Rapport n° 415 (2016-2017) de M. Ronan DANTEC , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 15 février 2017

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N° 415

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 février 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , visant à la mise en oeuvre effective du droit à l' eau potable et à l' assainissement ,

Par M. Ronan DANTEC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; MM. Alain Fouché, Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Mme Gélita Hoarau, M. Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-François Rapin, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2715 , 3199 et T.A. 758

Sénat :

685 (2015-2016) et 416 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est réunie mercredi 15 février 2017 pour examiner le rapport de Ronan Dantec sur la proposition de loi n° 685 (2015-2016), adoptée le 15 juin 2016 par l'Assemblée nationale, visant à la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement.

La proposition de loi transmise au Sénat comportait 9 articles . Un seul amendement a été déposé au stade de la commission, présenté par Evelyne Didier, et visant au rétablissement de l'article 5 du texte. Il a été retiré au bénéfice des explications du rapporteur.

Au cours des débats, plusieurs sénateurs ont émis des réserves sur les dispositions de ce texte relatives aux collectivités territoriales .

Des craintes ont été exprimées sur l'article 2, qui prévoit la mise à disposition gratuite de points d'eau et d'équipements sanitaires - avec des obligations différenciées selon la taille des collectivités -, en raison des nouvelles charges qu'il pourrait induire pour les collectivités.

S'agissant de l'article 4 créant une allocation forfaitaire d'eau, certains sénateurs ont estimé qu'il existait déjà des aides pour permettre aux personnes en difficulté de régler leurs factures d'eau versées par les communes, via les centres communaux d'action sociale (CCAS), et les départements à travers les fonds de solidarité pour le logement (FSL).

En outre, plusieurs questions ont été posées sur les modalités pratiques de mise en oeuvre de cette allocation.

Le rapporteur Ronan Dantec a indiqué le droit à l'eau potable et à l'assainissement créé par cette proposition de loi ne constitue pas un droit opposable.

Il a souligné que la mise en place d'une aide préventive pour l'accès à l'eau permettrait de diminuer le nombre d'impayés d'eau et donc de décharger les CCAS et les FSL de la gestion des dossiers d'aides.

Enfin, le rapporteur a indiqué que, pour satisfaire aux dispositions de l'article 2, les collectivités pourraient mettre à disposition les équipements sanitaires et de distribution d'eau existants dans des bâtiments publics ou appartenant à des associations subventionnées. Il a insisté sur le fait que ce dispositif n'entrainera pas de surcoûts pour les collectivités territoriales.

À l'issue de ces débats, votre commission a adopté la proposition de loi sans modification .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'accès à une eau potable est un élément vital, indissociable de la dignité humaine . Si la grande majorité de la population française est raccordée à des réseaux de distribution d'eau et d'assainissement, certaines catégories de personnes demeurent exclues partiellement ou totalement d'un accès à l'eau.

Afin de garantir à chacun un accès à ce bien fondamental, l'Assemblée nationale a adopté le 15 juin 2016 une proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement.

Cette proposition de loi est le fruit d'un long travail de co-construction réalisé par des députés de sensibilités politiques différentes en lien avec le milieu associatif engagé depuis plusieurs années pour la reconnaissance et la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement.

Les dispositions qu'elle contient s'appuient sur de nombreux travaux réalisés ces dernières années sur le droit à l'eau par des juristes comme Henri Smets, des associations comme la Fondation France Libertés, ou encore des institutions comme le Conseil d'État.

Ce texte s'inscrit également dans la lignée de plusieurs initiatives de députés et de sénateurs ayant cherché à garantir l'accès de tous à l'eau, comme par exemple la proposition de loi du député André Flajolet de 2010 visant à créer l'allocation de solidarité pour l'eau ou la loi du 7 février 2011 relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement adoptée à l'initiative de notre collègue Christian Cambon.

L'Assemblée nationale a, sous la conduite du rapporteur désigné par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire Michel Lesage, réalisé un important travail d'amélioration juridique et légistique de ce texte en adoptant 74 amendements - dont une majorité d'amendements rédactionnels -, en lien avec le Gouvernement et le milieu associatif.

Le texte transmis au Sénat présente ainsi une cohérence sur le plan juridique. C'est pourquoi votre rapporteur a décidé, afin que ce texte puisse être adopté avant la suspension des travaux parlementaires en séance publique, de ne pas présenter d'amendements.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE DROIT À L'EAU POTABLE ET À L'ASSAINISSEMENT : UN ENJEU MONDIAL COMME NATIONAL

A. UN DROIT VITAL RECONNU AU NIVEAU INTERNATIONAL

1. Un droit consacré au niveau international

Le droit à l'eau potable et à l'assainissement est inscrit dans plusieurs traités internationaux , soit de manière explicite dans des traités relatifs aux droits humains de certaines catégories de personnes, comme dans la Convention relative aux droits de l'enfant adoptée le 20 novembre 1989 1 ( * ) ou la Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006 2 ( * ) , soit de manière plus implicite comme dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966.

Cependant, le droit à l'eau potable et à l'assainissement n'est pas reconnu dans les instruments internationaux de portée générale en tant que droit de l'Homme autonome. Il ne figure notamment pas dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948.

Une première reconnaissance mondiale a été acquise à travers l' adoption, le 28 juillet 2010, par l'Assemblée générale des Nations Unies, d'une résolution qui reconnaît le droit à l'eau portable et à l'assainissement comme un « droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l'exercice de tous les droits de l'homme » 3 ( * ) . Cette résolution demande aux États et aux organisations internationales « d'apporter des ressources financières, de renforcer les capacités et de procéder à des transferts de technologies, grâce à l'aide et à la coopération internationales, en particulier en faveur des pays en développement, afin d'intensifier les efforts faits pour fournir une eau potable et des services d'assainissement qui soient accessibles et abordables pour tous ».

L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une nouvelle résolution le 17 décembre 2015 qui va plus loin en reconnaissant le droit de l'Homme à l'eau portable devant « permettre à chacun d'avoir accès sans discrimination, physiquement et à un coût abordable, à un approvisionnement suffisant d'une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques », distinct du droit de l'Homme à l'assainissement devant « permettre à chacun, sans discrimination, physiquement et à un coût abordable, d'avoir accès à des équipements sanitaires, dans tous les domaines de la vie, qui soient sans risque, hygiéniques, sûrs, socialement et culturellement acceptables, qui préservent l'intimité et garantissent la dignité » 4 ( * ) .

Cette résolution réaffirme par ailleurs qu'il incombe aux États d'assurer la pleine réalisation de ces droits par tous les moyens appropriés, « notamment l'adoption de mesures législatives ».

Des déclarations régionales ont également reconnu le droit à l'eau . Au niveau européen, le Protocole Eau et Santé de 1999 prévoit que les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour assurer un approvisionnement adéquat en eau potable salubre et un assainissement adéquat. De même, le Conseil de l'Europe a fait valoir que toute personne avait le droit de disposer d'une quantité d'eau suffisante pour satisfaire à ses besoins essentiels 5 ( * ) .

Au plan national, certains États ont inscrit le droit à l'eau dans leur droit, parfois même au sommet de leur ordre juridique interne . C'est le cas par exemple de la Slovénie, qui a inscrit en novembre 2016 le droit d'accès à l'eau potable dans sa Constitution tout en consacrant les ressources en eau comme « un bien public géré par l'État [destiné] en premier lieu à assurer l'approvisionnement durable en eau potable de la population ».

Ainsi, il existe au plan international comme régional, un corpus établi de textes et de déclarations ayant consacré le droit à l'eau potable et à l'assainissement comme un droit fondamental devant à ce titre être garanti par les États.

2. Un droit qui est loin d'être une réalité pour tous

L'accès à une eau potable et à des équipements sanitaires est un enjeu majeur de développement .

Il s'agit d'un des dix-sept objectifs du Programme de développement durable à l'horizon 2030 (Programme 2030) adopté par l'Assemblée générale des Nations-Unies le 25 septembre 2015 et qui constitue le nouveau cadre mondial fixant les objectifs de développement durable ayant pris la suite des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

Malgré les progrès réalisés ces dernières décennies, plus de 600 millions de personnes n'ont toujours pas accès à une eau salubre dans le monde et plus de 2,5 milliards de personnes sont privées d'accès à des installations sanitaires .

Il s'agit d' une des premières causes mondiales de mortalité, notamment infantile : près de 700 000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année du fait de maladies liées à la consommation d'une eau contaminée ou liées aux problèmes d'assainissement. Ce défaut d'accès à une eau potable et à l'assainissement impacte donc la réalisation d'autres droits humains, comme le droit à la santé, à la vie et à la dignité.

Le droit à l'eau est par ailleurs un droit menacé par le changement climatique , qui accroît les épisodes de sécheresse et accélère la désertification, phénomènes qui touchent en premier lieu les pays les plus vulnérables. 65 % de la population africaine pourrait ainsi être confrontée à un stress hydrique d'ici 2025.

B. UN DROIT DONT CERTAINES CATÉGORIES DE POPULATION SONT PRIVÉES EN FRANCE

En France, le droit d'accès à l'eau a connu une première reconnaissance par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (dite « LEMA »), qui prévoit que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

Ce droit est une réalité pour la grande majorité de la population française . En effet, près de 99 % des personnes sont aujourd'hui raccordées à un réseau de distribution d'eau. D'après un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de juillet 2011 6 ( * ) , le nombre de logements indécents n'ayant pas d'accès à l'eau et à l'assainissement était d'environ 350 000 en 2010.

Si le raccordement aux réseaux sanitaires et de distribution d'eau est donc généralisé, il reste des catégories de population qui n'ont pas accès à l'eau potable et à l'assainissement dans des conditions satisfaisantes :

- les personnes qui n'ont pas d'accès physique à l'eau, au premier rang desquelles les personnes sans-abris ;

- les personnes en difficulté qui ont du mal à régler leurs factures d'eau et font face à des impayés.

1. Les personnes privées d'un accès physique à l'eau

Actuellement, la seule disposition législative qui existe pour garantir l'accès à l'eau des personnes sans domicile fixe ou vivant dans des habitats précaires concerne les gens du voyage. En effet, la loi du 5 juillet 2000 oblige les communes à aménager des aires d'accueil comportant des points d'eau potable et un accès à des équipements sanitaires.

Mais il n'existe pas de mesure générale concernant l'accès à l'eau potable des personnes sans-abris , dont le nombre est estimé entre 100 000 et 150 000 en France.

Pour leurs besoins élémentaires d'alimentation et d'hygiène, ces personnes sans-abris ont recours aux points d'eau et aux équipements sanitaires mis à disposition par les collectivités ou par des associations.

Toutefois, comme le note le Conseil d'État dans un rapport public de 2010 sur l'eau et son droit, « la suppression des fontaines publiques, qui permettaient d'accéder de manière permanente à une eau gratuite, et la fermeture de bon nombre de bains douches municipaux depuis la généralisation des salles de bains dans les logements ont rendu cet accès plus difficile » 7 ( * ) .

Le Conseil d'État recommande ainsi d'obliger les communes à recourir à des points d'eau collectifs et des bains publics pour permettre aux sans-abris de satisfaire leurs besoins, pouvant par exemple être gérés par une association d'insertion ou de lutte contre l'exclusion.

2. Les personnes en difficulté faisant face à des impayés d'eau
a) Un poids des dépenses d'eau dans les budgets des ménages qui varie fortement

Les dépenses d'eau représentent en moyenne un poids relativement faible dans le budget des ménages, d'environ 0,8 % d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) 8 ( * ) .

Cependant, cette part est variable en fonction des ressources disponibles des personnes et de leur lieu de résidence , le coût annuel de l'eau et de l'assainissement variant fortement selon les communes comme l'illustre la carte ci-dessous. Ainsi, le prix pratiqué par chacun des 35 000 services d'eau potable et d'assainissement varie actuellement de moins de 1 euro par mètre cube (m 3 ) à plus de 6 euros par mètre cube 9 ( * ) .

Prix total moyen de l'eau (eau potable et assainissement collectif) en 2013

Source : Observatoire des services publics de l'eau et de l'assainissement

Selon le service d'eau dont ils dépendent, certains ménages ayant de faibles ressources consacrent une part de leur budget aux dépenses d'eau largement supérieure à la moyenne.

La norme généralement retenue par les institutions internationales pour caractériser un coût de l'eau prohibitif est celle d'un poids de la dépense en eau dépassant 3 à 5 % des ressources du ménage.

Le CGEDD, dans son rapport précité, évalue à environ 2 millions le nombre de personnes pour lesquelles la facture d'eau et d'assainissement représente plus que le seuil d'acceptabilité de 3 % du revenu . En pratique, ce seuil est généralement atteint par les personnes qui disposent de moins de 600 euros par mois de revenu disponible par unité de consommation 10 ( * ) .

Les ménages disposant de peu de ressources se retrouvent parfois dans l'impossibilité de payer leurs factures d'eau. Comme le note le Conseil d'État dans un rapport public de 2010 sur l'eau et son droit, « les statistiques sur les impayés d'eau et sur les coupures d'eau sont partielles et difficiles à consolider » 11 ( * ) . Ce rapport note que les entreprises privées assurant la gestion des services de l'eau et de l'assainissement adhérentes à la fédération professionnelle FP2E ont indiqué avoir traité 33 500 dossiers au titre des impayés d'eau en 2008 - aucun chiffre n'est disponible de la part des opérateurs publics.

b) Les aides « préventives » et « curatives » à la prise en charge des dépenses d'eau

Afin d'aider les personnes en difficulté à s'acquitter de leurs dépenses d'eau, deux approches sont possibles.

Une approche « préventive », d'une part, qui consiste à soutenir financièrement les ménages soit par l'application d'une tarification sociale de l'eau tenant compte de la composition et des ressources du ménage, soit par le versement d'une aide au paiement des factures d'eau (type « chèque eau »).

Une approche « curative », d'autre part, qui consiste à aider les ménages à faire face à leurs impayés d'eau.

(1) La prépondérance de l'approche « curative » du droit à l'eau en France

En France, le dispositif de soutien aux personnes en difficulté repose principalement sur une démarche curative. Les personnes qui ont des difficultés pour payer leurs factures peuvent ainsi bénéficier d'aides de la part des centres communaux d'action sociale 12 ( * ) , ou des fonds de solidarité pour le logement gérés par les départements .

Les fonds de solidarité pour le logement (FSL)

La loi n° 90-449 du 31 mai 1990 13 ( * )

a prévu la création, dans chaque département, d'un fonds de solidarité pour le logement (FSL) pour aider, via des aides financières, les ménages qui rencontrent des difficultés à s'installer et à se maintenir dans un logement. Dans sa rédaction actuelle, l'article 6 de cette loi prévoit que ce fonds « accorde des aides au titre des dettes de loyer et de factures d'énergie, d'eau, de téléphone et d'accès à internet, y compris dans le cadre de l'accès à un nouveau logement ».

La gestion des FSL relève de la responsabilité des départements, qui décident du niveau des ressources qu'ils y affectent et fixent les règles d'attribution et le montant des aides sur la base d'un règlement intérieur. Les conditions d'octroi des aides du fonds ne peuvent reposer que sur le niveau de patrimoine ou de ressources des personnes et sur l'importance et la nature des difficultés qu'elles rencontrent.

Ces fonds sont financés par les départements, avec la participation éventuelle des autres collectivités territoriales. Par ailleurs, les fournisseurs d'énergie, d'eau, de services téléphoniques ou d'accès à internet contribuent au financement du fonds selon des modalités définies par convention passée avec les départements.

La loi n° 2011-156 du 7 février 2011 relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement a ainsi prévu que les services publics d'eau et d'assainissement peuvent attribuer une subvention au fonds de solidarité pour le logement afin de contribuer au financement des aides relatives au paiement des fournitures d'eau, dont le montant ne peut excéder 0,5 % des montants hors taxes des redevances d'eau ou d'assainissement perçues.

D'après l'étude du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) précitée, les aides des FSL représentaient un peu plus de 300 millions d'euros par an et permettent d'aider 600 000 ménages (soit environ 10 % des bénéficiaires des aides au logement) en 2010. Parmi ce montant, 10 millions d'euros ont été consacrés à la prise en charge des impayés d'eau.

Il convient également de noter que, depuis l'adoption de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 (dite loi « Brottes ») 14 ( * ) , l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit l'interdiction des coupures d'eau par les distributeurs d'eau en cas de non-paiement des factures d'eau . Ceci vaut pour tous les consommateurs et non plus seulement, comme auparavant, pour les ménages éligibles aux aides des FSL. Par ailleurs, contrairement à l'électricité et au gaz, pour lesquels l'interdiction de coupure ne vaut que pendant la « trêve hivernale » (du 1 er novembre de chaque année au 31 mars de l'année suivante), cette interdiction s'applique tout au long de l'année.

La démarche curative d'aide à l'accès à l'eau est insuffisante et insatisfaisante puisqu'elle n'intervient qu'en aval pour aider, ponctuellement et au cas par cas les ménages en difficulté.

Les départements disposant d'une grande liberté dans l'organisation des FSL et des modalités de versement des aides, certains fonds n'ont pas de dispositifs d'aides consacrés à l'eau. D'après la Fondation France Libertés auditionnée par votre rapporteur, environ un quart des FSL ne comporteraient pas de volet « eau » pour aider au règlement des impayés. Lorsque de telles aides existent, leurs critères d'attribution varient fortement d'un territoire à l'autre.

Par ailleurs de nombreux ménages n'ont pas recours aux aides auxquelles ils ont droit, par crainte de stigmatisation ou par méconnaissance de dispositifs existants.

Ces différentes limites plaident pour la création d'un dispositif préventif d'aide à l'accès à l'eau , permettant aux ménages en difficulté de s'acquitter de leurs factures d'eau en amont.

(2) La nécessité de mettre en place des aides préventives

Il existe localement des dispositifs préventifs d'aide à l'accès à l'eau. Certaines collectivités, comme la commune de Dunkerque, ont mis en place des aides à l'eau versées en fonction de critères sociaux.

Par ailleurs, il convient de souligner que la loi « LEMA » du 30 décembre 2006 a prévu que les collectivités compétentes en matière de service de distribution d'eau potable puissent mettre en oeuvre une tarification progressive, qui augmente en fonction du volume consommé par l'abonné . Si la possibilité d'une telle tarification a été introduite avec pour objectif premier de permettre une gestion économe de la ressource en eau, cette dernière peut présenter un intérêt social. Comme le note le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), « la mise en place d'une première tranche à prix très bas est susceptible de permettre à une personne seule ou à une famille à faible revenu de bénéficier d'un coût moindre de service ». Toutefois, l'effet social d'une telle tarification n'est pas assuré puisqu'elle est de nature à pénaliser les familles nombreuses.

Enfin, l'article 28 de la loi « Brottes » introduit la possibilité pour les collectivités compétentes de mettre en place, sur une période de cinq ans, des expérimentations « en vue de favoriser l'accès à l'eau et de mettre en oeuvre une tarification sociale de l'eau ». Cette expérimentation peut porter sur la mise en place d'une tarification sociale de l'eau tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, d'une aide curative au paiement des factures d'eau ou d'une aide préventive à l'accès à l'eau. Actuellement 50 collectivités ont été autorisées à expérimenter la mise en oeuvre d'une tarification sociale de l'eau 15 ( * ) .

Cependant, la mise en place d'une tarification sociale est confrontée à plusieurs contraintes . En raison de la grande diversité tarifaire, il n'est pas envisageable de mettre en place une réduction tarifaire nationale comme cela est le cas pour l'électricité et le gaz, mais il conviendrait de moduler cette réduction en fonction des régions. Par ailleurs, en habitat collectif, l'absence de compteurs individuels d'eau rend inapplicable un mode de facturation individualisé de l'eau.

En conséquence, il parait préférable de privilégier le versement d'une allocation de solidarité dédiée à l'eau du type « chèque eau », sur le modèle du chèque énergie actuellement en cours d'expérimentation et dont la généralisation est prévue au 1 er janvier 2018.

Le chèque énergie

Créé par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le chèque énergie a vocation à remplacer les tarifs sociaux actuels de l'électricité et du gaz 16 ( * ) . L'objectif est de mettre en place un dispositif bénéficiant à l'ensemble des ménages en situation de précarité, quelle que soit leur énergie de chauffage, et plus simple à gérer que le dispositif des tarifs sociaux.

Le chèque énergie est attribué sur la base d'un critère fiscal unique, en tenant compte du niveau de revenu et de la composition des ménages. Il permet aux ménages bénéficiaires de régler leurs factures d'énergie - il peut également être utilisé pour financer des travaux d'économies d'énergie. Il est émis et attribué à ses bénéficiaires par l'Agence de services et de paiement.

Le chèque énergie est actuellement expérimenté dans 4 départements : l'Ardèche, l'Aveyron, les Côtes d'Armor et le Pas-de-Calais.

Le montant moyen de l'aide est proche de 150 euros, modulé selon un barème qui dépend de la composition familiale (nombre d'unités de consommation) et du niveau de revenu fiscal de référence (RFR).

L'article L.124-1 du code de l'énergie prévoit la généralisation du dispositif au plus tard au 1 er janvier 2018, après la présentation d'un rapport d'évaluation transmis au Parlement.

II. L'OBJECTIF DE CETTE PROPOSITION DE LOI : ASSURER LA MISE EN oeUVRE EFFECTIVE DU DROIT À L'EAU POTABLE ET À L'ASSAINISSEMENT

La présente proposition entend garantir à tous un accès à l'eau potable et à l'assainissement , en inscrivant ce droit dans le code de la santé publique (article 1 er ).

Afin que ce droit soit effectif, elle comporte deux mesures phares : la mise à disposition gratuite d'équipements de distribution d'eau et d'assainissement pour les personnes qui en ont besoin (article 2) et la création d'une aide préventive pour aider les personnes à faibles ressources à s'acquitter de leurs factures d'eau (articles 3, 4, 5 et 6).

Enfin, la proposition vise à mobiliser les collectivités et informer le Parlement sur le suivi de la mise en oeuvre du droit à l'eau potable et à l'assainissemen t (articles 7 et 8).

A. LA RECONNAISSANCE D'UN DROIT À L'EAU POTABLE ET À L'ASSAINISSEMENT (ARTICLE 1ER)

L'article 1 er vise à reconnaitre le droit de chaque personne d'avoir accès à l'eau potable et à l'assainissement dans des conditions compatibles avec ses ressources. Il précise que l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent concourir à la mise en oeuvre de ce droit.

Cet article permet donc de transcrire en droit interne la reconnaissance du droit à l'eau potable et à l'assainissement consacré au niveau international par la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 28 juillet 2010.

B. LA MISE À DISPOSITION D'ÉQUIPEMENTS SANITAIRES ET DE DISTRIBUTION D'EAU (ARTICLE 2)

L'article 2 prévoit que les collectivités territoriales compétentes en matière d'eau et d'assainissement mettent à disposition des équipements de distribution gratuite d'eau potable. Par ailleurs, il prévoit l'installation et l'entretien de toilettes publiques gratuites dans les collectivités de plus de 3 500 habitants et de douches publiques gratuites dans les collectivités de plus de 15 000 habitants.

Pour se conformer à ces obligations, les collectivités peuvent recourir aux équipements sanitaires qui existent déjà dans des bâtiments publics (équipements sportifs, centres d'accueil) ou appartenant à des associations subventionnées.

C. LA CRÉATION D'UNE AIDE PRÉVENTIVE POUR L'ACCÈS À L'EAU ET À L'ASSAINISSEMENT (ARTICLES 3, 4, 5 ET 6)

L'article 3 créé une aide préventive pour l'accès à l'eau potable et à l'assainissement versée aux ménages en difficulté, dont les dépenses d'eau excèdent 3 % de leurs ressources disponibles.

Cette aide ne remet pas en cause la possibilité, pour les ménages, de bénéficier d'un soutien de la part des fonds de solidarité pour le logement pour s'acquitter de leurs dettes de factures d'eau.

L'article 4 précise les modalités d'attribution de cette « allocation forfaitaire d'eau ». Sont éligibles à cette aide : les personnes dont les ressources sont inférieures ou égales au montant du revenu de solidarité active (RSA) « socle » ; les personnes dont les ressources sont comprises entre le montant forfaitaire du RSA « socle » et le plafond de ressources donnant droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), qui percevraient la moitié de l'allocation. Le montant de l'allocation serait doublé lorsque le prix moyen de l'eau dépasse un certain niveau déterminé par décret.

Par ailleurs, l'allocation ne serait versée qu'aux seules personnes payant un prix de l'eau supérieur à un niveau fixé par décret.

L'article 5 est relatif aux modalités de financement de l'aide préventive d'accès à l'eau. Il crée à cette fin un fonds de solidarité du droit à l'eau au sein du Fonds national d'aide au logement (FNAL), alimenté par une contribution additionnelle à la taxe sur les eaux en bouteille de 0,5 centime d'euro par litre.

Cet article a toutefois été supprimé par l'Assemblée nationale en séance publique à l'initiative d'amendements de plusieurs députés et du Gouvernement, afin de ne pas créer de taxe supplémentaire.

L'article 6 tire les conséquences des dispositions de l'article 5 et prévoit que le FNAL finance les dépenses relatives aux allocations forfaitaires d'eau ainsi que les frais de gestion afférents.

Il propose une solution de repli s'agissant du financement de cette allocation puisqu'il affecte la taxe existante sur l'eau embouteillée au FNAL pour financer l'aide préventive d'accès à l'eau.

Par ailleurs, cet article prévoit la création obligatoire d'un volet « eau » au sein de chaque fonds de solidarité pour le logement (FSL) départemental.

D. LE SUIVI DE LA MISE EN oeUVRE DU DROIT À L'EAU POTABLE ET À L'ASSAINISSEMENT (ARTICLES 7 ET 8)

L'article 7 vise à mobiliser les collectivités territoriales sur la question de la mise en oeuvre du droit à l'eau potable et à l'assainissement.

Il prévoit notamment l'organisation d'un débat sur la mise en oeuvre du droit à l'eau au sein des conseils municipaux ou des assemblées délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au cours des trois premières années de mandature, sur la base d'un rapport dressant un état des lieux des actions mises en place ou envisagées en la matière.

L'article 8 prévoit que le Comité national de l'eau remet au Gouvernement et au Parlement un rapport triennal sur la mise en oeuvre du droit à l'eau, qui comporte notamment des informations sur les personnes qui ne disposent pas d'un raccordement au réseau d'eau potable.

L'article 9 , visant à « gager » la proposition de loi afin d'assurer sa recevabilité financière, a été supprimé par l'Assemblée nationale au stade de la commission.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (article L. 1314-1 [nouveau] du code de la santé publique) - Reconnaissance du droit de l'Homme à l'eau potable et à l'assainissement

Objet : Cet article vise à reconnaître le droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement comme un droit de l'Homme garanti par l'État.

I. Le droit en vigueur

Le droit à l'eau potable et à l'assainissement est reconnu dans plusieurs traités internationaux, comme la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ou la Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006.

S'il n'existe pas de traités internationaux de portée générale reconnaissant le droit à l'eau potable et à l'assainissement comme un droit de l'Homme autonome, celui-ci a néanmoins été consacré à travers une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 28 juillet 2010 comme un « droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l'exercice de tous les droits de l'homme » 17 ( * ) .

Dans l'ordre juridique interne, le droit d'accès à l'eau a été consacré par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (dite « LEMA ») qui prévoit que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

II. La proposition de loi initiale

L'article 1 er de la présente proposition vise à insérer dans le code de la santé publique un nouveau chapitre intitulé « Droit de l'homme à l'eau » ainsi qu'un nouvel article L. 1314-1 afin de reconnaitre le droit à l'eau potable et à l'assainissement comme « un droit de l'homme garanti par l'État » .

Il est défini comme le droit, pour chaque personne :

- de disposer d'une quantité suffisante d'eau potable pour répondre à ses besoins élémentaires ;

- d'avoir accès aux équipements lui permettant d'assurer son hygiène, son intimité et sa dignité ;

- d'utiliser des services et réseaux d'assainissement dans des conditions compatibles avec ses ressources.

Cet article vise donc à reconnaitre le droit de chaque personne d'avoir accès à l'eau potable et à l'assainissement dans des conditions compatibles avec ses ressources.

Par ailleurs, l'article 1 er précise que l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent concourir à la mise en oeuvre de ce droit.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, l'Assemblée nationale a adopté six amendements du rapporteur Michel Lesage - dont quatre amendements rédactionnels -, afin de supprimer la mention « de l'homme » rattachée au droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement.

En effet, le rapporteur a estimé que la création d'un nouveau droit de l'Homme ne peut s'opérer qu'au niveau constitutionnel ou international et non dans une loi ordinaire et que la loi en France ne reconnait de droits qu'aux personnes. En conséquence, l'intitulé du nouveau chapitre introduit dans le code de la santé publique a été modifié en « Droit à l'eau potable et à l'assainissement ».

En séance, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur de simplification rédactionnelle et un amendement de conséquence du Gouvernement insérant un nouvel alinéa pour mettre en cohérence l'article L. 210-1 du code de l'environnement en prévoyant que chaque personne a le droit d'accéder à l'assainissement.

IV. La position de votre commission

La proposition de loi initiale visait à traduire en droit interne la définition du droit à l'eau potable et à l'assainissement telle que consacrée par la résolution de l'Assemblée générale des Nations-Unies du 28 juillet 2010 précitée. Il s'agissait donc de reconnaitre ce droit comme un droit de l'Homme , dont la mise en oeuvre effective doit être assurée par l'État et d'aller plus loin que les dispositions actuelles portées par le code de l'environnement.

Toutefois, comme l'a fait remarquer le rapporteur de la proposition de loi Michel Lesage à l'Assemblée nationale, la reconnaissance d'un droit de l'Homme et sa protection s'effectue soit à travers la Constitution, soit par la ratification d'instruments internationaux.

Par ailleurs, le texte initial faisait du droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement un droit « garanti par l'État », s'inscrivant ainsi dans la même logique que celle du droit au logement opposable institué par la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 18 ( * ) . Bien que l'article 1 er dans sa version originelle ne prévoyait pas de rendre le droit à l'eau potable et à l'assainissement juridiquement opposable puisqu'il ne définissait pas des voies de recours juridictionnelles pour le citoyen pour contraindre la puissance publique à le lui garantir, cette formulation risquait de poser des difficultés d'interprétation.

Le texte tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale permet donc de lever ces écueils tout en consacrant, en droit positif, une définition du droit à l'eau potable et à l'assainissement .

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (article L. 1314-2 [nouveau] du code de la santé publique) - Obligation pour les collectivités territoriales de mettre gratuitement à disposition des équipements sanitaires et de distribution d'eau potable

Objet : Cet article prévoit une obligation pour les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'installer et d'entretenir des équipements de distribution gratuite d'eau potable ainsi que des toilettes publiques et des douches gratuites dans un délai de cinq ans.

I. Le droit en vigueur

En vertu des articles L. 2224-7-1 et L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, les communes sont chargées d'assurer les services publics de l'eau 19 ( * ) et de l'assainissement 20 ( * ) .

La loi leur confie en effet une compétence obligatoire en matière de distribution d'eau potable et d'assainissement des eaux usées. À ce titre, elles doivent établir un schéma de distribution d'eau potable ainsi qu'un schéma d'assainissement collectif.

Toutefois, les communes peuvent transférer tout ou partie de cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, qui se substitue alors à ses droits et obligations pour l'exercice de cette compétence.

Ce transfert est obligatoire s'agissant des communautés de communes (article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales) et des métropoles (article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales). Par ailleurs, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a prévu le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de commune et aux communautés d'agglomération à compter du 1 er janvier 2020 .

Les services publics d'eau et d'assainissement sont gérés financièrement comme des services publics à caractère industriel et commercial (SPIC) . Les communes et leurs établissements publics de coopération peuvent exercer leur compétence en matière d'eau potable ou d'assainissement en régie ou confier sa gestion à des entreprises privées par le biais d'une délégation de service public (affermage, concession).

II. La proposition de loi initiale

L'article 2 introduit un nouvel article L. 1314-2 dans le code de la santé publique qui prévoit une obligation pour les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale « EPCI » compétents en matière de distribution d'eau potable de satisfaire les besoins élémentaires en eau potable et assainissement des populations qui ne sont pas raccordées aux réseaux de distribution.

Cet article prévoit trois obligations qui s'appliquent en fonction de la taille des collectivités :

- l'installation et l'entretien d' équipements de distribution gratuite d'eau potable dans l'ensemble des collectivités ;

- l'installation et l'entretien de toilettes publiques gratuites accessibles à tous dans les collectivités de plus de 3 500 habitants ;

- l'installation et l'entretien de douches publiques gratuites pour les personnes vulnérables dans les collectivités de plus de 15 000 habitants.

Pour se conformer à ces obligations, les collectivités disposent d'un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi . À cette fin, elles peuvent recourir aux équipements sanitaires existants situés dans des bâtiments et équipements publics ou qu'elles subventionnent. L'article prévoit également qu'elles peuvent bénéficier de subventions, en particulier provenant des agences de l'eau, afin de créer de nouvelles installations sanitaires si nécessaire.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, l'Assemblée nationale a adopté huit amendements du rapporteur Michel Lesage, dont sept amendements visant à améliorer la qualité rédactionnelle du texte et un amendement visant à inclure dans le champ des personnes pouvant bénéficier des installations sanitaires et de distribution d'eau potable des personnes non résidentes (par exemple des touristes et des personnes sans domicile fixe).

En séance, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur et un amendement du Gouvernement afin de remplacer le terme de « subventions » dont peuvent bénéficier les collectivités pour financer des installations sanitaires par celui d' « aides », moins restrictif, permettant d'élargir les financements auxquels les collectivités peuvent avoir accès.

IV. La position de votre commission

Certaines catégories de population n'ont pas d'accès à l'eau potable et à l'assainissement dans des conditions satisfaisantes . C'est principalement le cas des personnes sans-abris, dont le nombre est estimé entre 100 000 et 150 000 en France.

Aucune disposition législative n'existe pour garantir l'accès à l'eau pour les personnes sans domicile fixe.

Face à ce constat, le présent article propose d'introduire une obligation, pour les communes et les EPCI compétents en matière de distribution d'eau potable et d'assainissement, de mettre à disposition gratuitement des points d'accès à l'eau potable, des toilettes publiques ainsi que des douches.

Les seuils de population prévus permettent de ne pas faire peser de contraintes trop fortes sur les communes de petite taille qui pourraient avoir des difficultés à garantir un tel accès.

Pour se conformer à cette obligation, les collectivités pourront mettre à disposition les équipements sanitaires ou de distribution d'eau existants , par exemple ceux des bâtiments publics (mairies, gymnases, piscines, centres d'accueil) ou d'associations subventionnées. Cette mesure de devrait donc pas occasionner de dépenses d'investissement pour la construction de nouvelles installations .

La seule obligation pour les communes serait de prévoir des horaires d'accès aux équipements existants, et d'assurer une surveillance et un nettoyage des locaux. Au regard de l'enjeu humain et sanitaire que représente le droit pour tous d'accéder à l'eau potable et à l'assainissement, votre rapporteur considère qu'il s'agit d'une exigence raisonnable.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (article L. 115-3-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles) - Création d'une aide préventive pour l'accès à l'eau potable

Objet : Cet article prévoit la création d'une aide préventive pour permettre un accès à l'eau potable aux personnes en difficulté, dont les dépenses d'eau excèdent 3 % de leurs ressources disponibles.

I. Le droit en vigueur

L'article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 21 ( * ) prévoit la création, dans chaque département, d'un fonds de solidarité pour le logement (FSL) qui « accorde des aides au titre des dettes de loyer et de factures d'énergie, d'eau, de téléphone et d'accès à internet, y compris dans le cadre de l'accès à un nouveau logement ». La gestion des FSL relève de la responsabilité des départements, qui décident du niveau des ressources qu'ils y affectent et fixent les règles d'attribution et le montant des aides sur la base d'un règlement intérieur.

L'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles dispose également que « dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l'insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d'eau, d'énergie, d'un service de téléphonie fixe et d'un service d'accès à internet » .

Les personnes en difficulté peuvent demander à bénéficier d'une aide financière versée par le FSL afin régler leurs factures d'eau impayées . De telles aides peuvent également être versées par les centres communaux d'action sociale (CCAS) 22 ( * ) .

II. La proposition de loi initiale

L'article 3 introduit un nouvel article L. 115-3 dans le code de l'action sociale et des familles prévoyant la création d'une aide préventive pour permettre l'accès à l'eau potable à toute personne ou famille « éprouvant des difficultés particulière au regard notamment de son patrimoine, de l'insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d'existence ».

Cette aide ne remet pas en cause la possibilité, pour les ménages, de bénéficier d'un soutien de la part des fonds de solidarité pour le logement pour s'acquitter de leurs dettes de factures d'eau.

Les personnes pouvant bénéficier de cette aide sont celles dont les dépenses d'eau potable permettant de satisfaire les besoins élémentaire excèdent, toutes taxes comprises, 3 % de leurs ressources disponibles lorsque la consommation d'eau est de 50 m 3 par an et par unité de consommation.

Les ressources disponibles prises en compte sont celles définies à l'article 5 du décret n° 2005-212 du 2 mars 2005 relatif aux fonds départementaux de solidarité pour le logement, c'est-à-dire « l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer à l'exception de l'aide personnelle au logement, de l'allocation de logement, de l'allocation de rentrée scolaire, de l'allocation d'éducation spéciale et de ses compléments et des aides, allocations et prestations à caractère gracieux ».

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements rédactionnels du rapporteur Michel Lesage, afin notamment de supprimer la référence au décret n° 2005-212 définissant les ressources disponible prises en compte .

En séance, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements du rapporteur, dont deux amendements rédactionnels et un amendement qui supprime le critère de la consommation d'eau de 50 m 3 par an et par unité de consommation pour bénéficier de l'aide pour ne conserver que le critère des 3 % des ressources disponibles du ménage.

IV. La position de votre commission

Les ménages qui font face à des impayés d'eau peuvent recourir à des aides dites « curatives » versées notamment par les fonds de solidarité pour le logement (FSL) et les centres communaux d'action sociale (CCAS).

Cependant, comme il a été rappelé précédemment, cette démarche curative est insuffisante et insatisfaisante puisqu'elle n'intervient qu'en aval pour aider, ponctuellement et au cas par cas les ménages en difficulté.

La création d'une aide préventive pour l'accès à l'eau potable et à l'assainissement permettrait donc d'aider les ménages à s'acquitter de leurs dépenses d'eau et d'éviter de se trouver dans l'impossibilité de payer leurs factures.

Elle permettrait ainsi de diminuer fortement le nombre de dossiers d'impayés pris en charge par les FSL et les CCAS , qui pourraient réallouer leurs moyens vers leurs autres dépenses d'action sociale. Cette diminution des impayés serait également positive pour les entreprises en charge des services d'eau, et limiterait le nombre de contentieux occasionnés en raison des coupures d'eau ou des limitations du débit d'eau pratiquées en cas de non-paiement par les abonnés.

Il est prévu que l'aide soit versée aux ménages en difficulté, afin que leurs dépenses d'eau ne dépassent pas 3 % de leurs ressources disponibles, un seuil généralement retenu par les institutions internationales pour caractériser un coût de l'eau prohibitif .

Dans un rapport de juillet 2011 23 ( * ) , le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) évalue à environ 2 millions le nombre de personnes pour lesquelles la facture d'eau et d'assainissement représente plus que le seuil d'acceptabilité de 3 % du revenu.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (article L. 115-3-2 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles) - Allocation forfaitaire d'eau

Objet : Cet article vise à créer une allocation forfaitaire d'eau versée aux personnes dont les ressources sont inférieures au montant du RSA « socle » ou comprises entre ce montant et le plafond de ressources ouvrant droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C).

I. Le droit en vigueur

En vertu de l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, la fourniture d'eau potable fait l'objet d'une facturation, qui comprend une part proportionnelle , calculée en fonction du volume réellement consommé par l'abonné et, éventuellement, une part fixe , calculée en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement. Le montant de la part proportionnelle peut être établi soit sur la base d'un tarif uniforme au mètre cube, soit sur la base d'un tarif progressif.

L'article 28 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 (dite loi « Brottes ») 24 ( * ) introduit la possibilité pour les collectivités compétentes de mettre en place, sur une période de cinq ans, des expérimentations « en vue de favoriser l'accès à l'eau et de mettre en oeuvre une tarification sociale de l'eau » .

Cette expérimentation peut porter sur la mise en place d'une tarification sociale de l'eau tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, d'une aide au paiement des factures d'eau ou d'une aide à l'accès à l'eau. Cette expérimentation est engagée pour une période de cinq ans à compter de la date de la promulgation de la loi, soit jusqu'au 16 avril 2018.

Par le décret n°2015-46 du 14 avril 2015 modifié par le décret n° 2015-962 du 31 juillet 2015 25 ( * ) , le Gouvernement a arrêté la liste des collectivités autorisées à participer à l'expérimentation. 50 collectivités ont ainsi été autorisées à expérimenter la mise en oeuvre d'une tarification sociale de l'eau .

II. La proposition de loi initiale

L'article 4 s'inscrit dans la suite du précédent article pour préciser les conditions de versement de l'aide préventive pour l'accès à l'eau potable et à l'assainissement . Il insère un nouvel article L. 115-3-2 au sein du code de l'action sociale et des familles qui prévoit le versement d'une allocation forfaitaire d'eau aux personnes dont les ressources sont inférieures ou égales à celles du revenu de solidarité active (RSA) « socle » 26 ( * ) .

Cet article prévoit également que les personnes dont les ressources sont comprises entre le montant forfaitaire du RSA « socle » et le plafond de ressources donnant droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) perçoivent la moitié de l'allocation 27 ( * ) . Le montant de l'allocation est par ailleurs doublé lorsque le prix moyen de l'eau dépasse un niveau déterminé par décret en Conseil d'État.

Le montant de l'allocation forfaitaire d'eau est fixé par décret en Conseil d'État et indexé sur le montant forfaitaire du RSA « socle ». Par ailleurs, le versement des allocations forfaitaires incomberait aux caisses d'allocations familiales (CAF).

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, l'Assemblée nationale a adopté neuf amendements du rapporteur, dont six amendements rédactionnels et trois amendements visant à :

- restreindre le bénéfice de l'allocation forfaitaire d'eau aux seules personnes payant un prix de l'eau supérieur à un niveau fixé par décret en conseil d'État ;

- supprimer l'alinéa relatif aux modalités de versement de cette aide par les caisses d'allocation familiales , en estimant qu'il n'est pas possible au regard de l'article 40 de la Constitution de confier aux organismes de Sécurité sociale une nouvelle mission représentant une charge supplémentaire.

En séance, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements du rapporteur, dont un amendement qui restreint l'utilisation de l'allocation forfaitaire au paiement, partiel ou total, des dépenses d'eau et un amendement qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'opportunité de rapprocher le dispositif de l'allocation forfaitaire d'eau du dispositif du chèque énergie , dans un délai de deux ans à compter de la généralisation de ce dernier.

IV. La position de votre commission

L'article L. 210-1 du code de l'environnement dispose que chaque personne a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

Afin d'aider les personnes les plus démunies à accéder à l'eau potable à un coût raisonnable, deux types de mesures « préventives » peuvent être mises en place : une tarification sociale de l'eau, c'est-à-dire une différenciation tarifaire tenant compte de la composition et/ou des ressources du ménage ; une aide préventive au paiement des factures d'eau.

Comme il a été rappelé précédemment, la mise en place d'une tarification sociale est confrontée à plusieurs contraintes (cf. supra ).

En conséquence, il parait préférable de privilégier le versement d'une allocation de solidarité dédiée à l'eau du type « chèque eau » , sur le modèle du chèque énergie actuellement en cours d'expérimentation et dont la généralisation est prévue au 1 er janvier 2018.

Afin de permettre une gestion simple et lisible de l'aide, le présent article prévoit que l'allocation soit versé à taux plein aux bénéficiaires du RSA « socle », et à taux réduit pour les personnes dont les revenus se situent entre ce montant et le plafond ouvrant droit à la CMU-C. Cette simplicité des critères d'attribution est par ailleurs cohérente avec l'objectif de viser les personnes dont les dépenses d'eau dépassent 3 % de leurs revenus disponibles , puisque ce seuil est généralement atteint par les personnes qui disposent de moins de 600 euros par mois. Comme le chèque énergie, cette aide serait uniquement consacrée au paiement des factures d'eau.

De même, il parait important, comme le prévoit l'article 4, de prendre en compte l'hétérogénéité du prix de l'eau en fonction des territoires et de ne verser l'allocation d'eau qu'aux personnes qui paient l'eau à un prix supérieur à la moyenne.

Afin de plafonner à 3 % de leurs revenus les dépenses d'eau des personnes percevant le RSA « socle », le CGEDD a estimé qu' une aide annuelle de l'ordre de 60 euros était nécessaire , ce qui représenterait un coût annuel estimé entre 50 et 60 millions d'euros.

En somme, votre rapporteur considère que le système retenu est relativement simple et rapide à mettre en place. Comme le prévoit l'article 4, il pourra être à terme imaginé de rapprocher ce dispositif du chèque énergie suite à la généralisation de ce dernier.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (article L. 1314-3 [nouveau] du code de la santé publique) - Contribution additionnelle sur l'eau embouteillée

Objet : Cet article vise à créer un fonds de solidarité du droit à l'eau pour financer l'allocation forfaitaire d'eau, alimenté par une contribution sur l'eau embouteillée de 0,5 centime d'euro par litre.

I. Le droit en vigueur

Le Fonds national d'aide au logement (FNAL) est un fonds sans personnalité morale géré par la Caisse des dépôts et consignations qui finance l'ensemble des aides personnelles au logement ainsi que les dépenses de gestion qui s'y rapportent (aide personnalisée au logement, allocation de logement, allocation de logement familiale) ainsi que les dépenses du Conseil national de l'habitat.

L'article L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que les recettes du FNAL sont constituées par : le produit des cotisations sociales dues par les employeurs prévu à l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, la taxe sur les plus-values de cession d'immeubles hors terrains à bâtir, la fraction de la taxe sur les bureaux perçue dans la région Ile-de-France ainsi que des dotations de l'État.

L'article 520 A du code général des impôts prévoit la perception d'un droit sur les boissons non alcoolisées , dont le montant est fixé à 0,54 euros par hectolitre (soit 0,0054 euro par litre) s'agissant des eaux minérales naturelles ou artificielles. Ce droit est dû par « les fabricants, les exploitants de sources, les importateurs et les personnes qui réalisent des acquisitions intracommunautaires » sur les quantités d'eau mises sur le marché au cours du mois précédent. Les exportations vers un État membre de l'Union européenne ou vers un pays tiers sont exonérées de contribution.

La taxe sur les eaux embouteillées représente un produit d'environ 75 millions d'euros par an.

Par ailleurs, les communes sur le territoire desquelles est située une source d'eau minérale peuvent percevoir une surtaxe sur les eaux minérales dont le montant est limité à 0,58 euro par hectolitre 28 ( * ) .

II. La proposition de loi initiale

L'article 5 vise à introduire un nouvel article L. 1314-3 dans le code de la santé publique afin d' instituer un « Fonds de solidarité du droit à l'eau » au sein du Fonds national d'aide au logement . Ce fonds serait chargé de financer l'allocation forfaire d'eau créée par le précédent article.

Le financement de ce fonds serait assuré par la mise en place d'une contribution de 0,5 centime d'euro par litre d'eau embouteillée vendu en France .

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Après avoir adopté au stade de la commission quatre amendements de précision et d'amélioration rédactionnelle du texte du rapporteur Michel Lesage, l'Assemblée nationale a, en séance publique, adopté plusieurs amendements identiques de suppression de cet article, dont un amendement du Gouvernement .

Le Gouvernement a demandé la suppression de cet article estimant que « le dispositif proposé n'est pas en phase avec certains principes [qu'il] s'est fixé en matière de finances publiques et de pilotage des politiques publiques », notamment en ce qu'il créé une nouvelle taxe affectée. En séance publique, la secrétaire d'État chargée de la biodiversité Barbara Pompili a estimé qu'il convenait de poursuivre les réflexions et les travaux pour arriver à une solution de financement plus consensuelle pouvant être inscrite en loi de finances 29 ( * ) .

Plusieurs députés ont par ailleurs demandé la suppression de cet article estimant que la mise en place d'une contribution additionnelle sur l'eau embouteillée reviendrait à créer une nouvelle taxe sur un secteur déjà fortement contributif . Compte tenu de la forte concurrence dans ce secteur, les entreprises concernées ne seraient pas en mesure de répercuter cette taxe sur les prix de vente.

IV. La position de votre commission

D'après l'étude du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) précitée, la mise en place de l'allocation forfaitaire d'eau dans les conditions définies par l'article 4 de la présente proposition de loi représenterait un coût annuel compris entre 50 et 60 millions d'euros.

Afin de financer cette aide, la proposition de loi prévoyait la création d'une contribution additionnelle à la contribution sur les eaux embouteillées, de 0,5 centime d'euro par litre. Ceci présentait l'avantage de ne pas recourir à la création d'une nouvelle taxe, mais d'augmenter d'un faible montant le taux d'une contribution existante qui pèse sur un produit qui n'est pas de première nécessité et qui est écologiquement peu vertueux.

Compte tenu du fait qu'environ 118 litres d'eau en bouteille par an et par habitant sont vendus en France (soit une consommation annuelle totale de plus de 7,7 milliards de litres), la mise en place d'une contribution supplémentaire de 0,5 centime d'euro par litre représenterait un surcoût de moins de 1 euro par an pour le consommateur , à supposer que cette taxe soit entièrement répercutée par les entreprises.

La suppression de cet article prive la proposition de loi d'une source de financement nouvelle pour le financement de l'allocation forfaitaire d'eau. Toutefois, l'article 6 prévoit une solution alternative puisqu'il affecte la recette de l'actuelle contribution sur l'eau embouteillée au FNAL afin de prendre en charge le coût de l'aide préventive au paiement de l'eau.

Votre commission a maintenu la suppression de cet article.

Article 6 (articles L. 351-6 et L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation, article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales) - Modalités de financement de l'allocation forfaitaire d'eau

Objet : Cet article prévoit des mesures de coordination relatives au financement, par le Fonds national d'aide au logement (FNAL), de l'allocation forfaitaire d'eau, ainsi que la création obligatoire d'un volet « eau » dans chaque fonds de solidarité pour le logement (FSL).

I. Le droit en vigueur

Le droit en vigueur s'agissant des fonds de solidarité pour le logement (FSL) et du Fonds national d'aide au logement (FNAL) a été présenté dans les commentaires des articles 3 et 5 du présent rapport.

Les services publics d'eau et d'assainissement sont des services publics à caractère industriel et commercial (SPIC) . L'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales prévoit une interdiction générale pour les communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des SPIC, que ceux-ci soient exploités en régie ou non, ainsi que des exceptions à cette interdiction 30 ( * ) .

II. La proposition de loi initiale

L'article 6 modifie les articles L. 351-6 et L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation relatifs, respectivement, aux dépenses et aux recettes du Fonds national d'aide au logement (FNAL), afin de tirer les conséquences de la création de l'allocation forfaitaire d'eau . Il prévoit ainsi  que le FNAL :

- finance les allocations forfaitaires d'eau ainsi que les dépenses de gestion afférentes ;

- perçoit le produit de la contribution additionnelle sur les eaux embouteillées afin de financer les dépenses relatives à l'allocation forfaitaire d'eau.

En outre, l'article 6 prévoit la création obligatoire d'un volet « eau » dans chaque fonds de solidarité pour le logement (FSL) destiné à financer les aides au règlement des impayés d'eau. Il dispose également que les éventuelles contributions que perçoivent les FSL de la part des fournisseurs et distributeurs d'eau soient exclusivement utilisées pour le financement de telles aides curatives.

Enfin, l'article 6 modifie l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales pour permettre aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des subventions attribuées afin de « réduire la répercussion sur l'ensemble des abonnés des mesures de solidarité sur l'eau et l'assainissement prises par les services de l'eau et de l'assainissement ».

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, l'Assemblée nationale a adopté cinq amendements rédactionnels du rapporteur Michel Lesage, ainsi qu'un amendement visant à supprimer la possibilité de dérogation à l'interdiction de financement par le budget propre des communes des dépenses de SPIC , jugée trop imprécise.

En séance, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

IV. La position de votre commission

Cet article propose une solution de repli par rapport à l'article 5 s'agissant du financement de l'allocation forfaitaire. Il dispose en effet que cette allocation est financée par le Fonds national d'aide au logement (FNAL) grâce à l'affectation de la contribution existante sur l'eau embouteillée (et non par la création d'une surtaxe).

Ceci permet de ne pas alourdir la fiscalité sur les entreprises mettant de l'eau embouteillée sur le marché tout en fléchant la contribution qu'elles paient déjà vers l'allocation d'eau. Comme le suggérait le rapporteur Michel Lesage à l'Assemblée nationale, ceci permettrait à ces entreprises de valoriser leur contribution en mettant en avant leur participation au financement d'une allocation de solidarité.

Il reviendra à l'État de trouver les moyens de compenser la perte de recettes induite par cette affectation de la contribution au FNAL, dont le montant est d'environ 75 millions d'euros.

Cet article prévoit également de compléter le dispositif actuel d'aides curatives, en obligeant la création, dans chaque fonds de solidarité pour le logement, d'un volet « eau » destiné à prendre en charge les aides aux ménages pour régler leurs impayés d'eau. Comme il a été rappelé précédemment, environ un quart des FSL ne disposent pas de volet « eau ».

La mise en place d'une aide préventive devrait permettre de réduire très fortement le nombre d'impayés et donc le recours à des aides a posteriori. Cependant, pour les cas où l'aide ne serait pas suffisante, il est important de maintenir des dispositifs subsidiaires d'aide sociale départementaux , via les FSL, ou communaux via les centres communaux d'action sociale (CCAS).

L'article 6-3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, les FSL peuvent être financés par des contributions des fournisseurs et distributeurs d'eau. La loi n° 2011-156 du 7 février 2011 relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement prévoit ainsi qu'ils puissent attribuer des subventions aux FSL dont le montant ne peut excéder 0,5 % des montants hors taxes des redevances d'eau ou d'assainissement perçues.

Ces contributions des distributeurs d'eau sont relativement peu importantes . D'après le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), les aides des FSL sont actuellement financées à 76 % par l es conseils généraux, 8 % par les distributeurs d'énergie et 7 % par les caisses d'allocations familiales (CAS), le reste provenant des bailleurs sociaux, des centres communaux d'action sociale et des opérateurs dans le domaine de l'eau.

Il est toutefois utile de prévoir, comme le fait le présent article, que les contributions des distributeurs d'eau ne soient allouées qu'au financement des aides curatives pour régler les factures d'eau.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (articles L. 1413-1, L. 2224-5 et L. 2224-5-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Suivi de la mise en oeuvre du droit à l'eau potable et à l'assainissement

Objet : Cet article prévoit l'organisation d'un débat sur la mise en oeuvre du droit à l'eau potable et à l'assainissement par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ainsi que la prise en compte de cette problématique dans les rapports annuels sur le prix et la qualité du service public d'eau potable .

I. Le droit en vigueur

Créées par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, les commissions consultatives des services publics locaux sont des organes consultatifs institués dans les régions, les départements, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les syndicats mixtes comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants.

Les dispositions relatives aux commissions consultatives des services publics locaux sont codifiées à l'article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales.

Ces commissions regroupent les membres de l'assemblée ou de l'organe délibérant de la collectivité ainsi que des représentants d'associations locales. Elles examinent, chaque année, des rapports relatifs à la gestion des services publics locaux (SPL) et sont également consultées pour avis par les assemblées délibérantes sur les projets relatifs aux SPL.

L'article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que le maire ou le président de l'EPCI compétents en matière d'eau et d'assainissement présentent tous les ans à leurs assemblées délibérantes un rapport sur le prix et la qualité du service public d'eau potable . Ce rapport doit s'accompagner d'une note établie par l'agence de l'eau ou l'office de l'eau sur les redevances d'eau et sur la réalisation de leurs programmes pluriannuels d'intervention. Cette présentation est facultative pour les communes et les EPCI de moins de 3 500 habitants.

II. La proposition de loi initiale

L'article 7 prévoit que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d'eau et d'assainissement assurent un suivi de la mise en oeuvre du droit à l'eau potable et à l'assainissement . À cette fin, il :

- insère un nouvel alinéa dans l'article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales afin que les commissions consultatives des services publics locaux soient consultées pour avis par les assemblées délibérantes sur « tout projet de décision qui affecte de manière significative l'existence du droit à l'eau » ;

- complète l'article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir que le rapport sur le prix et la qualité du service public d'eau potable « contient une description des mesures prises par la municipalité et les services de l'eau et de l'assainissement pour la mise en oeuvre du droit à l'eau » ;

- insère un nouvel article L. 2224-5-1 dans le code général des collectivités territoriales qui prévoit l'organisation d'un débat sur la mise en oeuvre du droit à l'eau (en particulier sur les enjeux liés à la tarification progressive) au sein du conseil municipal ou de l'assemblée délibérante de l'EPCI au cours des trois premières années de mandature, sur la base d'un rapport dressant un état des lieux des actions mises en place en la matière.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté onze amendements rédactionnels du rapporteur Michel Lesage et deux amendements rédactionnels du Gouvernement.

IV. La position de votre commission

Cet article vise à mobiliser les collectivités sur la question de la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement .

La présente proposition de loi comporte des dispositions relatives à la mise à disposition par les collectivités territoriales d'un accès à des équipements sanitaires et de distribution d'eau.

Votre rapporteur considère qu'il est important que la question du droit d'accès à l'eau et à l'assainissement soit débattue au sein des assemblées délibérantes , sur la base d'un rapport relatif aux actions déjà entreprises ou envisagées pour rendre ce droit effectif.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 (article L. 213-1 du code de l'environnement) - Demande de rapport

Objet : Cet article prévoit que le Comité national de l'eau remette au Gouvernement et au Parlement, tous les trois ans, un rapport sur la mise en oeuvre du droit à l'eau potable et à l'assainissement.

I. Le droit en vigueur

Institué par la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, le Comité national de l'eau est un organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de l'environnement .

En vertu de l'article L. 213-1 du code de l'environnement, ce Comité a pour mission :

- de donner son avis sur les circonscriptions géographiques des bassins et groupements de bassins et sur tout problème commun à deux ou plusieurs bassins ou groupements de bassin ;

- de donner son avis sur tous les projets d'aménagement et de répartition des eaux ayant un caractère national ainsi que sur les grands aménagements régionaux ;

- de donner son avis sur les projets de décret concernant la protection des peuplements piscicoles et conchylicoles ;

- de donner, sur proposition d'un comité consultatif constitué en son sein, son avis sur le prix de l'eau facturé aux usagers et la qualité des services publics de distribution d'eau et d'assainissement.

II. La proposition de loi initiale

L'article 8 complète l'article L. 213-1 du code de l'environnement pour prévoir que le Comité national de l'eau remet au Gouvernement un rapport triennal sur la mise en oeuvre du droit à l'eau , qui comporte notamment des informations sur les personnes qui ne disposent pas d'un raccordement au réseau d'eau potable.

Il confie également au Comité national de l'eau la mission de recevoir les réclamations liées à la méconnaissance de ce droit à l'eau.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur Michel Lesage afin que le rapport du Comité national de l'eau soit également transmis au Parlement .

En séance, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur afin de supprimer les dispositions de l'article relatif à la nouvelle mission confiée au Comité de réception des réclamations sur le droit à l'eau , estimant que « le Comité national de l'eau est un organisme consultatif, qui n'a pas vocation à traiter des réclamations des usagers, ni même à en être simplement le destinataire ».

IV. La position de votre commission

L'information du Gouvernement et du Parlement sur la mise en oeuvre du droit à l'eau par la rédaction triennale d'un rapport permettra de réaliser un suivi nécessaire de la mise en oeuvre des dispositions contenues dans la présente proposition de loi.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 - Gage

L'article 9 visait « à gager » les dispositions de la proposition de loi pour assurer sa recevabilité financière au regard de l'article 40 de la Constitution. Ce gage, inopérant, a été supprimé en commission par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur Michel Lesage .

Votre commission a maintenu la suppression de cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 février 2017, la commission a examiné le rapport sur la proposition de loi n° 685 (2015-2016) visant à la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement.

M. Rémy Pointereau , président . - Veuillez excuser le président Hervé Maurey, retenu par une réunion de l'Union interparlementaire sur les objectifs du développement durable, la protection de la planète et des océans.

La proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement sera examinée en séance publique mercredi 22 février, dans l'espace réservé au groupe écologiste. Nous examinons ce matin le rapport Ronan Dantec, par ailleurs très occupé par la commission d'enquête sur la compensation des atteintes à la biodiversité, dont nous saluons la disponibilité. Un seul amendement a été déposé sur cette proposition de loi.

M. Ronan Dantec , rapporteur . - Nous sommes en effet réunis pour examiner la proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement, adoptée le 15 juin 2016 par l'Assemblée nationale.

L'accès à une eau potable est un élément vital, indissociable de la dignité humaine. Le droit à l'eau potable et à l'assainissement a d'ailleurs été reconnu comme un « droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie » par une résolution de l'Assemblée générale des Nations-Unies du 28 juillet 2010. Mais ce droit est loin d'être une réalité pour tous. Dans le monde, plus de 600 millions de personnes n'ont pas accès à une eau salubre et plus de 2,5 milliards de personnes sont privées d'accès à des installations sanitaires. Il s'agit d'une des premières causes mondiale de mortalité, notamment infantile : près de 700 000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année du fait de maladies liées à la consommation d'une eau contaminée. Le changement climatique, qui accroît les épisodes de sécheresse et accélère la désertification, fait peser une autre menace sur l'accès à l'eau, qui touche en premier lieu les pays les plus vulnérables : 65 % de la population africaine pourrait ainsi être confrontée à un stress hydrique d'ici 2025.

Dans ce contexte, la France jouit d'une situation privilégiée, tant au regard des ressources en eau disponibles que de l'accès de la population à une eau potable et à des équipements sanitaires. En effet, près de 99 % des Français sont aujourd'hui raccordés à un réseau de distribution d'eau. Le droit à l'eau potable est donc une réalité pour la grande majorité des habitants de notre pays. Pourtant, il reste des catégories de population qui n'ont pas accès à l'eau potable et à l'assainissement dans des conditions satisfaisantes : d'une part, celles qui n'ont pas d'accès physique à l'eau, au premier rang desquelles les personnes sans-abri ; d'autre part, les personnes qui ont du mal à régler leurs factures d'eau et font face à des impayés, voire des coupures d'eau.

Cette proposition de loi agit sur deux fronts à travers deux mesures phares : la mise à disposition gratuite d'équipements de distribution d'eau et d'assainissement pour les personnes qui en ont besoin et la création d'une aide préventive pour aider les personnes à faibles ressources à s'acquitter de leurs factures d'eau. Elle est issue de nombreux travaux réalisés ces dernières années sur le droit à l'eau et à l'assainissement, par des juristes comme Henri Smets, des associations, ou encore des institutions comme le Conseil d'État.

Cette proposition de loi s'inscrit surtout dans la lignée de plusieurs initiatives de députés et de sénateurs de sensibilités politiques différentes qui ont cherché à garantir l'accès de tous à l'eau : je pense à la proposition de loi du député André Flajolet de 2010 visant à créer l'allocation de solidarité pour l'eau, ou à la loi du 7 février 2011 relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement adoptée à l'initiative de notre collègue Christian Cambon.

À la suite du sixième Forum mondial de l'eau qui s'est tenu à Marseille en mars 2012, et où une délégation de notre assemblée s'était rendue, la Fondation France Libertés et plusieurs associations réunies au sein du collectif « Coalition eau » ont entrepris, avec des parlementaires, la rédaction d'une nouvelle proposition de loi visant à créer une aide préventive d'accès à l'eau. Élaboré de manière transpartisane, le texte issu de ces travaux a été co-signé par des députés de quatre groupes politiques différents à l'Assemblée nationale.

Nommé rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, le député Michel Lesage a réalisé un travail important d'amélioration juridique et légistique de ce texte, en lien étroit avec le Gouvernement et le milieu associatif, si bien que le texte qui nous est présenté est juridiquement cohérent. Cet intense travail de préparation, de plus de trois ans, et les contraintes du calendrier parlementaire, expliquent que cette proposition de loi nous soit soumise aussi tard dans la législature. Finir la législature en votant le droit à l'eau serait toutefois un symbole très fort.

La proposition de loi est composée de quatre mesures principales. D'abord, son article 1 er reconnaît un droit à l'eau potable et à l'assainissement. Il ne s'agit pas de créer un droit opposable à l'eau au même titre que le droit au logement puisque l'article ne définit pas de voies de recours juridictionnelles pour contraindre la puissance publique à agir, mais d'inscrire dans l'ordre juridique interne un droit déjà consacré au niveau international.

La seconde mesure vise à garantir à tous un accès physique à l'eau potable et à l'assainissement. L'article 2 de la proposition de loi oblige les collectivités compétentes en matière d'eau et d'assainissement à installer et entretenir des équipements de distribution gratuite d'eau potable. Il prévoit également la mise à disposition gratuite de toilettes publiques dans les collectivités de plus de 3 500 habitants et de douches publiques dans les collectivités de plus de 15 000 habitants. Cela permettra aux personnes sans-abri, dont le nombre est estimé à 100 000 en France, de satisfaire leurs besoins élémentaires d'alimentation et d'hygiène par la mise à disposition de points d'eau collectifs et de bains publics.

Cette mesure est loin d'être aussi contraignante qu'il y paraît puisque, pour se conformer à cette obligation, les collectivités pourront mettre à disposition les équipements sanitaires ou de distribution d'eau qui existent déjà, par exemple ceux des bâtiments publics - mairies, centres sportifs, centres d'accueil - ou d'associations subventionnées. Sauf volonté des collectivités d'augmenter leur offre, cette mesure n'occasionnera aucune dépense de construction d'installations nouvelles pour les collectivités. Au regard de l'enjeu humain et sanitaire que représente l'accès de tous à l'eau, cette exigence paraît raisonnable.

La troisième mesure consiste à créer une aide préventive d'accès à l'eau et à l'assainissement, nommée « allocation forfaitaire d'eau ». Les articles 3, 4, 5 et 6 en précisent les conditions d'éligibilité et les modalités de financement. L'article 3 pose le principe d'une aide préventive versée aux personnes dont les dépenses d'eau excèdent 3 % de leurs ressources disponibles. Ce seuil est la norme retenue par les institutions internationales pour caractériser un coût prohibitif de l'eau. En moyenne, les dépenses d'eau représentent 0,8 % du budget des ménages. D'après le Conseil général de l'environnement et du développement durable, il existerait environ 2 millions de personnes en France dont la facture d'eau dépasse ce seuil d'acceptabilité de 3 %.

Actuellement, les ménages confrontés à des impayés d'eau peuvent recourir aux aides versées notamment par les fonds de solidarité pour le logement (FSL) gérés par les départements. Ce mécanisme ne fonctionne toutefois qu' a posteriori pour aider, ponctuellement et au cas par cas, les ménages en difficulté - ce qui occasionne des coûts dont on parle trop peu - et certains ménages, par crainte de stigmatisation ou par méconnaissance des dispositifs existants, n'y ont pas recours. Enfin et surtout, un quart des FSL n'octroient pas d'aides au règlement des impayés d'eau, faute d'un volet spécifique, et lorsque de telles aides existent, leurs critères d'attribution varient fortement d'un territoire à l'autre. Les limites de ces mécanismes curatifs plaident pour la mise en place d'une aide préventive afin d'éviter que les ménages en difficulté se retrouvent dans l'impossibilité de payer leurs factures d'eau.

L'article 4 précise les modalités de versement de cette aide : il s'agirait d'une allocation forfaitaire d'eau versée aux personnes dont les ressources sont inférieures ou égales à celles du RSA « socle ». Les personnes dont les ressources seraient comprises entre le montant forfaitaire du RSA « socle » et le plafond de ressources donnant droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) percevraient la moitié de l'allocation. Le choix de verser cette allocation aux bénéficiaires du RSA « socle », outre le fait qu'il permet une gestion simple et lisible de l'aide, est cohérent avec l'objectif de cibler les personnes dont les dépenses d'eau dépassent 3 % de leur revenu disponible, puisque ce seuil est généralement atteint par les personnes qui disposent de moins de 600 euros par mois. Pour tenir compte de la forte disparité des prix de l'eau sur le territoire, cette allocation ne serait attribuée qu'aux seules personnes payant l'eau à un prix supérieur à un niveau fixé par décret.

L'article 5 est relatif aux modalités de financement de cette aide, dont le coût est estimé entre 50 et 60 millions d'euros - à titre de comparaison, les sommes engagées pour lutter contre la précarité énergétique se situent entre 600 millions et un milliard d'euros... Cet article prévoyait que l'aide soit financée par un Fonds de solidarité du droit à l'eau institué au sein du Fonds national d'aide au logement (Fnal) alimenté par la création d'une taxe additionnelle à la taxe existante sur les eaux en bouteille de 0,5 centime d'euro par litre d'eau embouteillée. Compte tenu du fait qu'environ 150 litres d'eau en bouteille sont vendus en France par an et par habitant, et à supposer que cette taxe soit entièrement répercutée par les entreprises, cela représenterait un surcoût de moins de 1 euro par an pour le consommateur.

Cet article a toutefois été supprimé en séance publique à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, opposé à la création d'une surtaxe qui aurait pu pénaliser les petites entreprises mettant sur le marché de l'eau embouteillée, et qui a souhaité qu'une solution de financement plus consensuelle soit trouvée. Les fabricants d'eau en bouteille, avec lesquels j'ai eu l'occasion d'échanger, sont favorables à cette nouvelle mouture du texte.

L'article 6, lui, demeure. Il prévoit une solution de repli puisqu'il affecte le produit de l'actuelle contribution sur les eaux embouteillées au Fnal pour le financement de l'allocation forfaitaire d'eau. En clair, l'action publique sera allégée puisque la dépense assurée aujourd'hui par les départements sera prise en charge par l'État et son montant diminué par la réduction des coûts de gestion. L'article 6 prévoit en outre la généralisation, dans tous les fonds de solidarité pour le logement, d'un volet « eau » chargé de financer des aides aux ménages confrontés à des impayés d'eau.

L'article 7 prévoit que les maires ou les présidents d'EPCI présentent un rapport sur les actions menées pour mettre en oeuvre le droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement dans les trois ans suivant les élections municipales. Cette question devra également figurer dans les rapports annuels sur le prix et la qualité du service public d'eau potable présentés aux assemblées délibérantes.

L'article 8 prévoit enfin la remise par le Gouvernement d'un rapport triennal sur la mise en oeuvre de ce droit à l'eau potable et à l'assainissement.

Cette proposition de loi répond à un enjeu humain et social majeur : celui de l'accès de tous à l'eau et à l'assainissement. Fruit d'un long travail réalisé avec le milieu associatif et le Gouvernement, le texte issu des travaux de l'Assemblée est équilibré et cohérent, et tient la route du point de vue juridique. Compte tenu du calendrier législatif, je souhaite qu'il soit adopté de manière conforme par notre assemblée. C'est pourquoi je ne propose pas d'amendements et donnerai un avis défavorable à celui qui a été déposé. J'espère que le Sénat sera à la hauteur de cet enjeu et votera en faveur de cette proposition de loi. La Slovénie a inscrit le droit à l'eau dans sa Constitution ; la France peut être le premier pays à transposer la résolution de l'ONU - qu'elle a soutenue - dans sa législation.

M. Philippe Madrelle . - Je félicite le rapporteur pour son exposé. Ce texte est le résultat d'un long travail des ONG, engagé il y a plus de vingt ans déjà par la fondation France Libertés de Danielle Mitterrand, qui a eu le mérite de mettre en lumière la contradiction entre le statut naturel et le statut économique de l'eau. Comme l'air que l'on respire, l'eau est un bien commun, et ne peut à ce titre être considérée comme une simple marchandise. Pour traduire ce principe en droit, cette proposition de loi repose sur deux piliers : d'une part, la reconnaissance du droit à l'eau potable et à l'assainissement, en vertu duquel chaque personne doit pouvoir disposer d'une quantité d'eau minimale pour vivre, d'autre part, l'organisation de l'accès à l'eau dans l'espace public.

Le droit à l'eau potable n'est pas effectif pour tous en France : plus de 100 000 personnes ne disposent pas d'un accès direct à l'eau, un million de ménages se situent sous le seuil de pauvreté et n'ont accès à l'eau que dans des conditions alarmantes. Dans le monde, 1,5 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, 2,5 milliards de personnes ne disposent pas d'une installation d'assainissement, et 34 000 personnes dont 5 000 enfants meurent chaque année faute d'accès à une eau potable. Un Américain consomme 500 à 600 litres d'eau par jour alors qu'un Africain doit se contenter de 20 litres...

L'article 5, qui créait le Fonds de solidarité pour le droit à l'eau, a été supprimé à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement. Ce combat pour l'accès de tous à l'eau est le symbole de tout un engagement pour un monde plus juste et plus solidaire. Après la COP21 et le vote de la loi pour la reconquête de la biodiversité, la France doit montrer l'exemple en s'engageant plus résolument pour la protection de l'environnement, de la ressource en eau et la promotion des droits humains. Tant au niveau local qu'international, l'eau est un enjeu de gouvernance et la gestion de ce bien commun doit plus que jamais être au service des communautés et de l'intérêt général. L'adoption de ce texte constituerait une première étape dans la reconnaissance de la dignité humaine, avec la mise en place d'une véritable démocratie de l'eau - qui est la base de la vie. Votons en conséquence ce texte conforme. La France serait, après la Slovénie, l'un des quinze pays au monde à reconnaitre ce droit. Nous reviendrons ensuite sur les questions financières que soulève ce texte.

Mme Évelyne Didier . - Nous avions déposé un texte analogue en 2009, sur la base des propositions de France Libertés, mais aussi de l'Observatoire des usagers de l'assainissement en Ile-de-France (Obusass) et des travaux du Conseil national de l'eau. Nous proposions alors que la caisse d'allocations familiales distribue l'aide, puisqu'elle dispose, sur l'ensemble du territoire, des informations utiles sur les personnes en difficulté. J'ai été sollicitée pour retirer mon amendement, mais je souhaiterais auparavant des précisions sur le financement du dispositif.

Mme Chantal Jouanno . - La reconnaissance internationale du droit d'accès à l'eau et à l'assainissement avait donné lieu à d'importants débats, et sa concrétisation est une très bonne chose. Le sujet central est toutefois celui du traitement de l'eau : l'eau est certes un bien gratuit, mais son traitement ne l'est pas nécessairement... Combien de communes de plus de 3 500 habitants sont concernées par l'obligation de mise à disposition de toilettes gratuites, et qui paiera ? Le coût sera-t-il bien de 60 millions d'euros pour 2 millions de personnes ? Enfin, quid de l'application du texte outre-mer, à Mayotte en particulier ?

Mme Évelyne Didier . - Bonne question !

M. Jérôme Bignon . - Nommé naguère grâce à Jacques Chirac au Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, j'ai participé au combat en faveur du droit au logement opposable. Ce travail est long, prend du temps, nécessite une évolution des mentalités. Ce texte est un grand pas en avant, et il faut relativiser la charge qu'il représente. Vous est-il seulement arrivé de vous faire couper l'eau en raison d'impayés ? Moi oui - je n'avais pas reçu la facture : c'est d'une grande violence, surtout lorsque vous avez des enfants en bas âge.

Chaque commune, en France, dispose d'un point d'accès à l'eau. Ce texte ne fait que rendre obligatoire la mise à disposition des équipements existants dans les gymnases, les écoles, les salles de sport : ce n'est donc pas compliqué ! Ce texte est une manifestation supplémentaire de solidarité envers ceux qui souffrent le plus. Songez aux milliers de gens qui ont des difficultés pour se laver, pour accéder aux toilettes, regardez ce qui se passe dans les parkings publics, y compris à Paris ! De ce point de vue, nous sommes un pays un peu sous-développé... Le peu d'organisation et de générosité que requiert ce texte équilibré ne me semble pas inconsidéré, et son financement est intelligent. Bref je rends hommage à ceux qui l'ont élaboré et au rapporteur pour son travail, et je le voterai sans hésitation si l'amendement est retiré.

M. Jean-François Longeot . - En attendant d'en discuter en réunion de groupe avec le président Hervé Maurey, le groupe UDI-UC s'abstiendra.

M. Louis Nègre . - Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi. Je comprends la démarche qui la sous-tend, mais j'y vois un coût supplémentaire pour les collectivités territoriales. Les taxes supplémentaires et les transferts de charges, elles en ont ras-le-bol ! Que l'État, qui pousse à la hausse les impôts locaux en leur retirant 11 milliards d'euros de dotations, assume ses responsabilités !

M. Gérard Miquel . - L'accès à l'eau potable est indispensable, c'est vrai, mais je voudrais des précisions sur la gestion du fonds. À ma connaissance, dans aucune collectivité on ne coupe l'eau des particuliers...

Mme Évelyne Didier . - C'est Veolia qui coupe l'eau !

M. Gérard Miquel . - ...car le conseil général, ses services sociaux, interviennent intelligemment avant d'en arriver à cette extrémité. Ne centralisons pas la gestion des difficultés, dont les collectivités s'acquittent très bien.

M. Gérard Cornu . - La gestion de proximité est en effet indispensable au recouvrement de ces sommes. Il faut pouvoir suivre les personnes en difficulté, en cas de déménagement par exemple. Évitons de monter une usine à gaz...

M. Michel Raison . - Je rejoins à mon tour Gérard Miquel : trop de textes manifestent de la défiance à l'égard des élus locaux. Les centres d'action sociale assurent leurs missions efficacement. De plus, le cahier des charges passé avec le fermier par les communes pour la gestion de l'eau interdit le plus souvent les coupures d'eau intempestives. M. Bignon n'a peut-être pas eu de chance... Chez moi en tout cas, cela ne se passe pas ainsi : le particulier qui a contracté une dette d'eau s'adresse aux services d'action sociale, et bénéficie d'un accompagnement.

M. Charles Revet . - Président d'un syndicat des eaux depuis trente ans, je n'ai pas le souvenir de la moindre coupure d'eau, car une solution personnalisée est toujours trouvée à temps, sauf cas exceptionnel d'un gros consommateur indélicat. Reconnaissons le travail de proximité effectué sur le terrain.

M. Rémy Pointereau , président . - Les coupures d'eau sont même encadrées par la loi !

M. Ronan Dantec , rapporteur . - Ce texte ne met aucunement en cause la gestion locale des problèmes d'impayés, et les coupures sont en effet encadrées par la loi. La seule chose qui change est la prise en charge par l'État des factures des plus précaires grâce aux recettes générées par l'eau en bouteille. Vous faites donc un contresens, monsieur Nègre, car ce texte réduit en réalité les charges des collectivités ! On ne peut donc sans incohérence dénoncer l'étranglement des départements et s'opposer à ce texte... Et citez-moi une seule commune qui ne dispose pas déjà d'un robinet d'eau potable ! Aucune charge nouvelle ne pèsera sur les collectivités non désireuses de s'équiper, et celles désireuses d'aller plus loin seront incitées à le faire.

Madame Jouanno, l'outre-mer ne fait en effet pas l'objet de dispositions spécifiques. Quant à l'assainissement, il donne déjà lieu à des conflits d'usage sur l'espace public : les communes n'ont pas besoin de la loi pour évoluer sur ce sujet.

Ce texte, je le redis, n'ajoute aucune contrainte. Il envoie en revanche un signal fort contre la précarité hydrique, à l'instar de ce que nous avons fait contre la précarité énergétique. Il ne porte, comparativement, que sur de petites sommes, et réduira le nombre de dossiers que les collectivités auront à traiter. C'est de plus le fruit d'un travail transpartisan à l'Assemblée nationale. Bref je comprends mal qu'il ne fasse pas consensus, voire qu'il prête aux récupérations politiques. Finir la législature sur ce vote serait un beau symbole !

Madame Didier, les embouteilleurs n'étaient pas désireux de devenir en quelque sorte responsables de la lutte contre la précarité hydrique.

M. Gérard Miquel . - Je voterai ce texte, rassurez-vous, mais à qui exactement les aides seront-elles versées ? Aux personnes ou aux départements ? Ce n'est pas du tout la même chose. Et je crois savoir comment les choses risquent de se terminer...

M. Ronan Dantec , rapporteur . - Le chèque eau sera versé directement aux bénéficiaires.

M. Gérard Miquel . - Ces dispositifs aboutissement généralement à ce que la somme soit versée à la collectivité. Quid de ceux qui utiliseraient leur chèque à d'autres fins ?

M. Ronan Dantec , rapporteur . - Le chèque eau ne servira qu'à payer les factures d'eau, comme le chèque énergie ne sert qu'à payer les factures d'énergie...

M. Gérard Miquel . - Me voilà rassuré.

M. Rémy Pointereau , président . - Ce texte poursuit des objectifs louables, mais je suis sensible à l'inflation législative. Ce que dispose cette proposition de loi, nous le faisons déjà sur nos territoires ! Les points d'eau existent, les toilettes publiques également, les coupures d'eau sont encadrées et les centres d'action sociale accompagnent les particuliers... Sauf peut-être à Paris où, m'a dit un élu parisien, il est indispensable de remédier au manque de toilettes et de douches publiques - mais c'est alors au Conseil de Paris de faire quelque chose -, ce texte me semble bien inutile.

Mme Évelyne Didier . - Je le voterai également, mais je n'ai pas eu ma réponse. Si l'on ne taxe plus les eaux en bouteille, comment financera-t-on le dispositif ?

M. Alain Fouché . - Il est bien beau de dire que les centres communaux d'action sociale font beaucoup. En réalité, cela dépend des communes. Bien souvent, ce sont les départements qui paient les factures, et du jour pour le lendemain qui plus est, alors que les CCAS peuvent mettre plusieurs jours ! Une raison de plus de préserver les départements...

M. Jean-François Rapin . - En tant que maire, j'essaie de faciliter le règlement à l'amiable de ces problèmes. Je crains que le chèque eau, en conduisant à monter une structure lourde de complications administratives pour les ayants droit, soit une usine à gaz.

M. Ronan Dantec , rapporteur . - Je comprends mal la tournure que prennent nos débats... Il est envisagé que le chèque soit versé par les caisses d'allocations familiales et les mutualités sociales agricoles - un décret précisera les détails de sa mise en oeuvre. Ce n'est donc pas une usine à gaz, et cela réduira même les frais de gestion des CCAS et des départements ! Parallèle au chèque énergie généralisé au 1 er janvier 2018, le chèque eau n'est pas un nouveau système mais bel et bien une mesure de simplification puisqu'il réduira le nombre de dossiers à traiter a posteriori .

Madame Didier, il existe déjà une taxe sur l'eau en bouteille. Le texte propose de la flécher vers l'aide au règlement des impayés d'eau.

Mme Évelyne Didier . - Dès lors, je retire mon amendement.

M. Didier Mandelli . - Un tiers du produit de la taxe générale sur les activités polluantes et la moitié de celui des amendes de police sont véritablement fléchés vers les objets respectifs de ces prélèvements : quelle garantie avons-nous ici que le financement prévu pour cette aide ne financera qu'elle ?

Je crains par ailleurs les effets pervers du passage d'une logique d'accompagnement à une logique de guichet. Certes, ce dispositif est promu par les ONG et les acteurs internationaux. Mais n'oublions pas que les collectivités et les associations qui aident les personnes confrontées à des impayés d'eau les accompagnent aussi dans la gestion de leurs problèmes d'électricité, d'accès à la culture, d'accès de leurs enfants à la cantine, etc. Simplifier la gestion des dossiers par les collectivités, pourquoi pas, mais prenons garde à ne pas distendre le lien social tissé sur le terrain par les associations et les services sociaux des collectivités.

M. Ronan Dantec , rapporteur . - Au contraire, les CCAS seront déchargés de lourdeurs administratives ce qui leur permettra de mettre leur énergie au service de l'accompagnement des personnes !

La proposition de loi est adoptée sans modification.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 7 février 2017

- M. Michel Lesage , député des Côtes d'Armor et rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale ;

- Mme Martine Lignières-Cassou , députée des Pyrénées-Atlantiques ;

Mercredi 8 février 2017

- M. Emmanuel Poilane , directeur de la Fondation Danielle-Mitterrand - France Libertés ;

- Mme Edith Guiochon , chargée de mission du collectif « Coalition eau ».


* 1 Cette Convention prévoit que les États parties prennent les mesures appropriées pour « lutter contre la maladie et la malnutrition, y compris dans le cadre de soins de santé primaires, grâce notamment à l'utilisation de techniques aisément disponibles et à la fourniture d'aliments nutritifs et d'eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel ».

* 2 Cette convention prévoit que les États parties prennent des mesures destinées à « assurer aux personnes handicapées l'égalité d'accès aux services d'eau salubre et leur assurer l'accès à des services, appareils et accessoires et autres aides répondant aux besoins créés par leur handicap qui soient appropriés et abordables ».

* 3 Résolution 64/292 du 28 juillet 2010 adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies sur le droit de l'homme à l'eau et à l'assainissement.

* 4 Résolution A/C.3/70/L.55/Rev.1 du 17 décembre 2015 adoptée par l'Assemblée générale des Nations-Unies sur le droit de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement.

* 5 Recommandation Rec(2001)14 du Comité des Ministres aux pays membres sur la Charte européenne des ressources en eau.

* 6 Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Accès à l'eau et à l'assainissement dans des conditions économiquement acceptables par tous », Rapport de la mission sur la mise en oeuvre de l'article 1 er de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, juillet 2011.

* 7 Conseil d'État, « L'eau et son droit », rapport public de 2010.

* 8 Contre 3,8 % pour l'électricité et 2,4 % pour les télécommunications.

* 9 Commissariat général de l'environnement et du développement durable et Inspection générale de l'administration, « Eau potable et assainissement : à quel prix ? », février 2016.

* 10 Henri Smets, « Le financement des aides pour les dépenses d'eau potable des ménages », janvier 2014.

* 11 Conseil d'État, « L'eau et son droit », rapport public de 2010.

* 12 En application de l'article L. 123-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 13 Article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.

* 14 Article 19 Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.

* 15 Décret n° 2015-962 du 31 juillet 2015 modifiant et complétant la liste des collectivités territoriales et de leurs groupements retenus pour participer à l'expérimentation en vue de favoriser l'accès à l'eau et de mettre en oeuvre une tarification sociale de l'eau fixée par le décret n° 2015-416 du 14 avril 2015.

* 16 La tarification spéciale « produit de première nécessité » pour l'électricité et le « tarif spécial de solidarité gaz ».

* 17 Résolution 64/292 du 28 juillet 2010 adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies sur le droit de l'homme à l'eau et à l'assainissement.

* 18 L'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitat prévoit ainsi que : « Le droit à un logement décent et indépendant [...] est garanti par l'État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'État, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir ».

* 19 Un service public d'eau potable est défini comme « tout service assurant tout ou partie de la production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d'eau destinée à la consommation humaine » (article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales).

* 20 Un service public d'assainissement est défini comme tout service qui assure tout ou partie des missions de collecte, de transport et d'épuration des eaux usées, ainsi que d'élimination des boues produites (articles L. 2224-7 et L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales).

* 21 Article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.

* 22 Article L. 123-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 23 Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Accès à l'eau et à l'assainissement dans des conditions économiquement acceptables par tous », Rapport de la mission sur la mise en oeuvre de l'article 1 er de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, juillet 2011.

* 24 Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes

* 25 Décret n° 2015-962 du 31 juillet 2015 modifiant et complétant la liste des collectivités territoriales et de leurs groupements retenus pour participer à l'expérimentation en vue de favoriser l'accès à l'eau et de mettre en oeuvre une tarification sociale de l'eau fixée par le décret n° 2015-416 du 14 avril 2015.

* 26 Soit actuellement 535,17 euros par mois pour une personne seule.

* 27 Soit actuellement 8 653,16 euros annuels (c'est-à-dire environ 721 euros par mois).

* 28 Article 1582 du code général des impôts.

* 29 Barbara Pompili a notamment déclaré : « Je vous propose la suppression de cet article, non que nous soyons contre la création de cette allocation, mais parce que nous voulons trouver un financement sécurisé ».

* 30 L'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales dispose que « le conseil municipal peut décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l'une des raisons suivantes :

1° Lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ;

2° Lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ;

3° Lorsque, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la commune aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs ».

De même, cette interdiction ne s'applique pas aux communes de moins de 3 000 habitants et aux EPCI dont aucune commune membre n'a plus de 3 000 habitants.

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