EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

L'originalité de notre service public de la sécurité civile est double. En premier lieu, cette mission régalienne relève d'une responsabilité conjointe de l'État qui en garantit la cohérence au plan national, et des collectivités locales qui assurent au quotidien la protection des populations au moyen des services d'incendie et de secours.

La spécificité du modèle français - et sa force - tiennent particulièrement à la double nature des sapeurs-pompiers 1 ( * ) : d'une part, les professionnels relevant de la fonction publique territoriale en constituent l'armature et, d'autre part, les volontaires - les quatre cinquièmes des effectifs - qui ont souscrit un engagement bénévole au service du bien commun permettent, chaque jour, la promptitude des secours partout sur l'ensemble du territoire.

Les pouvoirs publics ont progressivement construit un statut du volontaire tout à la fois pour conforter et encourager le volontariat qui s'érodait et manifester la juste reconnaissance de la Nation à ce concours citoyen : en 1991 avec le renforcement de la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires (SPV), en 1996 avec la définition de leurs mission et la détermination d'une indemnisation, en 2004 puis en 2011 avec des règles renforcées et améliorées.

Le Sénat est aujourd'hui saisi d'une proposition de loi adoptée le 29 novembre dernier par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'abord destinée à réformer le dispositif de cessation définitive de l'engagement institué en 2004, la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR), au terme d'une réflexion conduite par l'Assemblée des départements de France (ADF) avec l'État et les pompiers.

Ce volet doit être impérativement adopté avant la fin de la présente année, pour une entrée en vigueur rétroactive au 1 er janvier 2016, alors que le contrat d'assurance souscrit pour gérer ce dispositif est échu depuis le 31 décembre 2015.

Parallèlement, le ministère de l'intérieur a ouvert le chantier de l'encadrement supérieur des SDIS qui se traduira par la publication d'une vingtaine de textes réglementaires en conséquence des modifications prévues par la proposition de loi au statut des emplois de catégorie A des sapeurs-pompiers professionnels.

Tout en regrettant les conditions très contraintes de son intervention, votre commission des lois, consciente de la nécessité de respecter le calendrier impératif de la réforme de la PFR et grâce au travail de son rapporteur mené en collaboration avec son homologue de l'Assemblée nationale, a adopté sans modification le texte soumis à son examen, qui a recueilli l'approbation de principe des différentes parties au dossier.

I. POUR UN SYSTÈME MOINS COÛTEUX À DROITS INCHANGÉS : LA RÉFORME PROPOSÉE DE LA PRESTATION DE FIDÉLISATION ET DE RECONNAISSANCE

L'objet premier de la proposition de loi qui justifie l'extrême urgence imposée au Sénat réside donc dans la réforme de la PFR.

Un rappel des grands principes fondant le régime actuel devrait permettre d'éclairer les motifs et l'économie générale du système proposé qui sera sans conséquence pour ses bénéficiaires au regard du droit en vigueur.

A. LA PFR OU LA VOLONTÉ DE CONSTRUIRE UN AVANTAGE DE RETRAITE POUR LES SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES

La PFR a été créée par la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 en remplacement de l'allocation de vétérance instituée par une loi du 3 mai 1996 2 ( * ) en contrepartie de l'engagement civique des volontaires.

L'allocation de vétérance ( art. 12 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 )

Peuvent en bénéficier les SPV qui ont cessé leur activité avant le 1 er avril 2004 et accompli 20 ans de services, ramenés à 15 ans pour le volontaire dont l'incapacité opérationnelle est médicalement reconnue.

L'allocation est composée :

- d'une part forfaitaire dont le montant annuel est fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre du budget ;

- d'une part variable dont le montant annuel est modulé selon l'ancienneté.

Elle est due à compter de l'année où le sapeur-pompier atteint la limite d'âge de son grade ou de l'année de cessation d'activité en cas de prolongation.

66 557 anciens SPV perçoivent cette allocation d'un montant annuel environ égal à 388 €.

La prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) est un complément de pension par capitalisation. Elle permet au SPV d'acquérir des droits à pension exprimés en points et versés sous forme de rente viagère.

1. La contrepartie financière de longues années de volontariat civique

Pour prétendre au versement, le SPV doit avoir accompli vingt années au moins de services, en une ou plusieurs fractions. Mais il est dispensé de la condition de services lorsqu'il a interrompu son engagement à la suite d'un accident survenu ou d'une maladie contractée en service. La rente viagère lui est servie à compter de la date à laquelle il cesse définitivement son engagement dès lors qu'il est âgé d'au moins 55 ans.

Ce régime est cofinancé par l'État, les SDIS et les SPV :

• Les SDIS versent une contribution annuelle obligatoire évaluée en fonction du nombre de SPV gérés par eux au 31 décembre de l'année précédente, à hauteur de 375 € par volontaire. L'État contribue à ces dépenses pour près de la moitié du total.

En 2015, cette compensation s'est élevée à 32 millions d'euros pour une charge totale de 72 millions versés par les SDIS.

• Le sapeur-pompier cotise chaque année à partir de sa sixième année d'engagement.

Le total de ces cotisations a représenté 6,7 millions d'euros en 2013.


• Le montant annuel de la prestation dépend du nombre d'années de services accomplis. Il est respectivement de :

- 469 € pour 20 années ;

- 938 € pour 25 années ;

- 1 407 € pour 30 années ;

- 1 876 € pour 35 années.

Au 31 décembre 2015, 14 287 anciens sapeurs-pompiers volontaires percevaient la prestation pour un montant annuel total d'environ 8,15 millions d'euros.

Les engagements pris par le régime sont, à tout moment intégralement garantis par la constitution de provisions techniques suffisantes.

2. Un système complexe et coûteux

La gestion du système fait intervenir plusieurs acteurs :

- l'APFR (association nationale chargée, en application de la loi, de la surveillance de la PFR). Chaque SDIS doit y adhérer.

Aux termes de la loi du 13 août 2004, il revenait à l'APFR de souscrire un contrat collectif d'assurance auprès d'une ou plusieurs entreprises d'assurance, institutions de prévoyance ou organismes mutualistes. Par ailleurs, sous sa surveillance, la gestion du régime devait être confiée à un organisme qui pouvait être différent de l'assureur ;

- la CNP (caisse nationale de prévoyance) avec qui l'APFR a conclu le marché d'assurance. Elle gère la prestation.

Il convient de souligner le caractère onéreux de la gestion administrative et financière du dispositif qui s'élève à 6,5 millions d'euros par an.

Le système adopté en 2004 a conduit les représentants des SDIS au sein de l'APFR à ouvrir, à l'automne 2012, un débat sur l'avenir de ce régime dans la perspective de la conclusion d'un nouveau contrat d'assurance à compter du 1 er janvier 2016.

Le coût du financement de la prestation, pour les contributeurs publics, est apparu élevé au regard des montants perçus annuellement par ses bénéficiaires. Les représentants des SDIS relevaient « l'important décalage temporel actuel entre le montant des contributions des SDIS (70,49 M€ en 2014) et celui des rentes versées aux sapeurs-pompiers volontaires (8,2 M en 2014) inhérent à la nature du régime retenu lors de la création de la prestation, les deux courbes ne se croisant que vers 2050 » 3 ( * ) .

Par ailleurs, en raison du rendement actuel des placements opérés pour le compte du régime notamment et des perspectives sur le montant des droits, un besoin de financement complémentaire est apparu inéluctable pour garantir les paiements des rentes viagères, évalué à 33 millions d'euros pour 2015 et 111 millions d'euros pour 2016.

En conséquence, une prorogation d'un an du contrat d'assurance a été négociée et, dans l'intervalle, s'est engagée une concertation entre les élus, l'État et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP) pour réformer le système.

Finalement, un pacte a été conclu le 6 avril 2016 entre l'État, l'Assemblée des départements de France (ADF), l'Association des maires de France (AMF), la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS), le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires (CNSPV) et la FNSP.

Une solution consensuelle a été arrêtée qui fait l'objet des articles 1 er et 2 de la présente proposition de loi.


* 1 Les personnels de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et du bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM) relèvent du statut militaire.

* 2 Cf. loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps des sapeurs-pompiers.

* 3 Cf . Pacte relatif à la réforme du régime de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, signé le 6 avril 2016.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page