L'ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DANS L'UNION EUROPÉENNE

LE FINANCEMENT PUBLIC DES DÉPENSES D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

UN BESOIN ACCRU DE FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EUROPÉEN
Massification de l'enseignement supérieur

L'enseignement supérieur se trouve aujourd'hui face à de nouveaux défis. Le premier d'entre eux est la massification de l'enseignement supérieur qu'ont connue la plupart des pays de l'OCDE. Depuis 1975, le nombre d'étudiants inscrits dans l'éducation supérieure a plus que doublé dans les principaux pays de l'OCDE, notamment en France. Ce mouvement devrait perdurer et même s'accélérer à l'échelle mondiale. L'enseignement supérieur comptait 97 millions d'étudiants en l'an 2000, ce chiffre devrait s'élever à 262 millions en 2025 24 ( * ) . Selon l'OCDE, d'ici à 2030, c'est même 60 % des jeunes adultes qui devraient accéder l'éducation supérieure, soit 414 millions d'étudiants.

Internationalisation de l'enseignement supérieur

Le second défi est l'internationalisation de l'enseignement supérieur. De plus en plus d'étudiants étudient dans un autre pays que le leur : selon les prévisions de la Commission, le nombre d'étudiants en mobilité devrait passer de quatre à sept millions d'ici la fin de la décennie 25 ( * ) .

Le financement prévu par la Commission pour la stratégie d'internationalisation de l'enseignement supérieur dans le cadre budgétaire 2014-2020 s'élève à 3 milliards d'euros (sur une enveloppe globale de 16 milliards d'euros prévus pour les programmes relevant d'Erasmus +). Au moyen de ce financement, la Commission s'engage à assurer la mobilité de 135 000 étudiants et membres du personnel éducatif, de 15 000 chercheurs et de 60 000 participants à des programmes de master ou de doctorat de haut niveau.

L'Europe est aujourd'hui bien placée dans cette course mondiale aux talents. Elle attire 45 % de la population étudiante migrante. Si les États-Unis attirent 17 % des étudiants mondiaux, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France en représentent respectivement 13 %, 6 % et 6 %. De nouveaux acteurs apparaissent cependant : les pays émergents comme la Chine, l'Inde et le Brésil, bénéficient de la mondialisation et de l'évolution technologique.

Dans cet environnement concurrentiel, les établissements européens peinent à mettre en avant la qualité de leur enseignement, les critères retenus par les différents classements mondiaux 26 ( * ) ne les favorisant pas. L'Union européenne a ainsi lancé en mai 2014 son propre classement, U-Multirank, pour améliorer la visibilité des établissements européens. Tourné avant tout vers l'utilisateur, ce classement reste moins lisible qu'une simple liste telle que le classement de Shanghai 27 ( * ) .

Avec l'émergence d'une concurrence au niveau mondial, le défi de l'augmentation du nombre d'étudiants se double de celui de la modernisation de l'enseignement supérieur. Par ailleurs, dans un contexte de chômage élevé, l'enseignement supérieur doit aussi répondre à des exigences accrues de performance et d'employabilité.

LA PRISE EN COMPTE DES DÉPENSES D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DANS LE PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE

À l'occasion de la présentation de ses orientations politiques devant le Parlement européen, le 15 juillet 2014, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait insisté sur la nécessité de mieux tirer parti de la flexibilité introduite dans les règles du Pacte de stabilité et de croissance à l'occasion de ses réformes de 2005 et 2011. Le Conseil européen du 27 juin 2014 avait également mis en avant cette flexibilité. Les réformes structurelles qui favorisent la croissance et améliorent la viabilité des finances publiques devaient, selon lui, bénéficier d'une attention particulière. La Commission européenne devait, dans ces conditions, mener une évaluation appropriée des mesures budgétaires et des réformes structurelles adoptées par les États.

La Commission européenne a présenté, le 13 janvier 2015, une communication destinée à préciser la manière dont elle appliquera le Pacte de stabilité et de croissance afin de mieux prendre en compte les réformes structurelles menées par les États membres et les investissements qu'ils opèrent, mais aussi le cycle économique. Il s'agissait d'appliquer le pacte de manière « intelligente, effective et crédible », selon les termes retenus par le vice-président de la Commission européenne chargé de l'euro et du dialogue social, Valdis Dombrovskis. La communication propose d'utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles du Pacte. Le degré de flexibilité varie néanmoins selon que l'État est soumis au volet préventif, soit l'État dont le déficit public est inférieur à 3 % du PIB ou au volet correctif du dispositif, l'État concerné ne respectant pas ce critère est soumis à une procédure concernant les déficits excessifs. La procédure de déficit excessif vise également un État dont l'endettement dépasse 60 % du PIB d'un État, si l'écart entre son niveau de dette et le seuil de 60 % n'est pas réduit de 1/20 ème chaque année (en moyenne sur trois ans). Quand bien même son déficit est en dessous des 3 %.

Les clauses de flexibilité abordent indirectement la question de l'enseignement supérieur tant le financement de ceux-ci peuvent s'intégrer dans le cadre de réformes structurelles ou peuvent procéder d'une logique d'investissement.

La clause « réformes structurelles »

S'appuyant sur l'article 5 du règlement n° 1466/97 du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, la Commission européenne a souhaité rappeler l'existence d'une clause « réformes structurelles », applicable aux volets préventif et correctif du pacte. Ledit article dispose en effet que le Conseil et la Commission européenne tiennent compte, dans leurs recommandations, de la mise en oeuvre de réformes structurelles majeures qui auraient des effets budgétaires positifs à long terme et une incidence vérifiable sur la soutenabilité des finances publiques. Une attention particulière doit être accordée aux réformes des retraites dès lors qu'elles introduisent un système à plusieurs piliers, dont un pilier obligatoire financé par capitalisation.

La communication de la Commission européenne vient donc rappeler que l'incidence budgétaire positive des réformes structurelles doit être intégrée dans l'examen de la situation de chaque État membre. Ces réformes doivent répondre à trois conditions :

- être importantes ;

- comporter des effets budgétaires positifs à long terme démontrables. Une attention particulière sera portée à leurs incidences en matière de croissance durable potentielle ;

- être effectivement mises en oeuvre.

La Commission européenne définit deux cas de figure pour la mise en oeuvre de cette clause « réformes structurelles ».

Le premier concerne les pays couverts par le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance. La Commission européenne évaluera les réformes menées dans ces pays avant de recommander d'éventuels écarts temporaires par rapport à la trajectoire d'ajustement budgétaire ou à l'objectif budgétaire à moyen terme (OMT), introduit par le règlement n° 1055/2005 du 27 juin 2005. Ces écarts ne sauraient dépasser 0,5 % du PIB. L'OMT devra néanmoins être atteint dans les quatre ans qui suivent cet assouplissement. Le déficit public devra dans le même temps rester inférieur à 3 % du PIB. Si les réformes annoncées ne sont pas mises en oeuvre et ne justifient pas ainsi un écart avec l'OMT initialement défini, une procédure d'avertissement peut être lancée.

Les États membres qui se trouvent, quant à eux, visés par une procédure concernant les déficits excessifs pourraient se voir proposer une prolongation du délai envisagé pour la correction desdits déficits. Cette prorogation n'interviendrait qu'après évaluation du programme de réformes structurelles envisagées par le pays concerné. L'évaluation du programme peut se faire ex ante , c'est-à-dire après adoption par le Gouvernement et/ou le parlement de l'État concerné, mais avant sa mise en oeuvre. La Commission européenne doit néanmoins disposer d'informations détaillées et vérifiables. Des délais crédibles en matière d'application et de réalisation doivent parallèlement être mis en avant. Une absence d'action conduirait au renforcement de la procédure et à une suspension éventuelle de l'octroi des fonds structurels et des investissements européens. Les pays placés sous procédure visant les déficits excessifs sont tenus de respecter la règle d'un effort structurel annuel de 0,5 % de PIB.

La Commission européenne rappelle, en outre, que l'absence de réformes structurelles est considérée comme un « facteur pertinent aggravant ». L'article 2 du règlement de 1997 dispose en effet que la Commission tient compte, dans l'optique du lancement d'une procédure visant les déficits excessifs, de tous les facteurs pertinents dans la mesure où ils affectent l'évaluation du respect des critères de déficit et de dette. Cette disposition avait été introduite en 2005, via le règlement n° 1056/2005 du 27 juin 2005. En mettant en avant la notion de facteur pertinent aggravant, elle rappelle que la notion de facteur pertinent ne saurait être analysée que dans un sens favorable aux États membres.

En ce qui concerne les retraites, la Commission européenne ajoute que la procédure concernant les déficits excessifs peut être close dès lors que l'écart entre le déficit budgétaire constaté et le seuil de 3 % du PIB est imputable à la réforme des retraites et que, dans le même temps, le déficit sera diminué de manière substantielle et constante.

La clause « investissements »

Le volet « investissements » de la communication vise deux cas : les contributions nationales au Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), créé dans le cadre du Plan Juncker pour la relance, et la clause « investissements » déjà mise en avant en 2013.

La Commission européenne préconise, en premier lieu, de ne pas tenir compte des contributions nationales au FEIS lorsqu'elle analysera la situation budgétaire des États membres. Les montants versés ne seront pas comptabilisés pour évaluer le respect par les pays des critères du Pacte de stabilité et de croissance ou de l'objectif à moyen terme. Une procédure pour déficit excessif ne sera pas engagée si, en raison de cette contribution au Fonds, le déficit public d'un État membre dépasse 3 %. Les participations au FEIS sont également exclues de l'évaluation du critère de la dette. Le raisonnement de la Commission européenne correspond à une interprétation logique du pacte qui prévoit que l'OMT, comme l'effort d'ajustement budgétaire mis en oeuvre dans le cadre d'une procédure visant les déficits excessifs, sont définis en termes structurels (articles 3 et 5 du règlement n° 1467/97). Or, cette méthode de calcul exclut les mesures ponctuelles et temporaires, ce que sont les contributions au FEIS.

La Commission européenne a également souhaité préciser le principe de la clause d'investissement, déjà incorporé, au sein de lignes directrices présentées le 3 juillet 2013, par l'exécutif précédent au sein d'une lettre adressée aux ministres des finances des États membres. Cette approche avait déjà été retenue pour examiner la situation de la Bulgarie en 2013 et celles de la Roumanie et de la Slovaquie un an plus tard.

La clause d'investissement ne concerne pas les États membres visés par une procédure pour déficit excessif, à l'instar de la France, mais ceux qui s'intègrent dans le volet préventif du pacte. Ces pays pourront s'écarter de la trajectoire budgétaire ou de l'objectif budgétaire à moyen terme (OMT) définis préalablement s'ils réalisent des investissements structurels, sans forcément passer par le FEIS. Plusieurs conditions devront néanmoins être retenues :

- ces pays devront être en récession ou disposer d'un produit intérieur brut inférieur d'au moins 1,5 % au potentiel ;

- la dérive des comptes publics induite par ces investissements ne pourra conduire à un déficit supérieur à 3 % du PIB, une marge de sécurité devrait ainsi être préalablement définie. L'écart devrait être comblé dans des délais fixés au sein d'un plan budgétaire à moyen terme, transmis dans le cadre des programmes de stabilité ;

- les investissements concernés correspondent à des dépenses effectives, cofinancées par l'EFSI ou par l'Union européenne via la politique de cohésion, les fonds structurels, les réseaux transeuropéens et le mécanisme pour l'interconnexion en Europe ou l'Initiative pour l'emploi des jeunes.


* 24 Sources : Unesco

* 25 Source : Unesco

* 26 Shanghaï, QS, Times Higher Education pour les plus connus d'entre eux

* 27 Classement d'ailleurs conçu à l'origine pour mettre en évidence les qualités des établissements chinois.

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