III. LE TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION DU SÉNAT

A. LE PROJET DE LOI INITIAL

Le texte issu du conseil des ministres comporte trois articles.

L' article 1 er a pour objet de :

- proroger l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017 ;

- prévoir, jusqu'à ce terme, la possibilité pour l'autorité administrative d'ordonner des perquisitions administratives, conformément au I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 ;

- permettre au Gouvernement de mettre fin à l'état d'urgence avant ce terme par décret en conseil des ministres. En ce cas, il en serait rendu compte au Parlement.

L' article 2 propose une modification de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 qui fixe le cadre juridique des assignations à résidence. Conformément à la recommandation formulée par le Conseil d'État dans son avis, le Gouvernement a conservé dans son texte le principe d'une durée maximale d'assignation à résidence, faute pour l'autorité administrative d'apporter des éléments nouveaux de nature à justifier le maintien de la mesure. Toutefois, alors que le Conseil d'État avait proposé de fixer cette limite à douze mois consécutifs, ce qui aurait eu pour conséquence de mettre un terme à une quarantaine d'assignations à résidence dès l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement a retenu une durée de quinze mois afin de disposer de quelques semaines pour anticiper la fin de ces assignations.

Enfin, l' article 3 prévoit que, pour cette période de prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017, l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 n'est pas applicable en cas de démission du Gouvernement consécutive à l'élection du Président de la République ou à celle des députés à l'Assemblée nationale.

B. LES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Au cours de sa réunion du lundi 12 décembre, la commission des lois de l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur Pascal Popelin, a adopté un amendement de rédaction globale de l'article 2 sur la durée globale d'assignation à résidence.

Le Président Philippe Bas et votre rapporteur avaient en effet fait valoir auprès de leurs homologues de l'Assemblée nationale les difficultés liées à la fixation d'une durée maximale d'assignation à résidence et la nécessité, en conséquence, d'élaborer un dispositif alternatif permettant d'opérer une conciliation équilibrée entre, d'une part, la préservation de la sécurité et l'ordre publics et, d'autre part, la défense des droits et libertés des intéressés.

Tout en admettant le caractère contraignant d'une assignation à résidence qui se prolonge dans la durée, ce qui est cependant précisément la vocation de ce dispositif puisqu'il s'agit d'une mesure de police administrative, le Président Philippe Bas et votre rapporteur avaient exprimé leurs craintes d'une impossibilité de prolonger l'assignation à résidence de personnes dont le comportement continuerait à présenter une menace pour la sécurité et l'ordre publics . En effet, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, la notion retenue par le texte du projet de loi initial « d'éléments nouveaux de nature à justifier le maintien » de l'assignation ne permettrait pas le renouvellement de la quasi-totalité de la quarantaine d'assignations à résidence entrées en vigueur depuis le mois de novembre 2015.

Pour autant, ils ont estimé indispensable d'établir solidement les motivations d'une assignation à résidence qui se prolongerait dans le temps au regard de la menace pour la sécurité et l'ordre publics que constitue le comportement de la personne.

Dans ces conditions et à leur initiative, un travail s'est engagé avec le président et le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale pour élaborer un dispositif alternatif reprenant l'économie générale des dispositions votées par le législateur dans la loi du 21 juillet 2016 pour autoriser l'exploitation de données informatiques copiées à l'occasion d'une perquisition administrative, permettant de lever les difficultés exposées ci-dessus.

En conséquence, le texte de la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'élaboration duquel le Président Philippe Bas et votre rapporteur ont été étroitement associés, prévoit tout d'abord d'inscrire dans la loi du 3 avril 1955 la règle fixée par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 en vertu de laquelle les mesures d'assignation à résidence ne peuvent être prolongées sans être renouvelées si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi .

Cette nouvelle rédaction de l'article 2 dispose ensuite que le ministre de l'intérieur ne peut assigner à résidence une même personne pour une durée supérieure à douze mois . Toutefois, à l'issue de ce délai, le ministre pourrait demander au juge des référés du Conseil d'État, statuant en premier et dernier ressort, l'autorisation de prolonger l'assignation à résidence . Le juge devrait statuer, dans les formes prévues par le livre V du code de justice administrative, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine au vu des éléments produits par l'autorité administrative faisant apparaître les raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Cette prolongation ne pourrait excéder une durée de trois mois mais le ministre de l'intérieur aurait la possibilité de renouveler sa demande.

Pour éviter que les assignations à résidence d'une durée supérieure à douze mois ne soient caduques à la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi et pour ménager à l'administration un délai raisonnable pour mettre en oeuvre cette nouvelle procédure, le texte de l'article 2 contient des dispositions transitoires permettant au ministre de l'intérieur de renouveler une fois pour 90 jours les assignations à résidence dans les conditions juridiques actuelles non prévues par l'article 6 de la loi du 3 avril 1955.

Ce dispositif alternatif a été adopté par la commission des lois. Au cours de son examen en séance publique, les députés ont, dans un premier temps, adopté un amendement de Guillaume Larrivé tendant à revenir au texte initial du Gouvernement. L'Assemblée nationale a cependant rétabli le texte de la commission, moyennant un amendement de précision sur l'appréciation de la durée des douze mois, à l'issue d'une seconde délibération demandée par le président de la commission des lois.

Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement présenté par le rapporteur de la commission des lois à l'article 1 er afin de préciser que la prorogation de l'état d'urgence résultant du présent projet de loi entre en vigueur à compter du 22 décembre à zéro heure . Ils ont également adopté un amendement du même auteur insérant un article 2 bis afin de prévoir l'application des modifications apportées à l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et dans les îles Wallis et Futuna .

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