi que les circonstances exceptionnelles permettant leur divulgation, ont pu interroger les praticiens. Il semble toutefois à ce stade délicat pour votre rapporteur de prévoir un délai fixe, eu égard à la diversité des informations pouvant être concernées. En conséquence, en l'absence de précision dans la loi sur ce point, les parties en pourparlers ont tout intérêt à régler ce sujet par avance dans un accord de négociation, en déterminant ensemble le périmètre des informations confidentielles, de même que la durée de l'accord de confidentialité .

En outre, votre rapporteur tient à préciser que l'action en responsabilité pour violation du devoir de confidentialité est soumise au régime de la prescription extinctive de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil, étant rappelé que le délai de prescription de cinq années ne court qu'à compter du jour où le créancier du devoir de confidentialité a eu connaissance de la violation.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .

Article 4 (nouveau) (art. 1117, 1119, 1123 et 1124 du code civil) - L'offre de contrat, le pacte de préférence et la promesse unilatérale de contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-3 , l'article 4 du projet de loi apporte plusieurs modifications aux sous-sections 2 et 3 de la section 1 du chapitre II du sous-titre Ier du titre III du livre III du code civil (articles 1113 à 1124), qui regroupent les dispositions relatives à l'offre et à l'acceptation de contrat, ainsi qu'au pacte de préférence et à la promesse unilatérale de contrat. Suivant son rapporteur, votre commission a modifié les articles 1117 et 1123 du code civil, et également clarifié l'interprétation des articles 1119 et 1124 du même code, sans pour autant modifier ces dernières dispositions.

. La caducité de l'offre de contrat (article 1117 du code civil)

Deux hypothèses régissent la caducité 53 ( * ) de l'offre.

Dans la première hypothèse, l'offre n'engage plus le pollicitant 54 ( * ) , une fois un délai exprès ou raisonnable expiré 55 ( * ) . L'article 1117 du code civil clarifie la seconde hypothèse en réputant caduque toute offre en cas d'incapacité ou de décès de son auteur, peu importe qu'elle soit assortie d'un délai ou non 56 ( * ) .

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont fait part de leur étonnement de ne pas voir réglée la situation de la caducité de l'offre en cas de décès du destinataire . À ce sujet, la Cour de cassation considère pourtant que l'offre devient caduque et ne se transmet pas à ses héritiers 57 ( * ) . Selon certains auteurs, cette situation pourrait être traitée différemment lorsqu'il ne s'agit pas d'un contrat intuitu personae 58 ( * ) . Votre rapporteur juge donc une clarification d'autant plus nécessaire, le silence de la loi sur ce point lui semblant source d'incertitude et d'insécurité juridique.

Votre commission a donc décidé, sur sa proposition, de modifier l'article 1117 du code civil afin d'affirmer clairement la caducité de l'offre en cas de décès du destinataire .

. Les conditions générales (article 1119 du code civil)

Introduites dans le droit commun des contrats 59 ( * ) , à l'article 1119 du code civil, les conditions générales répondent désormais à un régime unifié codifiant la jurisprudence et qui s'articule autour de trois principes :

- elles doivent avoir été portées à la connaissance du cocontractant et faire l'objet d'une acceptation de sa part 60 ( * ) . Il résulte de ce principe que la partie qui entend imposer des conditions générales à son cocontractant doit apporter la preuve qu'elles ont bien été portées à sa connaissance et qu'il les a acceptées. Le corollaire implicite de ce principe est la lisibilité et l'intelligibilité de ces clauses, de façon à permettre un réel consentement 61 ( * ) ;

- les clauses incompatibles résultant de discordances entre les conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties sont déclarées sans effet 62 ( * ) ;

- les clauses particulières qui seraient incompatibles avec les clauses générales priment sur ces dernières 63 ( * ) , en application de la règle speciala generalibus derogant.

Lors des auditions de votre rapporteur, plusieurs intervenants se sont interrogés sur l'absence de définition des conditions générales. Votre rapporteur estime toutefois que les conditions générales peuvent être entendues dans leur sens classique et se définir comme les clauses-types déterminées à l'avance par une partie et destinées à s'appliquer à une multitude de contrats.

De surcroît, votre rapporteur juge utile de préciser que, conformément à l'article 1105 du code civil, l'application de l'article 1119 doit être écartée au profit des droits spéciaux 64 ( * ) .

En revanche, les « conditions générales » telles que mentionnées par l'article 1110 65 ( * ) relatif au contrat d'adhésion doivent être entendues dans un sens plus large, puisqu'il s'agit en réalité de viser toutes les stipulations du contrat qui sont soustraites à la négociation et qui peuvent excéder le champ des conditions générales du présent article. En raison de cette ambiguïté de rédaction, votre commission a d'ailleurs modifié la définition du contrat d'adhésion, en retirant la notion de conditions générales.

. Le pacte de préférence (article 1123 du code civil)

L'article 1123 vise à préciser le cadre juridique du pacte de préférence , dont la consécration dans le code civil a pour objet de mettre fin, selon le rapport au Président de la République, « aux inconvénients résultant des fluctuations jurisprudentielles ». Le pacte de préférence est ainsi défini comme « le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».

Le pacte de préférence crée une forme d'obligation éventuelle à la charge de l'une des parties, le promettant 66 ( * ) , et dont seul dépend le déclenchement de l'obligation : celle-ci devient effective lorsqu'il décide de « traiter » prioritairement avec le bénéficiaire, c'est-à-dire de lui adresser une forme d'offre de contracter ou d'invitation à entrer en pourparlers. Cette définition, qui ne fait mention ni d'un prix ni d'une durée, est conforme à la jurisprudence 67 ( * ) , et ne le distingue pas du droit commun des contrats 68 ( * ) .

L'article 1123 du code civil dispose ensuite que le non-respect du pacte de préférence 69 ( * ) est susceptible de faire l'objet d'une double sanction :

- d'une part, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi ;

- d'autre part, à la double condition que le tiers ait conclu ledit contrat en ayant connaissance du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité du contrat ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu 70 ( * ) .

Lors des auditions de votre rapporteur, plusieurs interrogations ont été soulevées quant à la mise en oeuvre concrète de ces dispositions relatives aux sanctions, et auxquelles votre rapporteur souhaite apporter des clarifications.

En premier lieu, en cas de violation du pacte , le bénéficiaire peut demander réparation au promettant , qui engage sa responsabilité contractuelle à son égard conformément au droit commun. Le préjudice réparable va au-delà de ce qui est prévu en cas de faute dans les pourparlers : en effet, le promettant a pris l'engagement de proposer en priorité le contrat au bénéficiaire. S'il viole son engagement, les dommages et intérêts doivent replacer le bénéficiaire dans la situation où il se serait trouvé si le promettant lui avait proposé la conclusion du contrat. Il peut donc se prévaloir de l'intérêt attendu du contrat. Le bénéficiaire peut également engager la responsabilité extracontractuelle du tiers fautif qui viole sciemment le pacte de préférence.

En deuxième lieu, l'article 1123 du code civil institue une action interrogatoire du tiers ayant eu connaissance de l'existence du pacte , cette disposition ayant la particularité, comme les deux autres procédures ayant un objet similaire 71 ( * ) , d'avoir été immédiatement rendue applicable aux contrats en cours dès l'entrée en vigueur de l'ordonnance 72 ( * ) . Le tiers dispose ainsi d'une faculté d'interroger le potentiel bénéficiaire sur ses intentions, celui-ci perdant son droit de substitution au tiers ou la faculté de demander la nullité du contrat s'il ne répond pas dans un délai fixé par le tiers demandeur.

L'action interrogatoire vise à éviter à un tiers de bonne foi de violer un pacte de préférence qui l'exposerait ensuite à la nullité du contrat conclu avec un promettant de mauvaise foi. Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont toutefois porté à son attention le fait que, dans la pratique, le tiers pourrait bien ne pas avoir intérêt à faire usage de cette action interrogatoire, dans la mesure où cela présumerait sa connaissance des deux conditions préalables à l'action en nullité ou en substitution du bénéficiaire...Toutefois, votre rapporteur estime que le tiers qui, connaissant l'existence du pacte de préférence 73 ( * ) , omet de recourir à la procédure de l'action interrogatoire, commet une faute de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle.

Toutefois, concernant l' encadrement de l'action interrogatoire , celle-ci se déroule par écrit, dans un délai fixé par le tiers et qui est simplement défini comme raisonnable. Il semble à votre rapporteur que l'absence de délai fixe profiterait toutefois surtout au tiers qui a intérêt à avoir une réponse rapide et fixerait unilatéralement le délai. Il pourrait en conséquence être opportun, dans un souci de sécurité juridique, d'encadrer cette faculté du tiers en fixant à deux mois le délai dans lequel le bénéficiaire doit faire parvenir au tiers sa réponse quant à l'existence du pacte et à son intention de s'en prévaloir. Sur proposition de son rapporteur, votre commission a donc modifié le texte en ce sens.

En troisième lieu, votre rapporteur a souhaité préciser diverses conséquences de la réponse ou de l'absence de réponse du bénéficiaire à la suite de son interpellation par le tiers . Tout d'abord, le défaut de réponse du bénéficiaire à l'action interrogatoire conduit à ce qu'il ne puisse plus se prévaloir ensuite de la nullité du contrat conclu par le promettant ni solliciter sa substitution au tiers, mais seulement obtenir des dommages et intérêts. Le pacte ne crée toutefois pas d'exception pour le cas où il comprendrait une clause de confidentialité. Dans cette hypothèse, il semble que le bénéficiaire aura néanmoins intérêt à informer le tiers qui l'interpelle de l'existence du pacte s'il souhaite s'en prévaloir. Par ailleurs, le bénéficiaire qui, interpellé par le tiers, fait part à ce dernier de l'existence d'un pacte de préférence et de son intention de s'en prévaloir n'est pas pour autant engagé à l'égard du promettant. De même, le défaut de réponse du bénéficiaire ne met pas fin au pacte de préférence : le promettant reste tenu par son engagement et le bénéficiaire pourra engager sa responsabilité contractuelle.

Enfin, le texte qui régit le pacte de préférence est supplétif dans le sens où les parties pourraient par exemple exclure la sanction de nullité et de substitution en cas de violation du pacte. En revanche, les parties ne peuvent pas, par leur convention, porter atteinte aux droits des tiers. Ainsi les parties ne pourraient contractuellement prévoir de priver les tiers de leur action interrogatoire.

En outre, le pacte de préférence est soumis, à défaut de délai expressément ou implicitement fixé par les parties, au régime de droit commun relatif à la durée du contrat 74 ( * ) , dans la mesure où il n'est pas incompatible avec les règles régissant le pacte de préférence.

. La promesse unilatérale de contrat (article 1124 du code civil)

Contrairement au pacte de préférence, la promesse unilatérale de contrat, prévue à l'article 1124 du code civil, constitue une véritable obligation unilatérale de la part du promettant, la formation du contrat ne dépendant plus que du consentement du bénéficiaire, au moyen de la levée du droit d'option qu'il détient. La formation du contrat préparé via une promesse unilatérale de contrat se fait en trois étapes : signature de la promesse, levée d'option par le bénéficiaire, et enfin conclusion du contrat promis.

À l'occasion des auditions menées par votre rapporteur, plusieurs personnes ont pu regretter l'absence de la promesse synallagmatique 75 ( * ) au sein de ce nouveau régime de la promesse unilatérale de contrat. La promesse de contrat synallagmatique semble toutefois ne présenter d'intérêt que pour certains contrats, ce qui semble donc relever d'une réforme des contrats spéciaux, et non du droit commun des contrats 76 ( * ) .

Comme pour le pacte de préférence, en l'absence de délai pour la durée définie dans la promesse unilatérale de contrat, celle-ci est soumise au régime de droit commun relatif à la durée du contrat.

Deux incidents au cours de la promesse unilatérale de contrat sont prévus : d'une part, la révocation de la promesse par le promettant et, d'autre part, la violation de la promesse par la conclusion d'un contrat conclu avec un tiers. Sur ces deux points et afin d'éviter toute confusion, votre rapporteur tient à apporter les deux précisions suivantes.

En premier lieu, la règle selon laquelle le promettant qui révoque la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter « n'empêche pas la formation du contrat » 77 ( * ) , laquelle revient sur la jurisprudence dite « Cruz » 78 ( * ) , pourra être écartée par une clause spéciale , si les parties en sont d'accord, pour simplement prévoir que la révocation de la promesse donne lieu à des dommages et intérêts, conformément au caractère d'ordre supplétif de l'article 1124.

En second lieu, la conclusion d'un contrat par le promettant avec un tiers en violation de la promesse unilatérale entraîne la nullité du contrat, mais seulement si le tiers en connaissait l'existence, et non comme pour le pacte de préférence à la double condition de la connaissance par le tiers de l'acte et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. Le régime de la nullité semble donc plus aisé à mettre en oeuvre pour la promesse que pour le pacte de préférence : il répond à des conditions moins strictes et a pour effet la nullité d'office du contrat, alors que l'article 1123 du code civil dispose seulement que le bénéficiaire peut agir en nullité.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi rédigé .

Article 5 (nouveau) (art. 1130, 1132, 1137, 1138, et 1143 du code civil) - Les vices du consentement

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-4 , l'article 5 du projet de loi apporte plusieurs modifications au paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1130 à 1144), qui regroupe les dispositions relatives aux vices du consentement. Suivant son rapporteur, votre commission a décidé de clarifier l'interprétation des articles 1130, 1132 et 1138 du code civil, et de modifier les dispositions des articles 1137 et 1143 du même code.

. Définition générale des vices du consentement, dol principal et dol incident (article 1130 du code civil)

L'article 1130 du code civil consacre expressément la règle jurisprudentielle selon laquelle l'erreur, le dol et la violence doivent présenter un caractère « déterminant » pour vicier le consentement de l'une des parties au contrat 79 ( * ) . Cette définition recouvre tant les hypothèses où la victime n'aurait pas contracté que celles où elle aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. De surcroît, conformément à l'article 1131 du code civil, « les vices du consentement sont une cause de nullité relative 80 ( * ) du contrat ».

Lors des auditions qu'il a organisées, des interrogations ont été portées à la connaissance de votre rapporteur concernant l'application du dol, et auxquelles votre commission, suivant son rapporteur, a décidé d'apporter des clarifications.

Au sens de l'article 1130 du code civil, sont assimilées au dol tant l'hypothèse où la victime n'aurait pas contracté du tout , que celle où elle aurait contracté à des conditions substantiellement différentes . Dans ces deux cas, il est considéré que le consentement de la victime est pareillement vicié, ce qui justifie la sanction de nullité du contrat 81 ( * ) .

En revanche, dans le cas d'un dol incident , c'est-à-dire l'hypothèse où une victime aurait contracté à des conditions différentes mais sans que celles-ci le soient substantiellement , la situation n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat, le consentement de la victime n'ayant pas été vicié. En conséquence, la victime peut seulement formuler une demande de dommages et intérêts .

. Erreur de droit et erreur de fait (article 1132 du code civil)

L'article 1132 du code civil a pour objet de transcrire l'état de la jurisprudence relative à l'erreur.

Peu importe l'erreur commise, il faut qu'elle soit excusable 82 ( * ) pour constituer une cause de nullité du contrat, qu'elle soit la conséquence d'une mauvaise appréciation de la réalité - l'erreur de fait 83 ( * ) - ou d'une méconnaissance d'une règle de droit - l'erreur de droit.

Lors des auditions qu'il a organisées, votre rapporteur a été alerté par certains intervenants sur l'inopportunité d'avoir consacré l'erreur de droit sur le même plan que l'erreur de fait.

Toutefois, selon votre commission, suivant l'interprétation de son rapporteur, la notion d'erreur de droit ne fait que consacrer la jurisprudence sur ce point, et l'article 1132 est clair : l'erreur inexcusable n'emporte pas nullité du contrat, qu'elle ait porté sur une qualité essentielle de la prestation ou de la personne.

Il n'est en effet nullement question d'élargir l'admission de l'erreur de droit en permettant à un contractant de prétendre qu'il s'est mépris sur la portée d'un texte légal, d'une jurisprudence ou même de son engagement contractuel. En effet, si la jurisprudence admet l'erreur de droit - et c'est à ce titre qu'elle est légalement consacrée - elle en a toujours fait une application mesurée en la refusant lorsqu'elle portait, par exemple, sur une décision judiciaire rendue pour d'autres parties ou sur les effets que le contrat doit produire 84 ( * ) .

. Définition du dol et réticence dolosive (article 1137 du code civil)

L'article 1137 du code civil, consacré à la définition du dol, constitue l'un des articles issus de l'ordonnance, ayant fait l'unanimité des critiques lors des auditions menées par votre rapporteur. La difficulté réside dans l'incohérence par l'article 1137, avec le champ de l'obligation d'information précontractuelle définie à l'article 1112-1.

L'article 1137 restreint les cas de réticence dolosive aux hypothèses de « dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ». Avec cette définition, l'ordonnance ne fait que reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation 85 ( * ) . Pourtant, la reprise à l'identique de cette jurisprudence qui concerne la dissimulation d'information, alors même qu'une nouvelle obligation d'information a été consacrée par la réforme, pose, selon votre rapporteur, une difficulté d'interprétation et, plus encore, un risque d'insécurité juridique pour les contractants.

Dans le cadre des négociations précontractuelles, les informations que doivent s'échanger les parties sont encadrées selon trois principaux critères :

- ces informations doivent être déterminantes pour le consentement de l'autre partie, c'est-à-dire présenter un « lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties » ;

- la partie destinataire des informations doit les ignorer « légitimement » ou faire « confiance à son cocontractant » ;

- « ce devoir d'information ne porte pas sur la valeur de la prestation ».

À l'inverse, la nature des informations potentiellement concernées par le champ de la réticence dolosive est beaucoup plus large, n'étant limitée que par leur caractère « déterminant » pour le consentement de l'autre partie.

Les rédacteurs de l'ordonnance ont donc souhaité dissocier la réticence dolosive de l'obligation d'information précontractuelle , comme cela est confirmé par le rapport au Président de la République, qui indique que « la réticence dolosive est consacrée, sans toutefois la subordonner à l'existence d'une obligation d'information par ailleurs consacrée à l'article 1112-1 ».

La réticence dolosive, qui constitue un vice du consentement sanctionné par la nullité du contrat, est susceptible de s'appliquer à l'ensemble des informations ayant un caractère déterminant pour le consentement de l'autre partie, alors que l'obligation d'information précontractuelle ne s'applique qu'aux informations ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Surtout, cette dernière n'impose pas aux contractants de s'informer mutuellement sur l'estimation qu'ils font de la valeur de la prestation, conformément à une jurisprudence bien connue dite « Baldus » 86 ( * ) .

Il résulte de cette incohérence que l'absence de mention de la valeur entre les parties lors des pourparlers, pourtant exclue d'une obligation légale d'information, pourrait par ailleurs être sanctionnée par la nullité du contrat si elle était reconnue comme constitutive d'une réticence dolosive.

Certes, cette dernière ne peut être constituée que si le contractant a fait preuve d'une intention de dissimulation destinée à tromper, ce qui constitue, selon le rapport au Président de la République, le critère distinctif entre les deux articles, mais il semble difficile de distinguer la dissimulation intentionnelle de la simple rétention d'information, car c'est toujours bien volontairement, en matière de prix, qu'un contractant s'abstient de mentionner la valeur de la prestation qu'il estime.

Afin de remédier à cette difficulté de l'ordonnance sans remettre en cause le fondement des deux articles, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a décidé de modifier le texte afin de subordonner la nullité pour réticence dolosive aux hypothèses dans lesquelles une obligation d'information préalable existe . Ce faisant, votre rapporteur reprend la version initiale de l'avant-projet d'ordonnance de la chancellerie publié en 2015.

. Dol émanant de tiers (article 1138 du code civil)

L'article 1138 du code civil précise les cas de dol exercé par des tiers, par exception à l'article 1137 qui dispose, conformément à une jurisprudence ancienne 87 ( * ) , que le dol intervient nécessairement à l'initiative d'une partie dans le but d'obtenir le consentement de l'autre. L'article 1138 prévoit donc des exceptions à ce principe.

La première exception concerne le dol émanant du « représentant, du gérant d'affaires, du préposé ou du porte-fort du contractant ». Dans le cas d'un dol commis par l'un de ces tiers limitativement énumérés, c'est le contractant représenté lui-même qui devra en assumer les conséquences, même s'il peut ensuite se retourner contre l'auteur du dol sur le fondement de la réparation du préjudice subi en raison de l'annulation du contrat.

La seconde exception concerne le dol qui serait commis par un « tiers de connivence » avec le cocontractant, étant entendu que, dans cette hypothèse, le contractant « de connivence » avec le tiers pourrait, de son côté, être reconnu coupable d'une réticence dolosive.

Enfin, certaines personnes se sont interrogées sur l'absence de la reprise par l'ordonnance d'une exception traditionnelle en jurisprudence, relative au domaine des donations, où le dol, quel qu'en soit l'auteur, justifie l'annulation d'une donation. Il n'est cependant, par cet article, nullement question, selon votre commission, de remettre en cause la solution selon laquelle le dol émanant d'un tiers est sanctionné dans le cadre d'une donation , solution justifiée au regard de la protection particulière du consentement en matière de libéralités 88 ( * ) .

. L'erreur résultant d'un dol (article 1139 du code civil)

L'article 1139 du code civil tire les conséquences du dol, tel qu'il est défini à l'article 1137, en énonçant que « l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable » et constitue « une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».

Cette définition pouvait donc poser problème en l'absence de modification de l'article 1137, qui définit le dol et en particulier la réticence dolosive : en cas de maintien de l'article 1137 dans sa rédaction en vigueur issue de l'ordonnance, constituerait donc bien une cause de nullité la dissimulation intentionnelle d'une information sur la valeur de la prestation ou un simple motif du contrat, alors que les parties ne sont pas tenues de se communiquer ces informations lors des négociations précontractuelles.

Dès lors que l'article 1137 a été modifié par votre commission, celle-ci considère que la réticence dolosive s'appliquant donc pour les mêmes informations que celles légalement requises, la nullité que prévoit l'article 1139 en conséquence du dol ne pose plus de difficulté. En effet, contrairement à la modification nécessaire, selon votre rapporteur, à l'article 1137, il ne s'agit pas de revenir ici sur le principe selon lequel, en cas de dol, même en cas de réticence dolosive, l'erreur commise par le cocontractant sera toujours sanctionnée par la nullité, même si elle grossière, et ce en droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « la réticence dolosive, à la supposer établie, rend toujours excusable l'erreur provoquée » 89 ( * ) .

. La violence et l'état de dépendance (article 1143 du code civil)

L'article 1143  du code civil a pour objet de sanctionner l'exploitation abusive des situations de dépendance, et constitue en ce sens l'une des principales innovations au sein de la classification des vices du consentement.

Selon le rapport au Président de la République, cette disposition a pour objet d'« assimiler à la violence l'abus de la dépendance dans laquelle se trouve [un] cocontractant », s'inscrivant dans le cadre de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a reconnu 90 ( * ) , à ce titre, que la contrainte économique pouvait être sanctionnée sur le fondement du vice de violence. Dans une jurisprudence ultérieure de 2002, la Cour de cassation a établi une liste de critères permettant de qualifier plus précisément la notion de violence économique : « seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement » 91 ( * ) .

Pourtant, comme l'indique très clairement le rapport au Président de la République, il ne s'agit pas d'une consécration à droit constant de la jurisprudence relative à l'état de dépendance économique, mais plutôt de son extension , car « le texte est en réalité plus large » en visant « toutes les hypothèses de dépendance (...), ce qui permet une protection des personnes vulnérables et non pas seulement des entreprises dans leurs rapports entre elles ».

La violence de l'article 1143 ne peut ainsi être constituée que s'il y a réunion de plusieurs critères cumulatifs :

- l'existence d'un état de dépendance ;

- l'abus de cet état de dépendance par l'une des parties ;

- le fait d'obtenir de l'autre partie un engagement qu'elle n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte ;

- le fait d'en tirer un avantage manifestement excessif.

La caractérisation de l'abus doit en outre se lire en lien avec l'avantage manifestement excessif que doit en avoir tiré le cocontractant . C'est donc bien un profit illégitime qui permet de caractériser l'abus, cette précision ayant été ajoutée par rapport à l'avant-projet de la chancellerie, afin de « de répondre aux craintes des entreprises et d'objectiver l'appréciation de cet abus » 92 ( * ) , la violence constituant, in fine , la cause d'un vice du consentement, et donc de la nullité du contrat 93 ( * ) . Outre la nullité relative, la victime pourra obtenir des dommages et intérêts sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 1178 du code civil 94 ( * ) , dès lors que l'annulation du contrat n'aura pas entièrement réparé son préjudice. Elle pourra même, si elle préfère laisser le contrat survivre, se contenter de solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1178 sans réclamer la nullité du contrat.

Si la sanction de nullité ne s'appliquerait que dans des cas où l'auteur de la violence présumée en tire un avantage manifestement excessif, ce qui restreint le champ d'application de l'article, il n'en reste pas moins que l'absence de qualification de l'état de dépendance pourrait avoir l'effet inverse et s'appliquer de manière très large 95 ( * ) , la définition potentielle de l'état de dépendance ouverte au juge apparaissant comme très vaste. L'avant-projet de la chancellerie mentionnait d'ailleurs un « état de nécessité » qui avait été jugé trop flou, mais la notion d'état de dépendance ne semble guère plus satisfaisante.

Votre rapporteur s'interroge donc sur la définition de l'état de dépendance . S'entend-il d'une relation de dépendance économique ou psychologique, ou d'une situation de faiblesse d'une partie par rapport à une autre ? Si la seconde interprétation devait l'emporter, elle pourrait ouvrir la voie à la contestation des contrats de toutes les personnes en situation de faiblesse, comme les personnes âgées ou malades par exemple, qui ne seraient pas placées sous un régime de protection légale (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice) et ne pourraient se prévaloir de l'insanité d'esprit telle que prévue à l'article 1129 du code civil. Votre commission s'interroge sur l'argument qui justifierait de prévoir, au côté du régime des incapables, un nouveau régime de l'état de dépendance d'application presque plus large ? Le rapport au Président de la République est muet sur ce point.

En outre, le droit en vigueur sanctionne déjà l'abus d'un état qui semble se rapprocher de « l'état de dépendance » visé à l'article 1143 du code civil. Ainsi, les articles L. 132-14 et L. 132-15 du code de la consommation sanctionnent pénalement l'abus de la « faiblesse ou de l'ignorance » utilisé dans le but de faire souscrire à un consommateur des engagements contractuels. Plus généralement, le code pénal réprime à son article 223-15-2 l'abus « frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse » d'un mineur ou d'une personne d'une vulnérabilité particulière (âge, maladie, infirmité, déficience physique ou psychique, grossesse) qui la conduit à un acte ou une abstention qui lui sont « gravement préjudiciable ».

Devant le caractère trop imprécis et incertain de l'article 1143, votre commission a décidé, à l'initiative de son rapporteur, de modifier le texte afin de qualifier d' économique l'état de dépendance, de façon à rétablir une formulation connue et bien établie par la jurisprudence.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi rédigé .

Article 6 (nouveau) (art. 1145, 1158 et 1161 du code civil) - La capacité des personnes morales et les règles de représentation dans la formation du contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-5 rectifié , l'article 6 du projet de loi apporte plusieurs modifications à la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1145 à 1161), laquelle traite de la capacité à contracter et de la représentation en matière contractuelle, pour les personnes physiques comme les personnes morales, dans le cadre plus large des dispositions relatives à la validité du contrat.

. La capacité des personnes morales (article 1145 du code civil)

Pour les personnes physiques comme pour les personnes morales, la capacité est une condition de validité des contrats. Si la capacité est absolue pour les personnes physiques, sauf en cas d'incapacité prévue par la loi - les majeurs protégés et les mineurs non émancipés -, elle est limitée pour les personnes morales, en vertu du principe de spécialité qui les régit, à raison de l'objet pour lequel elles ont été constituées.

L'article 1145 du code civil fixe le principe, déjà connu, de la capacité des personnes physiques, ainsi que celui de la capacité des personnes morales, ce qui constitue une nouveauté, « afin de répondre aux demandes des milieux économiques » selon le rapport au Président de la République, lesquels souhaitaient disposer dans le code d'une disposition de principe.

Toutefois, la formulation retenue est particulièrement restrictive et ne correspond pas aux notions communément admises en matière de capacité des personnes morales . L'article 1145 énonce que la capacité des personnes morales est limitée « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d'entre elles ». Les notions d'actes utiles ou accessoires ne sont pas connues du droit des sociétés ou du droit des associations.

Ainsi, les articles 2, 5 et 6 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association traitent de la capacité juridique des associations sans recourir au critère d'utilité. De même, en droit des sociétés, même si le code de commerce ne comporte pas de disposition expresse sur la capacité, celle-ci est rattachée à la notion d'objet social : la société est engagée par les actes de ses dirigeants, lesquels doivent agir dans la limite de l'objet social 96 ( * ) .

La capacité des personnes morales doit leur permettre d'accomplir, par l'intermédiaire de leurs organes, l'objet social pour la réalisation duquel elles ont été constituées.

La disposition de l'article 1145 relative à la capacité des personnes morales n'a pas vocation, selon le Gouvernement, à ajouter au droit, mais à affirmer de manière générale le principe de capacité des personnes morales. Néanmoins, sa rédaction - qui suscite des interprétations très divergentes - ne manquera pas de faire naître un contentieux nouveau et inutile sur la base du critère d'utilité de l'acte pour la réalisation de l'objet de la personne morale, sans compter l'interrogation sur la sanction à appliquer. Il ressort des auditions de votre rapporteur que cette rédaction est restrictive par rapport à l'état du droit, précisé par la jurisprudence, en particulier pour le droit des sociétés.

Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté une autre rédaction se bornant à affirmer le principe du caractère limité de la capacité des personnes morales, tout en indiquant que cette limite est fixée par les règles propres applicables à chaque personne morale .

. Le délai de l'action interrogatoire en matière de représentation (article 1158 du code civil)

Parmi les différentes formes d'actions interrogatoires instituées par l'ordonnance, l'article 1158 du code civil permet à un « tiers qui doute de l'étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l'occasion d'un acte qu'il s'apprête à conclure » de demander au représenté de lui confirmer que le représentant est bien habilité à conclure cet acte, « dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable ».

Dans un souci de simplification et de clarté, à l'instar de ce que votre commission a prévu pour l'action interrogatoire de l'article 1123 en matière de pacte de préférence, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a décidé de fixer ce délai à deux mois, plutôt que de conserver la notion de délai raisonnable. En effet, dès lors que l'interrogation formelle à laquelle il est procédé appelle une réponse simple et évidente, il lui semble logique de prévoir un délai fixe et connu des parties comme des tiers, de façon à éviter un contentieux inutile sur le caractère raisonnable du délai.

. La gestion des conflits d'intérêts en matière de représentation et son articulation avec le droit des sociétés (article 1161 du code civil)

L'article 1161 du code civil nourrit de fortes inquiétudes quant à son articulation avec le droit des sociétés . Il dispose qu'un représentant « ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté », sous peine de nullité de l'acte ainsi accompli, sauf autorisation préalable ou ratification a posteriori de l'acte par le représenté, réserve faite du cas où la loi l'autorise. Or, il est usuel que les dirigeants d'une société, qui en assurent la représentation, concluent des conventions avec la société elle-même, ou que des sociétés d'un même groupe concluent entre elles des conventions par l'intermédiaire de dirigeants qui peuvent souvent être les mêmes. En d'autres termes, dans la vie des sociétés, il est courant qu'un même représentant agisse pour le compte de deux sociétés parties au contrat ou qu'il contracte pour son propre compte avec la société qu'il représente - deux cas de figure désormais prohibés par l'article 1161, sauf autorisation ou ratification, ce qui représenterait une procédure lourde, a fortiori pour les conventions qui sont passées aujourd'hui sans formalisme particulier.

Toutefois, il existe un régime des conventions dites réglementées, au sein de certaines formes de sociétés commerciales - sociétés à responsabilité limitée, sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés par actions simplifiées 97 ( * ) - ainsi que pour les sociétés civiles devant être soumises à la qualification de « personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique » 98 ( * ) , encadrant les conventions conclues entre la société et certaines personnes, dont ses dirigeants, par une procédure d'autorisation particulière. Ce régime tend à prévenir les risques de conflits d'intérêts et la conclusion d'actes au détriment de l'intérêt de la société par ses dirigeants et ses principaux actionnaires.

Ainsi, dans les sociétés anonymes, toute convention conclue entre la société, y compris par personne interposée, avec un de ses dirigeants, un de ses administrateurs ou un de ses actionnaires disposant de plus de 10 % des droits de vote ou avec la société qui la contrôle doit préalablement faire l'objet d'une autorisation par le conseil d'administration de la société. Cette autorisation doit être motivée « en justifiant de l'intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées ». En outre, ces conventions sont soumises à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires et contrôlées par les commissaires aux comptes de la société, qui doivent aussi en faire rapport à l'assemblée générale. Les conventions dont l'exécution de poursuit sont réexaminées chaque année par le conseil. Enfin, les conventions peuvent annulées en cas de fraude ou, lorsqu'elles ont été conclues sans autorisation du conseil, si elles ont eu des « conséquences dommageables pour la société ». Le régime des conventions réglementées est donc particulièrement précis et encadré.

Dès lors, votre rapporteur constate que l'article 1161 du code civil ne peut pas, à l'évidence, s'appliquer au champ des conventions réglementées, en vertu de l'article 1105 du même code, en raison de l'incompatibilité entre les deux corps de règles.

En revanche, dans les mêmes sociétés, à côté des conventions dites réglementées, il existe des conventions dites libres, simples ou courantes, qui sont les « conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales » ainsi que les « conventions conclues entre deux sociétés dont l'une détient, directement ou indirectement, la totalité du capital de l'autre ». Ces conventions libres ne sont plus soumises à aucune procédure particulière ni aucune formalité, depuis la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, à l'initiative de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest.

Par construction, il n'existe donc pas de règle de gestion des conflits d'intérêts pour les conventions conclues entre la société et ses représentants s'agissant des conventions libres, de sorte que peut être posée la question de l'application de l'article 1161, même si votre rapporteur estime qu' une telle application serait incohérente avec l'économie du régime des conventions réglementées et libres , d'autant qu'elle conduirait à une sanction de nullité plus lourde. En effet, l'article 1161 n'apparaît pas formellement incompatible avec les dispositions prévoyant l'exonération du régime des conventions réglementées pour certaines conventions.

En outre, pour les autres formes de sociétés commerciales - sociétés de personnes que sont les sociétés en nom collectif et sociétés en commandite simple - et de sociétés civiles, qui ne prévoient aucun régime obligatoire de conventions réglementées 99 ( * ) , il n'existe a fortiori aucune règle faisant obstacle à l'application de l'article 1161. Dès lors, dans ce silence du droit spécial, le droit commun a-t-il vocation à s'appliquer ?

L'article 1105, selon lequel « les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d'eux » et « les règles générales s'appliquent sous réserve de ces règles particulières », ne permet pas de résoudre cette difficulté, car formellement la lettre de l'article 1161 peut s'appliquer dans ces interstices du droit des sociétés, même si elle en contredit l'esprit.

Appliquer l'article 1161 aux conventions libres et aux conventions des sociétés qui ne connaissent pas de régime de conventions réglementées constituerait un grand bouleversement, qui ne correspondrait absolument pas à l'intention du législateur et à l'esprit du droit des sociétés.

Or, selon le Gouvernement, l'article 1161 a d'abord été conçu pour la protection des personnes physiques , mais ne visait pas à remettre en cause les pratiques des sociétés.

Dans ces conditions, afin d'éviter toute éventualité d'application des règles de l'article 1161 aux sociétés, votre commission a précisé, à l'initiative de son rapporteur, que cet article ne concernait que la représentation des personnes physiques. En outre, elle a apporté deux autres modifications, afin d'éviter certaines difficultés pratiques, en prévoyant le cas d'une pluralité de parties, et pas seulement de deux parties, et en prenant en compte le cas où, avec une pluralité de parties, des parties aux intérêts similaires veulent avoir le même représentant - hypothèse fréquente qui ne soulève aucune difficulté en matière de conflits d'intérêts : l'article 1161 prévoirait ainsi qu'un même représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d'intérêts. La notion d'opposition d'intérêts est déjà connue par le code civil, en particulier dans la configuration comparable du régime des biens des mineurs ou des majeurs protégés sous tutelle ou curatelle 100 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi rédigé .

Article 7 (nouveau) (art. 1162, 1165, 1166, 1167, 1170 et 1171 du code civil) - Le contenu du contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-6 rectifié bis , l'article 7 du projet de loi apporte plusieurs modifications aux dispositions du code civil relatives au contenu du contrat, au sein de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre II du sous-titre I er du titre III du livre III du code (articles 1162 à 1171).

. Le respect des bonnes moeurs dans les contrats (article 1162 du code civil)

L'article 1162 du code civil dispose que « le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ». Par cohérence avec la position déjà retenue par votre commission pour l'article 1102, celle-ci n'a pas suivi la proposition de son rapporteur consistant à rétablir la mention des bonnes moeurs comme normes supérieures auxquelles le contrat ne peut déroger, en complément de l'ordre public.

. La sanction de l'abus dans la fixation du prix par le créancier dans les contrats de prestation de service en cas de défaut d'accord sur le prix avant l'exécution (article 1165 du code civil)

L'article 1165 du code civil prévoit, uniquement dans les contrats de prestation de service - incluant pour l'essentiel les contrats d'entreprise, appelés contrats de louage d'ouvrage et d'industrie dans le code civil 101 ( * ) -, que le prix peut être fixé par le créancier unilatéralement, dans l'hypothèse où les parties ne se sont pas mises d'accord sur le prix avant l'exécution du contrat. Cette hypothèse existe en pratique, en particulier pour des prestations intellectuelles qui ne peuvent pas être précisément évaluées à l'avance. Se trouve ici consacrée la jurisprudence, qui considère que la fixation du prix n'est pas une condition de validité du contrat d'entreprise.

Ce dispositif accorde cette faculté de fixation unilatérale du prix au « créancier » : il s'agit bien du créancier du prix et pas de celui de l'obligation, sans quoi le texte n'aurait guère de sens. Votre rapporteur tient ici à lever une ambiguïté résultant de la rédaction retenue.

Le créancier du prix n'aurait pas à motiver les modalités de calcul du prix qu'il demande, sauf en cas de contestation. Le code civil compense cette faculté de fixation unilatérale du prix par celui qui fournit la prestation par un mécanisme de sanction de l'abus, en prévoyant la possibilité de saisir le juge d'une demande d'obtention de dommages et intérêts. Le montant des dommages et intérêts est supposé correspondre à la partie excessive du prix, le dispositif étant présenté comme équivalent à la fixation ou la révision du prix par le juge.

Par comparaison, l'article 1164 du code civil dispose que les contrats cadres, tels que définis à l'article 1111, peuvent stipuler que le prix sera unilatéralement fixé par l'une des parties, à charge pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation. L'abus peut être sanctionné par le juge par des dommages et intérêts, mais aussi par la résolution du contrat, sanction que ne prévoit pas l'article 1165 pour les contrats de prestation de service. Votre rapporteur ne voit pas de justification certaine dans cette disparité des sanctions, la fixation abusive du prix dans un contrat d'entreprise doit aussi pouvoir conduire le juge à en prononcer la résolution .

En outre, en analysant la jurisprudence que les articles 1164 et 1165 sont supposés codifier en matière de fixation unilatérale du prix, il semble à votre rapporteur, comme cela a été évoqué lors de ses auditions, que la résolution est aussi admise comme sanction en cas d'abus dans la fixation du prix 102 ( * ) . Dans ces conditions, sur sa proposition, votre commission a ajouté la faculté de demander au juge la résolution du contrat, dans une rédaction harmonisée avec celle de l'article 1164. Si cette faculté n'aura sans doute pas à s'appliquer dans la plupart des cas, dès lors que la prestation de service aura été exécutée et que le litige ne portera plus que sur le prix, elle pourrait être utile dans les contrats à exécution successive.

Outre l'indemnisation et la résolution, on aurait pu s'interroger sur le maintien de la faculté de saisir le juge pour lui demander de fixer le prix, pour faire face à la variété des situations et limiter d'éventuels effets pervers. En effet, si les dommages et intérêts sont conçus en principe pour compenser le caractère excessif du prix, on peut imaginer que le prix, même excessif, doive être payé immédiatement, tandis que les dommages et intérêts seront prononcés bien plus tard, en cas par exemple de référé tendant à demander le paiement du prix, qui sera légalement exigible et ne pourra pas encore être jugé excessif, sauf à ce que l'argumentation dénonçant l'abus dans la fixation du prix constitue une contestation sérieuse conduisant à ce que soit rejetée la demande de paiement en référé. L'hypothèse d'une cession de la créance à un tiers (affacturage...) qui en exigerait le paiement doit aussi être prise en compte. Toutefois, votre rapporteur estime qu'il n'y a plus lieu de remettre en cause les choix réalisés dans la rédaction de l'ordonnance, dès lors qu'ils ne posent pas de difficulté majeure ou ne constituent pas des malfaçons.

. Les contrats dans lesquels la qualité de la prestation n'est pas déterminée ou déterminable (article 1166 du code civil)

L'article 1166 du code civil dispose, dans l'hypothèse où la qualité de la prestation n'est pas déterminée ou déterminable, que le débiteur de l'obligation doit alors offrir une prestation de qualité « conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie ». La notion d'attentes légitimes des parties a fait naître des interrogations, en raison de son caractère à la fois inusité et imprécis. Ces interrogations ont paru pertinentes à votre rapporteur, de sorte que, sur sa proposition, votre commission a prévu que la qualité de la prestation devait être « conforme à ce que pouvait raisonnablement attendre le créancier », et non les parties, en considération des mêmes éléments.

En effet, la notion de « personne raisonnable » ou bien de « caractère raisonnable » est déjà connue du code civil 103 ( * ) et, au surplus, le rapport au Président de la République indique, à l'appui de l'article 1166, que la qualité de la prestation qui ne pouvait être déterminée à l'avance doit correspondre à « la qualité que le créancier pouvait raisonnablement espérer ».

. La substitution d'indice dans un contrat (article 1167 du code civil)

L'article 1167 du code civil prévoit, lorsqu'il est fait référence à un indice dans un contrat, notamment pour la détermination du prix, que « celui-ci est remplacé par l'indice qui s'en rapproche le plus » lorsqu'il « n'existe pas ou a cessé d'exister ou d'être accessible ». Selon le rapport au Président de la République, cette disposition « reprend (...) la jurisprudence sur la faculté de substitution d'un nouvel indice à un indice disparu, et ce dans un souci légitime de sauvetage du contrat ».

Toutefois, selon les auditions de votre rapporteur, la jurisprudence visait également le cas d'un indice illicite qu'il était nécessaire de remplacer. En conséquence, votre commission considère que l'article 1167 doit bien être interprété comme incluant l'hypothèse de remplacement d'un indice illicite.

. La sanction des clauses abusives dans les contrats d'adhésion et son articulation avec la sanction des pratiques restrictives de concurrence (articles 1170 et 1171 du code civil)

En premier lieu, l'article 1170 du code civil consacre la jurisprudence bien connue dite « Chronopost » de 1996 104 ( * ) , par laquelle la Cour de cassation avait réputé non écrite une clause limitative de responsabilité en raison d'un manquement à une obligation essentielle du contrat, constituant une faute lourde, complétée par la jurisprudence dite « Faurecia » de 2010 105 ( * ) , selon laquelle « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur », en prévoyant une indemnisation dérisoire, vidant par là même l'obligation de toute substance. Pareille clause présente à l'évidence un caractère abusif, que le code doit sanctionner.

L'article 1170 dispose donc que « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». En pratique, il semble n'avoir vocation à s'appliquer qu'aux clauses limitatives de responsabilité.

L'article 1171 du code civil prévoit, quant à lui, que toute clause dans un contrat d'adhésion créant un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » est réputée non écrite. En d'autres termes, il instaure un mécanisme de lutte contre les clauses abusives dans cette seule catégorie de contrat, qui est le « terrain d'élection de ce type de clause » selon le rapport au Président de la République. L'avant-projet d'ordonnance ne limitait pas ce dispositif nouveau aux contrats d'adhésion, cette limitation de son champ ayant pour objet de répondre aux inquiétudes des milieux économiques. En tout état de cause, la présence de clauses abusives apparaît structurellement plus probable lorsque des clauses ont été imposées à une partie sans négociation possible. Par nature, une telle disposition doit être considérée comme étant d'ordre public.

L'article 1171 ajoute logiquement que l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte « ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation », auquel cas il n'y aurait plus de contrat possible si ses deux principaux éléments étaient porteurs d'abus.

Plusieurs personnes entendues en audition par votre rapporteur se sont interrogées sur l'utilité de conserver les deux articles 1170 et 1171. En effet, en pratique l'essentiel des hypothèses susceptibles d'être sanctionnées sur la base de l'article 1170 entre dans le champ de l'article 1171 par le biais du contrat d'adhésion, car il est peu vraisemblable qu'un contrat négocié comporte une clause privant de toute substance l'obligation essentielle du contrat. Toute en partageant cette interrogation, votre rapporteur a préféré conservé les deux dispositifs : leurs périmètres, au moins en droit, ne sont pas identiques et l'article 1170 consacre une jurisprudence qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause.

Avant la réforme du droit des contrats, le droit français connaissait déjà deux dispositifs de lutte contre les clauses abusives, reposant sur la même notion de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, dans deux droits spéciaux - le code de la consommation et le code de commerce. La création d'un tel dispositif dans le droit commun, pourtant caractérisé par la liberté contractuelle et l'idée d'égalité des parties, constitue une réelle innovation, qui continue d'ailleurs de susciter de nombreuses critiques , comme l'ont montré les auditions de votre rapporteur. Toutefois, un dispositif de même nature figurait déjà dans l'« avant-projet Catala » puis dans l'« avant-projet Terré ».

Dans le cadre de la sanction par le code de commerce des pratiques restrictives de concurrence, l'article L. 442-6 précise que « le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » engage la responsabilité de son auteur. Une action en justice sur ce fondement peut aussi être engagée par le ministre chargé de l'économie - ce qui est fréquent en pratique - et par le parquet, lesquels peuvent notamment « faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites » par le juge. Si le code ne prévoit, pour la partie lésée, que la réparation du préjudice résultant du déséquilibre significatif, la jurisprudence admet légitimement qu'elle puisse demander la nullité de la clause contestée : des juridictions ont déjà décidé qu'une telle clause devait être réputée non écrite 106 ( * ) .

Depuis son introduction par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, l'article L. 442-6 du code de commerce a donné lieu à une abondante jurisprudence, qui permet aujourd'hui de discerner assez aisément les clauses susceptibles d'être qualifiées d'abusives dans les contrats conclus entre professionnels.

Dans le cadre de la protection des consommateurs, l'article L. 212-1 du code de la consommation dispose que, « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » , tandis que son article L. 241-1 ajoute que ces clauses sont réputées non écrites et peuvent faire encourir au professionnel une amende administrative.

Les auditions conduites par votre rapporteur ont mis en lumière une incertitude sur l'articulation entre le droit commun de l'article 1171 du code civil et les droits spéciaux du code de la consommation et, surtout, du code de commerce, que l'article 1105 du code civil, par sa formulation générale selon laquelle « les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d'eux » et « les règles générales s'appliquent sous réserve de ces règles particulières », ne permet pas d'élucider. Certains auteurs s'interrogent sur la possibilité de cumul de l'article 1171, prévoyant la nullité de la clause abusive, et de l'article L. 442-6, dont le texte ne prévoit que la réparation du préjudice, pour contester une même clause, dès lors que les sanctions sont cumulables.

De façon à expliciter l'intention du législateur lors de la ratification de l'ordonnance et à assurer la cohérence du droit, votre commission indique que l'article 1171 du code civil ne peut s'appliquer dans les champs déjà couverts par l'article L. 442-6 du code de commerce et par l'article L. 212-1 du code de la consommation , lesquels permettent déjà de sanctionner les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et dans les contrats de consommation. L'article 1171 du code civil a pour vocation de sanctionner les clauses abusives dans les contrats d'adhésion qui ne relèveraient pas déjà de ces deux dispositifs existants. La jurisprudence relative à l'article L. 442-6, en admettant la nullité, invite d'ailleurs à cette interprétation, selon laquelle le droit spécial admettant une nullité, le droit commun prévoyant la même sanction n'a pas à s'appliquer.

Pour autant, les juridictions s'inspireront très vraisemblablement de la jurisprudence déjà établie au titre des deux dispositifs existants dans le code de commerce et dans le code de la consommation pour former leur pratique jurisprudentielle sur le nouveau dispositif du code civil.

Dès lors, l'article 1171 du code civil ne s'applique qu'à un champ assez limité de contrats d'adhésion ne relevant ni des relations commerciales - les relations entre un producteur, commerçant, industriel ou artisan et un « partenaire commercial » - ni du code de la consommation - les relations entre un professionnel et un consommateur. Seraient principalement concernés les contrats entre particuliers ne relevant pas déjà d'un droit spécial ainsi que les contrats conclus par les professions libérales, dont l'activité ne relève pas du champ commercial. Seraient aussi concernés les baux commerciaux, lorsque des bailleurs institutionnels imposent des contrats-types sans en permettre la négociation 107 ( * ) .

Votre rapporteur relève cependant ce qui apparaît, dans le dispositif de l'article 1171, comme une incohérence. Ce dispositif ne vise pas seulement les clauses des contrats d'adhésion qui ont été imposées sans pouvoir être négociées, mais concerne toutes les clauses, c'est-à-dire même celles qui ont pu être effectivement négociées. Or la logique du dispositif, dès lors qu'il est limité aux contrats d'adhésion, est de permettre de contester devant le juge, en raison de l'existence d'un déséquilibre significatif, les clauses qui n'ont pas pu être discutées, à l'initiative de la partie à qui elles ont été imposées.

En conséquence, par cohérence avec l'analyse développée à propos de la définition du contrat d'adhésion, à l'article 1110 du code civil, votre commission, sur la proposition de son rapporteur, a décidé de limiter la sanction des clauses abusives aux clauses non négociables unilatéralement déterminées par l'une des parties , dans les contrats d'adhésion.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi rédigé .

Article 8 (nouveau) (art. 1195 et 1213 à 1215 du code civil et art. L. 211-40-1 [nouveau] du code monétaire et financier) - Le régime de l'imprévision et la durée du contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-7 rectifié , l'article 8 du projet de loi modifie la section 1 du chapitre IV du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1193 à 1198), qui regroupe des dispositions relatives aux effets du contrat entre les parties, et crée un nouvel article au sein du code monétaire et financier. Suivant son rapporteur, votre commission a modifié l'article 1195 du code civil, et clarifié l'interprétation des articles 1213 à 1215, sans pour autant les modifier.

. Le régime de la révision judiciaire pour imprévision (article 1195 du code civil)

Inspiré du droit comparé et des projets d'harmonisation européens, l'article 1195 du code civil consacre légalement la révision judiciaire pour imprévision.

L'institution de ce principe en droit civil français est justifiée, selon le rapport au Président de la République, par le fait que « la France est l'un des derniers pays d'Europe à ne pas reconnaître la théorie de l'imprévision comme cause modératrice de la force obligatoire du contrat ». L'objectif de « cette consécration, inspirée du droit comparé comme des projets d'harmonisation européens, [est ainsi de permettre] de lutter contre les déséquilibres contractuels majeurs qui surviennent en cours d'exécution, conformément à l'objectif de justice contractuelle poursuivi par l'ordonnance » . Lors des auditions menées par votre rapporteur, il lui a en effet été confirmé que la France faisait partie des trois derniers pays européens, avec la Belgique et le Luxembourg, à ne pas avoir de législation comparable.

Cette consécration constitue néanmoins une innovation majeure voire un bouleversement de l'ordre juridique civil français , dans la mesure où l'article 1195 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance, revient sur l'un des grands arrêts de la jurisprudence civile dit « Canal de Craponne », rendu par la chambre civile de la Cour de cassation le 6 mars 1876, au visa de l'ancien article 1134 consacrant le principe de la force obligatoire du contrat. Selon cette décision de principe, « il n'appartient aux tribunaux, [dans aucun cas], quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ». Pour certaines personnes entendues par votre rapporteur, une telle disposition est inconcevable, dès lors qu'elle porte atteinte à la force obligatoire du contrat.

Si cette jurisprudence a pu connaître des aménagements au fil des années, comme l'obligation de renégocier des contrats devenus déséquilibrés sur le fondement de l'exigence de la bonne foi 108 ( * ) , ou l'admission des clauses d'adaptation ou de résiliation dites clauses de « hardship » 109 ( * ) , la jurisprudence n'a jamais reconnu d'obligation pour les parties ou pour le juge de réviser le contrat en cas d'imprévision, contrairement au droit administratif. La révision pour imprévision en matière administrative est en effet reconnue depuis le début du XX ème siècle par le Conseil d'État, sur le fondement de l'intérêt général et de l'impératif de continuité du service public 110 ( * ) .

L'article 1195 du code civil prévoit un processus en deux temps .

En premier lieu, il offre la faculté à l'une des parties de demander à son cocontractant la renégociation du contrat, sous réserve de la réunion cumulative de trois conditions :

- un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat,

- qui doit rendre l'exécution particulièrement onéreuse pour l'une des parties,

- cette dernière ne devant pas avoir accepté d'en supporter le risque au moment de la conclusion du contrat.

Cette phase de sollicitation de la renégociation et celle de la renégociation elle-même ne sont pas suspensives : la partie demanderesse « continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ».

En second lieu, l'article régit la procédure de révision du contrat selon deux hypothèses distinctes :

- en cas de refus ou d'échec de la renégociation mais de volonté commune des parties sur le devenir du contrat, celles-ci peuvent convenir ensemble de la résolution du contrat « à la date et aux conditions qu'elles déterminent » ou bien « demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation » ;

- ce n'est qu'à défaut d'accord des parties dans un délai raisonnable, que le juge peut intervenir sur demande de l'une d'elles, et « réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ».

Lors des auditions organisées par votre rapporteur, cette procédure de révision judiciaire du contrat pour imprévision a suscité de nombreuses inquiétudes : la quasi-totalité des organisations ou personnes entendues ont ainsi évoqué cette disposition nouvellement introduite dans le code civil.

Votre commission peut, suivant son rapporteur, apporter des éclaircissements quant à l'interprétation de l'article 1195.

En premier lieu, le champ d'application de l'article concerne bien tous les contrats et pas seulement les contrats à exécution successive régis par l'article 1111-1 du code civil 111 ( * ) , contrairement à ce qui avait été envisagé dans l'« avant-projet Catala », qui proposait une adaptation du contrat aux circonstances sans toutefois consacrer le principe de l'imprévision 112 ( * ) . Sont donc également concernés les pactes de préférence et promesses unilatérales respectivement régis par les articles 1123 et 1124 du code civil.

En deuxième lieu, votre commission confirme également le caractère supplétif de volonté de l'article 1195 du code civil. Il faut en effet déduire du critère selon lequel la partie demanderesse de la renégociation « n'avait pas accepté d'en assumer le risque », qu'à l'inverse, elle pourrait avoir accepté de l'assumer et donc d'écarter le régime de l'imprévision par une clause conventionnelle spécifiquement précisée dans le contrat. Cette interprétation est d'ailleurs expressément confirmée par le rapport au Président de la République, qui précise ainsi que, « comme l'implique la rédaction retenue, ce texte revêt un caractère supplétif, et les parties pourront convenir à l'avance de l'écarter pour choisir de supporter les conséquences de la survenance de telles circonstances qui viendraient bouleverser l'économie du contrat ». Si certains auteurs de la doctrine avaient pu émettre des doutes sur la légalité de clauses qui écarteraient totalement l'application de l'article 1195 sans prévoir de dispositif d'adaptation, et leur possible sanction sur le fondement de l'article 1171 relatif aux clauses abusives, les auditions menées par votre rapporteur l'ont conduit à conclure que le caractère supplétif de l'article permettait d'admettre les clauses d'exclusion totale du régime de l'imprévision.

En troisième lieu, votre rapporteur tient également à rappeler la différence entre l'imprévision et la force majeure en matière contractuelle régie par l'article 1218 113 ( * ) . Si les deux situations comprennent un facteur commun, le changement de circonstances imprévisible postérieur à la conclusion du contrat, la force majeure se distingue de l'imprévision par le fait que ces circonstances nouvelles ont rendu impossible l'exécution du contrat, alors que dans le cas de l'imprévision il a pu se poursuivre, entraînant toutefois une « exécution excessivement onéreuse ».

En quatrième lieu, concernant la procédure à suivre la demande de renégociation par le cocontractant constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge. Ce n'est en effet qu'en cas d'échec ou de refus de la renégociation que le juge pourra être saisi. Votre rapporteur note toutefois que la résolution ou la demande de révision amiable du contrat est déjà prévue par le principe contractuel mutuus dissensus figurant désormais à l'article 1193 114 ( * ) du code civil et selon lequel les parties peuvent toujours, d'un commun accord, réviser ou mettre fin au contrat.

Ce sont les nouveaux pouvoirs conférés au juge sur le contenu et la vie du contrat qui ont suscité le plus de réticence et d'hostilité lors des auditions menées par votre rapporteur 115 ( * ) . Le juge devient quasiment, dans le cadre de la révision judiciaire telle qu'issue de l'article 1195 du code civil, une troisième partie au contrat, mais quelle est l'étendue réelle de ses pouvoirs ? Le juge saisi par une partie d'une demande de révision peut-il, par exemple, refuser de la prononcer et lui préférer la résolution ? Une partie pourrait-elle, le cas échéant, demander la révision d'un contrat déjà révisé par un autre juge ?

L'office du juge au titre de l'article 1195 pourrait ainsi entrer en contradiction avec l'article 5 du code civil qui dispose qu'« il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Certaines personnes entendues par votre rapporteur ont justifié cette intervention du juge par l'idée qu'elle pousserait les parties à se mettre d'accord. Il semble à votre rapporteur que cette théorie pourrait bien au contraire favoriser l'insécurité juridique pour les parties au contrat.

Certaines juridictions interrogées par votre rapporteur ont d'ailleurs fait part de leur inquiétude que des juges aient à intervenir directement dans le contrat, d'autant plus que la responsabilité de l'État pourra dans ce cas être engagée dans les conditions de droit commun sur le fondement de l'article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire.

Votre rapporteur a noté deux interrogations d'ordre constitutionnel relatives au pouvoir de révision judiciaire sur demande de l'une des parties au contrat.

Tout d'abord, le champ de l'habilitation, indiqué au 6° de l'article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, encadrait précisément le futur mécanisme de régime d'imprévision contractuelle, et autorisait le Gouvernement à intervenir dans le domaine de la loi pour « préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l'égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d'adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ». L'habilitation désigne bien les parties comme pouvant adapter le contrat en cas de changement imprévisible de circonstances, et ne mentionne aucunement la possibilité de révision judiciaire en cas de désaccord des parties et sur demande d'une seule d'entre elles. Il semble donc à votre commission que le Gouvernement a clairement excédé le champ de l'habilitation législative consentie par le Parlement sur ce point. Cette disposition conférant un pouvoir de révision du contrat au juge sur demande de l'une des parties a donc été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution 116 ( * ) .

Ensuite, l'intervention du juge dans la révision du contrat porte atteinte à l'article 1103 117 ( * ) du code civil, qui consacre le principe de la force obligatoire du contrat, de même qu'à l'article 1102 118 ( * ) du même code, qui consacre le principe de liberté contractuelle, principe qui a été reconnu par le Conseil constitutionnel comme découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et auquel le législateur ne peut apporter des limitations que si elles sont « liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » 119 ( * ) . Le Conseil constitutionnel a récemment rappelé ce principe, précisant que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 » 120 ( * ) .

Le pouvoir de révision judiciaire apparaît ainsi à votre rapporteur à la fois contraire à la sécurité juridique et source d'un nouveau contentieux, les conditions de cette révision étant relativement souples et les débiteurs de mauvaise foi risquant d'utiliser largement cette possibilité.

En conséquence, sur proposition de son rapporteur, votre commission a supprimé le pouvoir de révision judiciaire du contrat à l'initiative de l'une des parties , tout en conservant la capacité pour celle-ci de demander au juge d'y mettre fin.

Selon votre rapporteur, cette rédaction permet ainsi de revenir à l'esprit du projet initial du Gouvernement : soit les parties sont d'accord et elles acceptent de modifier le contrat, le cas échéant en demandant au juge son adaptation, soit elles sont en désaccord et, dans ce cas, les intentions originelles des parties au contrat ne pouvant plus être respectées, l'une des parties peut saisir le juge afin qu'il puisse y mettre fin.

Votre commission a également souhaité, sur proposition de son rapporteur, compte tenu des éléments portés à sa connaissance à l'occasion des auditions, exclure formellement du régime de l'imprévision les contrats relatifs aux instruments financiers , tels que définis à l'article L. 211-1 du code monétaire et financier et qui comprennent à la fois les titres financiers et les contrats financiers, en ajoutant un article L. 211-40-1 au code monétaire et financier à cette fin.

Si le droit des titres et contrats financiers intègre naturellement un aléa dans le contrat, pouvant donc laisser supposer que le régime de l'imprévision est écarté d'office dans la mesure où les parties acceptent d'en assumer le risque, il n'en reste pas moins que le régime de l'imprévision apparaît à votre rapporteur particulièrement mal adapté au secteur financier, très sensible au changement et volatile par nature, les changements de circonstances imprévisibles n'étant pas rares.

. L'application de la loi dans le temps et la durée du contrat (articles 1213 à 1215 du code civil)

Les articles 1213 à 1215 du code civil, relatifs à la durée du contrat, ont soulevé des interrogations de la part de certains praticiens quant à leur articulation avec l'application de la loi dans le temps, et auxquels votre commission, suivant l'avis de son rapporteur, souhaite apporter des clarifications.

Le contrat renouvelé (article 1214), même par tacite reconduction (article 1215), est soumis à la loi nouvelle, tandis que le contrat prorogé (article 1213), demeure régi par le droit sous l'empire duquel il a été conclu.

Ainsi, les dispositions issues de l'ordonnance s'appliquent non seulement aux contrats nouveaux conclus à partir du 1 er octobre 2016, mais également aux contrats renouvelés, à compter de cette date, puisqu'il ressort des termes de l'ordonnance qu'un tel renouvellement donne naissance à un contrat nouveau. La loi nouvelle vaut y compris lorsqu'il s'agit d'un contrat renouvelé par tacite reconduction, puisqu'aux termes de l'article 1215, une tacite reconduction « produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat ».

Enfin, concernant le renouvellement du contrat qui donne lieu, par principe, à l'émission d'un contrat au contenu identique mais dont la durée est indéterminée, votre rapporteur confirme le caractère supplétif de cette disposition .

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi rédigé .

Article 9 (nouveau) (art. 1217, 1221, 1223, 1225, 1226 et 1230 du code civil) - Les sanctions de l'inexécution du contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-8 rectifié , l'article 9 du projet de loi modifie la section 5, relative à l'inexécution du contrat, du chapitre IV du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil.

. L'exécution forcée en nature (article 1221 du code civil)

Au titre des sanctions de l'inexécution du contrat, l'article 1221 du code civil fixe les règles applicables à l'exécution forcée en nature. Cette sanction est placée après les dispositions consacrées à l'exception d'inexécution et avant les dispositions relatives à la réduction du prix et à la résolution du contrat, consacrant ainsi sa place de choix au sein des sanctions de l'inexécution du contrat.

Comme le souligne le rapport au Président de la République, l'article 1221 rompt avec la lettre de l'ancien article 1142 du code civil, qui posait le principe de la résolution en dommages et intérêts des obligations de faire ou de ne pas faire en cas d'inexécution de la part du débiteur, suivant en cela la jurisprudence de la Cour de cassation, qui avait déjà retenu une interprétation contraire à cet article.

En application de l'article 1221, au titre de l'exécution forcée en nature, le créancier a la faculté d'obtenir du débiteur une prestation conforme à celle qui était convenue dans le contrat 121 ( * ) .

Le texte prévoit deux situations dans lesquelles le créancier ne peut poursuivre l'exécution en nature de l'obligation.

Consacrant une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le texte retient une première exception résultant de l'impossibilité d'exécuter. L'existence de cette impossibilité est laissée à l'appréciation du juge. Sous l'empire de l'ancien droit, celui-ci avait considéré que cette impossibilité pouvait par exemple être matérielle, en cas de destruction du bien notamment, juridique, à la suite de la cession du bien qui ne peut plus être de ce fait revendiqué, ou morale, si elle portait atteinte aux libertés individuelles du débiteur, cette dernière impossibilité étant appréciée très strictement.

L'article 1221 ajoute une seconde exception. L'exécution en nature ne peut être poursuivie « s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier ».

Cette nouvelle exception découle de la volonté des rédacteurs de l'ordonnance de mettre fin à certaines solutions retenues par la jurisprudence qui consistaient à prononcer l'exécution forcée en nature, au nom du principe de la force obligatoire du contrat 122 ( * ) et des dispositions relatives à l'obligation de faire, dès lors qu'elle était possible, sans considération de son coût pour le débiteur. Le juge avait ainsi ordonné la démolition d'une maison du fait d'un niveau de construction inférieur de quelques centimètres aux stipulations contractuelles 123 ( * ) . De même, la Cour de cassation avait censuré un arrêt qui refusait la démolition et la reconstruction d'un ouvrage en raison du préjudice limité subi par le créancier comparé au montant exorbitant des travaux envisagés pour le débiteur 124 ( * ) .

Dans son principe, votre rapporteur approuve cette nouvelle exception, qui n'est en réalité qu'une simple déclinaison de la théorie de l'abus de droit . La règle demeure celle de l'exécution forcée de son engagement par le débiteur à la demande du créancier. En revanche, commettrait un abus de droit le créancier qui exigerait cette exécution alors que l'intérêt qu'elle lui procurerait serait disproportionné au regard du coût qu'elle représenterait pour le débiteur et que des dommages et intérêts pourraient lui fournir une compensation adéquate à un prix inférieur pour le débiteur.

La Cour de cassation semble avoir elle-même ouvert la voie en censurant un arrêt qui avait ordonné la démolition d'un ouvrage au motif que la cour d'appel n'avait pas recherché si cette démolition « constituait une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l'affectaient » 125 ( * ) .

En inscrivant cette exception dans la loi, les rédacteurs de l'ordonnance ont entendu mettre fin à ces hésitations de la jurisprudence, tout en limitant au maximum le jeu de cette exception qui constitue une atteinte à la force obligatoire du contrat.

La rédaction retenue pour l'article 1221 soulève cependant plusieurs interrogations de la part de la doctrine et des praticiens du droit.

L'exigence d'une « disproportion manifeste » entre le coût pour le débiteur et l'intérêt pour le créancier est certes plus précise et moins critiquée que la formule qui avait été retenue initialement dans le projet d'ordonnance, selon laquelle l'exécution en nature devait être écartée si son coût était « manifestement déraisonnable », cette appréciation ne prenant en considération que la situation du débiteur.

Cependant, au cours des auditions qu'il a organisées, votre rapporteur a pu constater que la nouvelle rédaction soulevait encore de nombreuses inquiétudes auprès des personnes entendues.

La principale crainte exprimée est celle de voir dans cette disposition une incitation pour le débiteur à exécuter son obligation de manière imparfaite toutes les fois où le gain attendu de cette inexécution sera supérieur aux dommages et intérêts qu'il pourrait être amené à verser, c'est-à-dire permettre au débiteur de mauvaise foi de profiter de sa « faute lucrative ». Sans aller jusqu'à évoquer de véritables gains pour le débiteur, n'est-il pas à craindre qu'un constructeur ne pouvant honorer tous les contrats qu'il a en cours choisisse de privilégier l'exécution parfaite de certains contrats au détriment d'autres contrats, n'encourant plus l'exécution forcée en nature, le cas échéant très coûteuse, mais seulement le versement de dommages et intérêts ?

Pour résoudre cette difficulté, et éviter ce genre de calculs du débiteur, votre rapporteur a proposé de prévoir qu'en cas de disproportion manifeste du coût pour le débiteur au regard de l'intérêt pour le créancier, il ne pourrait être fait échec à la demande d'exécution forcée en nature qu'au bénéfice du débiteur de bonne foi . Suivant son rapporteur, votre commission a décidé de modifier l'article 1221 du code civil en ce sens.

Par ailleurs, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, universitaires et professionnels, se sont inquiétées de savoir si les parties pourraient choisir d'écarter l'application à leur contrat de cette exception à la mise en oeuvre de l'exécution forcée en nature, reposant sur la mise en balance de son coût pour le débiteur et de son intérêt pour le créancier. Sans proposer de nouvelle modification du dispositif, votre commission a entendu préciser explicitement que l'application de cette exception pouvait être écartée par les parties au contrat .

. La réduction du prix (articles 1217 et 1223 du code civil)

L'article 1223 du code civil met en place un mécanisme de réduction du prix en cas d'exécution imparfaite du contrat. Cette sanction n'existait jusqu'à présent que dans certains textes spéciaux, comme en matière de garantie des vices cachés avec l'action estimatoire, en matière de vente immobilière ou en droit de la consommation depuis la directive européenne 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.

Depuis le 1 er octobre 2016, ce mécanisme est devenu d'application générale. L'article 1223 permet au créancier, après mise en demeure du débiteur, d'accepter une exécution imparfaite du contrat et de solliciter une réduction proportionnelle du prix. L'hypothèse dans laquelle le créancier n'a pas encore payé le prix de l'obligation fait l'objet d'un traitement particulier. Le créancier notifie au débiteur « sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ».

Selon le rapport au Président de la République, cette procédure a pour objet de permettre de procéder à « une révision du contrat à hauteur de ce à quoi il a réellement été exécuté en lieu et place de ce qui était contractuellement prévu ».

Ce mécanisme soulève néanmoins plusieurs interrogations de la part de la doctrine, interrogations partagées par votre rapporteur.

En premier lieu, la rédaction de cet article est quelque peu ambiguë. Si le créancier peut solliciter une réduction proportionnelle du prix, il n'est pas précisé auprès de qui cette sollicitation doit être faite : auprès du débiteur de l'obligation imparfaitement exécutée ou auprès du juge ?

Le rapport au Président de la République est éclairant sur ce point. Ses auteurs estiment que « l'article 1223 offre la possibilité au créancier d'une obligation imparfaitement exécutée d'accepter cette réduction, sans devoir saisir le juge en diminution du prix ». La sollicitation est donc adressée au débiteur de l'obligation. Votre rapporteur estime nécessaire de le préciser explicitement dans l'article 1223.

Il s'interroge ensuite sur l'intérêt de ce dispositif qui autorise les parties... à renégocier leur contrat, ce qu'elles peuvent naturellement faire sans texte. Le créancier de l'obligation imparfaitement exécutée mettrait en demeure le débiteur de respecter le contrat conclu. Celui-ci, se trouvant dans l'impossibilité d'exécuter le contrat, offrirait au créancier d'exécuter imparfaitement son obligation et le créancier de l'obligation pourrait en contrepartie solliciter une réduction proportionnelle du prix.

En réalité, l'effet recherché du dispositif n'est peut-être pas celui-là. Le terme qui prête à confusion est celui d'« acceptation », qui laisse supposer qu'une offre préalable d'exécution imparfaite a été faite par le débiteur au créancier. Or, il y a fort à parier que, dans de nombreux cas, le débiteur mis en demeure de s'exécuter ne se risquera pas à faire une telle offre, qui constituerait un aveu de sa défaillance. Dans l'esprit des rédacteurs de l'ordonnance, il semble que cette absence d'offre de la part du débiteur de l'obligation n'empêche pourtant pas le créancier d'« accepter » son exécution imparfaite et de mettre en oeuvre le mécanisme de réduction proportionnelle du prix. Le créancier est alors érigé en véritable juge de l'exécution du contrat.

Cette situation est sans grande conséquence dans l'hypothèse où le créancier de l'obligation imparfaitement exécutée a déjà acquitté le prix, puisqu'il ne pourra que solliciter la réduction du prix auprès du débiteur et saisir le juge en cas de refus de celui-ci d'obtempérer.

Il en va tout autrement si le créancier de l'obligation, qui estime que son exécution est imparfaite, n'a pas encore acquitté l'intégralité du prix. Dans cette hypothèse, le deuxième alinéa de l'article 1223 l'autorise à notifier au débiteur « sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ». Le débiteur se voit alors imposer cette réduction, à charge pour lui de saisir le juge pour la contester. L'effet de la décision unilatérale est alors très fort puisque toute latitude est laissée au créancier pour apprécier l'ampleur de l'inexécution et le montant de la réduction demandée.

Cette deuxième hypothèse semble provoquer certaines inquiétudes, notamment de la part des professions exerçant une activité de conseil, telle que la profession d'avocat, qui craignent des abus.

En effet, un client pourrait accepter la convention d'honoraires de son avocat puis, par la suite, s'estimer insatisfait de l'exécution du contrat et décider de réduire les honoraires dus, estimant que la prestation ne valait pas le prix fixé. En donnant ce pouvoir unilatéral au créancier, les rédacteurs de l'ordonnance se sont écartés complètement de ce qu'est le contrat : la chose des parties.

Votre rapporteur s'interroge enfin sur la pertinence qu'il y a à créer une différence si sensible dans le pouvoir de réduire le prix, à partir d'un critère, prix déjà payé ou non, qui ne l'explique pas. Lorsque le créancier a déjà payé le prix, il ne peut que « sollicite r » une réduction auprès du débiteur, alors que s'il n'a pas totalement payé, il peut « décider » unilatéralement cette réduction.

En réalité, cet article a un effet limité. Il ne fait que déplacer le moment où le juge est susceptible d'intervenir, mais c'est toujours celui-ci qui aura le dernier mot. Avant l'ordonnance, le créancier ne pouvait obtenir une réduction du prix qu'indirectement, par l'octroi de dommages et intérêts par le juge. Avec le nouvel article 1223, la réduction du prix peut être décidée directement par le créancier de l'obligation. Soit le créancier a déjà payé le prix et, dans ce cas, les effets de cette décision sont assez limités, car si le débiteur ne rembourse pas au créancier la partie du prix qui correspond à la réduction unilatéralement décidée, le créancier devra saisir le juge. Soit le créancier n'a pas acquitté le prix dans sa totalité et impose la réduction au débiteur qui peut alors la contester en justice.

C'est pourquoi, suivant son rapporteur, votre commission a décidé de ne pas revenir sur cette disposition, mais seulement d'en clarifier la rédaction.

Ainsi, elle a supprimé la notion d'« acceptation » par le créancier d'une exécution imparfaite de l'obligation, qui pouvait laisser penser que la réduction du prix était conditionnée par une offre émanant du débiteur.

Votre commission a ensuite considéré qu'il n'existait pas de justification légitime à prévoir un régime différent selon que le prix a déjà été payé ou non, estimant que dans les deux hypothèses il s'agissait bien d'une décision unilatérale du créancier, la différence entre ces deux situations résultant plutôt du moment où le juge pourrait être appelé à exercer son contrôle. Elle a donc supprimé le terme « solliciter » qui s'appliquait à l'hypothèse dans laquelle la réduction du prix intervenait alors que le créancier de l'obligation imparfaitement exécutée s'était déjà acquitté du prix, bien consciente des limites de cette solution, puisque cette décision unilatérale du créancier sera sans effet si le débiteur refuse de rembourser la somme correspondante. Le créancier devra alors saisir le juge. La suppression du terme « solliciter » permet également de lever l'ambiguïté liée à l'indétermination, déjà évoquée, du destinataire de cette sollicitation.

Par cohérence, votre commission a également modifié l'article 1217 du code civil, qui énumère les différentes sanctions encourues en cas d'inexécution du contrat, pour remplacer, concernant le mécanisme de la réduction du prix, le mot « solliciter » par le mot « décider ».

En tout état de cause, cet article n'étant pas d'ordre public, les parties pourront toujours convenir d'écarter l'application de ce mécanisme à leur contrat. L'inexécution d'une obligation ou son exécution imparfaite se résoudra alors par l'allocation éventuelle de dommages et intérêts sur décision du juge.

. La résolution du contrat (articles 1225, 1226 et 1230 du code civil)

Face à plusieurs interrogations soulevées par les personnes qu'il a entendues, votre rapporteur a estimé utile de préciser la portée de plusieurs dispositions relatives à la résolution du contrat.

En premier lieu, l'article 1225 du code civil relatif aux clauses résolutoires impose de préciser « les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat ». Certains auteurs se sont demandé si cette obligation devait contraindre les parties à dresser la liste, engagement par engagement, de ceux qui entraîneraient la résolution et si, de ce fait, les clauses résolutoires visant de manière générale tout type de manquement, courantes en pratique, seraient désormais invalidées.

Votre commission estime que tel ne devrait pas être le cas. Le texte autorise la survivance de ces clauses dites « balais ». Il exige seulement que la clause exprime les cas dans lesquels elle jouera, et ne s'oppose donc pas à l'insertion d'une clause qui préciserait qu'elle jouera en cas d'inexécution de toute obligation prévue au contrat. La jurisprudence antérieure validant ce type de clauses a donc vocation à survivre.

En deuxième lieu, pour répondre aux personnes entendues qui s'inquiétaient des effets de l'article 1226 du code civil, qui autorise la résolution du contrat par simple notification du créancier, après mise en demeure du débiteur, votre commission tient à préciser que cette disposition n'est pas d'ordre public, et que les parties pourront donc décider de rendre ce mécanisme inapplicable à leur contrat.

En dernier lieu, concernant l'article 1230 du code civil, qui rappelle que certaines clauses ont vocation à s'appliquer en dépit de la résolution du contrat, votre commission souligne que les illustrations données par le code, à savoir les clauses de confidentialité et de non-concurrence, ne sont pas exhaustives. La règle s'applique sans contestation à toutes les clauses qui ont pour objet de produire effet même en cas de rupture de la relation contractuelle, telles que les clauses relatives au règlement des différends, les clauses pénales prévues en cas d'inexécution ou les clauses limitatives de responsabilité.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi rédigé .

Article 10 (nouveau) (art. 1304-4 et 1305-5 du code civil) - Certaines modalités de l'obligation

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-9 , l'article 10 du projet de loi modifie le chapitre I er , relatif aux modalités de l'obligation, du titre IV du code civil.

. L'obligation conditionnelle : la renonciation aux effets de la condition suspensive défaillie (article 1304-4 du code civil)

En premier lieu, il est proposé de modifier l'article 1304-4 du code civil, relatif aux conditions dans lesquelles la partie au bénéfice exclusif de laquelle une condition suspensive a été stipulée peut y renoncer. Il est prévu qui peut y renoncer tant que celle-ci n'est pas accomplie.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de cette disposition, qui implique que le bénéficiaire de la condition suspensive ne peut plus y renoncer une fois qu'elle est accomplie.

Selon l'article 1304 du code civil, une condition est suspensive « lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple ». Il n'y a donc aucun intérêt à préciser que le bénéficiaire ne peut plus renoncer à cette condition si elle est accomplie. En effet, par l'accomplissement de la condition, l'obligation est devenue pure et simple. Renoncer à cette condition, même accomplie, revient exactement au même résultat : l'obligation devient pure et simple.

La lecture du rapport au Président de la République ainsi que les précisions transmises par la chancellerie à votre rapporteur apportent quelques éclairages quant à l'objectif poursuivi par les rédacteurs de l'ordonnance. Ceux-ci ont entendu prévoir qu' une renonciation unilatérale du bénéficiaire à la condition suspensive ne pouvait intervenir après la défaillance de celle-ci , choisissant ainsi l'anéantissement automatique du contrat afin d'éviter sa remise en cause bien après cette défaillance. Ainsi, dans le cas d'une promesse de vente par exemple, le fait que l'acheteur n'ait pas obtenu de sa banque le prêt nécessaire à l'achat, alors que l'obtention du prêt constituait une condition suspensive de la réalisation de la vente, rendrait le contrat caduc.

Puisque seule la renonciation unilatérale du bénéficiaire de la condition défaillie serait prohibée, les parties pourraient toujours s'accorder pour décider de maintenir le contrat. C'est cette solution qui semble ressortir des termes du rapport au Président de la République, selon lesquels, « bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l'accord de son cocontractant ».

Par ailleurs, l'article 1304-4 du code civil n'étant pas d'ordre public, les parties pourraient décider d'en disposer autrement.

Pour autant, bien que votre rapporteur ait tout à fait compris l'objectif poursuivi, il estime que la rédaction retenue pour l'article 1304-4 ne permet pas de l'atteindre, puisqu'il n'y est pas question d'interdire la renonciation du bénéficiaire à la condition suspensive défaillie mais bien la renonciation à la condition suspensive accomplie, ce qui est sans effet.

Pour permettre à cette disposition d'atteindre l'objectif qui lui avait été assigné par les rédacteurs de l'ordonnance, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a donc proposé une nouvelle rédaction de l'article 1304-4 affirmant clairement l'impossibilité pour le bénéficiaire d'une condition suspensive d'y renoncer une fois que celle-ci est défaillie.

. L'obligation à terme : l'inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés et aux cautions du débiteur (article 1305-5 du code civil)

En second lieu, il est proposé de modifier l'article 1305-5 du code civil relatif à l'inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés, pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.

En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d'effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle. La jurisprudence sur ce point est constante, qu'il s'agisse d'une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.

Or, stricto sensu , le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement. C'est la raison pour laquelle, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a complété l'article 1305-5 pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi rédigé .

Article 11 (nouveau) (art. 1216-1, 1216-3 et 1327 du code civil) - La cession de dette

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-10 , l'article 11 du projet de loi modifie l'article 1327 du code civil relatif à la cession de dette et précise l'interprétation que votre commission entend donner aux articles 1216-1 et 1216-3 relatifs à la cession de contrat, sans pour autant proposer de modifier ces dispositions.

. L'harmonisation du formalisme applicable à la cession de contrat, à la cession de créance et à la cession de dette (article 1327 du code civil)

Initialement, l'ordonnance avait prévu, pour la cession de créance uniquement, à l'article 1322 du code civil, un écrit à peine de nullité. Cette formalité était justifiée par la disparition de la signification par voie d'huissier, imposée par l'ancien article 1690 du code civil qui, par sa lourdeur, dissuadait les contractants d'utiliser ce mécanisme.

Par la suite, selon les éléments transmis par les services de la chancellerie à votre rapporteur, lors de l'examen du projet d'ordonnance par le Conseil d'État, l'exigence d'un écrit à peine de nullité a été ajoutée pour la cession de contrat, à l'article 1322, par souci de parallélisme avec la procédure retenue pour la cession de créance.

En revanche, l'article 1327 du code civil relatif à la cession de dette n'a, quant à lui, pas fait l'objet de modification lors de l'examen au Conseil d'État. Aucun écrit n'est exigé. Le contrat est donc resté consensuel. Cette divergence ne résulte pas d'un choix délibéré.

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont déploré cette exigence d'un écrit pour les cessions de contrat et les cessions de dette, estimant que ce formalisme était exagéré et risquait de freiner les opérations commerciales.

Pour autant, dans la mesure où des mécanismes comparables à la cession de créance prévoient déjà un écrit à peine de nullité, comme en matière de nantissement de créance ou de cession de créance entre professionnels, et en raison de la nécessité de maintenir tout de même des modalités d'opposabilité de la cession, à la suite de la suppression de la signification par voie d'huissier, il est apparu justifié à votre rapporteur de maintenir ce formalisme minimum.

Une dette n'étant que l'envers d'une créance, votre rapporteur estime, par cohérence, que l'exigence d'un écrit doit également être prévue pour la cession de dette, d'autant que le Conseil d'État a imposé la même condition pour la cession de contrat.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a donc décidé de modifier en ce sens l'article 1327 du code civil.

. Les conditions de la libération du cédant (article 1216-1 du code civil) et de la survie des sûretés consenties par des tiers (article 1216-3 du code civil) lors de la cession de contrat

L'article 1216 du code civil prévoit qu'un cocontractant, le futur cédé, peut donner par avance son accord à la cession du contrat.

Certaines personnes entendues par votre rapporteur se sont émues de l'absence de précision, à l'article 1216-1 du code civil relatif à la libération du cédant, concernant la possibilité pour le cédé de consentir par avance à la libération du cédant.

De même, cette question a été soulevée devant votre rapporteur, concernant les sûretés consenties par des tiers. Celles-ci peuvent subsister malgré la libération du cédant, dès lors que les tiers qui les ont consenties ont donné leur accord. Cet accord pourrait-il également être donné par avance par les tiers qui consentent les sûretés ?

L'accord par avance sur le principe de la cession est expressément prévu à l'article 1216 du code civil. Rien n'interdit, à ce moment-là, d'en préciser également les modalités : libération du cédant (article 1216-1) et survie des sûretés (article 1216-3), sans qu'il soit besoin de l'inscrire expressément au sein de ces articles, qui découlent directement de l'article 1216. Dès lors que l'article 1216-1 n'exige pas de condition particulière pour le consentement à la libération du cédant, en dehors de son caractère exprès, ce consentement peut intervenir à tout moment. De même, dès lors que les exigences prévues le cas échéant par le droit des sûretés sont respectées, l'article 1216-3 ne fait pas obstacle à ce que les tiers donnent leur accord par avance à la subsistance des sûretés consenties.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi rédigé .

Article 12 (nouveau) (art. 1327-1 et 1352-4 du code civil) - Correction d'erreurs matérielles

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-11 , l'article 12 du projet de loi vise à corriger des erreurs de plume présentes au sein des articles 1327-1 et 1352-4 du code civil.

En premier lieu, l'article 1327-1 comporte une maladresse de rédaction unanimement signalée par la doctrine. Dans le cadre de la cession de dette, le texte exige en effet une notification au créancier ou une prise d'acte par ce dernier « s'il a par avance donné son accord à la cession ou n'y est pas intervenu ». Il convient de remplacer le mot « ou » par le mot « et ».

En effet, si l'accord du créancier à la cession a été donné par avance, par exemple dans une clause de cessibilité dans l'acte générateur de l'obligation, et qu'il n'est pas ensuite intervenu à l'acte de cession, il paraît opportun que l'opposabilité de la cession à son égard soit retardée au jour où il en a effectivement connaissance, c'est-à-dire au jour où elle lui est notifiée ou lorsqu'il en prend acte.

En second lieu, à l'article 1352-4, les mots « à un mineur » et « à un majeur » doivent être remplacés par les mots « par un mineur » et « par un majeur protégé ».

Cette disposition relative aux restitutions vise à prévoir que, lorsqu'elles sont dues par un mineur ou un majeur protégé, elles doivent être réduites à proportion du profit retiré par ces personnes de l'acte annulé.

La loi atténue ainsi les effets habituels de la nullité en faveur des personnes protégées, en prenant en considération l'avantage économique qu'elles ont, en définitive, conservé.

Ce texte se veut une reprise à droit constant de l'ancien article 1312. Toutefois, son interprétation est sujette à controverse en doctrine. Pour lever toute ambiguïté, il est proposé de remplacer la formulation « réduites à proportion du profit » par l'expression « à hauteur du profit ».

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi rédigé .

Article 13 (nouveau) (art. 1343-3 du code civil) - Le paiement d'une obligation de somme d'argent en devises

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-12 rectifié , l'article 13 du projet de loi modifie l'article 1343-3 du code civil pour préciser les cas dans lesquels le paiement d'une obligation de somme d'argent peut se faire en monnaie étrangère.

Dans sa rédaction issue de l'ordonnance, l'article 1343-3 limite la possibilité de payer en devises, en France, une obligation de somme d'argent aux obligations procédant d'un contrat international ou d'un jugement étranger. Les représentants de professionnels, lors de leurs auditions, ont fait part à votre rapporteur de leur incompréhension face à cette mesure. Comme le souligne le Haut comité juridique de la place financière de Paris, dans son rapport du 10 mai 2017 126 ( * ) , « le nouveau texte pourrait ainsi remettre en cause la possibilité d'effectuer des paiements en devises en exécution de [certains] contrats internes » 127 ( * ) .

Selon les représentants des milieux économiques, entendus par votre rapporteur, il constituerait une régression par rapport au droit antérieur.

De plus, cette restriction à la liberté de paiement en devises est contraire à l'objectif poursuivi par la réforme de renforcer l'attractivité du droit français sur la scène internationale.

Dans une décision rendue en 1989 à propos d'un contrat de prêt, la Cour de cassation s'était référée à la notion plus souple d'« opération de commerce international » 128 ( * ) . Cette notion permettait aux parties de déterminer la monnaie de compte ou de paiement de leurs obligations même si le paiement devait être réalisé sur le sol français, dès lors qu'il pouvait être qualifié d'opération de commerce international.

Au cours de leurs auditions par votre rapporteur, les représentants du ministère de la justice et ceux du ministère de l'économie et des finances ont précisé que la volonté des rédacteurs de l'ordonnance n'était pas de procéder à une telle restriction et que des réflexions étaient en cours pour corriger cette malfaçon.

Lors des échanges intervenus avec les services du ministère de l'économie et des finances, il est apparu que cette notion d'« opération de commerce international » ne permettait pas non plus de couvrir l'ensemble des hypothèses dans lesquelles le paiement en monnaies étrangères était admis avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Pour s'approcher au plus près de l'état du droit antérieur et permettre aux entreprises d'utiliser la monnaie de leur choix, tout en n'affaiblissant pas la monnaie nationale, suivant son rapporteur, votre commission a retenu le critère d'« opération à caractère international », à la place de celui trop restrictif de lien avec un « contrat international », cette rédaction pouvant encore être affinée au cours de la navette parlementaire.

Elle n'a pas estimé opportun d'aller au-delà et de proposer d'ouvrir davantage les possibilités de paiement en devises d'obligations de somme d'argent car une telle modification relève d'un choix de politique monétaire qui n'entre pas dans le champ de compétences de votre commission.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi rédigé .

Article 14 (nouveau) (art. 1347-6 du code civil) - Les effets de la compensation à l'égard des tiers

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-13 , l'article 14 du projet de loi modifie l'article 1347-6 du code civil pour lever toute ambiguïté concernant :

- la possibilité pour la caution d'opposer au créancier la compensation intervenue entre le créancier et le débiteur ;

- la possibilité pour le codébiteur solidaire de se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l'un de ses coobligés.

S'agissant de la première hypothèse, comme l'ont relevé plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, l'utilisation dans cet article du terme « intervenue » pourrait laisser penser que, si la compensation n'a pas été invoquée par le débiteur ou le créancier, la caution ne saurait s'en prévaloir.

Telle n'est pourtant pas la volonté des rédacteurs de l'ordonnance, qui ont entendu maintenir la solution retenue par le droit positif selon laquelle la caution peut invoquer la compensation dès lors que ses conditions sont réunies, alors même qu'elle n'a pas encore été déclenchée par le débiteur.

Une interprétation contraire reviendrait à vider le texte de tout intérêt. Or, une telle interprétation est favorisée, selon plusieurs auteurs, par le fait que l'article 1347, qui définit la compensation, prévoit désormais qu'elle doit être invoquée et qu'elle n'est donc pas automatique.

La problématique est la même pour le codébiteur, qui doit pouvoir se prévaloir de la compensation, dès lors que ses conditions sont remplies, alors même qu'elle n'aurait pas été invoquée par le créancier ou l'un de ses coobligés.

Pour mettre fin à toute controverse, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a modifié l'article 1347-6 pour supprimer le terme « intervenue ».

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi rédigé .

Article 15 (nouveau) (art. 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations) - Les conditions du maintien de la loi ancienne pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-14 , l'article 15 du projet de loi tend à préciser les conditions du maintien de l'application des règles du code civil antérieures à l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le 1 er octobre 2016, pour les contrats conclus antérieurement à cette même date.

Si l'article 9 de l'ordonnance dispose que « les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne », sous réserve des seuls articles instaurant des actions interrogatoires 129 ( * ) , la jurisprudence constante de la Cour de cassation considère qu'il y a lieu, en matière contractuelle, d'appliquer certaines dispositions de la loi nouvelle aux contrats en cours. En outre, des arrêts récents, postérieurs au 1 er octobre 2016, laissent penser que nombre de dispositions issues de l'ordonnance pourraient être rendues applicables aux contrats formés avant le 1 er octobre 2016.

Cette jurisprudence, présentée dans l'encadré ci-après, prévoit une application aux contrats en cours pour deux types de dispositions de la loi nouvelle : d'une part, les dispositions d'ordre public et, d'autre part, les dispositions régissant les effets légaux du contrat - c'est-à-dire les effets qui ne résultent pas de la seule volonté des parties mais d'un cadre légal, et qui se produisent après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la Cour de cassation estimant que les effets légaux du contrat sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent.

L'application de la loi nouvelle aux contrats en cours
dans la jurisprudence de la Cour de cassation

Sur le fondement de l'article 2 du code civil, selon lequel « la loi ne dispose que pour l'avenir » et « n'a point d'effet rétroactif », le principe appliqué par la Cour de cassation est que, sauf disposition expresse de la loi nouvelle, les contrats conclus antérieurement à la loi nouvelle demeurent régis par la loi ancienne, sous l'empire de laquelle ces contrats ont été conclus.

Ce principe de survie de la loi ancienne pour les contrats conclus sous son empire permet de préserver la stabilité, la sécurité et la prévisibilité des relations contractuelles et de respecter la liberté contractuelle.

Toutefois, comme l'indique le rapport annuel de la Cour de cassation pour 2014 130 ( * ) , « la Cour (...), peu important l'existence d'une disposition particulière, se reconnaît le pouvoir de dire si la loi nouvelle s'applique immédiatement ou non, en se fondant sur la nature des dispositions du contrat ou en se référant au caractère d'ordre public de la loi nouvelle dont elle exige qu'il soit établi au regard de l'intérêt général ». La jurisprudence de la Cour de cassation est constante en matière d'exceptions au principe de survie de la loi ancienne et d'application de la loi nouvelle aux contrats en cours.

Ainsi, à l'occasion d'un contrat conclu sous une loi ancienne, si une obligation ou un droit trouve son origine dans la loi et non dans la simple volonté des parties, il lui sera fait application de la loi nouvelle, en vertu du principe jurisprudentiel selon lequel « les effets du contrat sont régis par loi en vigueur au moment où ils se produisent » 131 ( * ) . Cette théorie des effets légaux du contrat trouve spécialement à s'appliquer en matière de baux.

La seconde exception concerne l'application aux contrats en cours « lorsque la loi nouvelle est d'ordre public et répond à des motifs impérieux d'intérêt général » 132 ( * ) . Cela ne vise donc pas indistinctement toutes les dispositions d'ordre public de la loi nouvelle. Le rapport de la Cour de cassation évoque dans ce cas un ordre public « supérieur » ou « renforcé ».

Cette jurisprudence portant sur l'application de la loi nouvelle aux contrats en cours a connu des développements dans la période récente.

Ainsi, dans un avis de février 2015 133 ( * ) , la Cour de cassation a précisé, en matière de baux d'habitation, que « la loi nouvelle régi[t] immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ». Par la suite, dans un arrêt de novembre 2016 134 ( * ) , concernant aussi une affaire de bail d'habitation, la Cour a confirmé les termes de son avis de février 2015, conformes à sa jurisprudence 135 ( * ) , mais elle a écarté, ce faisant, un article 136 ( * ) rédigé dans des termes similaires à ceux de l'article 9 de l'ordonnance, prévoyant le maintien de l'application de la loi ancienne aux baux anciens, sous réserve de certaines dispositions de la loi nouvelle rendues expressément applicables aux baux anciens.

On pouvait prétendre que cet arrêt de février 2015 n'était pas transposable à la matière contractuelle générale, car le régime des baux d'habitation, comme le statut des baux commerciaux, est un droit spécial traitant de contrats structurellement déséquilibrés, entre bailleur et locataire, visant par conséquent à protéger la partie réputée faible qu'est le locataire, tel n'étant pas le cas dans le droit commun des contrats, lequel ne postule pas par principe un déséquilibre structurel entre les parties.

Ensuite, dans un arrêt de février 2017 137 ( * ) , en matière de bail commercial, la Cour a jugé qu'une nouvelle disposition du statut des baux commerciaux s'appliquait aux baux en cours car elle était d'ordre public, sans que le motif impérieux d'intérêt général apparaisse bien clairement. Quelques jours plus tard, dans un arrêt de chambre mixte de février 2017 également 138 ( * ) , la Cour a argué de « l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 » pour « apprécier différemment » des règles antérieures à cette réforme, en matière de nullité absolue ou relative, en s'appuyant sur le nouvel article 1179 du code civil 139 ( * ) , et ainsi « modifier la jurisprudence et (...) décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative ». Certes, là encore, les règles en cause étaient marquées par une exigence de protection d'une partie structurellement faible, mais la Cour de cassation a bien fait application de la loi nouvelle à un contrat en cours, sur une question relative à la formation du contrat et non à son exécution - la formation du contrat justifiant davantage, par nature, le maintien de la loi ancienne.

Enfin, dans un arrêt très récent de septembre 2017 140 ( * ) prolongeant celui de chambre mixte de février, la Cour de cassation commence par affirmer que « l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail ». En d'autres termes, les conditions de la formation d'un contrat antérieurement à l'ordonnance ont été appréciées au regard des dispositions nouvelle issues de l'ordonnance. Là encore, certes, il est question d'un contrat régi par un droit destiné à protéger l'une des parties, mais cette jurisprudence faisant application de la réforme du droit des contrats aux conditions de la formation d'un contrat de travail semble aller au-delà des exceptions précisément délimitées jusque-là admises en matière d'application de la loi nouvelle aux contrats en cours. De plus, dans ses attendus, la Cour énonce, sans les citer expressément, les règles nouvelles.

Cette jurisprudence pourrait permettre d'appliquer aux contrats en cours, au gré de l'appréciation qu'en fait la Cour de cassation, de très nombreuses dispositions issues de l'ordonnance, car elle ne se rattache pas expressément aux exceptions traditionnelles, donc potentiellement au-delà des seules dispositions régissant les effets légaux des contrats ainsi que des dispositions d'ordre public.

La notice publiée par la Cour de cassation sur cet arrêt indique que, « suivant une méthode adoptée par la chambre mixte (...), la chambre sociale a choisi de réexaminer sa jurisprudence au regard de l'évolution du droit résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (...) et, en conséquence, d'apprécier différemment la portée des offres et promesses de contrat de travail, même si cette ordonnance n'était pas applicable aux faits de l'espèce ».

Or, même si ce n'est pas l'opinion unanime, la plupart des personnes entendues par votre rapporteur ont déploré le fait que la loi nouvelle, dans certaines de ses dispositions, puisse s'appliquer aux contrats en cours, au risque de porter atteinte ou mettre en échec la volonté des parties exprimée au moment de la conclusion du contrat. Par exemple, la théorie des effets légaux pourrait conduire à rendre de facto impérative une disposition de la loi nouvelle qui n'est que supplétive, dès lors que les parties n'ont pas été en mesure, par construction, de l'écarter lors de la conclusion. En outre, dans certains cas, sous l'empire de la loi nouvelle, les parties n'auraient peut-être pas conclu un contrat, compte tenu par exemple des nouvelles règles d'ordre public. Votre commission partage cette préoccupation.

Selon le Gouvernement, la rédaction de l'article 9, laquelle comporte un raisonnement a contrario , doit permettre de faire échec à la jurisprudence extensive de la Cour de cassation : puisque l'article 9 prévoit la survie de la loi ancienne sous réserve de l'application immédiate de certains articles de la loi nouvelle, l'application de tout autre article se trouverait a contrario exclue. Cependant, l'analyse de la jurisprudence la plus récente par votre rapporteur ne lui donne aucune certitude sur ce point, tant elle ouvre d'incertitudes sur le champ des nouvelles dispositions du droit des contrats susceptibles d'être appliquées aux contrats conclus antérieurement à la réforme.

En effet, la Cour de cassation indique désormais clairement qu'elle peut apprécier différemment la loi ancienne au regard de la loi nouvelle. Une telle jurisprudence crée pour les parties une grande insécurité juridique et une grande imprévisibilité . Par exemple, il pourrait être fait application du dispositif contre les clauses abusives 141 ( * ) dans un contrat d'adhésion ancien ou du dispositif prenant en compte l'imprévision dans le contrat 142 ( * ) , quand bien même celui-ci est supplétif de volonté.

Les besoins légitimes de loyauté et de prévisibilité dans les relations contractuelles , ainsi que le développement de la jurisprudence constitutionnelle en matière de protection de la liberté contractuelle et des contrats légalement formés 143 ( * ) incitent votre commission à vouloir préserver la survie de la loi ancienne dans toute son intégrité pour les contrats conclus antérieurement à la loi nouvelle.

Dans ces conditions, en vue de faire droit à la demande légitime de maintien de la loi ancienne pour les contrats anciens, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a prévu expressément que les contrats conclus avant la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance demeurent soumis à la loi ancienne , y compris pour leurs effets légaux et pour les règles d'ordre public, avec une application rétroactive de cette disposition à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance. Cette solution a paru plus sûre qu'une disposition interprétative destinée à expliciter l'intention du législateur, au vu de la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation en la matière.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi rédigé .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.


* 36 Ainsi, l'article 21-23 du code civil retient les bonnes moeurs dans les critères à remplir pour être naturalisé, tandis que l'article 1387 soumet le contrat de mariage à leur respect.

* 37 Article 21-23 du code civil.

* 38 Article 1387 du code civil.

* 39 « Le contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées .

« Tout contrat qui n'est pas d'adhésion est de gré à gré. »

* 40 Voir infra le commentaire de l'article 7 du projet de loi.

* 41 Ce principe est ainsi cohérent avec l'article 1104 du code civil qui prévoit désormais, dans une « disposition [expressément mentionnée comme] d'ordre public » que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi », alors que dans l'état antérieur du droit ils devaient simplement être exécutés de bonne foi, conformément au troisième alinéa de l'article 1134 du code civil, en vigueur jusqu'au 30 septembre 2016.

* 42 Cour de cassation, chambre commerciale, 26 novembre 2003, n° s 00-10.243 et 00-10.949.

* 43 Selon la doctrine de la Cour de cassation, le gain manqué se distingue de la perte de chance. Le gain ou avantage manqué est un manque à gagner certain : le gain était dû et aurait dû être perçu. À l'inverse, la perte d'une chance est un manque à gagner probable (éléments publiés par la Cour de cassation dans son bulletin d'information n° 781 du 1 er mai 2013). À ce sujet, le projet de réforme de la responsabilité civile publié par le Gouvernement le 13 mars 2017 définit la perte de chance réparable comme « la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable », ce préjudice devant être « mesuré à la chance perdue » et ne pouvant « être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ».

* 44 « Le préjudice subi [en cas de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels] n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains [que la société demanderesse] pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains ».

* 45 Selon ce rapport, « indemniser le profit escompté de la conclusion du contrat, même sous la forme atténuée d'une perte de chance, conduirait à donner indirectement un effet à un contrat qui n'a pas été conclu ».

* 46 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, arrêt du 28 juin 2006, n° 04-20.040.

* 47 Les éléments du contenu du contrat peuvent être appréhendés tels qu'ils sont déterminés par les articles 1162 et suivants du code civil comme l'objet des obligations, le prix et les prestations attendues.

* 48 La qualité des parties renvoie classiquement aux caractéristiques d'une personne.

* 49 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 3 mai 2000, n° 98-11.381.

* 50 Cet article ne fait que s'inscrire dans le respect des règles générales de la charge de la preuve : ainsi, conformément à l'article 1353 du code civil : « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit [en] prouver [l'existence] (...) » et, « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qu'il a produit l'extinction de son obligation ».

* 51 Le fondement de la responsabilité sera en principe extracontractuel, sauf en présence d'aménagements conventionnels prévus entre les parties.

* 52 Conformément au deuxième alinéa de l'article 1178 du code civil, « le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé ».

* 53 Le régime général de la caducité du contrat est par ailleurs défini à l'article 1186 du code civil, selon lequel « un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît ».

* 54 Le pollicitant étant l'auteur de l'offre.

* 55 Une exception à ce principe est toutefois prévue par l'article 1127-1 du code civil relatif à l'offre électronique. Soit elle prévoit un délai exprès et l'offre devient caduque à l'expiration de celui-ci, soit l'offre n'en prévoit pas et l'auteur reste engagé par celle-ci « tant qu'elle est accessible par voie électronique de son fait ».

* 56 Concernant le décès de l'auteur de l'offre, cette solution revient sur la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'offre, dès lors qu'elle comprend un délai exprès, était transmissible aux héritiers qui étaient alors liés par le délai fixé par le pollicitant décédé (Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 10 décembre 1997, n° 95-16.461), alors qu'en l'absence de délai exprès, l'offre n'était pas transmissible aux héritiers.

* 57 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 5 novembre 2008, n° 07-16.505.

* 58 Qualifie un contrat conclu en considération de la personne physique ou morale avec laquelle il a été conclu. Certains auteurs indiquent ainsi que l'offre ne deviendrait caduque que si le contrat projeté était intuitu personae , pouvant en revanche être acceptée par les successeurs du défunt dans le cas contraire.

* 59 Le législateur avait déjà imposé aux professionnels une obligation de communication de leurs conditions générales de vente à l'article L. 441-6 du code de commerce, selon lequel : « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle ». En matière de relations entre professionnels et consommateurs, l'article R. 132-1 du code la consommation répute abusive la clause qui a pour objet ou pour effet « de constater l'adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion ».

* 60 Cour de cassation, chambre commerciale, 11 juin 1996, n° 93-15.376 : « la clause résolutoire incluse dans des conditions générales de vente n'est opposable à l'acquéreur que s'il est établi qu'il en a eu connaissance avant de passer chaque commande constitutive d'un contrat distinct et l'a acceptée [et qu'] en se bornant à déduire cette connaissance de motifs d'ordre général tirés des pratiques des fournisseurs et des relations commerciales suivies des parties, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1134 du code civil. » et précédemment, Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 3 décembre 1991, n° 89-20.856, selon lequel la signature d'un contrat comprenant la clause suivante « L'acheteur déclare avoir pris connaissance des conditions générales de vente et de garantie inscrites au verso et les accepter dans toutes leur teneur » valait adhésion au contenu des conditions générales.

* 61 De nombreux arrêts de la Cour de cassation ont ainsi sanctionné des clauses illisibles en raison de la taille de leur police de caractère, par exemple Cour de cassation, chambre commerciale, 27 novembre 2007, n° 06-16.523.

* 62 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 28 mars 1995, n° 93-13.237 : « au cas où coexistent des clauses attributives de juridiction qui se contredisent ou sont inconciliables, il y a lieu de faire application des règles de compétence de droit commun. »

* 63 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 9 février 1999, n° 96-19.538, selon lequel « les conditions particulières [doivent] prévaloir sur les conditions générales ».

* 64 À titre d'exemple, l'article L. 441-6 du code de commerce qui régit les relations entre acheteur et vendeur en matière commerciale et dispose que « Les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale ».

* 65 « Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties. »

* 66 Celui qui est l'auteur du pacte de préférence.

* 67 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 6 juin 2001, n° 98-20.673 et plus récemment, Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 15 janvier 2003, n° 01-03.700.

* 68 Même si la jurisprudence est attentive à prévoir des garanties en appréciant par exemple, que la validité d'un pacte de préférence de longue durée assortie d'un prix fixe ne porte pas une atteinte injustifiée au droit de propriété du promettant (Cour de cassation, 3 ème chambre civile, arrêt du 23 septembre 2009, n° 08-18.187).

* 69 Soit par la conclusion d'un contrat par le promettant avec un tiers aux mêmes conditions que celles du pacte et sans l'avoir préalablement proposé au bénéficiaire, soit à des conditions plus favorables que celles proposées au bénéficiaire.

* 70 L'article 1123 du code civil consacre aussi une jurisprudence selon laquelle, « si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir » (Cour de cassation, chambre mixte, 26 mai 2006, n°03-19.376).

* 71 Respectivement prévues aux articles 1158 et 1183 du code civil.

* 72 Article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

* 73 Mais pas nécessairement l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.

* 74 Articles 1210 et suivants du code civil

* 75 La promesse synallagmatique se confond le plus souvent avec le contrat lui-même puisque, si le contrat est consensuel, ce qui est le principe, l'accord des volontés sur les éléments essentiels suffit en effet à former le contrat. Dans un système consensualiste, la promesse synallagmatique de contrat n'est donc rien d'autre que le contrat lui-même, éventuellement affecté d'un terme, d'une condition ou d'un autre type de délai. La distinction entre promesse synallagmatique et contrat définitif n'est effective que lorsque la conclusion du contrat nécessite l'accomplissement de certaines formalités. Le plus souvent néanmoins l'exigence de réitération devant notaire est interprétée par la jurisprudence comme une simple modalité d'exécution du contrat, ce dernier ayant été formé par l'accord des parties sur les éléments essentiels. Par ailleurs, bien souvent, ce qui est intitulé promesse synallagmatique de vente s'analyse en réalité en une vente sous condition suspensive.

* 76 L'article 1589 du code civil sur la vente affirme d'ailleurs que la promesse de vente vaut vente.

* 77 Certains auteurs ont pu émettre des doutes sur la constitutionnalité de l'article 1124 évoquant la consécration d'une forme de conclusion forcée du contrat. Toutefois, il semble que, dès lors que le promettant a donné dans la promesse son consentement au contrat envisagé, le fait qu'il ait ultérieurement changé d'avis est inopérant, ce qui est conforme au principe de la force obligatoire des contrats. Par la promesse, le promettant émet un consentement définitif à la conclusion du contrat projeté, il est donc logique qu'il soit tenu à l'exécution de ce contrat si le bénéficiaire lève l'option.

* 78 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 15 décembre 1993, n° 91-10.199.

* 79 Cet article se substitue à l'article 1109 du code civil en vigueur jusqu'au 30 septembre 2016, qui disposait qu'« il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol », sans toutefois que cette rédaction ait une véritable portée normative.

* 80 La nullité relative est définie au second alinéa de l'article 1179 du code civil qui dispose que la nullité « est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé ». En conséquence, et conformément à l'article 1181 du code civil : « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger ».

* 81 Ainsi, l'article 1130 du code civil assimile le dol sans lequel une partie aurait contracté à des conditions substantiellement différentes au dol principal, sans lequel le contrat n'aurait pas été conclu. Celui-ci peut être assimilé à une déclinaison du dol principal davantage qu'à un dol incident.

* 82 Par excusable, il faut entendre l'erreur commise par une partie au contrat qui, malgré la diligence raisonnable dont elle a fait preuve, n'a pas pu l'éviter.

* 83 L'erreur de fait est constituée, à titre d'illustration, lorsqu'une oeuvre présentée comme attribuée à un artiste ne l'est pas et que seules des analyses techniques ont pu le déterminer (Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 10 juillet 2013, n° 12-23.773).

* 84 L'erreur de droit a été reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt de la chambre civile du 17 novembre 1930 qui a jugé qu'il y avait erreur sur la substance du contrat, notamment quand le consentement de l'une des parties a été déterminé par l'idée fausse que cette partie avait de la nature des droits dont elle croyait se séparer ou acquérir par les effets du contrat. Dans un arrêt plus récent (Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 27 juin 2006, n° 05-13.337), la Cour de cassation a restreint l'admission de l'erreur de droit : ne peut en effet être invoquée comme tel une décision judiciaire rendue entre deux parties.

* 85 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 15 janvier 1971, n°69-12.180.

* 86 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 3 mai 2000, n° 98-11.381.

* 87 Cour de cassation, chambre commerciale, 1 er avril 1952, d. 1952, 380 et 685, et plus récemment, Cour de cassation, chambre commerciale, 22 juillet 1986, n° 85-12.392.

* 88 Le nouvel article 1138 n'empêchera pas cette jurisprudence propre aux actes à titre gratuit, dégagée malgré la lettre de l'ancien article 1116 du code civil (visant le dol émanant uniquement de l'autre partie), de subsister.

* 89 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 21 février 2001, n° 98-20.817.

* 90 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 30 mai 2000, n° 98-15.242 : « la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion ».

* 91 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 3 avril 2002, n° 00-12.932.

* 92 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, p. 9.

Ce rapport est consultable au lien suivant : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000032004539

* 93 Tout comme le dol, la violence ne constitue pas elle-même le vice du consentement mais la cause d'un tel vice, puisqu'elle conduit à l'erreur de la victime.

* 94 « Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »

* 95 Le texte de l'article 1143, comme tous les textes relatifs aux vices du consentement, ne contient aucune limitation expresse aux contrats synallagmatiques. Il a vocation à s'appliquer à tous les types de contrat.

* 96 Il existe également des règles précisant les conditions dans lesquelles la société peut être engagée vis-à-vis des tiers pour des actes conclus au-delà de son objet. Voir notamment les articles L. 221-5, L. 223-18 et L. 225-35 du code de commerce.

* 97 Articles L. 223-19, L. 225-38, L. 225-86, L. 226-10 et L. 227-10 du code de commerce.

* 98 Article L. 612-5 du code de commerce.

* 99 Il est loisible aux statuts d'une société dont la forme ne comprend pas de conventions réglementées, par exemple une société civile ordinaire, de prévoir une telle procédure ou de faire application d'une procédure déjà prévue dans le code de commerce.

* 100 Voir par exemple les articles 383, 387-1 ou encore 508 du code civil.

* 101 Article 1779 du code civil. Ce contrat porte concrètement sur l'engagement, contre rémunération, à exécuter un ouvrage matériel déterminé ou à fournir une prestation donnée. La partie qui s'engage s'appelle communément l'entrepreneur et son client le maître de l'ouvrage.

* 102 Voir notamment Cour de cassation, assemblée plénière, 1 er décembre 1995, n° 93-13.688. Cet arrêt admet implicitement la résiliation du contrat de même que l'indemnisation.

* 103 Voir par exemple les articles 1188, 1197 et 1218 du code civil.

* 104 Cour de cassation, chambre commerciale, 22 octobre 1996, n° 93-18.632.

* 105 Cour de cassation, chambre commerciale, 29 juin 2010, n° 09-11.841.

* 106 Voir par exemple cour d'appel de Paris, 7 juin 2013, n° 11-08.674.

* 107 C'est notamment le cas pour les locaux loués dans les centres commerciaux.

* 108 Voir notamment les arrêts suivants : Cour de cassation, chambre commerciale, 3 novembre 1992, n° 90-18.547, Cour de cassation, chambre commerciale, 24 novembre 1998, n° 96-18.357, et Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 16 mars 2004, n° 01-15.804.

* 109 L'article 6.2.2 des principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international donne la définition suivante de la notion de « hardship »: « il y a hardship lorsque surviennent des évènements qui altèrent fondamentalement l'équilibre des prestations, soit que le coût de l'exécution des obligations ait augmenté, soit que la valeur de la contre-prestation ait diminué, et a) que ces évènements sont survenus ou ont été connus de la partie lésée après la conclusion du contrat ; b) que la partie lésée n'a pu, lors de la conclusion du contrat, raisonnablement prendre de tels évènements en considération ; c) que ces évènements échappent au contrôle de la partie lésée ; et d) que le risque de ces évènements n'a pas été assumé par la partie lésée ».

* 110 Conseil d'État, 30 mars 1916, compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, et Conseil d'État, 9 décembre 1932, compagnie des tramways de Cherbourg : pour justifier la révision pour imprévision, le bouleversement du contrat doit être dû à un événement imprévisible, extérieur aux parties et ne présenter qu'un caractère temporaire, car si le déséquilibre est définitif, il y a lieu de résilier le contrat.

* 111 « Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d'au moins une partie s'exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps. »

* 112 « Dans les contrats à exécution successive ou échelonnée, les parties peuvent s'engager à négocier une modification de leur convention pour le cas où il adviendrait que, par l'effet des circonstances, l'équilibre initial des prestations réciproques fût perturbé au point que le contrat perde tout intérêt pour l'une d'entre elles. »

* 113 « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

* 114 « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »

* 115 Le mécanisme de révision judiciaire du contrat à l'initiative de l'une des parties n'apparaissait pas dans l'avant-projet publié par la chancellerie et soumis à la consultation du public en 2015, mais se rapproche plutôt de l'article 92 proposé par l'« avant-projet Terré » :

« Les parties sont tenues de remplir leurs obligations même si l'exécution de celles-ci est devenue plus onéreuse. Cependant, les parties doivent renégocier le contrat en vue de l'adapter ou d'y mettre fin lorsque l'exécution devient excessivement onéreuse pour l'une d'elles par suite d'un changement imprévisible des circonstances et qu'elle n'a pas accepté d'en assumer le risque lors de la conclusion du contrat. En l'absence d'accord des parties dans un délai raisonnable, le juge peut adapter le contrat en considération des attentes légitimes des parties ou y mettre fin à la date et aux conditions qu'il fixe. »

* 116 Il convient néanmoins de rappeler que le législateur ne méconnaît aucune règle non plus qu'aucun principe d'ordre constitutionnel s'il décide de ratifier une ordonnance qui aurait excédé le champ de l'habilitation initiale, car la limitation en résultant ne lui est pas opposable au stade de la ratification.

* 117 « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

* 118 « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. »

* 119 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012, Association Temps de vie .

* 120 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, loi pour la confiance dans la vie publique.

* 121 Toujours au titre de l'exécution forcée en nature, le créancier peut également, en application de l'article 1222, à certaines conditions, faire exécuter l'obligation par un tiers ou faire détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci, aux frais du débiteur.

* 122 Énoncé à l'ancien article 1134 et partiellement repris à l'article 1103.

* 123 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 11 mai 2005, n° 03-21.136.

* 124 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 16 juin 2015, n° 14-14.612.

* 125 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 15 octobre 2015, n° 14-23.612.

* 126 Propositions d'amélioration de la rédaction des dispositions régissant le droit commun des contrats , rapport du 10 mai 2017, p. 35. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://ibfi.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/HCJP/Rapport_08_F.pdf

* 127 Certaines opérations de change qui n'impliquent pas de flux transfrontaliers, les crédits immobiliers à certaines conditions fixées par le code de la consommation, les prêts régis par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires...

* 128 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 11 octobre 1989, n° 87-16.341 : les juges du fond doivent rechercher si le contrat « devait donner lieu à un paiement international, ou, à tout le moins, s'il était destiné à financer une opération de commerce international ».

* 129 Troisième et quatrième alinéas de l'article 1123 et articles 1158 et 1183. En outre, toute instance introduite avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance doit être poursuivie et jugée « conformément à la loi ancienne ».

* 130 Rapport annuel de la Cour de cassation pour 2014, Le temps dans la jurisprudence de la Cour de cassation , pages 328 et suivantes. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2014_7040/

* 131 Ibid.

* 132 Ibid.

* 133 Cour de cassation, avis, 16 février 2015, n° 14-70.011.

* 134 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 17 novembre 2016, n° 15-24.552.

* 135 Voir par exemple Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 8 février 1989, n° 87-18.046.

* 136 Article 14 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 137 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 9 février 2017, n° 16-10.350.

* 138 Cour de cassation, chambre mixte, 24 février 2017, 15-20.411.

* 139 Disposant que « la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général » et qu'elle est « relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé », l'article 1179 du code civil n'a fait que consacrer une distinction jurisprudentielle fondée sur la nature de l'intérêt protégé.

* 140 Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2017, n° 16-20.103.

* 141 Article 1171 du code civil.

* 142 Article 1195 du code civil.

* 143 Voir supra la présentation de cette jurisprudence dans l'exposé général.

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