Rapport n° 413 (2016-2017) de Mme Jacqueline GOURAULT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 février 2017

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N° 413

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 février 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins ,

Par Mme Jacqueline GOURAULT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Sénat :

758 (2015-2016) et 414 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 15 février 2017, sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de Mme Jacqueline Gourault et établi son texte sur la proposition de loi n° 758 (2015-2016) présentée par M. Philippe Bas et plusieurs de ses collègues, permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins .

Le rapporteur a précisé que ce texte visait à maintenir au sein des intercommunalités les plus importantes par le nombre de communes qu'elles regroupent une gestion de proximité des compétences qui leur ont été transférées par les communes, en leur offrant la possibilité de s'organiser en territoires d'exercice d'une ou plusieurs de leurs compétences, dénommés pôles territoriaux.

Par l'adoption des amendements COM-2 et COM-3 de son rapporteur, la commission des lois a assoupli le dispositif proposé sur plusieurs points :

- en l'ouvrant à tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, quel que soit l'effectif de leurs communes membres ;

- en substituant au conseil de pôle une commission composée des conseillers communautaires élus dans le périmètre correspondant, et dotée d'un pouvoir d'avis et de proposition. Cette commission serait notamment consultée, avant leur fixation par le conseil communautaire, sur les modalités d'exercice des compétences sur le territoire du pôle et les modifications qui leur seraient ultérieurement apportées ;

- en permettant au président de l'intercommunalité de déléguer, pour cet exercice, une partie de ses fonctions à l'un des conseillers communautaires du périmètre, désigné, sur sa proposition après consultation de la commission du pôle, par l'organe délibérant de l'EPCI. Le conseiller désigné devrait rendre compte de sa délégation à chacune des réunions obligatoires de l'organe délibérant.

L'article unique puis l'intitulé de la proposition de loi ont été modifiés en conséquence.

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Au 1 er janvier 2017, la France comptait 1 266 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre contre 2 062 un an auparavant, soit une diminution de 39 %.

Cette réduction du nombre des intercommunalités résulte de la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale prescrite par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », en conséquence du relèvement, opéré par le même texte, du seuil minimal de constitution des communautés de 5 000 à 15 000 habitants.

Le « grossissement » des EPCI à fiscalité propre constitue le corollaire de cette réforme : leur population moyenne s'établit aujourd'hui à 52 300 habitants alors qu'elle n'était que de 31 800 habitants précédemment ; les plus importants par le nombre des communes qu'ils regroupent se multiplient, les EPCI de 50 communes et plus triplant, de 53 en 2016 à 157 au 1 er janvier 2017.

Cet état, qui découle mécaniquement de la réforme adoptée en 2015, a été appréhendé avant même la mise en place des nouvelles intercommunalités en raison des difficultés qu'il soulève pour la démocratie de proximité et de la nécessité de rechercher les voies de préserver le fonctionnement quotidien des intercommunalités au plus près du terrain.

C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Bas qui prévoit un dispositif permettant de territorialiser l'exercice des compétences intercommunales dans les grands ensembles.

I. L'INSTITUTIONNALISATION, PAR LA PROPOSITION DE LOI, DE LA TERRITORIALISATION DES COMPÉTENCES

Le dispositif proposé vise à maintenir au sein des intercommunalités les plus importantes par le nombre de communes qu'elles regroupent, et en conséquence par leur superficie d'autant plus vaste que leur densité démographique est faible, une gestion de proximité des compétences qui leur ont été transférées par les communes.

A. LA DILUTION DU TISSU INTERCOMMUNAL

La proposition de loi soumise à l'examen de votre commission des lois est fondée sur plusieurs constats formulés à la lecture des cartes intercommunales révisées :

- la constitution de très grandes intercommunalités rurales puisqu'en divers points du territoire, les moins peuplés en particulier, le respect du seuil de 15 000 habitants n'a pu être atteint que par la fusion de plusieurs communautés de communes ;

- le regroupement de plusieurs bassins de vie au sein d'une même communauté ;

- la nécessité d'offrir à ces vastes groupements « les moyens de fonctionner correctement pour qu'elles trouvent leur équilibre » 1 ( * ) .

Les rapporteurs de la mission de contrôle et d'information de la commission des lois sur la mise en oeuvre des dernières lois de réforme territoriale, nos collègues Mathieu Darnaud, René Vandierendonck, Pierre-Yves Collombat et Michel Mercier, avaient déjà, dans leur deuxième rapport d'étape, établi un diagnostic analogue. Ils invitaient à une réflexion sur la mise en oeuvre des compétences dans le cadre de l'élargissement des périmètres intercommunaux : « La diversité et la superficie de leur circonscription d'exercice, mêlant agglomérations et communes rurales, appellent des modes de gestion différenciée. C'est une des conditions du maintien du niveau de service aux administrés, d'un développement équilibré du territoire intercommunal et donc de la réussite de la réforme des SDCI » 2 ( * ) .

Quelques exemples tirés des cartes intercommunales mises en place au 1 er janvier dernier illustrent parfaitement ces difficultés.

Il en va ainsi de la communauté urbaine du Grand Reims issue de la fusion-extension de la communauté d'agglomération Reims Métropole avec sept communautés de communes - Beine-Bourgogne ; Champagne Vesle ; Fismes, Ardre et Vesle ; Nord Champenois ; Vallée de la Suippe ; Rives de la Suippe ; Vesle et Coteaux de la Montagne de Reims-  et 18 communes de la communauté de communes Ardre et Châtillonnais. Le nouvel ensemble regroupe 144 communes dont 111 de moins de 1 000 habitants autour d'une ville-centre de 185 000 habitants.

La communauté d'agglomération du Cotentin résulte d'une fusion multiple, celle de dix communautés de communes (La Hague dont les 19 communes se sont regroupées au 1 er janvier 2017 au sein d'une commune nouvelle ; Douve et Divette ; Les Pieux ; la Côte des Isles ; la Vallée de l'Ouve ; Coeur du Cotentin ; Canton de Montebourg ; Val de Saire ; Canton de Saint-Pierre Église ; la Saire) avec l'ancienne communauté urbaine de Cherbourg transformée, le 1 er janvier 2016, en une commune nouvelle peuplée de 83 971 habitants. L'EPCI nouvellement créé comprend 132 communes regroupant 180 060 habitants sur une superficie de 1 419,98 km 2 . Son conseil communautaire est composé de 221 élus.

Outre le maintien d'un fonctionnement démocratique, la gestion de ces périmètres soulève diverses questions dont celle du maintien de la proximité sur des territoires vastes et hétérogènes mêlant zones rurales, péri urbaines et rurales.

C'est à ces difficultés que tente de remédier la proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Bas.

B. LA FACULTÉ D'ÉRIGER DES ENTITÉS DÉCONCENTRÉES DE LA GESTION INTERCOMMUNALE

L'objectif assigné à la proposition de loi est de permettre un mode de gestion rationalisée des compétences intercommunales pour prendre en compte les spécificités du périmètre de chaque établissement et éviter les « compétences orphelines » : dans de nombreux cas, la nouvelle communauté résultant de la fusion de plusieurs EPCI peut décider de ne pas reprendre l'ensemble des compétences auparavant exercées par ceux-ci ; les compétences délaissées sont alors restituées aux communes concernées qui souvent n'ont plus les moyens suffisants pour les exercer seules. Les domaines les plus concernés sont le scolaire, la petite enfance, les services à la personne.

Fondée sur un principe de subsidiarité pour mettre en oeuvre les compétences du quotidien, le texte proposé vise à « rétablir la démocratie de proximité dans sa dimension collégiale, en permettant aux élus municipaux des communes concernées d'en assumer sur le terrain la responsabilité dans le cadre du projet intercommunal » 3 ( * ) .

À cette fin, l' article unique de la proposition de loi offre aux EPCI à fiscalité propre dits « XXL » - ceux, selon la définition communément admise, comprenant 50 communes et plus - la possibilité de s'organiser en territoires d'exercice d'une ou plusieurs de leurs compétences, dénommés pôles territoriaux, pour une meilleure prise en compte des caractéristiques locales.

1. Détermination des pôles territoriaux

Le conseil communautaire délimiterait le périmètre des pôles territoriaux qui devraient, chacun, regrouper plusieurs communes contigües.

2 . Organisation et fonctionnement des pôles

Ils dépendraient du conseil communautaire qui en fixerait les règles dans le cadre déterminé par la loi :

- les conseillers communautaires élus dans le périmètre se réuniraient en un conseil dont ils éliraient parmi eux le président ;

- celui-ci exécuterait les délibérations du conseil de pôle délégataire des attributions du conseil communautaire correspondant aux compétences exercées sur son territoire ;

- le siège du conseil de pôle serait fixé par le règlement intérieur de l'intercommunalité ;

- une convention serait conclue entre le conseil communautaire et le conseil de pôle pour définir, sur la proposition de ce dernier, les objectifs et les modalités d'exercice de chaque compétence, les agents chargés de sa mise en oeuvre ainsi que les biens, équipements et crédits nécessaires.

Le zonage déterminé pour l'exercice d'une compétence serait le même pour toutes les compétences exercées selon le même dispositif.

La proposition de loi, ainsi que son auteur, le président Philippe Bas, l'a expliqué à votre rapporteur, vise à préserver l'exercice des compétences de proximité à l'échelon correspondant pour conforter la viabilité des intercommunalités. Cette exigence est d'autant plus forte dans les grands périmètres, parfois créés par voie d'autorité, où coexistent plusieurs bassins de vie.

Il s'agit aussi d'un exercice démocratique dans la mesure où, au sein des conseils communautaires des grands ensembles, composés mécaniquement de plusieurs dizaines d'élus pour représenter toutes leurs communes membres - certains au-delà de 200 sièges -, l'ensemble des élus ne peut être étroitement associé aux affaires relevant de la responsabilité de l'EPCI.

II. UN PRINCIPE RETENU PAR VOTRE COMMISSION SELON DES MODALITÉS SOUPLES

Votre rapporteur partage l'objectif de l'auteur de la proposition de loi : permettre une gestion déconcentrée des compétences de proximité des intercommunalités en y associant les élus de terrain qui connaissent le mieux les spécificités de leur territoire, les besoins de leurs habitants. Ces données constituent la voie pour conduire un projet communautaire harmonieux et partagé.

De nombreuses intercommunalités se sont d'ailleurs déjà organisées en ce sens en l'état des outils à leur disposition.

A. LA NÉCESSITÉ D'ORGANISER LE PÉRIMÈTRE INTERCOMMUNAL

Chacun s'accorde généralement sur le besoin, pour les grandes communautés, d'adapter à leurs dimensions leur fonctionnement interne et l'exercice de leurs compétences. C'est une exigence démocratique pour associer l'ensemble des élus au projet intercommunal ; c'est une obligation fonctionnelle pour assurer le succès de sa mise en oeuvre.

Certes, le législateur a élaboré au fil du temps divers instruments pour permettre aux collectivités de s'organiser. Dans une note du 30 novembre 2015, le directeur général des collectivités locales rappelle aux préfets, dans le cadre de la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale et l'élargissement en résultant de la taille des EPCI, les outils disponibles pour éviter le retour aux communes des compétences abandonnées par les nouvelles intercommunalités (« compétences orphelines »).

Les dispositifs existants pour l'exercice des compétences intercommunales et communales

Le code général des collectivités territoriales recèle divers mécanismes progressivement assouplis pour permettre une large mutualisation au sein du bloc communal.

1. Mise à disposition de services ( art. L. 5211-4-1 )

- des communes au profit de l'EPCI à fiscalité propre en cas de transfert partiel de compétence ;

- de l'EPCI au bénéfice des communes pour l'exercice de leurs compétences dans le cadre d'une bonne organisation des services.

2. Services communs ( art. L. 5211-4-2 )

- entre un EPCI à fiscalité propre et une ou plusieurs de ses communes membres, un ou plusieurs établissements publics rattachés soit à l'EPCI, soit à une ou plusieurs communes ;

- pour l'exercice des fonctions support ou des compétences conservées par les communes.

Un service commun peut ainsi être créé pour gérer sur un périmètre correspondant à l'ancienne communauté fusionnée afin d'éviter la restitution aux communes concernées d'une compétence que la nouvelle intercommunalité ne souhaite pas exercer.

3. Coopération horizontale pour l'exercice d'une même compétence ( art. L. 5111-1-1 )

Convention entre EPCI ou entre leurs communes membres pour la mise en commun de l'instruction des décisions prises par les maires au nom de la commune ou de l'État.

4. Prestation de services ( art. L. 5111-1 )

Convention entre EPCI ou entre leurs communes membres pour la réalisation de prestations de services (sur des services non économiques d'intérêt général).

5. Ententes ( art. L. 5221-1 et L. 5221-2 )

Ententes entre communes, syndicats intercommunaux, EPCI à fiscalité propre ou syndicats mixtes pour traiter d'objets d'utilité communale ou intercommunale compris dans leurs attributions et intéressant tous les co-contractants.

Les participants à l'entente peuvent conventionner pour entreprendre ou conserver à frais communs des ouvrages ou des institutions d'utilité commune.

6. Mise à disposition croisée de services dans le cadre des syndicats mixtes ouverts restreints 4 ( * ) ( art. L. 5721-9 )

Au bénéfice de leurs membres (communes, EPCI, etc.) pour l'exercice de leurs compétences.

De même, les services d'un membre du syndicat peuvent être mis à disposition de celui-ci pour l'exercice de ses compétences.

7. Mise en commun de moyens ( art. L. 5211-4-3 )

Un EPCI à fiscalité propre peut se doter de biens qu'il partage avec ses communes membres, y compris pour l'exercice de compétences non transférées antérieurement.

8. Compétences facultatives ( art. L. 5211-17 et L. 5211-41-3 )

Transfert de compétence non prévu par la loi ou la décision institutive de l'intercommunalité.

Le transfert peut intervenir postérieurement à tout moment sur tout ou partie d'une compétence.

9. Syndicat de communes ( art. L. 5211-5 )

Créé entre communes membres d'un EPCI à fiscalité propre pour exercer ensemble une compétence non retenue par celui-ci.

10. Définition de l'intérêt communautaire ( art. L. 5214-16, L. 5215-20, L. 5216-5 et L. 5217-2 )

Pour déterminer au sein d'une compétence les actions et équipements maintenus au niveau communal et ceux transférés à l'intercommunalité.

Source : à partir d'éléments transmis par la direction générale des collectivités locales

Si l'intérêt communautaire permet d'ajuster les contours de la compétence transférée à l'intercommunalité, il doit reposer sur des critères objectifs écartant les caractères géographiques.

Même s'il permet aisément de distinguer les équipements intercommunaux de ceux relevant des communes, l'intérêt communautaire demeure insuffisant pour territorialiser totalement les compétences de l'EPCI.

En dehors des outils juridiques précédemment rappelés, les élus, en de nombreux points du territoire, se sont attachés à adopter une organisation déconcentrée de l'intercommunalité. Il s'agit ainsi d'associer à la bonne marche du groupement l'ensemble de ses composantes. Certaines, en effet, peuvent se sentir exclues d'un ensemble rassemblant plusieurs dizaines de communes sur des périmètres hétérogènes. Dans ce cas, la réussite du projet intercommunal commande d'adapter finement l'exercice des compétences.

Commissions géographiques, délégation de fonction aux vice-présidents du conseil communautaire, division du territoire intercommunal en pôles, déconcentration des services pour maintenir un service public de qualité à même de résoudre rapidement les difficultés du quotidien..., les initiatives se multiplient.

Une enquête de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) et de Mairie-Conseil, conduite en septembre 2016, a recensé les pratiques envisagées dans les communautés XXL 5 ( * ) . Près de 90 % des réponses reçues envisageaient de créer des pôles de proximité par l'intermédiaire de services déconcentrés. C'est le cas de Loire Forez Agglomération (88 communes) et de la communauté de communes Sarrebourg - Moselle Sud (76 communes).

De telles structures existent déjà dans certaines communautés : cinq « pôles de services de proximité » ont été implantés sur le territoire de la nouvelle communauté de communes du Grand Autunois Morvan (54 communes) résultant de la fusion de trois communautés.

L'étude observe que « la fonction de directeur de pôle est généralement pensée comme une interface entre les élus communautaires et municipaux d'une part, et la direction de la communauté d'autre part ».

Parfois, la territorialisation concerne une compétence particulière. C'est la voie choisie par la communauté d'agglomération de Blois pour l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi).

L'élaboration du PLUi dans la communauté d'agglomération de Blois

Le périmètre intercommunal a été divisé en cinq unités géographiques au sein desquelles se construit le document.

Pour chacune d'entre elles, des conseillers communautaires référents sont le relais entre le conseil communautaire et les élus communaux dont ils se font les interprètes. Ces référents conduisent les travaux du PLUi pour leur circonscription géographique et participent à l'ensemble des réunions d'élaboration du PLUi. Les élus communaux, à raison d'un par commune, participent à ces différents travaux et constituent l'interface entre leur conseil municipal et le conseiller communautaire référent.

Tout au long des différentes phases des chantiers, d'autres élus communaux seront associés à ces travaux en fonction de leur sensibilité et de leur compétence.

Cet exemple illustre l'impérative obligation d'associer les élus - de l'intercommunalité comme de ses communes membres - afin que vive la démocratie locale et soit confortée la cohérence du projet communautaire.

B. LE MOYEN DE MIEUX RESPECTER LA DIVERSITÉ TERRITORIALE DANS L'EXERCICE DES COMPÉTENCES INTERCOMMUNALES

Si l'importance de territorialiser certaines compétences est un objectif partagé, les moyens d'y parvenir divisent.

Citant l'exemple du tourisme, le président de l'association des maires ruraux de France (AMRF), M. Vanik Berberian, souhaite ouvrir le champ des compétences pouvant être territorialisées en supprimant la continuité territoriale exigée des communes pour former un pôle.

L'association des maires de France (AMF) relève, pour sa part, plusieurs difficultés dans le dispositif prévu par la proposition de loi : son application aux seuls EPCI « XXL », d'autres considérations liées à la géographie du périmètre ou au degré d'intégration de l'intercommunalité pouvant nécessiter une même organisation déconcentrée ; la création d'un niveau intermédiaire au sein de l'EPCI.

De son côté, l'AdCF considère que l'échelon institutionnalisé sans personnalité morale des pôles territoriaux pourrait contrarier la réorganisation des compétences en fonction des caractéristiques de chaque territoire.

AMF et AdCF se rejoignent pour craindre la « constitution de contre-pouvoirs géographiques » 6 ( * ) par l'institution des conseils de pôle.

Au regard de ces diverses difficultés mais en poursuivant le même objectif que l'auteur de la proposition de loi, votre rapporteur a proposé à la commission des lois d'assouplir le dispositif proposé sur plusieurs points :

- l'ouvrir en premier lieu à tous les EPCI à fiscalité propre, quel que soit l'effectif de leurs communes membres pour prendre en compte la diversité de peuplement du territoire national ;

- substituer aux conseils de pôle un organe plus souple à travers une commission composée, pour chaque pôle, des conseillers communautaires élus dans le périmètre, et dotée d'un pouvoir d'avis et de proposition. Cette commission serait notamment consultée, avant leur fixation par le conseil communautaire, sur les modalités d'exercice des compétences sur le territoire du pôle et les modifications qui leur seraient ultérieurement apportées ;

- pour cet exercice, le président de l'intercommunalité pourrait déléguer une partie de ses fonctions à l'un des conseillers communautaires du périmètre, désigné sur sa proposition après consultation de la commission du pôle, par l'assemblée délibérante de l'EPCI. Le conseiller désigné devrait rendre compte de sa délégation à chacune des réunions obligatoires de l'organe délibérant.

Par l'adoption des amendements COM-2 et COM-3 de son rapporteur, votre commission des lois a modifié en conséquence l' article unique puis l' intitulé de la proposition de loi.

Ce faisant, elle entend offrir aux élus communautaires un nouvel outil de territorialisation des compétences dans le cadre d'une gouvernance démocratique conduite par les élus du terrain. Conçu, par sa souplesse, pour s'adapter à la diversité des situations des intercommunalités, de leurs projets et de leur territoire, le dispositif proposé impliquerait l'ensemble des élus à la mise en oeuvre des compétences de l'EPCI et conforterait ainsi la construction d'un projet partagé.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

MERCREDI 15 FÉVRIER 2017

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur . - La loi NOTRe a fait apparaître de nouvelles intercommunalités agrandies. Le paysage territorial s'est modifié, passant d'un ensemble d'intercommunalités similaires à des intercommunalités très différenciées selon les territoires, certaines d'une extension telle que l'on a pu les qualifier de « XXL ». Même au sein de ces dernières, les disparités sont importantes. Quand les unes sont nées spontanément, suivant la volonté des élus, comme le Grand Reims, d'autres résultent de l'initiative des préfets ou de quelques personnalités locales, sans correspondre au souhait de l'ensemble des élus. Des intercommunalités « XXL » méritent le nom de communautés d'agglomération en rassemblant des communes urbaines et périurbaines, d'autres réunissent communes urbaines et rurales, d'autres, enfin, sont très rurales et n'ont pour centre qu'un chef-lieu de canton ou une très petite ville.

Chacun doit créer une organisation qui favorise l'application des compétences intercommunales tout en respectant l'esprit de la loi et en incluant tous les élus. C'est pourquoi la proposition de loi qui nous est soumise vise à créer des pôles territoriaux, afin de mieux garantir la démocratie de proximité. Nous pouvons tous partager cet objectif.

Les agglomérations de Nantes ou de Bordeaux ont ainsi créé des pôles de compétences.

M. René Vandierendonck . - Sans avoir besoin de cette proposition de loi.

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur . - Je ne dis pas le contraire. Ailleurs, comme à Dreux, les pôles qui ont été créés sont en voie de se transformer en maisons de service public.

Cette proposition de loi est l'occasion de rappeler tous les outils inscrits dans la loi. La direction générale des collectivités locales (DGCL) l'a fait dans une note, car on s'aperçoit souvent sur le terrain que les élus ne les connaissent pas suffisamment, faute de formation adéquate. L'État devrait se faire un devoir d'assurer le « service après-vente » de la loi.

Si la territorialisation de certaines compétences est un objectif partagé, les moyens d'y parvenir sont multiples. Lors des auditions, nous avons relevé l'inquiétude de certains, qui craignent que cette proposition de loi ne crée un niveau intermédiaire, susceptible de devenir un contre-pouvoir, au sein de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). L'Assemblée des communautés de France a considéré qu'institutionnaliser des pôles territoriaux sans personnalité morale pourrait contrarier la réorganisation des compétences en fonction des caractéristiques de chaque territoire.

Pour y répondre, je vous proposerai un amendement qui assouplit plusieurs points de la proposition de loi.

Il ouvre le dispositif de territorialisation à tous les EPCI à fiscalité propre, quel que soit l'effectif de leurs communes membres. Cela permet de prendre en compte des situations comme celle du Calvados, territoire très rural où une intercommunalité a organisé huit secteurs pour associer au maximum les élus locaux à l'exercice des compétences.

Il substitue au conseil de pôle un organe plus souple : une commission composée, pour chaque pôle, des conseillers communautaires élus dans le périmètre, et dotée d'un pouvoir d'avis et de proposition. Cette commission serait notamment consultée, avant leur fixation par le conseil communautaire, sur les modalités d'exercice des compétences sur le territoire du pôle et les modifications qui leur seraient ultérieurement apportées.

Le président de l'intercommunalité pourrait déléguer une partie de ses fonctions à l'un des conseillers communautaires du périmètre désigné, sur sa proposition, après consultation de la commission du pôle, par l'organe délibérant de l'EPCI. Le conseiller désigné devrait rendre compte de sa délégation à chacune des réunions obligatoires de l'organe délibérant.

La réécriture que je vous propose de l'article unique de la proposition de loi respecte le souhait de ses auteurs d'assurer un exercice des pouvoirs au plus près du territoire, en associant les élus communaux. Depuis la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, nous avons toujours cherché à assurer la participation des élus communaux à l'ensemble des commissions intercommunales. Cette proposition de loi la renforce, notamment pour la grande ruralité.

M. Philippe Bas , président . - Merci de ce travail approfondi qui améliore considérablement la rédaction de cette proposition de loi, inspirée par le souci de prévenir la création de déserts démocratiques à l'intérieur de grandes intercommunalités comptant plusieurs bassins de vie juxtaposés.

Les intercommunalités jouissent de nouvelles capacités d'action appréciables tant pour la création de nouvelles infrastructures que pour la qualité des services rendus à la population. Mais quand les élus municipaux sont jusqu'à 250 dans les conseils de communautés de communes dotées de compétences très étendues, ils ne sont guère associés à l'exercice des responsabilités, au rebours de la logique antérieure, quand les communautés de communes restaient des structures de proximité où les maires exerçaient une véritable cogestion, dans le prolongement de l'action municipale.

La nouvelle logique comporte des éléments positifs mais aussi des risques. Les pôles territoriaux, déjà imaginés dans les chartes accompagnant la création de communautés de communes apportent un correctif à leur hypercentralisation. La création d'intercommunalités rurales de 200 000 habitants est une question que nous n'avons jamais abordée dans nos débats, pourtant fournis, sur la loi NOTRe.

La proposition de loi met un outil nouveau, facultatif, à la disposition des élus. Cet outil est très attendu dans nos grandes communautés de communes rurales.

M. Yves Détraigne . - Je me reconnais dans le rapport de Jacqueline Gourault et les propos du président Bas sur l'intérêt d'une organisation des intercommunalités XXL au plus près des réalités.

Cependant, une communauté comme celle du Grand Reims, qui compte 144 communes et 204 délégués, a organisé des pôles territoriaux correspondant aux chefs-lieux des anciennes communautés, sans qu'il soit besoin d'un texte de loi. Je pose donc une question de principe : est-il utile de voter une loi sur des actions que l'on mène naturellement ? A-t-on besoin d'encadrer toute organisation par la loi ? Et ne peut-on craindre a contrario , si la loi ne prévoit que des pôles et qu'on a l'imagination de s'organiser autrement, que ce soit jugé hors-la-loi ? Comprenez que mes interrogations dépassent le seul cadre de cette proposition de loi.

M. Philippe Bas , président . - Ce dispositif n'en exclut aucun autre. Il fournit simplement un cadre préétabli que l'on peut choisir ou non de mettre en place.

M. Christophe Béchu . - Merci au rapporteur et au président, premier signataire de la proposition de loi. Ce texte me met cependant mal à l'aise.

Il existe une spécificité locale dans mon département de Maine-et-Loire. Les 64 communes d'une communauté d'agglomération de 120 000 habitants ont décidé de fusionner en six communes nouvelles, correspondant au périmètre des anciennes intercommunalités. Cela évite de renvoyer certaines compétences au niveau communal faute d'un accord sur certaines compétences. Le même processus a eu lieu ailleurs, et le nombre de communes de Maine-et-Loire est passé de 363 à 190.

La proposition de loi apporte une solution alternative à la création de communes nouvelles. Je comprends les problèmes d'organisation des intercommunalités de plus de 50 communes, mais l'amendement du rapporteur, qui supprime ce seuil, me gêne. Quand il est question non seulement d'organiser les pouvoirs mais éventuellement de les déléguer, je me dis que ce qui se présente comme un simple outil pourrait bien devenir une strate intermédiaire.

L'objectif de la proposition de loi est louable, mais en allant si vite, le législateur ne laisse pas le temps aux collectivités territoriales d'inventer des solutions. La communauté urbaine Angers Loire Métropole, par exemple, fonctionne non par pôle mais selon des cadrans correspondant aux points cardinaux. Ces cadrans sont avant tout une instance de concertation. Quant à la mise en oeuvre des compétences, elle n'est pas territorialisée mais procède du volontariat, ce qui apporte une souplesse supplémentaire. Certaines communes ont ainsi décidé d'organiser une sorte de GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) entre elles sur un sujet spécifique, d'autres ont créé une plate-forme commune d'instruction sur le droit des sols.

Cette proposition de loi peut menacer de telles initiatives, et supprimer le seuil mettrait un frein aux expérimentations.

M. André Reichardt . - Je rends hommage aux auteurs de la proposition de loi, qui vise à favoriser l'exercice des compétences au plus près des territoires quand, dans les grandes intercommunalités, l' affectio societatis a pu se diluer.

Si je n'ai pas cosigné cette proposition de loi, c'est que je ne me suis pas senti concerné par l'effectif minimum de 50 communes. Pourquoi ce seuil ? Contrairement à M. Béchu, je serai favorable à l'amendement du rapporteur qui le supprime, même s'il est vrai que le risque d'institutionnalisation d'une nouvelle strate n'est pas négligeable. Je suis sensible, en revanche, à l'argument de M. Béchu sur les communes nouvelles.

Ce n'est pas le fruit du hasard si certaines intercommunalités ne sont pas XXL. C'est peut-être parce que le préfet a joué un rôle de modérateur au sein de la commission départementale de coopération intercommunale.

Ne va-t-on pas trop vite en légiférant dès à présent alors que la loi NOTRe sera redéfinie à l'aune de nos travaux en cours, qui ont déjà révélé des dysfonctionnements, sur le fond, comme dans le cas des compétences « eau » et « assainissement », ou dans l'application du texte, comme cela est le cas ici ? Le nouveau gouvernement remettra sans doute l'ouvrage sur le métier. Il le faut, globalement.

M. Jean-Pierre Sueur . - Les réflexions du groupe socialiste et républicain, qui s'est penché longuement sur la proposition de loi, vont dans le même sens que nos collègues. Nous n'y sommes pas favorables en l'état. Je salue néanmoins les efforts du rapporteur pour la rendre plus comestible.

J'ai pris connaissance de l'analyse juridique de l'Assemblée des communautés de France, en particulier quant à l'absence de personnalité morale, qui entrave toute capacité de décision.

Je n'ignore pas non plus les vents qui viennent de la Manche, monsieur le président, mais avec cette proposition de loi, on a le sentiment de faire, défaire, refaire. Ces grandes communautés de communes, pertinentes dans l'ensemble, sont dotées de la force nécessaire pour conjuguer dynamisme rural et urbain. La solution des communes nouvelles ? On commence par s'y jeter, puis on en vient à proposer d'y créer des sous-communes - je puis citer un tel cas. Ces allers-retours perpétuels empêchent d'avancer.

J'ai, il y a quelque temps, présidé l'intercommunalité d'Orléans. Une quantité de pôles y regroupent trois ou quatre communes travaillant sur tel ou tel sujet. Comme l'ont dit MM. Détraigne, Béchu et Reichardt, une loi n'est pas nécessaire. Laissons aux collectivités territoriales la liberté de s'organiser. Les élus trouveront le chemin de la proximité.

Nous ne sommes pas favorables à cette proposition de loi, même si je reconnais les efforts du rapporteur, fidèle à son bon sens bien connu.

M. Pierre-Yves Collombat . - Un phénomène inhabituel a eu lieu dans certaines parties du territoire, avec la création de grandes régions et de nouvelles intercommunalités. Des collectivités territoriales paniquées se sont demandées comment elles allaient survivre et en ont conclu qu'il leur fallait grossir. Sauf qu'en regroupant des petites communes, sans locomotive ni moyens, on n'obtient qu'une réserve d'Indiens, pas un pôle dynamique. Une fois l'enthousiasme passé - notamment pour les communes nouvelles - on s'aperçoit que la situation est plus compliquée que prévu.

Nous sommes dans un moment de vérité : soit on estime qu'il n'est plus temps de s'interroger sur la pertinence de ces choix - ce n'est pas ma position - soit on cherche des solutions alternatives. Je conçois que l'on ne puisse tout remettre en cause, mais je plaide plutôt pour la recherche d'une meilleure stabilité et de plus de démocratie. Par pragmatisme, puisqu'on en est au bricolage, je serai favorable à la proposition de loi, malgré les difficultés, pour sauver la démocratie locale.

M. Alain Richard . - J'ai observé le développement de ces très grandes communautés qui n'était parfois pas dicté par la loi. Dans certains territoires, on a fait du zèle. Il ne s'agit pas d'envisager l'abrogation de la loi NOTRe, ce qui serait irréaliste, mais de trouver une solution au problème de l'éloignement démocratique qui menace ces grandes communautés.

M. Détraigne a bien posé la question : cette proposition de loi résout-elle un problème qui ne puisse pas être réglé par la libre administration ? Mais il n'a pas tout à fait raison quand il affirme qu'aucune forme d'organisation n'a besoin d'un support législatif. Si les compétences des conseils d'arrondissement, par exemple, ont été fixées par loi, c'est bien pour éviter la confusion avec l'échelon central.

Il faut bien distinguer entre la proposition de loi initiale et ce que nous propose notre rapporteur. Une nouvelle forme de délégation était initialement prévue, qui ne me semble pas cohérente avec le principe de la délégation en droit public, soit un acte par lequel une autorité exécutive, administrative, confie l'exercice de ses prérogatives à une autorité subordonnée. Il existe aussi une délégation de collectivité à collectivité, prévue aux articles L.1111-8 et L.1111-9 du code général des collectivités territoriales. Entre deux entités différentes, il y a matière à convention. Mais la rédaction de la proposition de loi initiale était bâtarde en ce qu'elle créait un régime de convention à l'intérieur d'une seule entité publique. Quelle aurait été la légitimité du pôle territorial interne à la communauté à conclure une convention avec la communauté entière ? La formule de souplesse proposée par le rapporteur entre en revanche dans le cadre du droit public : une commission affectée à un espace géographique aurait un rôle de proposition vis à vis de l'instance délibérante, le président ayant faculté de déléguer à l'un de ses membres. Mais dès lors, y a-t-il besoin d'une loi ? Ma position habituelle est que si le dispositif est entièrement facultatif, il n'est pas du ressort de la loi. Cependant, nous sommes dans la nouveauté ; je suis donc favorable à cette proposition de loi à titre de support pédagogique. Il faut offrir un guide aux collectivités territoriales, d'autant qu'aucune autre possibilité ne leur est interdite. La proposition de loi prévoit un système bien plus réversible que la commune nouvelle, qui risque de connaître des lendemains difficiles, du moins pour celles dont la création a répondu à des considérations financières opportunistes.

M. Alain Anziani . - Faut-il adopter une loi ou faire confiance à l'intelligence des territoires ? Dans la plupart des métropoles actuelles, la population est très importante, tout comme le nombre d'élus. Il a donc fallu inventer, et c'est ce qu'ont fait la plupart des métropoles. Celle de Bordeaux a favorisé un système très déconcentré, avec quatre pôles territoriaux qui exercent des compétences, grâce à un consensus politique. Chaque pôle dispose d'un conseil des élus dont les décisions sont soumises au bureau ou au conseil de la métropole, qui rend, évidemment, des délibérations conformes.

M. Alain Vasselle . - La notion de pôle est intéressante, mais ne revient-on pas ainsi aux syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) où une compétence donnée était exercée dans un périmètre donné ?

M. Philippe Bas , président . - Merci de cet examen approfondi. Messieurs Reichardt et Béchu, je me suis rendu la semaine dernière dans le Maine-et-Loire, département extrêmement créatif. Quand les communes nouvelles sont créées à l'échelon des anciennes communautés de communes de proximité, elles intègrent la grande communauté de communes dans de meilleures conditions.

Je conçois cette proposition de loi telle que Mme Gourault suggère de l'amender comme une incitation pour les communes qui ne se sont pas encore constituées en communes nouvelles à faire l'apprentissage du travail en commun, en apprenant au sein des pôles. On parviendrait ainsi, à terme, à créer des communes nouvelles dotées de substance. L'une des faiblesses de notre travail de législateur a été de traiter les communes nouvelles et les intercommunalités dans deux couloirs parallèles. La créativité dont ont fait preuve certains élus, que ma visite dans le Maine-et-Loire m'a aidé à mesurer, mérite d'être exportée ailleurs.

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur . - Nous n'avons pas de désaccord sur le fond. J'ai tenté de répondre aux préoccupations des uns et des autres en créant un mécanisme souple de gouvernance associant le maximum d'élus. Il s'agit d'une simple faculté, d'un outil que l'on met en avant.

Mon amendement prévient tout risque de création d'une strate nouvelle. Contrairement à un syndicat, c'est-à-dire une structure, un pôle ne représente qu'une simple délégation de pouvoir. On peut rappeler la métropole d'Aix-Marseille-Provence où ont été créés des conseils de territoire.

M. Alain Richard . - Comme à Lyon.

M. Michel Mercier . - Comme partout.

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur . - La faculté de délégation de pouvoir de l'exécutif à un élu nécessite d'être inscrite dans la loi, d'où l'intérêt de cette proposition de loi.

M. Alain Richard . - En effet.

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur . - Nous avons précisé qu'il s'agissait d'une « délégation à un élu » car parfois les vice-présidents « thématiques » de l'intercommunalité cumulent avec des « clés de territoire ». Il s'agit d'introduire de la souplesse. À Agglopolys, la communauté d'agglomération de Blois qui réunit 48 communes, nous avons, par exemple, créé un organe provisoire pour travailler sur le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), en relation avec les élus communaux. Tout est possible.

Il n'est pas souhaitable de revenir sur la loi NOTRe, mais on peut offrir des outils souples aux élus, pour les associer le plus possible.

M. Michel Mercier . - J'ai siégé à la commission mixte paritaire consacrée à la loi NOTRe. Avec Jean-Jacques Hyest, nous avons décidé de voter cette loi. Il fallait sortir de la réforme permanente des structures des collectivités territoriales. J'assume pleinement d'avoir adopté ce texte imparfait... Comme tous ceux que nous adoptons. Lorsqu'on vote une loi, on ne connaît pas toujours les résultats qu'elle produira sur le terrain, et rien n'interdit de l'enrichir au gré des retours d'expérience. Comme l'a très justement rappelé le président Bas, nous n'avions jamais soulevé la question, au cours de nos débats sur la loi NOTRe, du nombre de communes rattachées à une intercommunalité.

Si les solutions mises en avant dans la proposition de loi ne sont pas exclusives de toute autre organisation, j'estime, à la différence d'Yves Détraigne - c'est cette pluralité qui fait la richesse du centre - que l'on peut l'adopter. L'amendement du rapporteur va dans ce sens.

M. Alain Vasselle . - Je suis favorable à l'amendement de Mme Gourault, mais je souhaite être bien sûr : le périmètre d'un pôle est-il obligatoirement inscrit dans le périmètre de l'intercommunalité ? Pour reprendre l'exemple du pôle PLUi, celui-ci pourra-t-il ne concerner qu'une partie des communes de l'intercommunalité, alors que le PLUi s'applique à toutes ?

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur . - Deux fois non. Je pourrai vous expliquer la solution que nous avons inventée à Blois, dont je suis sûre qu'elle vous convaincra.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

L'amendement COM-2 est adopté et l'amendement COM-1 devient sans objet.

L'amendement de conséquence COM-3 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique
Dispositif de territorialisation des compétences intercommunales

Mme GOURAULT, rapporteur

2

Assouplissement et généralisation du dispositif

Adopté

M. GUENÉ

1

Maintien des pôles territoriaux au-delà de la création de communes nouvelles

Satisfait ou sans objet

Intitulé de la proposition de loi

Mme GOURAULT, rapporteur

3

Amendement de conséquence

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Philippe Bas , co-auteur de la proposition de loi

Direction générale des collectivités locales

M. Bruno Delsol , directeur général

M. Frédéric Papet , sous-directeur des compétences et des institutions locales

Mme Isabelle Dorliat-Pouzet , cheffe du bureau des services publics locaux

M. Martin Lesage , chef du bureau des structures territoriales

Association des maires de France (AMF)

Mme Françoise Gatel , vice-président, sénateur-maire de Chateaugiron

Mme Marie-Cécile Georges , responsable du département intercommunalité et territoires

Mme Hélène Ricard , conseiller technique au sein de ce département

Mme Charlotte de Fontaines , chargée des relations avec le Parlement

Assemblée des communautés de France

M. Nicolas Portier , délégué général

Mme Montaine Blonsard , chargée des relations avec le Parlement

Mme Apolline Prêtre , chargée des politiques de l'eau, de l'assainissement, GEMAPI

Contribution écrite

Association des maires ruraux de France


* 1 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi n° 758 (2015-2016) permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins. Cette proposition de loi est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/ppl15-758.html.

* 2 Cf. rapport d'information n° 730 (2015-2016) fait au nom de la commission des lois, Quand la réforme rencontre les territoires - Deuxième rapport d'étape de la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale . Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r15-730/r15-730.html.

* 3 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi n° 758 (2015-2016), préc.

* 4 Les syndicats mixtes ouverts dits restreints sont composés de collectivités territoriales et/ou de leurs groupements.

* 5 Cf. « Les pôles de proximité dans les communautés XXL », www.adcf.org, n° 213, octobre 2016.

* 6 Selon l'expression de l'AdCF.

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