II. LA RÉDUCTION DU NOMBRE D'ASSESSEURS DE LA COUR D'ASSISES SPÉCIALEMENT COMPOSÉE : UNE NÉCESSITÉ POUR L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE PÉNALE

A. L'OBJET DE LA PROPOSITION DE LOI : UN RENFORCEMENT DE L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE ANTITERRORISTE

La proposition de loi soumise à votre commission des lois part d'un constat unanimement partagé : au regard de l'augmentation du contentieux terroriste, des moyens supplémentaires sont nécessaires à la bonne administration de la justice.

Néanmoins, même si les effectifs, notamment du parquet antiterroriste, ont été renforcés récemment, le tribunal de grande instance et la cour d'appel de Paris restent en situation de grande tension. Il leur apparaît extrêmement difficile d'absorber l'augmentation du contentieux terroriste , même avec un renforcement des effectifs, et de juger les accusés dans un délai raisonnable .

Afin de permettre une plus grande efficacité de la justice antiterroriste et d'audiencer notamment un plus grand nombre d'affaires, la présente proposition de loi propose de réduire ce nombre d'assesseurs de la cour d'assises spécialement composée prévue à l'article 698-6 du code de procédure pénale. Réduire le nombre de six à quatre en premier ressort et de huit à six en appel permettrait également d'améliorer l'activité des juridictions parisiennes 20 ( * ) , qui seraient proportionnellement moins sollicitées pour composer la cour dont les compétences dépassent la seule matière terroriste.

En 2017, à effectif constant d'assesseurs prévus pour juger les dossiers de terrorisme dans le cadre législatif actuel, il serait possible de juger 13 affaires supplémentaires de terrorisme de 5 jours chacune ou 6 affaires de 10 jours avec une composition à 4 assesseurs 21 ( * ) .

Sur environ 300 jours, avec une composition à 4 assesseurs, ce sont environ 3 ETP de magistrats qui seraient préservés 22 ( * ) .

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : UNE APPROBATION SANS RÉSERVE

La grande majorité des magistrats entendus par votre rapporteur approuve cette modification législative, dont ils espèrent l'entrée en vigueur prochaine.

Si elles partagent le constat d'un engorgement important de la cour d'assises de Paris, certaines personnes entendues ont regretté qu'une logique gestionnaire prime sur la qualité des décisions.

Ainsi le syndicat de la magistrature, opposé au principe même de la cour d'assises spécialement composée et à la réduction de la collégialité, considère que l'instauration d'un nombre de membres du jury différent entre la composition de droit commun et la composition spéciale, est contraire au principe d'égalité .

Votre rapporteur relève néanmoins que le Conseil constitutionnel a validé la conformité à la Constitution d'une composition spéciale de la cour d'assises jugeant les crimes terroristes.

Les représentants des avocats se sont également inquiétés d'un risque d'atteinte à la solennité et à l'autorité de la décision, en raison de la moindre collégialité de la cour et d'une atteinte à la qualité de la décision rendue.

Votre rapporteur considère que la réduction du nombre de magistrats professionnels de la cour d'assises spécialement composée serait probablement sans effet négatif sur la qualité des décisions rendues, mais aurait très probablement un effet significatif sur l'amélioration des conditions de travail de l'ensemble des juridictions susceptibles d'être sollicitées pour composer ces cour d'assises, au premier rang desquelles la juridiction parisienne compétente nationalement pour le terrorisme.

Cette mesure contribuerait également à réduire les délais de comparution pour améliorer l'effectivité du droit à être jugé dans un délai raisonnable, élément essentiel du droit à un procès équitable. Dans une décision du 4 octobre 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi souligné que « les autorités judiciaires, sous le contrôle de la Cour de cassation, doivent veiller à ce que le jugement au fond du prévenu n'excède pas un délai raisonnable ». Au risque de mises en liberté contraintes, cette exigence est particulièrement prégnante en cas de détention provisoire, les juridictions devant caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables qui auraient pu expliquer, au regard des exigences conventionnelles, l'allongement d'une durée de détention provisoire.

Enfin, votre rapporteur considère que cette mesure traduit l'exigence de bonne administration de la justice , objectif à valeur constitutionnelle qui découle des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 23 ( * ) . Il rappelle que cette exigence a justifié ainsi la réduction du nombre des jurés au sein des cour d'assises : ainsi, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs , les jurys populaires étaient composés de 9 et 12 jurés en premier ressort et en appel, en sus du président et des deux assesseurs.

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification.


* 20 Un total de 22 dossiers devraient être jugés par la cour d'assises spécialisées, dont 15 dossiers liés à la décision de qualifier en crimes les faits de départ ou de retour vers la zone irako-syrienne.

* 21 Selon les données communiquées à votre rapporteur par la présidente et la procureur générale de la cour d'appel de Paris.

* 22 Selon la direction des services judiciaires, la modification du nombre de magistrats assesseurs permet d'envisager un gain pour les sessions d'assises 2017 de 2,25 ETP de magistrats du siège, soit 193 786 €. Afin d'évaluer le gain sur la charge de travail des magistrats induit par la diminution du nombre d'assesseurs, l'étude se réfère, en l'absence de normes existantes, au nombre de jours de sessions d'assises nécessaire pour traiter l'ensemble de ces dossiers. Le TGI évalue un temps d'audience d'assises de 30 jours pour les dossiers de terrorisme, soit un total de 210 jours d'audience par magistrat du siège. Le TGI évalue un temps d'audience d'assises plus court de 4 jours pour les dossiers liés à la nouvelle politique pénale du parquet, soit un total de 60 jours d'audience par magistrat du siège.

* 23 Conseil constitutionnel, décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, considérant 24.

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