III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME 147 « POLITIQUE DE LA VILLE » (RAPPORTEUR SPECIAL : DANIEL RAOUL)

1. Une dépense stable concernant les actions mise en place dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville malgré une exécution globale du programme en apparent recul

L'année 2016 du programme 147 « Politique de la ville » enregistre un taux d'exécution de 91 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, correspondant à des dépenses en baisse de respectivement 4,7 % et 4,6 % par rapport à 2015.

L' action 01 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » maintient toutefois une consommation proche de l'année précédente (- 0,65 % en autorisations d'engagement et - 0,5 % en crédits de paiement). Correspondant à 80 % de l'enveloppe du programme, elle regroupe ainsi les crédits spécifiques destinés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et mobilisés dans le cadre des nouveaux contrats de ville, en complément des crédits de droit commun des autres ministères.

Comme cela sera développé infra , la mobilisation disponible de la trésorerie de l'Agence de services et de paiement (ASP) pour le financement du dispositif « adultes-relais » a également permis de limiter l'exécution budgétaire sur cette action 223 ( * ) .

Exécution des crédits du programme 147 « Politique de la ville » en 2016

(en euros)

Exécution
2015

Exécution
2016

Évolution
2015-2016

Loi de finances initiale
2016*

Taux de consommation
par rapport
à la prévision

Action 01
Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

AE

303 210 136

301 249 019

- 0,65 %

338 672 750

88,95 %

CP

303 046 756

301 543 906

- 0,50 %

338 672 750

89,04 %

Action 02
Revitalisation économique et emploi

AE

92 802 754

64 771 306

- 30,21 %

57 638 123

112,38 %

CP

92 802 754

67 061 306

- 27,74 %

57 638 123

116,35 %

Action 03
Stratégie, ressources et évaluation

AE

13 002 401

23 188 765

78,34 %

32 359 910

71,66 %

CP

12 580 254

20 645 344

64,11 %

32 359 910

63,80 %

Action 04
Rénovation urbaine et amélioration du cadre de la vie

AE

0

399 889

ns

36 000

ns

CP

907 571

1 445 853

59,31 %

916 000

157,84 %

Total programme 147

AE

409 015 291

389 608 979

- 4,74 %

428 706 783

90,88 %

CP

409 337 335

390 696 409

- 4,55 %

429 586 783

90,95 %

* Y compris fonds de concours et attribution de produits.

ns = non significatif.

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances pour 2016

La différence d'exécution d'une année à l'autre sur l'ensemble du programme s'explique principalement, comme entre 2014 et 2015, par l'extinction progressive du dispositif d'exonération de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU) , votée en loi de finances initiale pour 2015. Ces exonérations étant compensées par l'État aux caisses de sécurité sociale, le fait qu'elles ne bénéficient plus qu'aux entreprises déjà entrées dans le dispositif diminue mécaniquement la consommation des crédits budgétaires prévus à cet effet au sein de l'action 02 « Revitalisation économique et emploi ».

Toutefois, la baisse engendrée par l'extinction de ce dispositif n'a pas été aussi importante que prévu, avec un remboursement des exonérations ayant finalement atteint 42,1 millions d'euros, pour une enveloppe initiale de 31,6 millions d'euros (et avec une dépense totale pour 2016 établie à 58,4 millions d'euros). En effet, les dépenses ont finalement été revues à la hausse par les caisses de sécurité sociale au cours de l'année 2016, conduisant même à ouvrir 5 millions d'euros (AE=CP) en loi de finances rectificative de fin d'année.

L' action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » connaît une exécution importante au regard de la prévision initiale et de l'exécution 2015 en raison de plusieurs opérations :

- le dernier versement de l'État à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) des crédits de paiement consacrés à l'opération « collèges dégradés » (697 000 euros) et, parallèlement, le retrait d'engagement à hauteur de 249 000 euros pour un ajustement aux besoins réels ;

- la compensation par le CGET de 9 emplois de l'ANRU mobilisés au titre du programme d'investissements d'avenir (PIA), pour 649 000 euros (financé par un décret de transfert de 2015 trop tardif pour être pris en compte la bonne année) ;

- le versement de 99 600 euros permettant l'apurement de dettes pour des opérations réalisées dans le cadre de l'ancien Fonds d'intervention pour la ville (FIV) et des grands projets de ville (GPV).

La sous-consommation apparente des dépenses de personnel (6,8 %) par rapport à la prévision initiale s'explique, comme chaque année, par le fait qu'elles sont principalement destinées à rembourser d'autres programmes (par transfert, virement voire mouvement de fongibilité asymétrique technique). En effet, le titre 2 du programme 147 concerne uniquement les dispositifs des délégués du préfet, lesquels sont mis à disposition par d'autres ministères, et, depuis 2016, des délégués du gouvernement 224 ( * ) . Seul 1,5 million d'euros a donc été consommé en 2016 en dépenses de personnel à proprement parler, correspondant aux primes spécifiques qui sont versées aux délégués du préfet ainsi qu'à un emploi de délégué du gouvernement directement pris en charge par le présent programme.

Écart entre prévision et exécution des crédits de paiement par titre du programme

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances de la mission « Politique des territoires », annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2016

En mai 2016, un dégel de crédits à hauteur de 31,5 millions d'euros (AE=CP) a été opéré pour le financement de mesures décidées dans le cadre des comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC) organisés en 2015 et en 2016, pour une mise en réserve initiale de 31,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 31,8 millions d'euros en crédits de paiement.

Ensuite, les décrets d'avance du 2 juin 2016, du 3 octobre 2016 et du 2 décembre 2015 ont annulé des crédits pour un montant total de 23,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 24,7 millions d'euros en crédits de paiement 225 ( * ) .

Mouvements de crédits opérés au cours de l'année 2016 sur le programme 147

(en milliers d'euros)

Crédits en LFI

Reports entrants

Décrets d'avance

Virements ou transferts

Fonds de concours

LFR

Crédits ouverts

Crédits consommés

Écart consommé/ prévu en LFI

AE

428 707

649

- 23 124

- 16 338

350

5 000

395 244

389 609

39 098

CP

429 587

1 449

- 23 994

- 16 338

350

5 000

396 054

390 696

38 890

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances de la mission « Politique des territoires », annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2016

L'année 2016 a également été marquée par la dissolution de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé) , compte tenu de la mise en place du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) et après que les circuits de paiement et de comptabilité ont été sécurisés au cours de l'année 2015. Il existe désormais un budget opérationnel de programme (BOP) national complété d'unités opérationnelles dans chacun des départements.

2. La mobilisation de l'importante trésorerie dont disposait l'ASP pour la gestion du dispositif « adultes-relais »

Dans le cadre des mouvements réglementaires, le Gouvernement a pu annuler des crédits inscrits sur le présent programme à l'occasion de deux décrets d'avance du 2 juin et du 3 octobre 2016, compte tenu des perspectives d'exécution du programme mais aussi de la mobilisation prioritaire de la trésorerie de l'agence de services et de paiement (ASP) pour la mise en oeuvre du dispositif « adulte-relais ».

En effet, comme votre rapporteur spécial avait eu l'occasion de le mettre en évidence à l'occasion de son contrôle budgétaire relatif à ce dispositif 226 ( * ) , des « réserves de financement » s'étaient constituées, au fur et à mesure des ans, au niveau à la fois de l'ACSé et de la trésorerie de l'ASP , en raison notamment du taux de vacance constaté sur les postes d'adultes-relais au cours des derniers exercices.

Évolution du solde de trésorerie de l'ASP en fin d'année au titre du dispositif « adultes-relais »

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du CGET et le rapport annuel de performances pour 2016

Tout en comprenant la souplesse de gestion permise par ces mécanismes, notamment en début d'exercice, votre rapporteur spécial avait relevé le manque de lisibilité financière du dispositif et constaté que les crédits budgétaires votés chaque année avaient pu être surestimés compte tenu des « poches » existant par ailleurs à l'ACSé et à l'ASP.

Il avait ainsi notamment recommandé un suivi plus fin de l'exécution financière du dispositif ainsi que des emplois ouverts , afin notamment d'ajuster au mieux les crédits budgétaires nécessaires.

En tout état de cause, la suppression de l'ACSé et la reprise de la gestion du dispositif par le CGET via le logiciel Chorus devaient conduire à l'assèchement du solde de trésorerie de l'ASP et du fonds de roulement de l'ACSé. Cela a effectivement été réalisé par l'État au cours de l'année 2016 puisque la trésorerie de l'ASP est passée de près de 20 millions d'euros en 2015 à 1,4 million d'euros à fin 2016 .

Avec la réduction de ces réserves de financement, il appartiendra à l'État de suivre avec attention l'enveloppe nécessaire pour la bonne mise en oeuvre du dispositif « adultes-relais », le rapport d'information de votre rapporteur spécial ayant, par ailleurs, mis en évidence tout l'intérêt de le préserver.

Les cinq recommandations formulées par le rapporteur spécial dans le cadre de son rapport d'information relatif au dispositif « adultes-relais »

Recommandation n° 1 : Maintenir un montant significatif d'aide pour préserver l'attractivité du dispositif pour les employeurs.

Recommandation n° 2 : Afin d'encourager les recrutements de postes d'adultes-relais, développer les dérogations au cas par cas concernant le respect du critère géographique de résidence dans un quartier prioritaire de la ville (QPV) , d'autant que le resserrement de la géographie prioritaire a pu réduire le périmètre potentiel des recrutements.

Recommandation n° 3 : Suivre plus finement l'exécution du dispositif et des emplois , ce qui permettrait d'ajuster au mieux les crédits budgétaires du programme en loi de finances initiale.

Recommandation n° 4 : Afin de favoriser le recrutement et de prévenir toute forme de précarisation de ces postes d'adultes-relais, encourager des co-financements pérennes, de partenaires privés ou publics, notamment de l'éducation nationale s'agissant de la médiation scolaire, en veillant à ne pas démultiplier les financeurs pour un même poste.

Recommandation n° 5 : Garantir aux adultes-relais un vrai parcours de formation, afin que les adultes-relais soient efficaces dans leur poste et s'insèrent au mieux professionnellement. Plusieurs pistes méritent d'être étudiées :

- l'augmentation du montant des crédits budgétaires alloués à la formation qui pourrait passer par un rééquilibrage entre l'enveloppe dédiée aux postes d'adultes-relais et celle prévue pour le plan de professionnalisation ;

- le renforcement de l'obligation de formation et de son suivi par l'État, afin de responsabiliser les employeurs et veiller à une meilleure information des adultes-relais quant à leurs droits en matière de formation. Le respect de cette obligation devrait être attentivement étudié et pris en compte dans la décision de renouvellement de la convention ;

- le recensement de formations de médiation sociale à l'Inventaire des certifications et des habilitations de la Commission nationale de la certification professionnelle, permettant une reconnaissance officielle des compétences et une prise en charge facilitée par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

Source : rapport d'information n° 128 (2016-2017) du 17 novembre 2016 de Daniel Raoul, « Le contrat adultes-relais, un dispositif de la politique de la ville à préserver »

3. Le rattachement à la mission de dépenses fiscales plus élevées que les crédits budgétaires

Quatorze dépenses fiscales sont rattachées au programme 147 et représentent plus de 450 millions d'euros en 2016, correspondant désormais à un montant supérieur à celui des crédits budgétaires alloués à la politique de la ville.

Évolution des crédits de paiement et des dépenses fiscales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Cinq dépenses fiscales sont supérieures à 10 millions d'euros en 2016 et représentent la quasi-totalité du coût constaté.

Les exonérations d'impôt et de cotisation applicables aux entreprises implantées en ZFU enregistrent une dépense légèrement en-deçà de la prévision, y compris pour celles qui ne sont pas en cours d'extinction.

En revanche, les dépenses fiscales en faveur de la construction de logements paraissent particulièrement dynamiques, avec notamment 137 millions d'euros pour la TVA à 5,5 % pour les logements en accession sociale à la propriété construits dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (+ 30 % par rapport à la prévision initiale).

Évolution des cinq dépenses fiscales supérieures à 10 millions d'euros

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

4. Le financement sécurisé de l'ANRU après le vote d'un budget rectificatif et un abondement supplémentaire d'Action logement

Le budget de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) avait initialement été fixé à 951,1 millions d'euros de dépenses en crédits de paiement, avec 887,9 millions d'euros de recettes principalement issues de la contribution d'Action logement (850 millions d'euros) et, en complément, un prélèvement sur la trésorerie estimé à 63,2 millions d'euros.

Toutefois, en cours d'année, des besoins supplémentaires ont été constatés en termes de décaissements au titre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le conseil d'administration de l'ANRU a voté, le 10 juin 2016, un budget rectificatif prévoyant en particulier de porter la contribution d'Action logement à 910 millions d'euros, les 60 millions d'euros mobilisés étant issus de la réserve de 100 millions d'euros qui avait été prévue dans la convention conclue entre l'État, l'ANRU et l'UESL-Action logement le 2 octobre 2015 227 ( * ) . Par ailleurs, la trésorerie de l'agence devait être mise à contribution pour les 132 millions d'euros restant non couverts.

Finalement, avec 1 037,5 millions d'euros, les dépenses constatées à la fin de l'année 2016 ont été moins élevées que prévues dans le budget rectificatif (- 40 millions d'euros). Aucune dépense n'est ainsi enregistrée au titre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) alors que 20 millions d'euros étaient initialement prévus. Ce nouveau programme n'avait, en effet, pas commencé à être exécuté, les protocoles de préfiguration étant en cours d'élaboration.

Par ailleurs, le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) n'a consommé que 7,6 millions d'euros sur les 25 millions d'euros initialement prévus (et 9 millions d'euros sur les 25 millions d'euros d'autorisations d'engagement). Le rapport annuel de performances indique d'ailleurs qu'un bilan est actuellement réalisé par l'ANRU afin d'identifier les difficultés opérationnelles auxquelles elle doit faire face.

D'après les informations recueillies auprès de l'ANRU, 25 projets ont été lancés, correspondant à un engagement de 55 % de la dotation initialement prévue et à 21 % de décaissements, sept ans après la création du programme. Seuls 8 projets auraient ainsi un avancement opérationnel satisfaisant tandis que 8 autres rencontreraient des difficultés opérationnelles créant d'importants retards et conduisant jusqu'à des blocages qui font douter de leur faisabilité. Deux projets seraient par ailleurs en cours de réorientation.

Le PNRU enregistre en cumulé des dépenses d'intervention représentant 9,737 milliards d'euros, correspondant à 83 % des engagements à fin 2016 (contre 74 % à fin 2015).

Au regard du niveau des ressources finalement établi à 948 millions d'euros, le prélèvement sur la trésorerie de l'ANRU s'est élevé à 109 millions d'euros . Même s'il est moins élevé qu'attendu, il poursuit toutefois la tendance constatée chaque année à la réduction des marges de manoeuvre financière de l'agence, le niveau de trésorerie atteignant 81,5 millions d'euros .

Le fonds de roulement de l'agence connaît pour sa part une variation positive de 120 millions d'euros.

Évolution du niveau de trésorerie de l'ANRU

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les données de l'ANRU

Le précédent gouvernement a augmenté d'un milliard d'euros l'enveloppe du NPNRU, la passant ainsi de 5 à 6 milliards d'euros dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017. En principe financé par des crédits budgétaires, seuls 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 15 millions d'euros de crédits de paiement ont été inscrits.

Depuis, le nouveau gouvernement constitué en juin 2017 a annoncé vouloir porter ce même programme à 10 milliards d'euros. Il conviendra, en conséquence, de trouver les financements nécessaires.


* 223 Cf. le 2 de la présente partie.

* 224 Créés en 2016 à la suite du CIEC du 26 octobre 2015, les délégués du gouvernement sont au nombre de 10 et interviennent dans des quartiers nécessitant une action renforcée. Il s'agit d'une expérimentation d'un an renouvelable une fois. À l'exception d'un agent contractuel occupant ces fonctions et pris en charge sur le programme 147, ils sont en principe suivis au sein des administrations qui les mettent à disposition.

* 225 Cf . notamment infra la mobilisation prioritaire de la trésorerie de l'Agence de services et de paiements pour le dispositif adultes-relais, conduisant à une moindre dépense budgétaire pour 2016.

* 226 Rapport d'information n° 128 (2016-2017) du 17 novembre 2016 de Daniel Raoul au nom de la commission des finances, « Le contrat adultes-relais, un dispositif de la politique de la ville à préserver ».

* 227 Un avenant du 20 juin 2016 prévoit que cette « poche » de 100 millions d'euros puisse être utilisée pour les décaissements au titre du PNRU (et non seulement pour le NPNRU).

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