Rapport n° 591 (2016-2017) de M. Michel MERCIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 28 juin 2017

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N° 591

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l' état d' urgence (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),

Par M. Michel MERCIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Mmes Josiane Costes, Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, MM. Félix Desplan, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Hugues Portelli, Alain Poyart, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Sénat :

585 et 592 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 28 juin 2017 , sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de M. Michel Mercier et établi son texte sur le projet de loi n° 585 (2016-2017), prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l' état d'urgence , pour l'examen duquel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée le 22 juin 2017.

Après avoir rappelé que le Parlement était saisi, pour la sixième fois consécutive, d'un projet de loi tendant à proroger l'état d'urgence déclaré, à la suite des attentats du 13 novembre 2015, par les décrets des 14 et 18 novembre 2015, le rapporteur a indiqué que la dernière loi de prorogation du 19 décembre 2016 prévoyait l'application de ce régime juridique jusqu'au 15 juillet 2017, cette décision ayant été justifiée par le souci de garantir un haut niveau de sécurité pendant le temps des campagnes électorales pour les élections présidentielle et législatives de 2017 et des élections elles-mêmes.

Relevant la persistance d'une menace terroriste à un niveau élevé, ainsi qu'en ont attesté les nombreux attentats et tentatives d'attentats commis en France et dans d'autres pays européens, il a souligné que le Gouvernement était amené à présenter une nouvelle demande de prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 1 er novembre 2017, correspondant au temps nécessaire à l'examen d'un nouveau texte renforçant les pouvoirs de droit commun en matière de lutte antiterroriste, texte dont le Sénat est également saisi, afin de permettre « une sortie maîtrisée » de l'état d'urgence.

Déclarant souscrire à une telle démarche, sous réserve d'une analyse en opportunité et en droit des dispositions de ce nouveau projet de loi, il a considéré qu'il convenait d'approuver cette nouvelle prorogation en formant des voeux pour qu'elle soit la dernière. Il a en effet considéré que la France ne pouvait maintenir en vigueur le régime juridique de l'état d'urgence jusqu'à la disparition d'une menace terroriste qui présente un caractère durable. La date du 1 er novembre 2017 lui est apparue opportune pour permettre l'examen et l'adoption par le Parlement du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

La commission a adopté quatre amendements , dont trois de son rapporteur et un du Gouvernement, afin d'assortir le texte du projet de loi de précisions et d'un complément destiné à tirer les conséquences de la récente décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017 ( M. Émile L. ) du Conseil constitutionnel, relative aux mesures d'interdiction de séjour prononcées dans le cadre de l'état d'urgence.

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Pour la sixième fois consécutive, le Parlement est saisi par le Gouvernement d'une demande de prorogation de l'état d'urgence déclaré après les attentats qui ont tragiquement frappé notre pays dans la soirée du 13 novembre 2015.

Régime juridique dont les caractéristiques sont fixées par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, l'état d'urgence a pour effet d'accroître, pendant toute la durée de son application, les pouvoirs de police des autorités administratives. Désormais en vigueur de manière continue depuis le 14 novembre 2015, l'état d'urgence, dont la dernière prorogation résulte de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016, est applicable jusqu'au 15 juillet prochain à minuit.

À l'issue d'un conseil de défense et de sécurité nationale tenu à l'Élysée le 24 mai 2017 - deux jours après l'attentat survenu à Manchester au Royaume-Uni -, le Premier ministre a indiqué que le Président de la République avait décidé de saisir le Parlement d'un nouveau projet de loi de prorogation de l'état d'urgence pour une durée limitée, jusqu'au 1 er novembre 2017, correspondant au temps nécessaire à l'examen d'un projet de loi comportant de nouvelles dispositions de lutte antiterroriste.

Le Premier ministre a souligné que ce texte aurait pour objectif d'inscrire « dans le droit commun les dernières mesures de renforcement de l'arsenal existant, notamment pour assurer de manière durable par des mesures administratives appropriées la sécurisation des grands événements culturels, récréatifs ou sportifs ».

Avec la nouvelle prorogation qui est soumise à l'appréciation du Parlement , l'état d'urgence mis en oeuvre depuis le 14 novembre 2015 devrait connaître sa période d'application la plus longue, environ deux ans, depuis la création de ce régime d'accroissement des pouvoirs de police administrative 1 ( * ) .

Le maintien de ce régime juridique exceptionnel au cours des six derniers mois avait été justifié par le souci de garantir un haut niveau de sécurité pendant le temps des campagnes électorales pour les élections présidentielle et législatives de 2017 et des élections elles-mêmes. Le Gouvernement fait à cet égard valoir qu'au cours de cette période, des projets d'attentats visant directement à perturber les processus électoraux ont été déjoués, notamment grâce à la mise en oeuvre de mesures de police administrative fondées sur l'état d'urgence.

La présente prorogation est quant à elle présentée comme devant donner le temps aux pouvoirs publics de travailler « aux mesures permettant une sortie maîtrisée de l'état d'urgence » 2 ( * ) , au regard en particulier de la permanence d'une menace terroriste à un niveau très élevé, comme l'attestent les nombreux attentats commis ou déjoués au cours des derniers mois en France et dans d'autres pays européens.

Les mesures devant permettre cette sortie maîtrisée de l'état d'urgence sont pour leur part soumises à l'appréciation du Parlement dans le projet de loi n° 587 (2016-2017) renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, adopté en conseil des ministres le 22 juin dernier et également déposé sur le bureau du Sénat, pour l'examen duquel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. L'analyse du projet de prorogation doit ainsi être effectuée à la lumière des dispositions ainsi proposées.

S'il est possible de souscrire aux objectifs de la démarche engagée par le Gouvernement, sans préjudice d'une analyse en droit et en opportunité des nouvelles mesures de lutte antiterroriste proposées par celui-ci, votre rapporteur demeure néanmoins prudent, au regard de l'expérience récente, quant à leur réalisation effective. Au cours du premier semestre 2016, le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale 3 ( * ) avait été présenté comme un outil devant compléter le cadre juridique antiterroriste de droit commun afin de permettre la sortie de l'état d'urgence au début de l'été 2016, après la fin du championnat européen de football organisé en France (Euro 2016) et le tour de France. Ce scénario avait malheureusement été remis en cause par la tragédie survenue à Nice le 14 juillet 2016.

Il n'en reste pas moins que la sortie de l'état d'urgence dans des délais raisonnables doit constituer l'un des objectifs des politiques de sécurité mises en oeuvre dans notre pays. Selon la formule consacrée par le Conseil d'État, l'état d'urgence est en effet un « régime de pouvoirs exceptionnels [ayant] des effets qui, dans un État de droit, sont par nature limités dans le temps et dans l'espace ».

Confronté durablement à une menace terroriste élevée, notre pays ne peut maintenir en vigueur ce régime juridique jusqu'à la disparition de cette dernière.

C'est au regard de ce constat, de la contribution fournie par la mise en oeuvre de l'état d'urgence à la politique de lutte antiterroriste, des compléments récemment apportés au cadre juridique relatif à la lutte contre le terrorisme et de ceux à venir, que votre rapporteur considère que la présente prorogation doit, autant que possible, être la dernière.

Dans ce contexte et sur proposition de son rapporteur, votre commission a par conséquent approuvé une nouvelle prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 1 er novembre 2017, cette date apparaissant suffisante pour permettre l'examen et l'adoption par le Parlement du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, en l'assortissant de précisions et d'un complément destiné à tirer les conséquences de la récente décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017 ( M. Émile L. ) du Conseil constitutionnel.

I. LE BILAN DE LA CINQUIÈME PHASE DE L'ÉTAT D'URGENCE

A. RAPPEL DU CALENDRIER DES PHASES DE L'ÉTAT D'URGENCE DÉCLARÉ LE 14 NOVEMBRE 2015

L'état d'urgence, qui s'applique en France depuis le 14 novembre 2015, a déjà connu cinq phases continues.

La première phase a débuté le 14 novembre 2015 à zéro heure avec la déclaration d'état d'urgence, sur le territoire métropolitain, effectuée par les décrets du 14 novembre 2015 4 ( * ) . Le périmètre géographique d'application de l'état d'urgence a ensuite été élargi aux territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin par deux décrets pris le 18 novembre 2015 5 ( * ) . La prorogation de l'état d'urgence au-delà d'un délai de douze jours ne pouvant être autorisée que par la loi, le Parlement a été saisi d'un texte de prorogation dès la semaine du 16 novembre 2015, lequel a été définitivement adopté par le Sénat, dans les mêmes termes que ceux retenus par l'Assemblée nationale, le 20 novembre.

La première phase d'application de l'état d'urgence s'est ainsi poursuivie avec la prorogation, par la loi du 20 novembre 2015 6 ( * ) , pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre 2015.

La deuxième phase de l'état d'urgence s'est ouverte avec la prorogation pour une durée de trois mois, à compter du 26 février 2016 à zéro heure, résultant de la loi du 19 février 2016 7 ( * ) .

La troisième phase , débutant le 26 mai 2016 à zéro heure en application de la loi du 20 mai 2016 8 ( * ) et qui excluait la possibilité pour les autorités administratives d'ordonner des perquisitions administratives, aurait pour sa part dû s'achever le 26 juillet 2016 à minuit.

Toutefois, la loi du 21 juillet 2016 9 ( * ) - discutée et adoptée dans les jours ayant suivi l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 - a prévu une entrée en vigueur immédiate de ses dispositions 10 ( * ) , faisant démarrer la quatrième phase de l'état d'urgence dès le vendredi 22 juillet 2016 à zéro heure, et ce pour une durée de six mois, avec une réactivation de la possibilité pour les autorités compétentes d'ordonner des perquisitions administratives. Contrairement aux textes de loi adoptés en février et mai 2016, dont la vocation était strictement limitée à la prorogation de l'état d'urgence, le Parlement, en grande partie à l'initiative du Sénat, a enrichi le texte de prorogation du mois de juillet 2016 avec de nombreuses dispositions de fond tendant à renforcer les prérogatives des autorités administratives dans le cadre de l'état d'urgence et à améliorer les outils de droit commun dans le domaine de la lutte antiterroriste.

La fin de la quatrième phase de l'état d'urgence aurait dû intervenir le 22 janvier 2017 à minuit. Toutefois, la démission du Gouvernement de M. Manuel Valls 11 ( * ) , le 6 décembre 2016, a provoqué une anticipation de cette échéance puisque, selon l'article 4 de la loi du 3 avril 1955, « la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ». L'état d'urgence aurait donc dû cesser le jeudi 22 décembre 2016 en l'absence d'un nouveau texte législatif de prorogation entrant en vigueur avant cette date.

Le Parlement a par conséquent été saisi, dès la semaine du 12 décembre 2016, d'un nouveau projet de loi de prorogation, adopté par le Sénat le 15 décembre dans les mêmes termes que ceux de l'Assemblée nationale.

Conformément à la loi du 19 décembre 2016 12 ( * ) , la cinquième phase de l'état d'urgence est entrée en vigueur le 22 décembre 2016 à zéro heure jusqu'au 15 juillet 2017 13 ( * ) . Pour éviter que l'état d'urgence cesse de s'appliquer en raison des démissions du Gouvernement qui interviennent systématiquement après les résultats des élections présidentielle et législatives, la loi du 19 décembre 2016 14 ( * ) a prévu expressément que l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 ne serait pas applicable en cas de démission du Gouvernement consécutive à l'élection du Président de la République ou à celle des députés à l'Assemblée nationale au cours de la cinquième phase.

B. BILAN DES MESURES DE POLICE ADMINISTRATIVE PRISES AU COUR DE LA CINQUIÈME PHASE

Comme votre rapporteur avait eu l'occasion de le souligner lors de l'examen du dernier projet de loi de prorogation, en décembre 2016, l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 a permis aux instances de contrôle mises en place par chacune des commissions des lois des deux assemblées d'opérer un suivi plus fin des mesures de police administrative de l'état d'urgence. En effet, depuis le début de la quatrième phase, en application de l'article 4-1 de la loi du 3 avril 1955, le comité de suivi de l'état d'urgence constitué par votre commission est destinataire d'une copie de l'ensemble des actes administratifs pris en application de l'état d'urgence.

Cette transmission permet ainsi à votre rapporteur d'avoir une vision exhaustive de ces mesures, d'en analyser la répartition par nature et par département et d'en apprécier la pertinence, notamment au vu de la motivation des actes, et l'efficacité au regard de la lutte antiterroriste.

Ce sont ainsi environ 2 500 actes, toutes mesures confondues de l'état d'urgence, qui ont été pris par les autorités administratives entre le 22 décembre 2016 et le 28 juin 2017. Sur le plan territorial, 32 départements métropolitains ne sont pas du tout concernés par les mesures de l'état d'urgence, les départements et collectivités d'outre-mer étant très peu touchés par celles-ci 15 ( * ) .

1. Une utilisation plus ciblée des perquisitions administratives

Régies par le I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, les perquisitions administratives constituent l'un des principaux pouvoirs de police reconnus aux autorités administratives dans le cadre de l'état d'urgence. Ordonnées par les préfets, les perquisitions administratives ne sont applicables que si le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence le prévoit expressément. Depuis le 14 novembre 2015, une telle disposition expresse a été systématiquement prévue, exception faite de la troisième phase de l'état d'urgence.

En vertu de ces dispositions, le préfet peut ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Une perquisition ne peut être ordonnée dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes.

Le cadre juridique des perquisitions administratives a été profondément revu à l'occasion de la loi de prorogation du 20 novembre 2015, puis précisé par la loi 21 juillet 2016, laquelle a rétabli la possibilité de procéder à des saisies de données informatiques 16 ( * ) , mais également par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Ainsi, l'article 38 de la loi du 28 février 2017 a encadré les conditions dans lesquelles des perquisitions administratives peuvent être effectuées la nuit. Ces dispositions, qui transposent la jurisprudence du Conseil constitutionnel 17 ( * ) , précisent que de telles perquisitions ne peuvent être ordonnées entre 21 heures et 6 heures que sur « motivation spéciale de la décision de perquisition fondée sur l'urgence ou les nécessités de l'opération ». Ainsi, parmi les 83 perquisitions administratives réalisées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 28 février 2017, seules quatre ont été réalisées entre 21 heures et 6 heures.

Si 612 perquisitions administratives ont été ordonnées entre le 22 juillet et le 21 décembre 2016, ce nombre est redescendu à 161 au cours de la cinquième phase 18 ( * ) , ce qui témoigne d'une utilisation moins intensive de cet outil.

Ce sont ainsi 33 perquisitions qui ont été décidées dans le département des Alpes-Maritimes, 15 dans le Val-d'Oise, 9 dans le Nord, 8 dans l'Essonne, 6 dans les départements de Seine-et-Marne et des Hauts-de-Seine. Dans les autres départements, peu de mesures ont été prescrites par les préfets (entre 1 et 5 perquisitions dans une quarantaine de départements).

D'après les informations fournies par le ministère de l'intérieur au titre du contrôle parlementaire de l'état d'urgence, ces perquisitions ont donné lieu à une vingtaine de suites judiciaires, dont certaines pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ou pour apologie du terrorisme.

Au-delà des suites judiciaires, le Gouvernement fait valoir que l'intérêt des perquisitions administratives réside également dans la possibilité de saisir la copie des données informatiques, voire les terminaux eux-mêmes si la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la perquisition, dès lors que la perquisition « révèle l'existence d'éléments, notamment informatiques, relatifs à la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée ». Le Gouvernement indique ainsi qu'au cours de la cinquième phase de l'état d'urgence, l'exploitation des données informatiques saisies, puis exploitées après autorisation du juge des référés du tribunal administratif compétent ou, le cas échéant, du Conseil d'État, « a permis de percer à jour certains projets terroristes ou d'identifier certains profils particulièrement dangereux, lesquels ont pu ensuite faire l'objet de suites judiciaires alors même que les éléments détenus initialement n'avaient pas permis d'envisager une perquisition judiciaire ».

Interrogés par votre rapporteur, les services du ministère de l'intérieur lui ont indiqué qu'à l'occasion des perquisitions réalisées au cours de la cinquième phase, 84 d'entre elles ont donné lieu à des consultations de données informatiques sur le lieu perquisitionné, 14 à des copies de données informatiques et 27 à des saisies de matériels informatiques.

S'agissant des 14 cas de copies de données informatiques sur des supports pendant les perquisitions :

- 6 ont donné lieu à un accord d'exploitation par le juge des référés ;

- dans les 8 autres cas, le ministère de l'intérieur ne dispose pas des informations.

S'agissant des 27 saisies de matériels informatiques :

- 19 ont donné lieu à une saisine du juge des référés 19 ( * ) ;

- 4 ont ensuite fait l'objet de suites judiciaires, la saisie ayant alors été traitée dans ce cadre ;

- pour les 4 autres saisies, le ministère de l'intérieur n'a pu fournir de précisions à votre rapporteur.

Les perquisitions administratives ont donné lieu à un abondant contentieux administratif de fond, la procédure du référé étant sans objet pour ce type de mesure. Ainsi, du 14 novembre 2015 au 31 décembre 2016, 4 367 perquisitions ont été ordonnées. Sur ce total, 115 requêtes en annulation ont été déposées devant les juridictions administratives. À ce jour, 78 décisions ont été rendues et ont conduit à l'annulation de 31 perquisitions. Préalable obligatoire à l'introduction d'un contentieux de la responsabilité devant les juridictions administratives, 241 demandes d'indemnisation, représentant un montant global de 1,095 million d'euros, ont été formulées auprès des préfectures. 51 de ces demandes ont été acceptées, pour un montant de 46 241 euros, 144 refus ont été signifiés et 46 demandes sont en cours d'instruction.

2. Les assignations à résidence à l'épreuve de leur nouveau cadre juridique relatif à leur durée

En application de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu 20 ( * ) qu'il fixe, de toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Il appartient à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur d'instruire les dossiers d'assignation, en liaison avec les services de sécurité intérieure, et d'en suivre les aspects contentieux.

Le ministre de l'intérieur a en outre la possibilité d'assortir l'assignation à résidence de mesures complémentaires, en particulier :

- faire conduire la personne sur le lieu de l'assignation à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie ;

- astreindre la personne à demeurer dans le lieu d'habitation qu'il a déterminé, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures ;

- obliger la personne à se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ;

- ordonner la remise à ces services du passeport ou de tout document justificatif de l'identité, en échange de quoi il est délivré à la personne un récépissé valant justification de son identité sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document ;

- interdire à la personne assignée à résidence de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Cette interdiction est levée dès qu'elle n'est plus nécessaire ;

- placer, sous certaines conditions, la personne sous surveillance électronique mobile.

Le cadre juridique des assignations à résidence a été profondément modifié à l'occasion de la loi de prorogation du 19 décembre 2016 et de la loi du 28 février 2017.

a) La limitation dans le temps de la durée d'assignation à résidence

La loi de prorogation du 19 décembre 2016 a limité dans le temps la durée totale d'assignation à résidence au cours du même état d'urgence. L'Assemblée nationale et le Sénat se sont ainsi mis d'accord sur une limitation à douze mois maximum de la durée totale d'assignation à résidence 21 ( * ) .

Conformément à l'article 2 de cette loi, le ministre de l'intérieur aurait cependant eu la possibilité de dépasser cette limite en demandant au juge des référés du Conseil d'État l'autorisation de prolonger l'assignation à résidence pour une durée maximale de trois mois, le juge statuant « au vu des éléments produits par l'autorité administrative faisant apparaître les raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Une nouvelle demande aurait pu être formulée, dans les mêmes conditions, à l'issue d'une prolongation.

Toutefois, dans sa décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 ( M. Sofiyan I. ), le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions partiellement contraires à la Constitution en jugeant que la compétence attribuée au juge des référés du Conseil d'État par la loi, en ce qu'elle attribuait « au Conseil d'État statuant au contentieux la compétence d'autoriser, par une décision définitive et se prononçant sur le fond, une mesure d'assignation à résidence sur la légalité de laquelle il pourrait ultérieurement avoir à se prononcer comme juge en dernier ressort », méconnaissait « le principe d'impartialité et le droit à exercer un recours juridictionnel effectif ».

Dans ces conditions, il résulte de la censure opérée par le Conseil constitutionnel qu'il appartient au ministre de l'intérieur de décider de prolonger, pour une durée maximale de trois mois renouvelable, une assignation à résidence dont la durée excèderait douze mois, au regard de conditions définies par le Conseil dans sa décision 22 ( * ) , c'est-à-dire « sous réserve, d'une part, que le comportement de la personne en cause constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, d'autre part, que l'autorité administrative produise des éléments nouveaux ou complémentaires, et enfin que soient prises en compte dans l'examen de la situation de l'intéressé la durée totale de son placement sous assignation à résidence, les conditions de celle-ci et les obligations complémentaires dont cette mesure a été assortie ».

b) Les compléments apportés par la loi du 28 février 2017

Dans le prolongement des propositions formulées par M. Dominique Raimbourg dans son rapport d'information sur l'état d'urgence 23 ( * ) , l'Assemblée nationale a introduit plusieurs aménagements des dispositions relatives aux assignations à résidence dans le projet de loi relatif à la sécurité publique, qui ont tous recueilli l'accord du Sénat.

Selon les modifications prévues à l'article 38 de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique :

- le périmètre géographique de l'assignation doit tenir compte de la vie familiale et professionnelle de la personne ;

- le procureur de la République compétent est informé sans délai de toute mesure d'assignation à résidence, des modifications qui y sont apportées et de son abrogation ;

- le ministre de l'intérieur peut déléguer au préfet territorialement compétent le soin de modifier le lieu et la plage horaire de l'astreinte à demeurer dans un lieu d'habitation déterminé, ainsi que les horaires, la fréquence et le lieu de l'obligation de présentation périodique aux services de police ou aux unités de gendarmerie.

c) Le bilan statistique des assignations à résidence

À la fin de la première phase de l'état d'urgence, le 25 février 2016, 268 personnes faisaient l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence en vigueur 24 ( * ) . À la fin de la deuxième phase, le 25 mai 2016, 68 arrêtés d'assignation à résidence étaient en vigueur, 75 arrêtés à la fin de la troisième phase, le 21 juillet 2016, et 91 arrêtés à la fin de la quatrième phase.

Depuis le démarrage de la cinquième phase, le 22 décembre 2016, 90 arrêtés d'assignation à résidence ont été pris et 63 personnes demeuraient assignées à résidence au 28 juin 2017 , les abrogations résultant le plus souvent de l'incarcération des individus concernés pour non-respect des obligations de leur assignation ou dans le cadre de poursuites judiciaires pour d'autres faits. Dans cinq cas, la fin de l'assignation a résulté d'une ordonnance de suspension prise par le juge administratif. Par ailleurs, certains arrêtés d'assignation à résidence, d'une durée supérieure à douze mois, n'ont pas fait l'objet d'un renouvellement.

Parmi ces 63 personnes, 25 ont été assignées à résidence pour la première fois au cours de la cinquième phase, tandis que 30 ont vu leur assignation renouvelée lors de la prorogation de l'état d'urgence à compter du 22 décembre 2016 et 8 ont été à nouveau assignées après une interruption liée à une incarcération.

L'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la limitation dans le temps de la durée totale d'assignation à résidence, dans les conditions définies par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 16 mars 2017, ayant été fixée au 22 mars 2017 25 ( * ) , les services du ministère de l'intérieur ont procédé à la prolongation pour trois mois de 13 des 19 assignations à résidence qui se prolongeaient depuis plus d'un an. Cette première période de prorogation ayant pris fin à partir du 22 juin dernier, le ministère de l'intérieur a repris des arrêtés d'assignation à résidence pour une nouvelle durée de trois mois pour 7 personnes.

Au total, sur les 63 personnes demeurant assignées à résidence :

- 11 l'étaient depuis plus d'un an ;

- 24 depuis 6 à 12 mois ;

- 28 depuis moins de 6 mois.

Une partie des personnes assignées à résidence font l'objet de mesures administratives complémentaires. Ainsi, sur les 63 personnes concernées :

- 25 font l'objet d'une mesure d'interdiction de sortie du territoire (IST) 26 ( * ) ;

- 5 sont frappées par un arrêté de gel d'avoirs et 2 dossiers sont en cours d'étude ;

- 7 dossiers d'éloignement sont en cours d'étude, dont l'un est suspendu en raison d'une procédure judiciaire. En outre, un arrêté d'assignation à résidence, pris sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été pris, de même qu'un autre arrêté à l'encontre d'une personne avant son éloignement, dans l'attente de la délivrance d'un laisser-passer consulaire.

Par ailleurs, parmi les personnes dont l'assignation à résidence au-delà d'un an n'a pas été renouvelée, une fait l'objet d'une mesure d'IST et deux dossiers sont en cours d'instruction.

Depuis le 22 décembre 2016, les arrêtés d'assignation à résidence ont fait l'objet de 59 recours devant les juridictions administratives :

- 40 recours en référé, ayant conduit dans cinq cas à la suspension de la mesure par le juge administratif ;

- 19 recours pour excès de pouvoir, dont quatre ont conduit au rejet de la requête, les autres contentieux étant toujours en cours.

Votre rapporteur tient à souligner les difficultés qui vont résulter du nouveau cadre juridique relatif à la prolongation des assignations à résidence au-delà d'un délai de douze mois, tel qu'il résulte de la décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017. En effet, alors que le législateur avait souhaité qu'une prolongation de trois mois d'une assignation soit conditionnée au fait « que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics » 27 ( * ) , le Conseil constitutionnel, dans sa réserve d'interprétation, a notamment exigé des « éléments nouveaux ou complémentaires » et « que le comportement de la personne en cause constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics » , ce qui est évidemment plus rigoureux.

Comme votre rapporteur l'avait anticipé dans son rapport 28 ( * ) sur le précédent projet de loi de prorogation de l'état d'urgence 29 ( * ) : le plus souvent, « il n'existera pas d'éléments nouveaux de nature à justifier le maintien de la mesure [d'assignation à résidence], alors même que le comportement des intéressés continue à présenter un risque pour la sécurité et l'ordre publics, sans pour autant qu'il existe des éléments permettant de judiciariser leur situation ». Ainsi, votre rapporteur avait considéré que « certaines personnes ayant fait l'objet d'une assignation à résidence peuvent présenter une réelle dangerosité pour la société, comme le démontre le nombre élevé d'assignés - quatorze - qui ont été incarcérés » au cours de la quatrième phase de l'état d'urgence. En conséquence, il ne jugeait pas « souhaitable que l'autorité administrative, qui a déjà jugé utile de renouveler ces assignations à trois reprises depuis le mois de novembre 2015, se trouve dépourvue de moyens de contrôle des personnes concernées alors même que l'état d'urgence continuerait à être applicable ».

Ces analyses semblent s'être avérées exactes si l'on se réfère aux dernières décisions des juridictions administratives. Ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu, par ordonnances en date du 16 juin 2017, deux nouvelles prolongations pour trois mois d'assignations à résidence prises sur le fondement des dispositions résultant de la loi du 19 décembre 2016. Le ministre de l'intérieur ayant fait appel de ces deux décisions, le juge des référés du Conseil d'Etat 30 ( * ) a confirmé les ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Lille et rejeté l'appel du ministre au motif que « le ministre ne fait état dans son recours d'aucun élément nouveau ou complémentaire intervenu depuis le 20 mars 2017 de nature à établir la persistance de la menace » que présenteraient les intéressés et qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date des ordonnances, le comportement des intéressés « constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ».

Votre rapporteur craint par conséquent que le nouveau cadre juridique des assignations à résidence résultant de la décision du 16 mars 2017 du Conseil constitutionnel ne conduise en pratique à rendre très difficile toute prolongation d'assignation au-delà d'un délai d'un an.

3. L'utilisation des autres mesures de l'état d'urgence

La loi du 3 avril 1955 donne de nombreuses prérogatives aux autorités administratives : créer des zones de protection au sein desquelles la circulation des personnes et des véhicules est réglementée ou interdire à une personne de séjourner dans certains lieux (article 5) ; ordonner la remise des armes et des munitions relevant des catégories A à C, ainsi que de celles soumises à enregistrement relevant de la catégorie D (article 9). Ces mesures ont été peu utilisées depuis le 22 décembre 2016 avec la création de 18 zones de protection et l'édiction de 48 interdictions de séjour 31 ( * ) .

La loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 a par ailleurs élargi les pouvoirs de l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence.

Les préfets ont désormais la possibilité d'ordonner des contrôles d'identité, l'inspection visuelle et la fouille des bagages et la visite des véhicules, alors que cette prérogative est, dans le droit commun, conférée aux officiers de police judiciaire, à leur initiative et sous le contrôle du procureur de la République ou sur réquisitions de ce dernier.

Cette faculté demeure assez largement utilisée avec, à la date du 28 juin 2017, 2 082 mesures prises dans 24 départements. L'importance du nombre d'arrêtés ne doit cependant pas masquer une assez grande disparité des situations constatées localement puisque 8 départements sont à l'origine de 90 % de ces mesures, avec 503 en Saône-et-Loire, 484 dans le Nord, 457 décisions en Seine-et-Marne, 232 dans le Calvados, 78 à Paris, 65 dans le Haut-Rhin ainsi que dans le Val-d'Oise et 60 dans le Loiret. Dans les 16 autres départements, le nombre de contrôles ordonnés par les préfets varie entre un et quarante.

Avec la loi du 21 juillet 2016, le législateur a également explicité les dispositions de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 donnant à l'autorité administrative la possibilité de procéder à la fermeture des lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. Sur ce fondement, 4 nouvelles décisions de fermeture ont été prises :

- le 21 décembre 2016 32 ( * ) , à l'encontre d'une salle de prière dans les Yvelines (Ecquevilly) ;

- le 31 janvier 2017, à l'encontre d'une salle de prière dans les Bouches-du-Rhône (Aix-en-Provence) ;

- le 5 avril 2017, à l'encontre d'une mosquée dans l'Hérault (Sète) ;

- le 10 avril 2017, à l'encontre d'une mosquée en Seine-et-Marne (Torcy). L'association « Rahma de Torcy Marne-la-Vallée » qui assurait la gestion de cette mosquée a ensuite fait l'objet d'une dissolution, le 4 mai dernier, par décret en conseil des ministres 33 ( * ) en application de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.

En outre, neuf salles de prière ou mosquées ayant fait l'objet d'une décision de fermeture prises au cours des phases précédentes de l'état d'urgence ont vu la décision de fermeture renouvelée au cours de la cinquième phase 34 ( * ) . L'association gérant la mosquée de Lagny-sur-Marne, laquelle avait d'abord fait l'objet d'une mesure de fermeture, a également été dissoute par décret pris en conseil des ministres 35 ( * ) . Enfin, deux mosquées ayant fait l'objet d'une fermeture ont ensuite été rouvertes.

Toujours en application de dispositions introduites par la loi du 21 juillet 2016, l'autorité administrative a désormais la possibilité d'interdire les cortèges, défilés et rassemblements dont elle n'est pas en mesure d'assurer la sécurité compte tenu des moyens dont elle dispose. À ce titre, 16 décisions préfectorales de cette nature ont été prises, dont 15 par le préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord.

Au total, exception faite des mesures relatives aux contrôles d'identité, l'usage des mesures de l'état d'urgence, autres que les perquisitions administratives et assignations à résidence, a été plutôt modéré depuis le 22 décembre 2016.

II. LA SIXIÈME PROROGATION DE L'ÉTAT D'URGENCE

A. LE CONTEXTE DE CETTE PROROGATION

L'article 1 er de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 a prorogé l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017. Comme votre rapporteur l'a rappelé en introduction, la dernière prorogation de l'état d'urgence avait été effectuée dans la perspective de garantir un haut niveau de sécurité pendant la période électorale du premier semestre 2017, dans un contexte de menace terroriste qui demeure à un niveau élevé.

C'est à l'issue d'un conseil de défense et de sécurité nationale, réuni le 24 mai dernier, deux jours après l'attentat survenu à Manchester au Royaume-Uni, que le Premier ministre a fait part de la décision du Président de la République de saisir le Parlement d'un nouveau projet de loi de prorogation de l'état d'urgence pour une durée limitée, jusqu'au 1 er novembre 2017, correspondant au temps nécessaire à l'examen d'un projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte antiterroriste.

Lors du conseil des ministres du 22 juin 2017, le Gouvernement a ainsi adopté deux projets de loi déposés sur le bureau du Sénat, le premier ayant pour seul objet de proroger l'état d'urgence jusqu'au 1 er novembre 2017 et le second comportant des dispositions tendant à renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

B. UNE MENACE TERRORISTE QUI DEMEURE ÉLEVÉE

Comme le souligne le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi, bien que les actions militaires conjuguées de la coalition internationale, de l'armée irakienne et des combattants kurdes aient permis de réduire sensiblement la zone d'influence de l'organisation terroriste Daech , la menace terroriste en France et en Europe demeure à un niveau particulièrement élevé. Ainsi, la France a été frappée à de nombreuses reprises par des actes terroristes au cours des derniers mois, actes visant spécifiquement les membres des forces de sécurité intérieure, qu'il s'agisse des patrouilles Vigipirate de l'armée 36 ( * ) , des policiers 37 ( * ) , l'un de ces actes occasionnant la mort d'un gardien de la paix, ou des gendarmes 38 ( * ) .

En outre, comme le précise également le Gouvernement, à ces attentats, « s'ajoutent plusieurs opérations menées dans le cadre de la lutte anti-terroriste par les services de renseignement et les forces de police et de gendarmerie, certaines d'entre elles ayant permis de cibler des groupes aux projets parfois bien avancés ». Ainsi, certaines arrestations effectuées ont mis à jour des projets d'attentats qui auraient pu s'appuyer sur des moyens considérables, à l'instar de celui de deux individus arrêtés le 18 avril dernier, « soupçonnés de préparer un attentat à Marseille et disposant d'un arsenal militaire important ».

La France ne demeure pas le seul pays ciblé, comme en attestent les attentats malheureusement commis en Allemagne les 19 décembre 2016 et 9 mars 2017, au Royaume-Uni les 22 mars, 22 mai et 3 juin 2017, en Russie le 3 avril et en Suède le 7 avril 2017, ainsi qu'en Belgique où une tentative d'attentat dans la gare centrale de Bruxelles, n'ayant occasionné aucune victime grâce à l'intervention des forces de l'ordre, a été commise le 20 juin dernier.

De même qu'en France, le Gouvernement fait valoir que « trois projets d'attentats ont par ailleurs été déjoués en Europe : un premier à Anvers le 23 mars, un individu tentant là encore de foncer sur les passants d'une grande artère commerçante de la ville ; un deuxième à Venise le 30 mars, où quatre individus ont été arrêtés en raison d'un projet d'attentat sur le pont du Rialto ; un troisième à Londres le 27 avril, où un homme a été arrêté en possession de plusieurs armes blanches alors qu'il se trouvait à proximité du Parlement ».

Dans le contexte d'une menace protéiforme, qu'elle provienne de réseaux de l'organisation terroriste Daech ou d'individus isolés, dotés de peu de moyens et utilisant des modes opératoires primaires ayant « comme objectif de pouvoir frapper fortement les pays de la coalition par des attentats », le Gouvernement considère donc que le régime de l'état d'urgence est encore nécessaire jusqu'au 1 er novembre 2017.

C. L'EFFICACITÉ DES MESURES DE L'ÉTAT D'URGENCE

D'une manière générale, le Gouvernement souligne que le régime de l'état d'urgence est « particulièrement efficace en ce qu'il dote l'État, qui peut s'appuyer sur les informations recueillies en matière de terrorisme par les services de renseignement placés sous son autorité, de pouvoirs d'action ciblés pour agir de manière rapide et efficace ». Ainsi en va-t-il des mesures prévues à l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 permettant la définition de périmètres de sécurité autour de sites sensibles ou à l'occasion d'événements pouvant constituer des cibles d'actes terroristes 39 ( * ) .

Les perquisitions administratives apportent elles aussi une contribution non négligeable à la lutte antiterroriste et ont permis ainsi de déjouer des actions en préparation. Grâce aux près de 4 400 perquisitions administratives conduites depuis le 14 novembre 2015, « 30 procédures judiciaires ont été ouvertes par la section anti-terroriste du parquet de Paris des chefs d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ou d'entreprise individuelle terroriste à la suite d'une perquisition administrative, que cette mesure ait ou non permis à elle seule de justifier l'ouverture de la procédure ».

Au-delà de ces éléments statistiques liés aux suites judiciaires des perquisitions administratives, le Gouvernement indique qu'il serait réducteur d'apprécier l'utilité de cet outil « par le seul prisme de leur nombre : en effet, si dans un premier temps, ces mesures sont intervenues massivement dans une optique de levée de doute et de déstabilisation de la mouvance radicale endogène, tel n'est plus le cas aujourd'hui, les perquisitions étant au contraire utilisées avec parcimonie mais de manière très ciblée, compte tenu de la possibilité de saisir les données, voire les terminaux informatiques ».

Ainsi en irait-il de profils d'individus « révélant une menace crédible nécessitant un traitement urgent, sans que l'accomplissement d'actes de procédure judiciaire ne soit possible ». C'est dans ce contexte que plusieurs individus ont été arrêtés, puis « judiciarisés », à la suite de perquisitions administratives conduites en divers points du territoire entre décembre 2016 et mai 2017.

Les nombreux exemples cités dans l'exposé des motifs du projet de loi illustreraient l'utilité des perquisitions administratives « en démontrant que ce type de mesure permet rapidement de confirmer ou de lever un doute sur une menace, ce qui serait impossible, ou du moins beaucoup plus complexe, par l'utilisation d'une technique de renseignement », cette utilité devant par ailleurs s'apprécier « en mettant en rapport, d'une part, le nombre de vies potentiellement épargnées par leur contribution à la mise en échec d'actions violentes, potentiellement meurtrières, et d'autre part, le caractère relatif de l'atteinte aux libertés publiques (137 mesures de perquisitions en 5 mois) ».

Enfin, le Gouvernement souligne que si l'état d'urgence accroît les prérogatives de l'autorité administrative en restreignant l'exercice des libertés publiques, « ce régime a néanmoins été considérablement encadré, tant par le législateur que par les juges constitutionnel et administratif, afin d'en garantir une utilisation conforme à l'État de droit ».

D. L'ANALYSE DU CONSEIL D'ÉTAT

L'article 1 er de la loi du 3 avril 1955 fixe comme critère autorisant la déclaration de l'état d'urgence l'existence d'une situation de « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

Dans son avis rendu sur le présent projet de loi lors de son assemblée générale tenue le 15 juin 2017, le Conseil d'État estime que subsiste une menace terroriste persistante d'intensité élevée qui caractérise « un péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public au sens de l'article 1 er de la loi du 3 avril 1955 » eu égard à « l'évolution de la situation dans les territoires de la zone irako-syrienne et à la présence en France d'individus adhérant aux objectifs de l'organisation terroriste qui contrôle une vaste partie de ces territoires », et compte tenu « des informations les plus récentes fournies par le Gouvernement ».

Il considère également que « le maintien temporaire des dispositions législatives propres à l'état d'urgence opère une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre la prévention des atteintes à l'ordre public et le respect des droits et libertés reconnus par la Constitution et se trouve justifié par les exigences de la situation présente, dans le respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ».

À cet égard, il estime que « le ressort géographique est proportionné et que la prorogation jusqu'au 1 er novembre 2017 n'apparaît pas inappropriée au regard des motifs la justifiant ».

Il juge enfin que le caractère durable de la menace pourra être traité grâce au renforcement des dispositions de droit commun permettant de lutter contre le terrorisme, tant celles qui ont d'ores et déjà été votées par le Parlement au cours de l'année 2016 que celles à venir dans le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte antiterroriste, destinées à permettre une sortie maîtrisée de l'état d'urgence, le cas échéant avant le 1 er novembre 2017, dans le cas où l'examen du texte serait achevé avant cette date.

III. LE TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION DU SÉNAT

A. LE PROJET DE LOI INITIAL

Le présent projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence a été adopté par le conseil des ministres du 22 juin 2017 et déposé le même jour sur le bureau du Sénat. Le Gouvernement a aussitôt engagé la procédure accélérée pour son examen.

Ce texte comporte un article unique s'articulant autour de trois paragraphes :

- le I proroge l'état d'urgence jusqu'au 1 er novembre 2017 ;

- ainsi que le requiert l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, le II prévoit expressément la possibilité pour les autorités administratives d'ordonner des perquisitions administratives au cours de cette nouvelle phase de prorogation ;

- enfin, le III prévoit, comme c'est désormais l'habitude, qu'il peut être mis fin à l'état d'urgence de manière anticipée par décret en conseil des ministres, le Gouvernement devant alors en rendre compte au Parlement.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Il n'est pas douteux que l'état de la menace terroriste dans notre pays caractérise une situation « de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public », au sens de l'article 1 er de la loi du 3 avril 1955, justifiant une nouvelle prorogation.

Toutefois, il n'en reste pas moins que notre pays vit sous état d'urgence depuis désormais plus de 19 mois et que la question qui se pose à ce stade est celle de l'efficacité de ce régime de pouvoirs exceptionnels au regard de la lutte antiterroriste et de celui du cadre de droit commun. Le Conseil d'État soulignait déjà, à l'occasion de l'examen du texte proposant la troisième prorogation (mai 2016) que « l'état d'urgence perd son objet, dès lors que (...) sont mis en oeuvre des instruments qui, sans être de même nature que ceux de l'état d'urgence, sont fondés sur des moyens de police administrative et judiciaire ayant vocation à répondre de façon permanente à la menace qui l'a suscité ».

Malgré le contrôle vigilant exercé par la juridiction administrative et le juge constitutionnel sur la mise en oeuvre de l'état d'urgence, une menace terroriste durable ne saurait être traitée par un régime de pouvoirs exceptionnels devenant permanent.

A l'inverse, le régime de droit commun ne saurait devenir identique à celui de l'état d'urgence destiné, par essence, à répondre à des situations exceptionnelles et temporaires. Par ailleurs, le contrôle parlementaire des autorités administratives y perdrait en force dans la mesure où l'exercice des prérogatives de police administrative hors état d'urgence ne donne pas lieu au même degré d'information des assemblées parlementaires.

Votre rapporteur relève que beaucoup a déjà été fait pour rendre plus efficace le cadre juridique de droit commun de la lutte antiterroriste. Tel était ainsi la philosophie retenue par le Président Philippe Bas et plusieurs de ses collègues dans une proposition de loi déposée dès le 17 décembre 2015 40 ( * ) , discutée et adoptée par le Sénat le 2 février 2016, dont l'essentiel des dispositions ont été intégrées dans la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale ainsi que dans la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

Il n'appartient pas au présent rapport d'analyser les dispositions proposées par le Gouvernement dans le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Votre rapporteur demeurera néanmoins attentif à ce que les dispositions inspirées de l'état d'urgence qui seront insérées dans le droit commun assurent une conciliation équilibrée entre les exigences résultant de la sauvegarde de l'ordre public et les droits et libertés constitutionnellement garantis.

Sous cette réserve, il a proposé à votre commission, qui l'a accepté, la prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 1 er novembre 2017.

Sur sa proposition, votre commission a adopté deux amendements de précision ainsi qu'un amendement du Gouvernement tendant à tirer les conséquences de la décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017 ( M. Émile L. ) du Conseil constitutionnel dans laquelle ce dernier a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 3° de l'article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relatives à l'interdiction de séjour. Cet ajout au texte du projet de loi initial a par ailleurs conduit votre commission à adopter un dernier amendement afin d'actualiser, à l'article 15 de la loi du 3 avril 1955, le compteur « outre-mer » pour rendre applicables les modifications relatives aux interdictions de séjour dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative (îles Wallis et Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises).

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 1er novembre 2017

Compte tenu des articles additionnels adoptés par votre commission, le texte qu'elle a établi compte désormais trois articles, alors que le projet de loi initial était composé d'un article unique.

Le I de l'article 1 er du projet de loi a pour effet de proroger l'état d'urgence, qui aurait dû cesser de s'appliquer à compter du 15 juillet 2017 à minuit, conformément à l'article 1 er de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016.

L'état d'urgence a été déclaré sur le territoire métropolitain le 14 novembre 2015, puis élargi aux outre-mer le 18 novembre 2015. Il a ensuite été prorogé pour une durée de trois mois à deux reprises, puis pour une durée de deux mois, pour une durée de six mois, avant de voir sa date de fin fixée au 15 juillet 2017.

À l'instar de la loi du 19 décembre 2016, la nouvelle prorogation soumise à l'appréciation du législateur est proposée par référence, non pas à une durée, mais à une date précise fixée au 1 er novembre 2017.

En revanche, contrairement aux cinq précédents textes de prorogation, le présent projet de loi ne précise pas la date de début de cette nouvelle phase de l'état d'urgence. Faute d'une telle précision, il pourrait en être déduit que le législateur a entendu que celle-ci démarre dès l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, soit le lendemain de sa publication au Journal officiel . Cette ambiguïté pourrait être source de difficultés administratives dans la mesure où certaines mesures de l'état d'urgence, qu'il s'agisse des assignations à résidence ou des décisions de fermeture de lieux de réunion, doivent être renouvelées lors du début d'une nouvelle phase si l'exécutif entend les maintenir en vigueur. Dans ces conditions, le présent projet de loi étant susceptible d'entrer en vigueur avant le 15 juillet prochain, date de fin de la cinquième phase selon les termes de la loi du 19 décembre 2016, les autorités administratives se verraient privées d'un délai de quelques jours supplémentaires leur permettant de renouveler les actes qu'elles souhaitent maintenir en application.

Ce raisonnement a conduit votre rapporteur à proposer à votre commission, qui l'a accepté, un amendement COM-1 tendant à insérer dans le I de l'article 1 er une précision en vertu de laquelle la sixième phase de l'état d'urgence débute le 16 juillet 2017 41 ( * ) . Dès lors, la cinquième phase de l'état d'urgence demeurera applicable jusqu'au 15 juillet prochain à minuit, sans qu'il puisse y avoir de doute à ce sujet.

Le II de l'article 1 er comporte la mention expresse requise par le I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 afin de donner à l'autorité administrative la possibilité d'ordonner des perquisitions administratives au cours de cette nouvelle période de prorogation de l'état d'urgence.

Enfin, à l'instar de ce qu'avaient prévu toutes les précédentes lois de prorogation du présent état d'urgence, le III prévoit qu'il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l'échéance du 1 er novembre 2017. En ce cas, il en serait rendu compte au Parlement.

Le Gouvernement fait valoir que cette faculté pourrait être utilisée dans le cas où l'examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme serait achevé avant la date du 1 er novembre 2017 42 ( * ) .

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-2 de son rapporteur sur le III puis a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (art. 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence) - Rétablissement des interdictions de séjour

L'article 2, introduit par votre commission à l'initiative du Gouvernement avec l'adoption de l' amendement COM-5 , tire les conséquences de la décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017 ( M. Émile L. ) du Conseil constitutionnel par laquelle ce dernier a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 3° de l'article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relatives à l'interdiction de séjour.

Dans sa rédaction actuelle, ce dispositif permet aux préfets d'interdire le séjour, dans tout ou partie du département dans lequel l'état d'urgence a été déclaré, de « toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics ».

Dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel a estimé qu'avec une telle rédaction, « le législateur a permis le prononcé d'une telle mesure sans que celle-ci soit nécessairement justifiée par la prévention d'une atteinte à l'ordre public ». Par ailleurs, il a considéré que « le législateur n'a soumis cette mesure d'interdiction de séjour, dont le périmètre peut notamment inclure le domicile ou le lieu de travail de la personne visée, à aucune autre condition et il n'a encadré sa mise en oeuvre d'aucune garantie ».

Par conséquent, le Conseil constitutionnel a jugé que « le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit de mener une vie familiale normale » et déclaré le 3° de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 contraire à la Constitution.

Considérant que l'abrogation immédiate de ces dispositions entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil constitutionnel a reporté au 15 juillet 2017 la date de cette abrogation pour permettre au législateur d'en tirer les conséquences.

L'amendement adopté par votre commission a pour objet de rétablir la possibilité pour les préfets de prendre des mesures d'interdiction de séjour, compte tenu de leur utilité en période d'état d'urgence, en respectant les prescriptions du Conseil constitutionnel.

En effet, depuis l'entrée en vigueur de l'état d'urgence le 14 novembre 2015, 618 mesures individuelles d'interdiction de séjour ont été prises par les autorités administratives. L'essentiel de ces mesures a été pris pendant les manifestations organisées pendant les débats relatifs au projet de loi « travail » au cours du printemps 2016 avec 438 mesures édictées (mais seulement 169 arrêtés ont été effectivement notifiés aux intéressés), et également pour assurer la sécurité de l'Euro 2016 (stades et « fan zones »). L'utilisation de cette prérogative a largement diminué au cours des deux dernières phases de l'état d'urgence avec 30 interdictions de séjour au cours de la quatrième phase et 48 mesures au cours de la cinquième phase.

La notion « d'entrave à l'action des pouvoirs publics » employée dans la loi du 3 avril 1955 étant en effet une notion très vaste dont l'utilisation pourrait être étendue à des personnes dont le comportement ne présente pas une menace pour l'ordre public, la rédaction retenue par le Gouvernement et votre commission privilégie la même référence qu'aux articles 6 (assignations à résidence) et 11 (perquisitions administratives) en prévoyant que l'interdiction de séjour peut être prise à l'encontre de toute personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Le nouveau cadre juridique précise également que l'arrêté doit énoncer la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s'applique, qui ne peut inclure le domicile de la personne intéressée.

Par ailleurs, le régime juridique des trois mesures prévues à l'article 5 du 3 avril 1955 (interdictions de circulation, zones de protection ou de sécurité, interdictions de séjour) est complété afin de prévoir qu'elles ne peuvent avoir pour finalité que la prévention de troubles à la sécurité et à l'ordre publics et qu'il doit être tenu compte, par l'autorité administrative, de la vie familiale et professionnelle des personnes susceptibles d'être concernées par ces mesures - obligation qui figure déjà à l'article 6 pour les mesures d'assignation à résidence.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé .

Article 3 (art. 15 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence) - Application outre-mer des modifications apportées au régime juridique de l'état d'urgence

L'insertion, à l'initiative du Gouvernement, de l'article 2 dans le texte du projet de loi afin de rétablir le dispositif des interdictions de séjour impose de modifier l'article 15 de la loi du 3 avril 1955, relatif à l'application outre-mer du régime juridique de l'état d'urgence.

L'article 3, dont l'introduction résulte de l'adoption de l' amendement COM-4 de votre rapporteur, a ainsi pour objet d'assurer l'application dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative (îles Wallis et Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises) des modifications apportées par l'article 2 du projet de loi au régime juridique des mesures de police administrative prévues à l'article 5 de la loi du 3 avril 1955. À cet effet, le « compteur outre-mer » 43 ( * ) , existant à l'article 15 de la loi du 3 avril 1955, a été actualisé.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 28 JUIN 2017

M. Michel Mercier , rapporteur . - Voilà la sixième fois que je rapporte un texte de prorogation de l'état d'urgence, qui a été mis en oeuvre par trois décrets pris en conseil des ministres le 14 novembre 2015, à la suite des attentats commis le 13 novembre. Avec cette nouvelle prorogation, cela porterait la durée de l'état d'urgence à deux ans, soit la période la plus longue que nous ayons connue sous la Vème République. D'où une certaine accoutumance...

M. Pierre-Yves Collombat . - Qui fait qu'il ne sert plus à rien !

M. Michel Mercier , rapporteur . - On s'accoutume à tout, mais vous serez d'accord qu'il ne faut pas s'habituer. C'est pourquoi le Gouvernement nous assure que ce sera « la der des der » puisqu'il présente concomitamment un texte visant à inscrire certaines mesures dans le droit commun, en les assortissant de garanties supplémentaires.

Cette sixième prorogation de l'état d'urgence est l'occasion de dresser le bilan de sa cinquième phase, qui a débuté le 22 décembre 2016. Cette phase mérite analyse, puisque tous les pouvoirs pouvant être confiés à l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence ont été utilisés, depuis l'assignation à résidence jusqu'à la perquisition administrative, pour un total, toutes mesures confondues, de 2 500 actes, pris entre le 22 décembre 2016 et le 28 juin 2017. Si le Conseil d'État, dans son avis, a jugé pertinente l'aire d'application retenue, qui englobe l'ensemble du territoire national, y compris l'outre-mer, je relève néanmoins que 32 départements n'ont pas utilisé ces pouvoirs.

J'en viens à quelques précisions sur les deux mesures les plus marquantes que sont la perquisition administrative et l'assignation à résidence.

La perquisition est l'un des principaux pouvoirs de police reconnus à l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence. Dans le droit commun, elle ne peut être pratiquée que sur décision d'une autorité judiciaire. Sous état d'urgence, elle peut être ordonnée par le préfet en tout lieu, y compris au domicile, lorsqu'il existe « des raisons de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ».

Le cadre juridique des perquisitions administratives a été revu tout au long de l'application de l'état d'urgence, jusqu'à l'article 38 de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, qui, encadrant les conditions dans lesquelles elles peuvent être effectuée de nuit, afin de transposer la jurisprudence du Conseil constitutionnel, précise que de telles perquisitions ne peuvent être ordonnées entre 21 heures et 6 heures que « sur motivation spéciale de la décision de perquisition, fondée sur l'urgence ou les nécessités de l'opération ». Ainsi, sur les 83 perquisitions administratives postérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 28 février 2017, seules 4 ont été effectuées de nuit.

Si 612 perquisitions administratives ont été ordonnées entre le 22 juillet et le 21 décembre 2016, ce nombre est redescendu à 161 au cours de la cinquième phase, dont 33 dans le département des Alpes-Maritimes, 15 dans le Val-d'Oise, 9 dans le Nord, 8 dans l'Essonne et 6 dans les départements de Seine-et-Marne et des Hauts-de-Seine. Je souligne, et je veux y insister, que très peu de perquisitions ont été conduites à Paris, pour une raison fort simple : le préfet de police de Paris et le procureur de la République se réunissent régulièrement et travaillent fort bien ensemble. Preuve que l'on peut rester dans le droit commun et être efficace - ceci dit sans anticiper une discussion à venir...

Les services du ministère de l'intérieur m'ont indiqué que, parmi les perquisitions réalisées au cours de cette cinquième phase, 84 ont donné lieu à des consultations de données informatiques, 14 à des copies de données informatiques, dont 6 ont donné lieu à un accord d'exploitation par le juge des référés - le ministère ne disposant pas d'information pour les autres cas - et 27 à des saisies de matériel informatique, dont 19 ont donné lieu à une saisine du juge des référés et 4 ont fait l'objet de suites judiciaires, la saisie ayant alors été traitée dans ce cadre - le ministère ne pouvant fournir d'information pour les quatre autres cas.

Les perquisitions administratives ont donné lieu à un abondant contentieux de fond - je rappelle que la procédure du référé est en l'espèce sans objet. Entre le 14 novembre 2015 et le 31 décembre 2016, 4 367 perquisitions ont été ordonnées. Sur ce total, 115 requêtes en annulation ont été déposées devant les juridictions administratives. À ce jour, 78 décisions ont été rendues et ont conduit à l'annulation de 31 perquisitions. À quoi sert l'annulation en pareil cas, me demanderez-vous ? Le défaut de base légale, notamment, autorise un recours en responsabilité pour indemnisation. De manière générale, 241 demandes d'indemnisation, représentant un montant global de plus d'un million d'euros, ont été formulées auprès des préfectures ; 51 de ces demandes ont été acceptées, pour un montant de 46 241 euros, 144 refus ont été signifiés et 46 demandes sont en cours d'instruction.

J'en arrive à l'assignation à résidence, qui s'inscrit dans un nouveau cadre bâti, au long de ces nombreux mois, par l'action conjuguée du Parlement, du juge constitutionnel et du juge administratif, et dont on verra, lorsqu'on en dressera le bilan, qu'il introduit beaucoup plus de contrôle que ce que prévoyait la loi de 1955.

De fait, en application de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Il a en outre la possibilité : d'assortir l'assignation à résidence de mesures complémentaires, en particulier de faire conduire la personne sur le lieu de l'assignation à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie ; d'astreindre la personne à demeurer dans le lieu d'habitation qu'il a déterminé, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures ; d'obliger la personne à se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine, dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; d'ordonner la remise à ces services du passeport ou de tout document justificatif de l'identité, en échange de quoi il est délivré un certificat tenant lieu de pièce d'identité ; d'interdire à la personne assignée à résidence de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ; de placer, sous certaines conditions, la personne sous surveillance électronique mobile.

Or, ce cadre juridique a été profondément modifié à l'occasion de la loi de prorogation du 19 décembre 2016 et de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

Se posait, en particulier, la question de la limitation dans le temps de l'assignation à résidence. La loi de prorogation du 19 décembre 2016 prévoit, au terme d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, que sa durée totale ne peut excéder douze mois au cours d'un même état d'urgence. Son article 2 ouvrait toutefois la faculté de dépasser cette limite, pour une durée maximale de trois mois, sur demande du ministre de l'intérieur et sur décision du juge des référés du Conseil d'État. Mais le Conseil constitutionnel, dans une décision sur une question prioritaire de constitutionnalité du 16 mars 2017 a déclaré ces dispositions partiellement contraires à la Constitution. Il résulte de cette censure qu'il appartient au ministre de l'intérieur de décider d'une prorogation au-delà de douze mois, pour une durée maximale de trois mois, au regard des conditions définies par le Conseil constitutionnel dans sa décision, c'est-à-dire « sous réserve, d'une part, que le comportement de la personne en cause constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, d'autre part, que l'autorité administrative produise des éléments nouveaux ou complémentaires, et enfin que soient prises en compte dans l'examen de la situation de l'intéressé la durée totale de son placement sous assignation à résidence, les conditions de celle-ci et les obligations complémentaires dont cette mesure a été assortie ». Ce qui compte, autrement dit, c'est la notion d'élément nouveau. Or, si élément nouveau il y a, l'autorité administrative ne peut le produire, au risque de brouiller les investigations ou les suivis en cours. On constate d'ailleurs que le juge des référés du Conseil d'État a annulé toutes les décisions de prolongation du ministre de l'intérieur. Restent aujourd'hui 63 personnes assignées à résidence, dont 11 depuis plus d'un an.

Parmi les autres mesures autorisées par l'état d'urgence, mentionnons la faculté reconnue au préfet, par la loi du 21 juillet 2016, d'ordonner des contrôles d'identité. L'utilisation de cette mesure reste géographiquement localisée : 2 070 mesures ont été prises dans 24 départements, mais huit sont à l'origine de 90 % d'entre elles : la Saône-et-Loire, pour 499, suivi par le Nord, pour 476 ; viennent ensuite la Seine-et-Marne et le Calvados, puis Paris, avec 78 mesures seulement, pour les raisons que j'ai dites.

Mentionnons également la possibilité de procéder, sous conditions, à la fermeture des lieux de culte, sur le fondement de laquelle quatre nouvelles décisions ont été prises et neuf décisions de fermeture ont été renouvelées.

Pour aller à l'essentiel, je dirai que la menace terroriste persiste, à haut niveau. Si certains attentats ont été déjoués, d'autres ont bel et bien été perpétrés, y compris autour de nous, en Grande-Bretagne, en Allemagne. Bref, la menace est élevée, ainsi que le souligne le Gouvernement.

Les pouvoirs dévolus à l'autorité administrative par l'état d'urgence sont-ils efficaces ? La réponse est oui, et notamment pour ce qui concerne les perquisitions administratives et les assignations à résidence. L'étude des données informatiques recueillies a permis aux autorités de police de déjouer des attentats et de poursuivre des individus qui s'apprêtaient très certainement à participer à des opérations terroristes.

Comme le souligne le Conseil d'État dans son avis rendu en assemblée générale le 15 juin 2017, « eu égard à la situation dans les territoires de la zone irako-syrienne et à la présence en France d'individus adhérant aux objectifs de l'organisation terroriste qui contrôle une vaste partie de ces territoires », la menace terroriste constitue bien, conformément aux termes de la loi de 1955, « un péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ». Il a donné par conséquent un avis favorable à la prorogation de l'état d'urgence.

Je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption de ce texte. Nos concitoyens attendent des mesures de sécurité : personne ne comprendrait que l'on interrompe l'état d'urgence aujourd'hui. Quant au texte renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme que nous serons bientôt appelés à examiner, et qui se veut, au-delà de cette prorogation, une réponse, peut-être en est-il une. Mais il soulève quelques interrogations. Le péril lié à « l'évolution de la situation dans les territoires de la zone irako-syrienne et à la présence en France d'individus adhérant aux objectifs de l'organisation terroriste qui contrôle une vaste partie de ces territoire », évoqué par le Conseil d'État ne sera pas conjuré en novembre prochain. Un texte de droit commun permettra-t-il de répondre aux exigences de ce double péril ? Quand on est dans l'état d'urgence, on y est, quand on n'y est plus, on n'y est plus... N'est-ce pas ce qu'il faut lire dans cet avis ? Nous aurons l'occasion d'en reparler.

En attendant, je vous proposerai d'adopter ce texte de prorogation, avec quelques amendements, visant à préciser la date de début de la prorogation - c'est important -, à prendre en compte la décision récente du Conseil constitutionnel sur les interdictions de séjour prises sur le fondement du 3° de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955, comme le fait également un amendement du Gouvernement, plus englobant, au profit duquel je suis tenté de retirer le mien, et à mettre à jour certaines dispositions relatives à l'outre-mer.

M. Philippe Bas , président . - Je me souviens de nos délibérations du 13 juillet 2016. Nous avions alors estimé, sur le fondement de votre bilan, qu'il convenait de mettre fin à l'état d'urgence. C'était la veille de l'attentat de Nice. On a beaucoup reproché au Président de la République son discours du 14 juillet, qui adoptait la même position : l'honnêteté m'oblige à reconnaître que c'est une position que nous partagions.

Je ne regrette pas, pour autant, cette position d'alors. Nous sommes toujours, bien sûr, en situation de péril imminent, mais il ne suffit pas que la situation justifie l'état d'urgence pour que l'état d'urgence soit utile. Nous avions de fait observé l'an dernier que les mesures mises en oeuvre à partir de novembre 2015 avaient, au bout de quelques mois, perdu en efficacité ; une efficacité devenue presque nulle à mesure que le temps passait. Je pense notamment aux perquisitions : ceux qui se sentent potentiellement visés prennent leurs dispositions.

Je rappelle que l'état d'urgence peut être rétabli à tout moment, par décret. Une règle parfois méconnue de nos concitoyens qui en viennent à penser que lever l'état d'urgence, c'est lever la garde. Il faut prendre en compte cette perception. Mais nous sommes installés dans l'idée que l'on ne pourra en sortir qu'en inscrivant certaines mesures propres à l'état d'urgence dans le droit commun : le texte à venir s'inspire de cette philosophie dangereuse, pour ne pas dire erronée. Nous avons su prendre l'initiative de renforcer les mesures de lutte antiterroriste. C'est ainsi que nous avons introduit dans la loi du 3 juin 2016 la plupart des mesures contenues dans notre proposition de loi relative à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée qui nous tenaient à coeur, et nous les avons complétées encore dans la loi du 21 juillet 2016 sur l'état d'urgence. Nous nous sommes donc toujours montrés attentifs aux attentes des gouvernements successifs, en renforçant les moyens de la police et de la justice. Pour autant, l'idée que l'on ne pourrait sortir de l'état d'urgence qu'en renforçant encore cet arsenal de mesures me paraît dangereuse. Il y a des inconvénients à prendre des mesures restrictives des libertés applicables dans des temps ordinaires. L'avantage de l'état d'urgence, comme l'ont montré les abondantes jurisprudences du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel, est qu'il est assorti d'un contrôle juridictionnel très resserré, et que son application comporte un contrôle parlementaire régulier, comme en témoignent les mesures de suivi que nous avons prises, ce qui n'est pas le cas des mesures permanentes restrictives des libertés publiques.

Nous serons donc très attentifs au texte à venir. S'il faut des mesures efficaces, celles que prévoit l'état d'urgence le sont davantage. Sans oublier qu'il peut être rétabli à tout moment. Sans préjuger de ce que sera la position de la commission des lois, nous serons nombreux à estimer que s'il existe sans doute des marges de progression dans les moyens reconnus à la police et à la justice, on peut y remédier sans s'inscrire dans la philosophie qui a semblé à l'oeuvre dans la préparation du texte du ministre de l'intérieur.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je dois dire que je m'étonne du mode de raisonnement qui préside trop souvent à nos travaux. Hier, la garde des sceaux, après nous avoir dit que les élus, dans leur grande majorité, étaient gens honnêtes, concluait qu'il faut les traiter comme des délinquants potentiels. Aujourd'hui, M. Mercier, après nous avoir cité l'exemple de Paris pour témoigner de l'efficacité d'un traitement ordinaire de la sécurité, nous dit qu'il faut prolonger l'état d'urgence. Demain, sous prétexte de sortir de l'état d'urgence, on va nous proposer d'enterrer éternellement les libertés.

Dire que les Français ne comprendraient pas que l'on ne reconduise pas l'état d'urgence relève, à mon sens, de la démagogie. Quand on juge que quelqu'un ne comprend pas, ne vaut-il pas mieux s'efforcer d'expliquer ? D'autant plus que nous sommes confrontés à des formes d'attentats très différentes, tant dans leurs modalités qu'au regard des raisons pour lesquelles ils sont perpétrés, de ceux qui demandaient un traitement essentiellement policier. Les acteurs sont connus, mais on peine à les suivre. Qui pourrait passer à l'acte ?

Quelle a été l'évolution des libertés depuis dix ou vingt ans ? J'aimerais que nous procédions à une évaluation, pour voir ce qu'il s'est passé, et réagir avant qu'il ne soit trop tard.

M. François Bonhomme . - Merci de ce rapport et des chiffres que vous nous avez fournis : ils donnent une juste appréciation de l'effet d'une prorogation. Je me pose cependant une question : pourquoi proroger pour une durée de trois mois et demi ?

Vous avez souligné l'efficacité du travail mené en bonne intelligence par le procureur de la République et le préfet de police de Paris. Une telle pratique peut-elle être étendue ? Et si tel n'est pas le cas, faut-il considérer qu'il existe de fait deux régimes, l'un pour Paris, l'autre pour le reste du territoire ?

M. Alain Marc . - Je voterai la prorogation. Je m'inquiète, comme rapporteur pour avis des crédits budgétaires affectés à la mission « Sécurités », d'un phénomène sur lequel m'ont alerté des officiers supérieurs de gendarmerie : le nombre d'armes de guerre qui circulent en France. Or, seuls les douaniers sont autorisés à ouvrir des véhicules, sauf cas de perquisition judiciaire ou administrative, lesquelles exigent un cadre temporel précis et un lieu prédéterminé. Je souhaite que nous trouvions, dans les mois à venir, les voies et moyens juridiques de faciliter l'ouverture des coffres de véhicules par les gendarmes et les policiers.

M. Jacques Bigot . - Le 19 février 2016, nous étions appelés à proroger l'état d'urgence jusqu'à l'adoption de la loi du 3 juin 2016. On se souvient, ensuite, des déclarations du Président de la République, le 14 juillet 2016, jugeant que notre arsenal, désormais efficace, nous permettait de sortir de l'état d'urgence. Est venu l'attentat de Nice, et l'état d'urgence a été prorogé.

Dans un ouvrage intitulé Révolution , l'actuel président de la République écrivait, en novembre 2016, que l'on ne pouvait vivre en permanence dans un régime d'exception, qu'il fallait donc en revenir au droit commun, tel que renforcé par le législateur. « Nous avons tout l'appareil législatif permettant de répondre, dans la durée, à la situation qui est la nôtre », ajoutait-il. Mais aux mêmes causes, les mêmes effets : après les attentats commis en Grande-Bretagne et sur notre territoire par des individus isolés, voilà qu'il demande à son tour une prorogation, ajoutant qu'il va renforcer notre arsenal législatif. Si cela ne suffit pas, y reviendra-t-on, pour « rassurer les Français » ? Cela devient de mode, comme disait Pierre-Yves Collombat. Tel est l'esprit dans lequel s'ouvre cette période « révolutionnaire ».

Nous serions bien en peine de refuser la prorogation ; mais on ne pourra toujours proroger. Nous devons nous demander en quoi introduire certaines mesures dans le droit commun est utile. Comme le soulignait le rapporteur, l'intérêt des règles d'exception, c'est qu'elles sont assorties d'un contrôle permanent, ce qui ne sera pas le cas si on les introduit dans le droit commun.

Montrons-nous des parlementaires utiles. Ne nous laissons pas contraindre par l'état de l'opinion. Essayons plutôt d'oeuvrer pour qu'elle comprenne que nous sommes sous un péril permanent, d'autant plus important que le danger vient d'individus isolés qui peuvent en venir à commettre un attentat imprévisible, au point que bien des élus sont conduits à renforcer les précautions pour la moindre fête d'école. On l'a vu sur les Champs Élysées et à la gare de Bruxelles : là est bien la menace, qui doit nous conduire à travailler différemment. Le contrôle mis en place sous l'état d'urgence est plein d'intérêt, et il faudra se poser la question lorsque nous examinerons le texte à venir.

Mme Catherine Troendlé . - L'état d'urgence a montré ses limites et s'il faut probablement apporter quelques compléments au texte que nous avons pris l'an passé, par exemple sur la fermeture administrative de lieux de cultes ou encore sur la surveillance des communications hertziennes, ces mesures nouvelles qui pourront figurer dans le texte que le Gouvernement nous annonce, ne représentent certainement pas des changements de fond. Nous sommes déjà allés très loin, les textes existent, il faut les appliquer.

Ensuite, nous devons reprendre les politiques de prévention de la radicalisation et la prise en charge des personnes radicalisées, là où nous avons agi dans l'urgence : il faut des mesures plus fortes et plus cohérentes, ce travail reste largement devant nous.

M. André Reichardt . - La prorogation actuelle courant jusqu'au 15 juillet et le Gouvernement annonçant un texte censé rendre l'état d'urgence inutile, pourquoi nous demander de proroger jusqu'à novembre ? N'a-t-on pas le temps de prendre la loi avant le 15 juillet ?

Mme Esther Benbassa . - L'état d'urgence a démontré qu'il était inutile, il n'a pas empêché les attaques à Magnanville, à Nice, à Saint-Etienne-du-Rouvray ni aux Champs-Elysées - et vous savez comme moi que nos voisins britanniques, allemands ou belges n'ont pas instauré l'état d'urgence et qu'ils n'en n'ont pas été plus attaqués que nous. Quand on regarde les choses dans leur détail, on voit bien que l'état d'urgence ne règle rien au problème posé et que nous devons plutôt, avec beaucoup d'humilité, rechercher des solutions sur le temps long. Et avant de prendre encore un nouveau texte, nous devrions au moins évaluer ceux que nous venons tout juste d'adopter !

M. Michel Mercier , rapporteur . - Je ne répondrai pas aux prises de positions générales, politiques, qui sont tout à fait légitimes mais qui dépassent le propos d'un rapporteur - et je me contenterai de rappeler que l'état d'urgence n'a pas pour objectif de régler le problème dans son ensemble, mais de donner à l'autorité administrative des outils pour faire face à un péril imminent, ceci sous contrôle du juge et maintenant du Parlement. La loi ne peut tout faire, c'est un classique ; elle interdit le vol depuis longtemps, ce n'est pas pour autant que le vol a disparu ! L'enjeu, c'est d'assurer, par un travail permanent de tous ceux qui se réclament de la République, d'assurer que contre le terrorisme, nos valeurs continuent d'exister et de s'épanouir.

Pourquoi proroger jusqu'au mois de novembre prochain ? Mais parce qu'il faut un peu de temps pour adopter le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme : le temps du débat, bien sûr, mais aussi des contrôles, en particulier celui du Conseil constitutionnel. La démocratie, c'est le règne de la loi écrite - c'est Platon qui l'a écrit et c'est, je crois, la définition la plus ancienne qu'on puisse trouver de la démocratie. La procédure est soeur jumelle de la liberté, la République consiste aussi en un ensemble de règles.

La fouille des voitures est réservée aux agents des douanes dans des cas précis ou bien elle nécessite des réquisitions du procureur de la République ou la présence d'un officier de police judiciaire, dans un cadre lui aussi très précis : c'est notre État de droit et nous tenons à ce qu'il en soit ainsi, car la fouille des véhicules touche à la vie privée, ce n'est pas une mince affaire que l'on pourrait confier à un auxiliaire de police ou de gendarmerie. Il en va de nos libertés publiques, je les défendrai toujours.

Nous avons considérablement renforcé notre arsenal juridique depuis la fin 2015, peut-être devons-nous davantage le faire savoir, mieux l'expliquer. L'exemple cité de Paris, où l'excellente concertation entre le préfet de police et le procureur de la République a rendu moins intense le recours aux mesures permises par l'état d'urgence, ne saurait valoir pour l'ensemble du territoire national : certains départements comptent plusieurs procureurs, c'est l'héritage de l'histoire, la situation est alors plus complexe
- mais l'exemple de Paris n'est pas unique.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

M. Michel Mercier , rapporteur . - Avec l'amendement COM-1, je précise que cette prorogation de l'état d'urgence débute le 16 juillet 2017.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.

Articles additionnels après l'article unique

L'amendement COM-3 est retiré.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Comme dans l'amendement COM-3 que je viens de retirer pour me rallier au sien, le Gouvernement, avec l'amendement COM-5, tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 9 juin 2017 dans laquelle il a jugé inconstitutionnelles, car trop larges, les conditions de l'interdiction de séjour fixées par l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence. Ces précisions portées à ces dispositions maintiennent la possibilité d'interdictions de séjour, dans des conditions mieux définies et mieux garanties.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'amendement COM-4 est adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. M. MERCIER, rapporteur

1

Fixation au 16 juillet 2017 du début de la sixième phase de l'état d'urgence

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

2

Précision rédactionnelle

Adopté

Articles additionnels après l'article unique

M. M. MERCIER, rapporteur

3

Rétablissement du pouvoir d'interdiction
de séjourner dans tout ou partie du département dans des conditions respectant la décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017
du Conseil constitutionnel

Retiré

Le Gouvernement

5

Rétablissement du pouvoir d'interdiction
de séjourner dans tout ou partie du département dans des conditions respectant la décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017
du Conseil constitutionnel

Adopté

M. M. MERCIER, rapporteur

4

Actualisation du compteur outre-mer

Adopté

ANNEXE I - CALENDRIER DES PHASES SUCCESSIVES
DE L'ÉTAT D'URGENCE

Phases

Texte applicable

Date
de début

Date
de fin

Phase I

Déclaration initiale

Décrets n° 2015-1475, n° 2015-1476 et n° 2015-1478 du 14 novembre 2015

14/11/2015
0 h 00

25/02/2016
minuit

Prorogation

Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions

26/11/2015
0 h 00

Phase II

Loi n° 2016-162 du 19 février 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence

26/02/2016
0 h 00

25/05/2016
minuit

Phase III

Loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence

26/05/2016
0 h 00

21/07/2016
minuit

Phase IV

Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste

22/07/2016
0 h 00

21/12/2016
minuit

Phase V

Loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence

22/12/2016
0 h 00

15/07/2017
minuit

ANNEXE II - BILAN STATISTIQUE DES PERQUISITIONS ADMINISTRATIVES

Phases de l'état d'urgence

Nombre de perquisitions administratives

Phase I

3 594
dont 2 700 entre le 14/11 et le 14/12/2015

Phase II

167

Phase III

Non activées

Phase IV

602

Phase V 44 ( * )

161


* 1 Historiquement, la précédente période d'application la plus longue de l'état d'urgence est celle qui avait été décidée pendant la guerre d'Algérie : à la suite du « putsch des généraux », l'état d'urgence fut déclaré à compter du 23 avril 1961 par deux décrets du 22 avril 1961. La dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 octobre 1962, eut pour conséquence de mettre fin à cet état d'urgence, conformément à l'article 4 de la loi du 3 avril 1955, soit une durée continue d'application de 18 mois.

* 2 Exposé des motifs du présent projet de loi.

* 3 Texte devenu la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016.

* 4 Décrets n° 2015-1475 et n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 modifiant le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015.

* 5 Décrets n° 2015-1493 et n° 2015-1494 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

* 6 Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.

* 7 Loi n° 2016-162 du 19 février 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

* 8 Loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

* 9 Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

* 10 L'exécutif a fait application du deuxième alinéa de l'article 1 er du code civil qui prévoit, par dérogation au premier alinéa, qu'en cas d'urgence le décret de promulgation d'une loi peut prévoir son entrée en vigueur dès le jour de sa publication au Journal officiel (et non le lendemain).

* 11 Décret du 6 décembre 2016 du Président de la République relatif à la cessation des fonctions du Gouvernement.

* 12 Loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

* 13 Article 1 er de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016.

* 14 Article 4 de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016.

* 15 On ne dénombre que deux perquisitions administratives et une personne assignée à résidence sur le territoire de La Réunion (cette assignation n'est plus en vigueur depuis le 21 juin 2017).

* 16 Faculté qui avait été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 (Ligue des droits de l'homme). Pour une description du régime procédural applicable à ces saisies, votre rapporteur renvoie à la lecture de son rapport sur la précédente prorogation. Rapport n° 220 (2016-2017) de M. Michel Mercier fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l16-220/l16-220.html.

* 17 Voir considérant n° 10 de la décision n° 2016-536 QPC précitée : « une perquisition se déroulant la nuit dans un domicile doit être justifiée par l'urgence ou l'impossibilité de l'effectuer le jour ».

* 18 À la date du 23 juin 2017.

* 19 Le ministère indique ne pas être au courant de l'existence de suites contentieuses à ces référés. Toutefois, aucun appel n'ayant été formé par le ministère, il en déduit que toutes les demandes ont été autorisées.

* 20 Dans les faits, il s'agit généralement d'un périmètre territorial (une ou plusieurs communes).

* 21 Durée total cumulée (y compris en cas d'interruption de l'assignation) au cours d'un même état d'urgence.

* 22 Voir considérant n° 17 de la décision.

* 23 Rapport d'information sur le contrôle parlementaire de l'état d'urgence (14 novembre 2015 -14 novembre 2016) n° 4281 déposé le 6 décembre 2016 par MM. Dominique Raimbourg et Jean-Frédéric Poisson, consultable à l'adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i4281.pdf.

* 24 Votre rapporteur rappelle par ailleurs que 27 personnes avaient été assignées à résidence pendant la durée de la réunion de la COP 21 à Paris, du 24 novembre au 12 décembre 2015.

* 25 En application du II de l'article 2 de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016.

* 26 En application de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure.

* 27 Rédaction de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 votée dans les mêmes termes par les deux assemblées parlementaires les 13 et 15 décembre 2016.

* 28 Rapport n° 220 (2016-2017) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Document consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l16-220/l16-220.html.

* 29 Dans sa rédaction initiale, l'article 2 du projet de loi proposait de fixer à quinze mois consécutifs, en l'absence d'éléments nouveaux de nature à justifier le maintien de la mesure , la durée maximale d'assignation à résidence.

* 30 Juge des référés du Conseil d'État, ordonnances n° 411587 et 411588 en date du 19 juin 2017.

* 31 Contre 438 mesures édictées pendant les manifestations liées à la loi « travail » (avec seulement 169 mesures notifiées aux intéressés).

* 32 L'arrêté préfectoral est applicable à compter du 22 décembre 2016.

* 33 Décret du 4 mai 2017 portant dissolution d'une association publié au Journal officiel du 5 mai 2017.

* 34 En vertu de la décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016 (Ligue des droits de l'homme) du Conseil constitutionnel, si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi, les mesures de fermeture provisoire et d'interdiction de réunions prises antérieurement sur le fondement de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 ne peuvent être prolongées sans être renouvelées.

* 35 Décret du 13 janvier 2016 procédant à la dissolution des trois associations cultuelles assurant la gestion de cette mosquée. Un second décret a été pris le 6 mai 2016 en conseil des ministres pour tenir compte de la suspension de l'application du décret du 13 janvier 2016, pour l'une des trois associations dissoutes, par le juge des référés du Conseil d'État « à raison d'un doute sérieux quant à la régularité de la procédure contradictoire mise en oeuvre préalablement à son édiction ». Ce second décret a prononcé à nouveau la dissolution de cette association après conduite d'une procédure contradictoire.

* 36 Le 3 février 2017 au carrousel du Louvre à Paris et le 18 mars 2017 à l'aéroport d'Orly.

* 37 Le 20 avril 2017 à Paris sur les Champs Elysées et le 6 juin aux abords de la cathédrale Notre-Dame.

* 38 Le 19 juin dernier à nouveau sur les Champs Elysées.

* 39 A l'instar de l'Euro 2016, qui aurait constitué une cible explicite de l'organisation terroriste Daech.

* 40 Proposition de loi n° 280 (2015-2016) de MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau, François Zocchetto, Michel Mercier et plusieurs de leurs collègues, tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

* 41 À zéro heure.

* 42 L'exécutif n'a fait usage qu'une seule fois de cette faculté d'arrêt anticipé, lors de la mise en oeuvre de l'état d'urgence à la suite des émeutes urbaines de l'automne 2015. Alors que la loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 avait prévu une durée de prorogation de trois mois, le décret du 3 janvier 2006 mit fin à l'application de l'état d'urgence à compter du 4 janvier 2006. À cette occasion, le Gouvernement répondit à l'obligation de rendre compte au Parlement sous la forme d'une lettre adressée aux présidents des assemblées parlementaires, le Parlement étant en phase d'interruption de ses travaux en séance plénière.

* 43 La technique du « compteur » consiste à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.

* 44 À la date du 23 juin 2017.

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