N° 631

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l' établissement public Paris La Défense (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),

Par M. Mathieu DARNAUD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Mmes Josiane Costes, Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, MM. Félix Desplan, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Hugues Portelli, Alain Poyart, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Sénat :

550 et 632 (2016-2017)

• LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 12 juillet 2017, sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de M. Mathieu Darnaud et établi son texte sur le projet de loi n° 550 (2016-2017) ratifiant l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense, pour l'examen duquel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.

Le rapporteur a rappelé que l'ordonnance du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense avait été prise sur le fondement d'une habilitation consentie par l'article 55 de la loi
n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. La création de ce nouvel établissement public local, Paris La Défense, en lieu et place des deux établissements actuels - l'Établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA) et Defacto - vise à mettre un terme au manque de coordination entre ces derniers et à l'absence de prise en charge financière de la remise en état des équipements du quartier de La Défense, dénoncés à plusieurs reprises par la Cour des comptes.

Tout en invitant la commission à approuver la plupart des dispositions contenues dans l'ordonnance, le rapporteur a regretté que plusieurs d'entre elles excèdent le périmètre de l'habilitation ou soient contraires aux objectifs initiaux du législateur.

C'est pourquoi la commission a adopté les sept amendements de son rapporteur qui prévoient, outre des améliorations rédactionnelles et des précisions :

- la suppression de la limitation des périmètres d'intervention du futur établissement prévue par l'ordonnance afin de les actualiser, si besoin, après concertation avec les communes concernées ( amendement COM-2 - article 2 ) ;

- la faculté, pour Paris La Défense, de créer des filiales, d'acquérir ou de céder des participations dans des sociétés publiques locales dont l'objet concourt à la réalisation de ses missions ( amendement COM-3 - article 3 ) ;

- la suppression du pouvoir du préfet de région de suspendre le caractère exécutoire des décisions du conseil d'administration de Paris La Défense pour atteinte au bon fonctionnement des services publics ( amendement COM-5 - article 5 ) ;

- la suppression, sous réserve d'éléments complémentaires, de la disposition excluant les parcs de stationnement du transfert en pleine propriété vers le nouvel établissement ( amendement COM-7 - article 7 ).

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié.

Mesdames, Messieurs,

Le quartier de La Défense, au nord-ouest de Paris, représente pour notre pays un centre économique d'envergure internationale, couvrant un espace de 160 hectares. Premier quartier d'affaires européen par l'étendue de son parc de bureaux (3 450 000 m² de bureaux), il regroupe environ 2 950 entreprises, parmi lesquelles 14 des 20 premières entreprises nationales et 15 des 50 premières entreprises mondiales. 180 000 salariés y travaillent chaque jour et on y dénombre 245 000 m² de commerces (dont le centre commercial des Quatre-Temps qui couvre une superficie de 130 000 m²).

Pourtant, avant 1958, date de sa création, ce quartier n'était constitué que de pavillons vétustes, de petites usines de l'industrie mécanique et automobile, qui voisinaient avec des bidonvilles et quelques fermes. Quelques initiatives privées y avaient vu le jour pour le dynamiser, parmi lesquelles la création du Centre National des Industries et Techniques (CNIT), destiné à accueillir les grands salons populaires de l'époque. Ce dernier eut un effet d'entraînement sur le quartier.

Par décret du 9 septembre 1958 1 ( * ) , l'État créa l'Établissement public pour l'aménagement de la région de La Défense (EPAD), établissement public à caractère industriel et commercial, dont la mission était d'aménager le site pour le compte de l' État et des collectivités locales concernées. Le périmètre d'intervention de l'EPAD couvrait une partie du territoire des communes de Puteaux, Courbevoie et Nanterre.

La création de cet établissement public marqua le point de départ du développement du quartier de La Défense tel que nous le connaissons aujourd'hui. Le choix de faire de ce quartier un centre européen des affaires était aussi symbolique : il se situe en effet dans le prolongement de l'axe historique parisien, constitué par le palais du Louvre, l'avenue des Champs-Élysées, l'Arc-de-Triomphe, le pont de Neuilly et, enfin, l'arche de La Défense.

Toutefois, depuis soixante ans, les autorités publiques tâtonnent pour trouver une gouvernance adaptée et un financement pérenne. L'EPAD a connu de nombreuses évolutions institutionnelles, qui ont notamment abouti à la création de l'Établissement public de gestion de la Défense (EPGD), devenu Defacto en 2010, soulageant l'EPAD de sa mission d'exploitation des espaces publics dont il s'acquittait par défaut.

Dans le contexte actuel du Brexit 2 ( * ) qui accroît la concurrence entre Paris, Francfort, Luxembourg et Dublin pour accueillir les entreprises susceptibles de quitter le quartier de la City de Londres, le quartier de La Défense doit impérativement bénéficier d'une gouvernance institutionnelle efficace et réactive, et d'un financement lui permettant de répondre aux enjeux actuels et futurs.

Prise sur le fondement d'une habilitation consentie par l'article 55 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense, à compter du 1 er janvier 2018, constitue une première répondre institutionnelle à ces enjeux et l'aboutissement d'une réflexion engagée par l'État en concertation avec les acteurs concernés, singulièrement les collectivités territoriales, depuis mai 2016.

Le projet de loi qui vous est soumis, déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat et pour l'examen duquel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, a pour objet de la ratifier.

Souscrivant au contenu et donc à la ratification de l'ordonnance, sous réserve de quelques aménagements, votre commission appelle à une réflexion plus globale sur l'avenir et les enjeux du quartier d'affaires de La Défense, en raison notamment des évolutions institutionnelles en cours (création de la Métropole de Paris) ou à venir (éventuelle disparition des départements de la petite couronne parisienne) qui pourraient nécessiter de nouvelles adaptations de la gouvernance du quartier.

I. LA RECHERCHE D'UNE GOUVERNANCE ADAPTÉE ET D'UN FINANCEMENT PÉRENNE POUR CONFORTER UN CENTRE ÉCONOMIQUE D'ENVERGURE INTERNATIONALE

Depuis sa création en 1958, La Défense présente un « caractère d'intérêt national » 3 ( * ) : les orientations générales d'urbanisme qui s'y appliquent sont fixées par décret en Conseil d'État et s'imposent aux communes environnantes, tandis que les constructions, travaux, installations et aménagements nécessaires à leur mise en oeuvre peuvent être qualifiés de projets d'intérêt général. En outre, les ouvrages de ce quartier ne relèvent pas de la compétence des communes sur le territoire desquelles ils sont situés mais de l'EPAD, établissement public d'État, qui en est le propriétaire.

La place du quartier d'affaires de La Défense dans la compétition européenne et internationale est apparue menacée, en raison notamment du vieillissement des tours, qui nécessite d'importants travaux de modernisation et de rénovation, voire parfois des opérations de démolition-reconstruction. Initialement créé pour une durée de trente ans, l'EPAD a vu ses missions prorogées à plusieurs reprises (1992, 2007, 2010 puis 2015) ce qui n'a toutefois pas permis de répondre de façon satisfaisante aux enjeux de redynamisation du quartier.

A. DE NOMBREUSES ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES ...

Depuis 2006, l'EPAD a connu trois évolutions institutionnelles majeures destinées à clarifier la gouvernance du quartier et à faire face à ses difficultés financières chroniques.

1. 2006 : l'élaboration d'un plan de renouveau du quartier de La Défense pour moderniser et développer le quartier d'affaires

En 2006, à la demande de l'État, l'EPAD engage une réflexion sur l'avenir du quartier afin de maintenir l'attractivité du site dans un contexte de concurrence accrue entre quartiers d'affaires européens.

Cette réflexion aboutit à l'élaboration, par l'État, d'un plan de renouveau destiné à mettre fin au vieillissement du quartier d'affaires, se soldant, sur la période 2007-2013, par des opérations de démolition-reconstruction d'immeubles de bureaux obsolètes (recouvrant une surface de 150 000 m²), l'édification de nouveaux immeubles de bureaux (300 000 m² de bureaux neufs) et la construction de 1 400 logements nouveaux (pour une superficie de 100 000 m²).

Ces projets se sont accompagnés du développement d'une politique d'animation commerciale et culturelle ainsi que du renforcement de la desserte du quartier d'affaires, via notamment le renforcement du réseau de transports en commun.

2. 2007 : la séparation organique de l'EPAD et la création de l'EPGD

Une deuxième étape a consisté, en 2007, à confier à deux entités distinctes les compétences d'aménagement et de gestion du quartier d'affaires. En effet, au fil des ans, l'EPAD poursuivait deux types de missions :

- d'une part, des missions d'aménagement tendant à la réalisation d'études préliminaires d'urbanisme, de travaux d'infrastructure puis à la vente aux investisseurs d'un droit de construire, qui représentait sa principale ressource financière ;

- d'autre part, des missions de gestion quotidienne du site et de son animation, en lien étroit avec les collectivités territoriales concernées (département des Hauts-de-Seine, communes de Courbevoie et de Puteaux).

Cette situation n'apparaissait pas satisfaisante puisque, bien qu'étant gestionnaire du site, l'EPAD ne percevait aucune recette fiscale générée par les activités du quartier alors même qu'il assumait les charges d'exploitation des équipements publics. Ainsi, il faisait face à un déficit d'exploitation de 15 millions d'euros par an, obérant d'autant sa capacité de développement et sa contribution aux opérations d'intérêt national en Île-de-France. Une contribution exceptionnelle de 4 millions d'euros fut accordée par le département des Hauts-de-Seine et les communes de Courbevoie et de Puteaux en 2006.

Cette contribution ne réglant pas le problème structurel de l'établissement, la loi n° 2007-254 du 27 février 2007 4 ( * ) , issue d'une initiative de notre collègue Roger Karoutchi, a procédé à une séparation organique de l'EPAD, destinée à mettre fin aux difficultés financières du quartier de La Défense en dissociant les missions d'aménagement des missions de gestion et d'animation. Cette loi a recentré l'EPAD sur sa mission originelle, l'aménagement du quartier de La Défense, et a créé le nouvel établissement public de gestion et d'animation du quartier d'affaires de La Défense (EGPD) qui s'est substitué à l'EPAD pour la gestion, la promotion et l'animation des espaces et équipements publics du quartier d'affaires.

Le financement de l'EPAD était supporté, pour moitié, par le département des Hauts-de-Seine et, pour l'autre moitié, par les communes de Puteaux et de Courbevoie. Par ailleurs, la composition des deux établissements publics différait : si l'EPAD - établissement public d'aménagement de l'État à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministre chargé de l'urbanisme - comptait à parité des représentants de l'État et des collectivités territoriales, l'EPGD
- établissement public local - était administré par les communes de Puteaux et de Courbevoie et le département des Hauts-de-Seine. En janvier 2010, l'EGPD a changé de dénomination et est devenu Defacto (contraction de « Défense » et « Action »).

Cette séparation organique a soulevé des difficultés organisationnelles dénoncées par de nombreux rapports de la Cour des comptes et n'a pas mis fin aux problèmes financiers qu'elle devait permettre de résoudre.

3. 2010 : la naissance de l'EPADESA

La troisième étape consista en la fusion de l'EPAD avec l'Établissement public d'aménagement de Seine-Arche (EPASA), opérée par le décret n° 2010-743 du 2 juillet 2010 5 ( * ) qui donna naissance à l'Établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA).

L'EPASA avait été créé par le décret n° 2000-1237 du 19 septembre 2000 qui avait scindé en deux parties le territoire relevant de la compétence de l'EPAD, chargé d'aménager, pour le compte de l'État et des collectivités territoriales concernées, le site de Seine-Arche, site d'opérations d'intérêt national couvrant une partie du territoire de Nanterre.

Du fait de cette fusion, l'EPADESA - établissement public industriel et commercial comme les deux établissements qui lui ont donné naissance - bénéficie d'un périmètre d'intervention élargi couvrant une partie du territoire des communes de Courbevoie, La Garenne-Colombes, Nanterre et Puteaux. Sa mission consiste à « procéder à toute opération de nature à favoriser l'aménagement, le renouvellement urbain, le développement économique et social et le développement durable » 6 ( * ) des espaces compris à l'intérieur de son périmètre. Il est également chargé de la poursuite du plan de renouveau de La Défense engagé par l'EPAD et des projets de développement initiés par l'EPASA.


* 1 Décret n° 58-815 du 9 septembre 1958 créant un établissement public pour l'aménagement de la région dite « de La Défense » dans le département de la Seine.

* 2 Sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

* 3 Article L. 123-24 du code de l'urbanisme.

* 4 Loi n° 2007-254 du 27 février 2007 relative aux règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense et portant création d'un établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense.

* 5 Décret n° 2010-743 du 2 juillet 2010 portant création de l'Établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA) et dissolution de l'Établissement public pour l'aménagement de la région dite de La Défense (EPAD) et de l'Établissement public d'aménagement de Seine-Arche (EPASA).

* 6 Article 2 du décret n° 2010-743 précité.

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