Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Philippe DOMINATI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 30 a

SÉCURITÉS
(PROGRAMMES 152 « GENDARMERIE NATIONALE » ET 176 «  POLICE NATIONALE »)

Rapporteur spécial : M. Philippe DOMINATI

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 141 à 146 (2016-2017)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Depuis deux ans, la France est confrontée à un contexte sécuritaire d'une exceptionnelle gravité , marqué par une hausse sans précédent de la menace terroriste et une crise migratoire de grande ampleur.

2. Face à cette situation, le Gouvernement propose dans le cadre du présent projet de loi de finances d'augmenter significativement (+ 3,4 %) les moyens alloués aux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

3. Cette évolution, qui témoigne du « changement de rythme » tardivement décidé par le Gouvernement à la suite des attentats du 13 novembre 2015, ne peut qu'être approuvée .

4. La hausse des crédits demandés doit notamment permettre de renforcer les effectifs des deux forces à hauteur de 2 286 ETP , conformément aux engagements pris dans le cadre des différents plans annoncés en 2015.

5. L'effet bénéfique attendu de l'augmentation des effectifs pourrait toutefois être remis en cause par la mise en place de nouveaux cycles de travail au sein des deux forces .

6. L'application partielle de la directive européenne sur le temps de travail dans la gendarmerie s'est ainsi traduite par une diminution du nombre d'heures travaillées comprise entre 3 % et 5 %. Cette baisse est équivalente à une perte de 3 000 à 5 000 ETP , qui doit être comparée au nombre total de créations d'emplois prévues au cours du quinquennat dans la gendarmerie (3 181 ETP).

7. Si le Gouvernement ne peut bien évidemment pas être jugé seul responsable des effets négatifs liés à l'application anticipée de la directive sur le temps de travail dans la gendarmerie, la mise en place d'un nouveau cycle horaire extrêmement coûteux en effectifs au sein de la police nationale lui est entièrement imputable , avec une perte opérationnelle d'un tiers attendue dans les unités de la sécurité publique concernées.

8. Les inquiétudes exprimées depuis plusieurs semaines par les policiers à travers le pays traduisent la place centrale désormais occupée par des problématiques très éloignées de la question des effectifs telles que la faiblesse des moyens de fonctionnement et d'investissement et l'existence de nombreuses « tâches indues » qui éloignent policiers et gendarmes du terrain. Or, sur ces deux sujets, les réponses apportées par le Gouvernement apparaissent à la fois tardives et insuffisantes.

9. Confronté aux revendications des policiers, le Gouvernement a une nouvelle fois été contraint d'annoncer un plan de renforcement des moyens des forces de sécurité intérieure au cours de la discussion budgétaire.

10. Sur les 250 millions d'euros supplémentaires annoncés par le Gouvernement, seulement 100 millions d'euros correspondent réellement à des mesures nouvelles. Cet artifice budgétaire démontre que le Gouvernement n'a toujours pas pris la mesure de l'ampleur du phénomène de « paupérisation » de la police et risque de renforcer la défiance des forces de sécurité intérieure à l'égard des institutions.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 99 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

I. UN BUDGET EN HAUSSE, DANS UN CONTEXTE SÉCURITAIRE EXCEPTIONNEL

A. UN CONTEXTE SÉCURITAIRE EXCEPTIONNEL

1. Un contexte sécuritaire d'une exceptionnelle gravité qui pèse sur les forces de sécurité intérieure

Depuis deux ans, la France est confrontée à un contexte sécuritaire d'une exceptionnelle gravité , marqué par une hausse sans précédent de la menace terroriste et une crise migratoire de grande ampleur.

S'agissant de la menace terroriste , alors qu'une seule attaque liée au terrorisme djihadiste avait été dénombrée dans l'ensemble de l'Union européenne en 2014, l'agence européenne Europol en compte 17 en 2015 1 ( * ) .

Nombre d'attaques liées au terrorisme djihadiste dans l'Union européenne

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données Europol)

La France a malheureusement été particulièrement touchée , les 148 victimes françaises représentant 98 % du total des décès liés à des actes de terrorisme dans l'Union européenne l'an passé.

La crise actuelle trouve notamment son origine dans le nombre important de citoyens européens partis sur les théâtres d'opérations en Syrie et en Irak. Au total, le nombre de « combattants étrangers » européens serait compris entre 3 922 et 4 294, dont 14 % sont morts et 30 % sont retournés dans leur pays d'origine 2 ( * ) .

Les départs depuis la France représentent un tiers du total européen , 1 300 individus ayant quitté le territoire national pour rejoindre la Syrie ou l'Irak depuis le début de la crise. Plus généralement, le nombre de personnes signalées pour radicalisation s'élève désormais à 12 000 dans notre pays 3 ( * ) .

Cette menace se traduit naturellement par un surcroît d'activité important qui pèse de manière asymétrique sur les forces de sécurité intérieure françaises . À titre d'illustration, la France représente 55 % du total des arrestations liées au terrorisme djihadiste enregistrées dans l'Union européenne en 2015.

Nombre d'arrestations liées au terrorisme djihadiste dans l'Union européenne

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données Europol)

Il doit être souligné que la croissance de l'activité opérationnelle liée à la menace terroriste concerne l'ensemble des policiers et gendarmes , et non les seuls services spécialisés, en raison notamment du maintien de l'état d'urgence et du plan Vigipirate.

S'agissant de la crise migratoire, la forte hausse du nombre de candidats à l'asile observée au niveau européen depuis 2014 se poursuit . Il peut être noté que les deux crises sont intimement liées, la Syrie restant depuis 2013 le principal pays d'origine des demandeurs.

Évolution du nombre de demandes d'asile dans l'Union européenne

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données Eurostat)

Si la France est comparativement moins concernée par la crise migratoire que certains pays plus attractifs (ex : l'Allemagne) ou qui constituent un point d'entrée (ex : Grèce et Italie), il n'en demeure pas moins que le nombre de demandes d'asile a augmenté de 152 % dans notre pays depuis 2007 4 ( * ) .

Surtout, certains points de passage situés en France mobilisent fortement les forces de l'ordre, dans un double objectif de sécurisation des zones concernées et de démantèlement des filières. À titre d'illustration, le nombre de migrants sur le campement de la Lande de Calais s'élevait à 6 901 le 17 août dernier, contre 800 en 2014 5 ( * ) .

2. Les enjeux sécuritaires sont désormais en tête des préoccupations des Français

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que les préoccupations des Français évoluent vers les thématiques liées à la sécurité intérieure.

Au lendemain des attentats de Nice, les enjeux sécuritaires ont même remplacé les thématiques économiques au sommet de la hiérarchie des préoccupations des Français. Parmi les cinq sujets les plus souvent mentionnés fin juillet comme allant « beaucoup » compter dans le vote à l'élection présidentielle de 2017, trois relevaient ainsi de la compétence du ministère de l'intérieur .

Les cinq principaux déterminants du vote à l'élection présidentielle de 2017

Note de lecture : il s'agit pour chaque thématique du pourcentage de Français estimant que le sujet comptera « beaucoup » dans leur vote.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les résultats du sondage Ifop réalisé du 21 au 25 juillet 2016)

Face à cette situation exceptionnelle, le Gouvernement propose dans le cadre du présent projet de loi de finances d'augmenter significativement les moyens alloués aux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

B. UN BUDGET EN HAUSSE DE 3,4 %

Par rapport aux crédits ouverts en 2016, les crédits demandés dans le cadre du projet de loi de finances déposé par le Gouvernement sont ainsi en hausse de 3,4 % , tandis que l'augmentation des autorisations d'engagement atteint 4,4 %.

Comparaison des crédits ouverts en 2016 et demandés en 2017

(en millions d'euros, en %)

Crédits ouverts en 2016

Crédits demandés en 2017

Évolution

Police nationale

AE

9 947,6

10 419,8

4,7 %

CP

9 950,2

10 285,7

3,4 %

Gendarmerie nationale

AE

8 453,0

8 795,1

4,0 %

CP

8 295,5

8 589,2

3,5 %

Total

AE

18 400,6

19 214,9

4,4 %

CP

18 245,7

18 874,9

3,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Votre rapporteur spécial approuve cette évolution, qui témoigne du « changement de rythme » tardivement décidé par le Gouvernement à la suite des attentats du 13 novembre. À titre de rappel, le budget transmis par l'Assemblée nationale l'an passé en première lecture n'était en hausse que de 0,9 %. Compte tenu des engagements pris par le Président de la République devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, un amendement du Gouvernement adopté en séance publique au Sénat avait finalement permis d'abonder les deux programmes à hauteur de 340 millions d'euros, portant ainsi la hausse du budget à 2,8 %.

Par rapport aux crédits consommés en 2012, la hausse du budget demandé pour 2017 atteint 10,7 % en crédits de paiement.

Comparaison des crédits consommés en 2012 et demandés en 2017

(en millions d'euros, en %)

Crédits consommés en 2012

Crédits demandés en 2017

Évolution

Police nationale

AE

9 127,7

10 419,8

14,2 %

CP

9 205,3

10 285,7

11,7 %

Gendarmerie nationale

AE

7 881,9

8 795,1

11,6 %

CP

7 849,3

8 589,2

9,4 %

Total

AE

17 009,6

19 214,9

13,0 %

CP

17 054,6

18 874,9

10,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'essentiel de cette hausse des crédits doit permettre de mettre en oeuvre les trois principaux plans annoncés en 2015 par le Gouvernement :

- le plan de lutte anti-terroriste (PLAT), plan triennal (2015-2017) annoncé en janvier 2015 : ciblé sur les services de renseignement, il doit permettre de dégager 233 millions d'euros supplémentaires pour les dépenses d'investissement et de fonctionnement et de créer 1 400 emplois, pour un montant total de 340 millions d'euros ;

- le plan de lutte contre l'immigration clandestine (PLIC) annoncé par le Premier ministre le 16 septembre 2015 : ciblé sur les services concourant à la lutte contre l'immigration irrégulière, il doit se traduire par la création de 900 emplois supplémentaires en 2016 au sein des deux programmes ;

- le pacte de sécurité , plan biennal (2016-2017) annoncé après les attentats du 13 novembre 2015 : moins ciblé que les deux précédents, il doit permettre la création de 8 500 nouveaux postes et un renforcement significatif des moyens de la sécurité et la justice.

II. L'EFFET BÉNÉFIQUE ATTENDU DU RENFORCEMENT DES EFFECTIFS POURRAIT ÊTRE REMIS EN CAUSE PAR L'ÉVOLUTION DES CYCLES DE TRAVAIL DES DEUX FORCES

A. UN RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DES EFFECTIFS EN RAISON DE L'ÉVOLUTION DE LA MENACE

1. Le nombre de créations de postes prévues en 2017 s'élève à 2 286

Cette hausse des crédits demandés doit notamment permettre de renforcer les effectifs des deux forces , conformément aux engagements pris dans le cadre des différents plans annoncés en 2015.

Créations nettes d'emplois prévues et réalisées depuis 2013

(en ETP)

2013

2014

2015

2016

2017

Police nationale

Prévues

288

243

243

2 444

2 031

Réalisées

- 197

822

553

-

-

Écart

- 485

579

310

-

-

Gendarmerie nationale

Prévues

192

162

162

2 317

255

Réalisées

192

173

244

-

-

Écart

0

11

82

-

-

Total des créations d'emplois

Effectives

- 5

990

1 787

-

-

Attendues

-

-

-

6 548

8 834

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2017, le nombre de créations d'emplois devrait ainsi atteindre 2 286 pour l'ensemble des deux programmes, portant le nombre prévisionnel d'emplois créés au cours du quinquennat à 8 834.

Pour le Gouvernement, ces créations de postes se justifieraient notamment par les destructions d'emplois intervenues entre 2009 et 2012 à la suite du déclenchement de la crise financière . Devant nos collègues députés, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve déclarait ainsi : « Entre 2013 et 2017, ce seront près de 9 000 emplois qui auront été créés dans la gendarmerie et dans la police nationale, alors que, je vous le rappelle, la précédente majorité avait contribué à la destruction de 12 519 postes budgétaires - je tiens à être extrêmement précis - dans les forces de sécurité - 6 276 dans la police et 6 243 dans la gendarmerie, correspondant à 8 200 destructions nettes dans les forces entre 2009 et 2012. » 6 ( * )

La logique de cette argumentation n'a toutefois rien d'évident, dans la mesure où le simple fait d'avoir détruit par le passé des emplois ne saurait justifier la décision d'en créer de nouveaux.

En matière de sécurité intérieure, le niveau d'emploi optimal dépend notamment des gisements de productivité qui demeurent ainsi que de l'évolution de la menace .

La politique de sécurité menée au Royaume-Uni depuis le début de la crise financière permet d'illustrer ce point.

Dans un rapport publié en juin dernier 7 ( * ) , le National Audit Office (NAO), équivalent anglais de la Cour des comptes, rappelle que 36 672 emplois de policiers ont été détruits entre mars 2010 et septembre 2014 , soit une diminution de 15 % des effectifs sans commune mesure avec la réduction observée en France sous le quinquennat précédent.

Pourtant, cette diminution des effectifs ne s'est pas accompagnée d'une augmentation de la criminalité, bien au contraire : sur la période, la criminalité mesurée à partir des plaintes enregistrées par les forces de police a baissé de 9 % au niveau national, tandis les données issues de l'enquête de victimation suggère une diminution encore plus importante (26 %) 8 ( * ) .

Comme en témoigne l'exemple du Royaume-Uni , il semble tout à fait possible dans certaines situations de réduire les effectifs de sécurité intérieure afin de favoriser la mise en oeuvre de modes d'organisation plus efficaces, sans que cela ne se traduise par une dégradation du service rendu aux citoyens.

Si les créations de postes ne sauraient donc être justifiées par les destructions de postes précédemment réalisées, elles ne constituent pas non plus une réponse à une quelconque sous-dotation de la France en matière d'effectifs par rapport à ses principaux voisins.

L'argument des comparaisons internationales est pourtant régulièrement avancé dans le débat public pour justifier la nécessité de renforcer les forces françaises. À titre d'exemple, notre collègue députée Marion Maréchal Le Pen affirmait il y a quelques mois qu'il y aurait en moyenne moins de policiers et gendarmes en France que chez nos voisins européens 9 ( * ) .

D'après les données transmises par le ministère de l'intérieur en 2015, parmi les pays de l'Union européenne comparables en termes de population, un seul (l'Italie) présentait pourtant des effectifs supérieurs aux nôtres .

Comparaison des effectifs des forces de sécurité intérieure en Europe

Pays

Effectifs

Ratio effectifs / population

Allemagne

250 000

1 / 320

Espagne

179 082

1 / 261

France

257 000

1 / 248

Italie

262 400

1 / 227

Royaume-Uni

207 140

1 / 270

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur en 2015 pour les pays étrangers)

Il est vrai que les données diffusées par Eurostat et l' Office des Nations Unies contre la drogue et le crime donnent une vision très différente de la situation française.

Comparaison des effectifs des forces de sécurité intérieure en Europe

Ministère de l'intérieur

Eurostat

ONU

2015

2012

2013

2013

2014

Allemagne

250 000

243 982

245 072

245 072

-

Espagne

179 082

179 217

246 507

246 507

243 401

France

257 000

185 482

110 866

185 060

185 079

Italie

262 400

276 750

276 515

276 515

-

Royaume-Uni

207 140

152 498

152 498

152 498

151 396

Source : commission des finances du Sénat

Afin d'évaluer la pertinence des données de cet organisme, il convient en préalable de s'interroger sur les effectifs policiers français.

Ces derniers peuvent être obtenus en faisant la somme du plafond d'emplois réalisé pour les deux programmes (239 470 ETPT en 2015) et du nombre de policiers municipaux (20 996 personnels en 2015), ce qui donne un résultat de 260 000 policiers environ.

Il s'agit d'une hypothèse plutôt conservatrice dans la mesure où les plafonds d'emplois sont exprimés en ETPT. Par ailleurs, cette estimation ne prend pas en compte effectifs militaires mobilisés quotidiennement en 2015 dans le cadre de l'opération Sentinelle.

S'agissant d'Eurostat, la notion d'officier de police « recouvre les officiers de police de tous les niveaux travaillant dans la police criminelle, la police de la circulation, la police des frontières, la gendarmerie, la police en uniforme, la police municipale ou comme gardiens de la paix ». Cette notion « exclut le personnel civil, les agents des douanes, la police fiscale, la police militaire, les services secrets, les officiers de réserve, les réserves mobilisables pour des tâches spéciales, les cadets et la police des tribunaux ».

Toutefois, ces différences de périmètre ne peuvent expliquer le caractère particulièrement incohérent des données d'Eurostat pour la France.

Pour l'année 2013, Eurostat indique ainsi que les effectifs français s'élèvent à 110 866, soit 42 % des effectifs réels . Plus surprenant encore, les données d'Eurostat concernant les effectifs français affichent une chute brutale et inexpliquée en 2013 (- 74 616 effectifs par rapport à 2012).

Il peut être observé que la France n'est pas le seul pays à avoir connu de telles ruptures statistiques : en 2013, l'Espagne affiche ainsi une hausse brutale et inexpliquée de ses effectifs policiers, qui passent de 179 217 à 246 507.

S'agissant de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, les effectifs pris en compte doivent correspondre aux personnels contribuant à titre principal aux missions de prévention, de détection et d'investigation des crimes au 31 décembre de l'année considérée. Il est explicitement précisé que les personnels affectés à des missions « support » (employés de bureau, secrétaires) doivent être exclus .

Pour la France, les documents budgétaires indiquent que le nombre de personnels administratifs et ouvriers d'État s'élève à 15 331 en 2015 pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». On peut donc considérer que les effectifs français devraient s'élever à environ 255 000 selon la définition de l'ONU.

Si l'on décidait d'exclure également les personnels scientifiques et techniques (7 870 ETPT en 2015), les effectifs seraient alors de 247 000 environ.

Pourtant, les données fournies par l'ONU pour la France sont très éloignées de ces estimations : les effectifs sont de 185 079 en 2014, soit un écart de 25 %.

Il peut être noté qu'un tel écart n'est observé pour aucun des quatre autres pays européens comparables.

Au total, les données d'Eurostat et de l'ONU concernant les effectifs français apparaissent incohérentes et très défavorables à la France.

Si l'on retient pour le calcul des effectifs pondérés par la population de chacun des pays la donnée la plus haute des trois comparaisons, la France se situe dans tous les cas devant l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Pour votre rapporteur spécial, ce ne sont donc ni les destructions d'emplois précédemment réalisées, ni les comparaisons internationales qui justifient le soutien aux créations d'emplois proposées par le Gouvernement, mais bien la hausse sans précédent des menaces observée depuis plus de deux ans dans notre pays.

2. Ces créations de postes devraient aider les forces de sécurité intérieure à faire face à l'augmentation de l'activité opérationnelle

Rendues nécessaires par le nouveau contexte sécuritaire auquel sont confrontés policiers et gendarmes, ces créations de postes permettront ainsi de renforcer utilement les services les plus mobilisés .

À cet égard, votre rapporteur spécial tient à revenir de façon détaillée sur l'évolution de la situation des services de renseignement intérieur , qui avait fait l'objet d'un rapport de contrôle l'an passé 10 ( * ) .

Parallèlement à la réorganisation administrative effectuée en 2013, un premier plan spécifique a été initié pour renforcer les effectifs du renseignement intérieur , avec l'annonce de la création de 432 postes à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) d'ici à 2018 et de 203 postes au service central du renseignement territorial (SCRT) d'ici à 2015 11 ( * ) .

Par ailleurs, parmi les 1 400 créations d'emplois annoncées en 2015 au titre du PLAT, 1 107 devaient bénéficier aux services de renseignement intérieur relevant du programme « Police nationale », dont 500 à la DGSI, 507 au SCRT (dont 150 gendarmes et 7 contractuels) et 100 à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) 12 ( * ) . La sous-direction de l'anticipation opérationnelle de la Gendarmerie nationale (SDAO) devait par ailleurs bénéficier d'un renforcement de 10 ETP.

Pour l'année 2015, le PLAT a été réalisé à 100 %. Pour 2016, 92 % des renforts étaient arrivés au 1 er septembre 2016, le ministère de l'intérieur précisant que le solde devrait l'être au 31 décembre 2016.

S'agissant du pacte de sécurité, parmi les 4 535 créations de postes annoncées, 415 seulement devraient finalement concerner les services de renseignement intérieur, soit 9 % 13 ( * ) :

- 225 à la DGSI (112 en 2016 et 113 en 2017) ;

- 130 au SCRT ;

- 60 à la DRPP (30 en 2016 et 30 en 2017).

Au total, les trois plans devraient ainsi se traduire par une hausse des effectifs de plus d'un tiers à l'horizon 2018 , portant le nombre d'emplois au sein des services de renseignement au-delà des 8 000.

Évaluation du renforcement des effectifs des services de renseignement intérieur en cas de réalisation complète des trois plans

(en ETP)

DGSI

SCRT

DRPP

SDAO

Total

Effectifs de départ

3 113

1 847

652

481

6 093

Créations d'emplois prévues

1 157

840

160

10

2 167

Taux d'évolution

37 %

45 %

25 %

2 %

36 %

Note de lecture : les effectifs de départs sont comptabilisés au 31 décembre 2013, sauf pour la DGSI (le seul chiffre disponible étant celui du plafond d'emplois réalisé en 2013) et la SDAO (le seul chiffre disponible correspond aux effectifs au 1 er janvier 2015, en comptabilisant non seulement les effectifs du service central mais également ceux des bureaux et cellules de renseignement au niveau zonal, régional et départemental). Pour la DRPP, les effectifs ont été réduits de 200 ETP, soit le nombre de fonctionnaires affectés sur les missions « lutte contre l'immigration et le travail illégal » en 2014. Les créations d'emplois correspondent aux renforcements annoncés dans le cadre des trois plans précités.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires, les réponses aux questionnaires et le rapport d'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour les années 2014 et 2015)

En la matière, l'effectivité du suivi et du contrôle parlementaire demeure toutefois limitée par l'architecture budgétaire retenue pour la mission « Sécurités » , dont la lisibilité est anormalement faible.

Au sein des projets annuels de performances, les crédits et les effectifs consacrés aux différents services de renseignement relevant du ministère de l'intérieur ne sont pas identifiables , à l'inverse des crédits et effectifs des services relevant du ministère de la défense.

Sollicité sur les suites données aux recommandations du rapport précité qui visaient à garantir un même niveau d'information au sein des deux ministères, le Gouvernement indique dans ses réponses au questionnaire budgétaire qu'« une meilleure information des parlementaires pourrait (...) être obtenue au sein du programme "Police nationale" par la création d'une action spécifique "renseignement intérieur" » .

Si la création d'un programme dédié reste exclue, il s'agirait déjà d'un progrès significatif . Aussi, votre rapporteur spécial souhaite que cette évolution de la maquette budgétaire soit mise en oeuvre dès l'an prochain .

S'agissant des effectifs, l'effet bénéfique attendu de leur augmentation pourrait toutefois être remis en cause par la mise en place de nouveaux cycles de travail au sein des deux forces.

B. LES NOUVEAUX CYCLES DE TRAVAIL, UNE « BOMBE À RETARDEMENT » DE NATURE À REMETTRE EN CAUSE L'EFFET BÉNÉFIQUE ATTENDU DE L'AUGMENTATION DES EFFECTIFS

1. L'application partielle de la directive européenne sur le temps de travail dans la gendarmerie s'est traduite par une baisse du nombre d'heures travaillées comprise entre 3 % et 5 %

En tant que militaires, les gendarmes sont tenus de rester disponibles en dehors du service. En contrepartie, ils bénéficient d'un logement de fonction par nécessité absolue de service. La directive européenne de 2003 relative au temps de travail 14 ( * ) prescrit toutefois des obligations incompatibles avec le régime de travail actuel des personnels placés sous statut militaire.

Deux éléments sont particulièrement problématiques :

- la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures ;

- le repos journalier de 11 heures consécutives.

Pendant longtemps, il a été considéré que la directive ne s'appliquait pas aux personnels sous statut militaire. En effet, si son article 1 er dispose qu'elle s'applique à « tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE », son article 2 prévoit une exemption « lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s'y opposent de manière contraignante » .

La Cour de justice a toutefois contraint les États membres à revoir leur interprétation. En effet, elle a jugé en 2006 que cette exception « ne saurait trouver à s'appliquer que dans le cas d'événements exceptionnels à l'occasion desquels le bon déroulement des mesures destinées à assurer la protection de la population dans des situations de risque collectif grave exige que le personnel ayant à faire face à un événement de ce type accorde une priorité absolue à l'objectif poursuivi par ces mesures afin que celui-ci puisse être atteint » 15 ( * ) .

Dans ce contexte, la France s'est engagée auprès de la Commission européenne à transposer cette directive aux forces armées avant la fin de l'année 2017.

L'an passé, votre rapporteur spécial soulignait néanmoins la nécessité d'éviter toute « application mécanique ou indifférenciée » 16 ( * ) de la directive afin de « préserver la portée du principe de disponibilité et de limiter les besoins supplémentaires en personnel qui pourraient résulter de sa transposition » 17 ( * ) .

Début 2016, deux associations professionnelles ont bouleversé le calendrier du Gouvernement en formant un recours à l'encontre de l'instruction sur le temps de travail 18 ( * ) alors en vigueur dans la gendarmerie. Aussi, il a finalement été décidé en février dernier d'abroger l'instruction sur le temps de travail.

Des dispositions transitoires ont été prévues par une instruction provisoire , qui instaure notamment une période minimale de repos quotidien, à raison de 11 heures au cours de chaque période de 24 heures.

Cette instruction est applicable depuis le 1 er septembre 2016.

Or, d'après les informations communiquées publiquement par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), la baisse du nombre d'heures travaillées liée à l'entrée en vigueur de l'instruction temporaire serait comprise entre 3 % et 5 %.

Cette évolution est équivalente à une perte de 3 000 à 5 000 ETP , qui doit être comparée au nombre total de créations d'emplois prévues au cours du quinquennat dans la gendarmerie (3 181 ETP).

Autrement dit, l'effet négatif de l'instruction temporaire sur la capacité opérationnelle de la gendarmerie a plus que compensé l'effet positif attendu des créations d'emplois.

Il doit être précisé que l'instruction temporaire n'a pas appliqué à la gendarmerie la durée maximale du travail hebdomadaire, fixée à 48 heures par la directive.

La transposition de la directive prévue d'ici la fin de l'année 2017 pourrait donc se traduire par une baisse du nombre d'heures travaillées encore plus importante , si le Gouvernement ne parvient pas à trouver un compromis plus favorable avec la Commission européenne.

Une telle évolution serait parfaitement inacceptable , au regard du contexte sécuritaire exceptionnel auquel les forces de gendarmerie sont confrontées.

Aussi, votre rapporteur spécial suggère deux pistes afin de préserver la capacité opérationnelle des forces :

- étudier la possibilité d'abaisser le seuil, actuellement fixé à neuf heures, à partir duquel le « compteur » des heures de repos consécutives repart à zéro si le gendarme retourne travailler avant d'avoir atteint la période minimale de onze heures fixée par la directive 19 ( * ) ;

- dans le cadre de la négociation avec la Commission européenne, plaider pour une annualisation du mode de calcul de la durée maximale du travail hebdomadaire, fixée à 48 heures par la directive.

Si le Gouvernement ne peut bien évidemment pas être jugé seul responsable des effets négatifs liés à l'application anticipée de la directive sur le temps de travail dans la gendarmerie, la mise en place d'un nouveau cycle horaire extrêmement coûteux au sein de la police nationale lui est entièrement imputable.

2. La mise en place de nouveaux cycles horaires au sein de la police pourrait se traduire par une perte opérationnelle d'un tiers dans les unités de la sécurité publique concernées

Quatre nouveaux cycles de travail ont été expérimentés dans la police nationale du 1 er octobre 2015 au 1 er avril 2016.

En effet, le système dit du « 4/2 », en vigueur pour environ 40 000 personnels, prévoyait quatre vacations travaillées puis deux jours de repos selon des modalités qui, en province, n'étaient pas conformes aux périodes minimales de repos fixées par la directive relative au temps de travail précitée .

Aussi, la France s'est engagée auprès de la Commission européenne à modifier les cycles de travail de la police nationale d'ici le 1 er janvier 2017. Les modifications des cycles horaires devront être négociées avec les syndicats département par département, dans le cadre des comités techniques départementaux.

Le 5 juillet 2016, une proposition de modification du « catalogue » des régimes de travail ouverts aux policiers 20 ( * ) a été validée.

En pratique, deux principaux cycles de travail, élaborés sur une base de 1 607 heures par an , peuvent désormais être adoptés :

- le « 4/2 compressé » ;

- le « vendredi fort ».

Comparaison des cycles de travail

Cycle « 4/2 »

Cycle
« 4/2 compressé »

Cycle
« vendredi fort »

Architecture du cycle

2 après-midi

2 matins

2 repos

3 matins - 2 repos

3 après-midi - 2 repos

4 matins - 1 repos

4 après-midi - 2 repos

2 après-midi - 2 repos

3 matins - 2 repos

3 après-midi - 2 repos

2 matins - 2 repos

3 après-midi - 2 repos

3 matins - 2 repos

Durée de chaque vacation

8 h 10

8 h 21

9 h 31

Congés annuels

23

23

20

Jours attribués au titre de la réduction du temps de travail

5

6,5

0

Confort de vie

1 week-end sur 6

1 week-end sur 3

1 week-end sur 2

Source : commission des finances du Sénat (à partir du « tableau synthétique des cycles de travail » diffusé par Alliance police nationale le 9 juin 2015)

Si le cycle du « vendredi fort » a la préférence de la majorité des gradés et gardiens , dans la mesure où il offre la possibilité de ne travailler qu'un week-end sur deux, sa mise en oeuvre est très coûteuse en effectifs .

Dans son bilan des expérimentations effectuées l'an passé, la direction centrale de la sécurité publique indique ainsi que le cycle du « vendredi fort » nécessite un renfort en effectifs de 33 % pour être mis en oeuvre.

Cette perte opérationnelle significative est liée au fait que l'instauration de ce cycle impose dans la plupart des situations la création d'une quatrième « brigade » 21 ( * ) de police-secours.

De jour, ce cycle s'articule en effet sur deux brigades divisées, pour chacune d'entre elles, en deux groupes. À tout moment de la journée, il y a toujours un groupe en service. Le vendredi, deux groupes sont présents en même temps (d'où la dénomination « vendredi fort »).

Exemple de planning de jour pour le cycle du « vendredi fort »

Première semaine

Deuxième semaine

L

M

Me

J

V

S

D

L

M

Me

J

V

S

D

Groupe 1

M

M

-

-

A

A

A

-

-

M

M

M

-

-

Groupe 2

A

A

-

-

M

M

M

-

-

A

A

A

-

-

Groupe 3

-

-

M

M

M

-

-

A

A

-

-

M

M

M

Groupe 4

-

-

A

A

A

-

-

M

M

-

-

A

A

A

Note de lecture : les abréviations figurant à la deuxième ligne désignent chacun des jours de la semaine. Pour les lignes suivantes, le signe « M » signifie que le groupe travaille le matin, le sigle « A » l'après-midi. La présence d'un tiret signifie que le groupe concerné ne travaille pas sur la journée considérée.

Source : commission des finances du Sénat

À l'inverse, le cycle « 4/2 compressé » permet de fonctionner avec seulement trois groupes et d'éviter toute situation de sureffectif le vendredi.

Exemple de planning de jour pour le cycle du « 4/2 compressé »

Première semaine

Deuxième semaine

L

M

Me

J

V

S

D

L

M

Me

J

V

S

D

Groupe 1

-

-

M

M

M

-

-

A

A

A

-

-

M

M

Groupe 2

M

M

-

A

A

A

A

-

-

M

M

M

-

-

Groupe 3

A

A

A

-

-

M

M

M

M

-

A

A

A

A

Troisième semaine

L

M

Me

J

V

S

D

Groupe 1

M

M

-

A

A

A

A

Groupe 2

A

A

A

-

-

M

M

Groupe 3

-

-

M

M

M

-

-

Source : commission des finances du Sénat

Or, le caractère très attractif du « vendredi fort » pour les personnels fait craindre un effet de « contagion » , dans la mesure où il sera difficile pour les directeurs départementaux de faire accepter l'idée que tous les policiers ne pourront pas être en repos un week-end sur deux par manque de moyens.

Dans le contexte sécuritaire actuel, votre rapporteur spécial considère qu'il aurait été plus responsable de ne pas ajouter ce cycle au catalogue (voire de ne pas l'expérimenter) , dans la mesure où le « 4/2 compressé » :

- permet aux policiers d'être en repos un week-end sur trois (au lieu d'un sur six dans le 4/2 « classique »), ce qui représente déjà une amélioration significative ;

- a donné satisfaction aux personnels de Noisiel 22 ( * ) qui l'avaient expérimenté ;

- peut être mis en place à effectifs constants .

Finalement, l'ajout du « vendredi fort » au catalogue présente toutes les caractéristiques du « cadeau empoisonné » laissé à la majorité suivante afin d'apaiser les troupes et de contenter certaines organisations syndicales.

L'exemple du temps de travail démontre ainsi que l'efficacité de la politique sécuritaire du Gouvernement ne saurait être mesurée à l'aune du nombre d'emplois créés dans la police et la gendarmerie .

III. LA QUESTION DES EFFECTIFS NE PARVIENT PLUS À OCCULTER LE RISQUE DE « PAUPÉRISATION » DES FORCES DE L'ORDRE ET L'ABSENCE DE DYNAMIQUE DE RATIONALISATION DES MISSIONS

Les inquiétudes exprimées depuis plusieurs semaines par les policiers à travers le pays traduisent la place centrale désormais occupée par des problématiques très éloignées de la question des effectifs.

Outre la continuité de la chaine pénale, deux thématiques sont régulièrement mises en avant lors des manifestations : la faiblesse des moyens de fonctionnement et d'investissement et l'existence de nombreuses « tâches indues » qui éloignent policiers et gendarmes du terrain.

Or, sur ces deux sujets, le Gouvernement a pris conscience très tardivement de l'ampleur du problème.

A. LE RISQUE DE « PAUPÉRISATION » DES FORCES DE L'ORDRE

1. Une prise de conscience tardive

L'an passé, votre rapporteur spécial soulignait le risque de « paupérisation » des forces de l'ordre , la part des dépenses de personnel au sein des deux programmes ayant atteint « un niveau critique (87,6 %) qui ne permet pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et gendarmes » 23 ( * ) .

Ce diagnostic reposait notamment sur la forte augmentation de la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses depuis 2009 , la dynamique des dépenses de titre 2 ayant exercé une pression baissière sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Avant l'amendement déposé par le Gouvernement à la suite des attentats du 13 novembre, les moyens de fonctionnement et d'investissement étaient ainsi inférieurs de 336 millions d'euros en 2016 par rapport à 2009 , pour des effectifs comparables .

Comparaison des équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) et des crédits de fonctionnement et d'investissement en 2009 et 2016 avant l'amendement déposé à la suite des attentats du 13 novembre 2015

(en ETPT, en millions d'euros)

2009

2016

Écart

ETPT

244 304

244 420

116

Moyens de fonctionnement, d'investissement et d'intervention

2 562

2 226

- 336

Dépenses de personnel / Total des dépenses

84,4 %

87,6 %

3,2 pts

Note de lecture : les effectifs pour 2016 correspondent au plafond d'emplois prévu dans le bleu budgétaire, augmenté des 900 créations de postes financées par l'amendement gouvernemental déposé à l'Assemblée nationale au titre du PLIC.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'importance de ce phénomène peut également être illustrée par une comparaison internationale avec les forces de police anglaises.

À cet égard, il convient en préambule de rappeler la difficulté de ce type d'exercice , compte tenu des différences de périmètres qui peuvent exister. L'objectif est donc moins d'arriver à une estimation précise du différentiel de moyens entre les forces françaises et anglaises que de dégager des grandes tendances.

Compte tenu de la précision des documents budgétaires publiés par la police métropolitaine de Londres , cette dernière constitue le point de départ de la comparaison.

Pour la France, il semble préférable de retenir pour la comparaison les données de la police , dans la mesure où celles de la gendarmerie sont artificiellement augmentées des dépenses liées aux logements de fonction.

D'après les documents budgétaires, les dépenses de personnel pour la police métropolitaine de Londres représentent 78 % du total des dépenses , soit 12 points de moins que pour les forces de police françaises.

Budget 2014-2015 de la police métropolitaine de Londres

(en millions de livres)

2015

Dépenses de personnel

2 468

Autres dépenses

698

Total des dépenses

3 166

Part des dépenses de personnel dans le total des dépenses

78 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Commissioner of Police of the Metropolis, « Statement of Accounts 2014/15 », p. 6)

Cet écart pourrait toutefois traduire des différences de périmètre . Ces dernières peuvent être particulièrement importantes s'agissant des dépenses de personnel, en raison notamment du poids des contributions aux systèmes de pension .

Le ratio « dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel » semble ainsi constituer un indicateur plus fiable pour compléter cette première analyse.

Pour la police française , les crédits de fonctionnement et d'investissement demandés s'élèvent à 1,1 milliard d'euros dans le présent projet de loi de finances, pour un plafond d'emplois de 149 079 ETPT, soit environ 7 400 euros par personnel .

Pour la police londonienne, les effectifs s'élèvent à 46 600 d'après le Metropolitan Police Service , dont 31 000 officiers de police.

S'agissant des dépenses de fonctionnement et d'investissement, il a été choisi de ne retenir parmi les crédits hors dépenses de personnel que les quatre postes budgétaires suivants, afin de ne pas les surestimer :

Décomposition des crédits exécutés pour la police métropolitaine de Londres hors dépenses de personnel

(en milliers de livres)

Dépenses prises en compte

Dépenses liées aux employés (ex : formation)

24 233

Dépenses liées aux locaux

169 111

Dépenses liées au transport

62 045

Équipements et services (ex : informatique)

357 786

Total

613 175

Dépenses exclues

Dépenses discrétionnaires liés aux pensions

51 093

Dépenses liées au financement du capital

33 785

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Commissioner of Police of the Metropolis, « Statement of Accounts 2014/15 », p. 6)

Pour la police londonienne, le montant des dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel s'élèverait donc à 13 158 livres, soit 14 303 euros au taux de change actuel .

Évaluation des dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel pour la police métropolitaine de Londres

(en livres)

Dépenses de fonctionnement et d'investissement

613 175 000

Effectifs

46 600

Ratio « dépenses de fonctionnent et d'investissement par personnel » en livres

13 158

Ratio « dépenses de fonctionnent et d'investissement par personnel » en euros

14 303

Source : commission des finances du Sénat

Au total, le ratio d'investissement et de fonctionnement semble donc deux fois plus élevé pour un policier londonien (14 303 euros) que pour un policier français (7 400 euros).

À cet égard, la chambre des communes a publié en 2011 un rapport évaluant ce ratio pour quatre forces de police représentatives du Royaume-Uni :

- la police métropolitaine de Londres ;

- la police de Manchester (population urbaine de 2,6 millions d'habitants) ;

- la police de Gwent (population rurale de 560 000 habitants) ;

- la police de Leicestershire (population mixte de 970 000 habitants).

Évaluation du ratio « dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel » pour quatre forces de police anglaises en 2011

(en livres, en euros)

Londres

Manchester

Gwent

Leicestershire

Ratio en livres

14 551

9 302

9 611

9 257

Ratio converti en euros

16 354

10 455

10 802

10 404

Source : commission des finances du Sénat (d'après : House of Commons, Home Affairs Committee, « New Landscape of Policing », 2011, p. 136)

Les résultats obtenus suggèrent que la police londonienne fait figure d'exception parmi les forces anglaises : les dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel sont significativement plus élevées dans la capitale que sur le reste du territoire.

Toutefois, même par rapport aux trois autres forces de police anglaises, le différentiel avec la police française reste important : le ratio français représente seulement 70 % de ceux de Manchester, Gwent et Leicestershire.

Dans ce contexte, si le renforcement des effectifs demeure une priorité, il n'est pas étonnant que le Gouvernement soit désormais contraint de prêter une attention toute particulière aux moyens d'investissement et de fonctionnement.

À cet égard, le discours du Président de la République devant les parlementaires réunis à Versailles après les attentats du 13 novembre 2015 constitue indéniablement une rupture . En effet, les deux tiers des crédits ouverts par l'amendement du Gouvernement adopté en séance publique par le Sénat pour mettre en oeuvre les engagements pris à cette occasion étaient fléchés vers les dépenses de fonctionnement et d'investissement, alors même que ces dernières ne représentent que 12 % du total des dépenses des deux programmes.

À titre d'illustration, ces crédits d'investissement et de fonctionnement ont permis d'abonder le programme « Police nationale » de 116,4 millions d'euros en 2016 afin de financer principalement :

- le surcoût lié aux effectifs (26,15 millions d'euros) au titre de l'habillement, de la formation et du fonctionnement opérationnel des services ;

- l'équipement de la DGSI (5 millions d'euros) ;

- le renforcement des moyens de protection et d'armement (20,7 millions d'euros) ;

- le renouvellement automobile (21,7 millions d'euros) ;

- le renforcement des moyens d'investigation de la police technique et scientifique (4,42 millions d'euros) ;

- des travaux immobiliers (19 millions d'euros) ;

- la modernisation des systèmes d'information et de communication (7,4 millions d'euros) ;

- le renforcement de la vidéoprotection et la lutte anti-drone de la préfecture de police (9,45 millions d'euros).

2. Une prise de conscience insuffisante

Le présent projet de loi de finances traduit néanmoins les hésitations du Gouvernement en la matière : alors que les dépenses de personnel sont en forte hausse (4 %), les crédits de paiement demandés au titre de l'investissement et du fonctionnement sont en légère baisse, avant prise en compte des amendements adoptés par l'Assemblée nationale.

Évolution des crédits hors dépenses de personnel depuis 2015

(en millions d'euros, en %)

Exécution 2015

LFI 2016

LFI 2017

Comparaison
2015-2017

Évolution
2016-2017

Police nationale

AE

1 016

1 099

1 234

21,4 %

12,3 %

CP

1 010

1 102

1 100

8,9 %

- 0,2 %

Gendarmerie nationale

AE

1 254

1 477

1 524

21,6 %

3,2 %

CP

1 239

1 319

1 318

6,4 %

- 0,1 %

Total

AE

2 270

2 576

2 758

21,5 %

7,1 %

CP

2 249

2 421

2 418

7,5 %

- 0,1 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette légère baisse des crédits de fonctionnement et d'investissement peut certes être relativisée du fait de l'augmentation des autorisations d'engagement par rapport à 2016 (+ 7,1 %) et de la hausse importante des crédits de paiement par rapport à 2015 (+ 7,5 %).

Toutefois, force est de constater que la part des dépenses de personnel au sein des deux programmes est de nouveau orientée à la hausse (+ 0,5 point).

Évolution de la part des dépenses de personnel
dans le total des dépenses depuis 2016

(en millions d'euros, en %)

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Police nationale

Dépenses de personnel

8 848,4

9 185,6

3,8 %

Autres dépenses

1 101,8

1 100,1

- 0,2 %

Part des dépenses de personnel

88,9 %

89,3 %

-

Gendarmerie nationale

Dépenses de personnel

6 976,2

7 271

4,2 %

Autres dépenses

1 319,3

1 318,2

- 0,1 %

Part des dépenses de personnel

84,1 %

84,7 %

-

Total

Dépenses de personnel

1 5824,6

1 6456,6

4,0 %

Autres dépenses

2 421,1

2 418,3

- 0,1 %

Part des dépenses de personnel

86,7 %

87,2 %

-

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette forte dynamique des dépenses de personnel s'explique non seulement par la nécessité de financer les créations d'emplois prévues par les différents plans annoncés en 2015 mais également par de nouvelles mesures catégorielles liées principalement :

- à la transposition au sein des deux forces des mesures du protocole « parcours professionnels, carrières, rémunérations » (PPCR) de la fonction publique ;

- à la mise en oeuvre des protocoles pour la valorisation des carrières et des compétences signés en avril 2016 dans le cadre de la feuille de route sociale du Président de la République.

Le ministère de l'intérieur évalue le coût de l'ensemble des nouvelles mesures catégorielles en direction des policiers et gendarmes à 865 millions d'euros sur la période 2012-2020 24 ( * ) .

Dans le cadre du projet de loi de finances déposé par le Gouvernement, le montant des nouvelles mesures catégorielles s'élève à 77,4 millions d'euros pour le programme « Police nationale » et à 77,6 millions d'euros pour le programme « Gendarmerie nationale », soit un total de 155 millions d'euros en 2017.

Il peut être noté que la Cour des comptes s'est inquiétée de cette dynamique dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques pour 2016 25 ( * ) .

Confronté aux revendications des policiers, le Gouvernement a une nouvelle fois été contraint d'annoncer un plan de renforcement des moyens des forces de sécurité intérieure au cours de la discussion budgétaire.

Le 26 octobre dernier, le ministre de l'intérieur a ainsi présenté un « plan pour la sécurité publique » visant à accélérer « la modernisation des équipements de la sécurité publique, c'est-à-dire de tous les policiers et de tous les gendarmes directement mobilisés sur le terrain pour assurer au quotidien la protection des Français », pour un montant de 250 millions d'euros 26 ( * ) .

En outre, le Premier ministre Manuel Valls a affirmé le 7 novembre, en clôture de la réunion entre procureurs et préfets sur la lutte contre la radicalisation, qu'un « nouveau plan » devra être mis en place lors du prochain quinquennat « pour conforter les moyens de la police, de la gendarmerie et des services de renseignement », précisant même que « la modernisation et le renouvellement des équipements nécessiteront un effort supplémentaire de 450 millions d'euros par an , soit 2,3 milliards d'euros de 2017 à 2022 » 27 ( * ) .

S'il est aisé de s'engager sur des perspectives aussi lointaines, les déclarations concernant le financement du plan pour la sécurité publique, qui doit être mis en oeuvre dès 2017, sont longtemps restées ambiguës. Dans son discours, le ministre de l'intérieur évoque ainsi « une enveloppe globale de 250 millions d'euros, rendue possible par les décisions budgétaires prises par le Gouvernement, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2017 » 28 ( * ) .

Cela pouvait laisser entendre qu'une fraction du plan de 250 millions d'euros correspondrait en réalité à des mesures déjà prévues et financées dans le cadre du projet de loi de finances déposé début octobre.

En effet, des dépenses supplémentaires fléchées vers la sécurité publique étaient inscrites dans le projet de loi de finances 2017 au titre du « pacte de sécurité » annoncé à la suite des attentats du 13 novembre 2015. À titre d'exemple, des crédits d'investissement et de fonctionnement étaient prévus pour équiper les 1 300 policiers recrutés au titre du « pacte de sécurité » par la direction centrale de la sécurité publique et la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (équivalent parisien de la sécurité publique).

C'est bien cette interprétation qui a été retenue par le Gouvernement, dans la mesure où le ministre de l'intérieur a déposé à l'Assemblée nationale un amendement venant abonder la mission « Sécurités » à hauteur de seulement 100 millions d'euros 29 ( * ) .

Autrement dit, sur les 250 millions d'euros supplémentaires annoncés par le Gouvernement, seulement 100 millions d'euros correspondent réellement à des mesures nouvelles , selon la répartition suivante :

- pour la police, 76 millions d'euros en crédits d'investissement et de fonctionnement (16 millions d'euros pour l'immobilier d'urgence et 60 millions d'euros pour l'équipement) ;

- pour la gendarmerie, 24 millions d'euros en crédits d'investissement et de fonctionnement (5 millions d'euros pour l'immobilier d'urgence et 19 millions d'euros pour l'équipement).

Votre rapporteur spécial regrette cet artifice budgétaire , qui non seulement démontre que le Gouvernement n'a toujours pas pris la mesure du problème mais risque en outre de renforcer la défiance des forces de police et de gendarmerie à l'égard des institutions.

B. L'ABSENCE DE DYNAMIQUE DE RATIONALISATION DES MISSIONS

1. La dynamique engagée lors du quinquennat précédent n'a pas été poursuivie

Si la question des moyens demeure centrale, il est possible de renforcer la capacité opérationnelle des deux forces à effectifs et budget constants via :

- la réduction des « tâches indues » incombant aux forces de police et de gendarmerie, qui permet de libérer du temps pour les missions de lutte contre la délinquance ;

- la recherche d'une meilleure complémentarité et d'une plus grande mutualisation entre les forces de police et de gendarmerie.

Sur ces deux plans, le précédent quinquennat avait été marqué par d'importantes réformes , avec notamment ;

- le transfert de la gendarmerie nationale du ministère de la défense vers le ministère de l'intérieur au 1 er janvier 2009 ;

- la rationalisation des zones de compétences de la gendarmerie et de la police ;

- la mutualisation de la maintenance automobile et des services chargés des transmissions et des systèmes d'information ;

- la décision prise en 2010 de confier progressivement à l'administration pénitentiaire les missions de transfèrements judiciaires.

L'an passé, votre rapporteur spécial constatait à regret l'interruption de cette dynamique , aucun chantier majeur n'ayant été engagé depuis 2012 30 ( * ) .

Les mesures annoncées après une manifestation de plusieurs milliers de policiers sur la place Vendôme laissaient toutefois espérer un changement de stratégie du Gouvernement en la matière, avec l'engagement :

- d'un « plan interne de simplification » visant à réduire les tâches indues ;

- de nouveaux redéploiements des zones de compétences entre les deux forces.

2. Les annonces successives du Gouvernement concernant la diminution des « tâches indues » peinent à se concrétiser

Un an après ces annonces, forces est de constater que rien n'a véritablement évolué pour les forces de l'ordre.

S'agissant des zones de compétences , il a été indiqué à votre rapporteur spécial lors des auditions que le ministère a finalement renoncé à mettre en oeuvre de nouveaux redéploiements.

S'agissant des tâches indues , la situation ne semble pas davantage avoir progressé.

Compte tenu des échéances électorales à venir, les procurations auraient dû constituer un chantier prioritaire pour le ministère de l'intérieur. En effet, le traitement des procurations par les policiers et les gendarmes avait mobilisé 737 ETP en 2012. Alors que la dématérialisation permettrait de soulager les forces de sécurité de cette tâche, l'inspection générale de l'administration (IGA) indiquait dans un rapport d'octobre 2014 que le projet de dématérialisation totale lancé en 2013 semblait « enlisé » et même « à l'arrêt » 31 ( * ) .

Interrogé sur ce point, le directeur général de la police nationale a indiqué qu'aucun progrès n'avait été réalisé en la matière depuis la parution du rapport. Les différentes élections prévues l'an prochain devraient donc de nouveau mobiliser près de 1 000 ETP au sein des forces de police et de gendarmerie, dans un contexte sécuritaire pourtant très dégradé.

Par ailleurs, la poursuite de la reprise des transfèrements judiciaires par l'administration pénitentiaire, dont l'achèvement est prévu pour 2019, continue de peser sur les forces de l'ordre , dans la mesure où les emplois transférés budgétairement ne s'accompagnent pas d'une diminution de même ampleur des missions exercées.

En effet, lorsque l'administration pénitentiaire oppose une « impossibilité de faire » aux magistrats, ces derniers peuvent adresser aux forces de police et de gendarmerie des réquisitions d'extraction . Ainsi, une étude menée par la Gendarmerie nationale a mis en évidence que 37 000 « heures gendarmes » ont été consacrées en 2015 aux transfèrements judiciaires dans les zones où ces missions ont théoriquement été transférées à l'administration pénitentiaire, ce qui représente l'équivalent de 4 625 patrouilles.

Certainement conscient de l'absence de progrès réalisés depuis l'an passé, le ministre de l'intérieur a fait de la diminution des tâches indues le deuxième volet du « plan pour la sécurité publique », avec l'annonce :

- du remplacement de nombreuses gardes statiques « de bâtiment publics, en particulier devant les préfectures et les tribunaux, » par des gardes dynamiques ;

- de la reprise de certaines missions de garde statique par des sociétés de gardiennage ;

- de la diminution des missions de transport des personnes interpellées vers les hôpitaux, notamment dans les cas d'ivresse publique, dans le cadre d'un partenariat avec la médecine de ville.

Si votre rapporteur spécial souscrit bien évidemment aux orientations annoncées, il sera toutefois particulièrement vigilant s'agissant de leur mise en oeuvre.

IV. UN VOLET PERFORMANCE QUI DOIT ÊTRE REFONDU

A. UN DISPOSITIF DE PERFORMANCE INUTILISABLE AVANT 2017 POUR MESURER L'ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE

Les indicateurs de performance figurant dans les documents budgétaires reposent dans leur majorité sur les données administratives de l'état 4001 , qui sont tirées « de l'enregistrement par les services de police et unités de gendarmerie des procédures relatives à des infractions pénales, avant leur transmission à l'administration judiciaire » 32 ( * ) .

Or, la mise en place de nouveaux logiciels de rédaction des procédures au sein de la police et de la gendarmerie s'est traduite par d'importantes ruptures statistiques , comme l'a mis en évidence l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) dès janvier 2015 33 ( * ) .

Les causes de ces ruptures statistiques ont été plus précisément identifiées par la mission sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieures : « déplacements d'enregistrement entre contraventions et délits créant une remontée en niveau des délits constatés, ces déplacements étant sans doute dus à la fiabilisation de l'enregistrement permise par le nouvel outil ; bascules entre index de l'état 4001, liées à une meilleure précision de l'indexation ; prise en compte d'infractions spécifiques dans les index appropriés, alors qu'elles étaient répertoriées jusque-là dans des index généralistes ; plus marginalement, choix différents d'index du fait de leur ordre de présentation dans le menu déroulant » 34 ( * ) .

Ainsi, la mission estime que « 2016 constituera la première année de référence fiable pour les statistiques de la délinquance enregistrée par les forces de sécurité intérieure » , si bien que les comparaisons « ne seront alors possibles qu'à partir de l'année 2017 ».

En dépit de ces ruptures statistiques, les publications du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) mis en place en 2014 permettent de retracer l'évolution de la délinquance.

En effet, ce service a mis au point une méthode de retraitement statistique des données de l'état 4001 visant à corriger les effets liés à la mise en place des nouveaux logiciels de rédaction des procédures. L'objectif n'est pas de parvenir à une « réévaluation systématique des chiffres enregistrés dans le passé » 35 ( * ) mais de permettre un suivi conjoncturel fiable via :

- « une approche d'analyse des procédures détaillées pour isoler la pratique des services en matière d'associations entre index et nature d'infraction avant et après la rupture, et déceler les bascules de classifications pouvant être à la source des ruptures » ;

- « une approche statistique d'identification des ruptures par l'application d'outils statistiques d'analyse des données infra-annuelles ».

D'après la dernière enquête conjoncturelle publiée par le SSMSI le 4 novembre 2016, les chiffres de la délinquance ont connu des évolutions contrastées au cours des douze derniers mois .

Évolution des faits de délinquance constatés au cours des douze derniers mois

(en %)

Nombre

Variation

Homicides

1 119

46 %

Vols avec armes

8 774

- 14 %

Vols violents sans armes

91 343

- 5 %

Vols sans violence contre des personnes

697 750

1 %

Coups et blessures volontaires

216 682

3 %

Cambriolages

239 030

2 %

Vols de véhicules

165 199

- 1 %

Vols dans les véhicules

262 910

0 %

Vols d'accessoires sur véhicules

105 907

- 7 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : SSMSI, « Interstats Conjoncture » n° 14)

Ce problème d'imputation constitue toutefois une opportunité pour refondre le dispositif de performance.

B. UN PROBLÈME D'IMPUTATION QUI CONSTITUE UNE OPPORTUNITÉ POUR REFONDRE LE DISPOSITIF DE PERFORMANCE

L'utilisation des données issues de l'état 4001 pour mesurer la performance des services de sécurité intérieure pose quatre principaux problèmes :

- les données liées aux procédures relatives à des infractions pénales ne permettent pas de rendre compte des infractions non déclarées aux forces de police et de gendarmerie ;

- les données de l'état 4001 peuvent être l'objet de manipulations (déqualification, report d'enregistrement, etc.) visant à minorer la réalité de la délinquance 36 ( * ) ;

- l'évolution de ces données est difficile à interpréter, une partie du travail des forces de police et de gendarmerie consistant précisément à inciter les victimes à la révélation d'infractions ;

- le recours aux données de l'état 4001 peut inciter les forces de l'ordre à se concentrer sur les « petites affaires » afin de « faire du chiffre ».

Il doit être noté que ce dernier aspect a été particulièrement mis en avant dans le cadre du mouvement de protestation provoqué par les évènements de Viry-Châtillon, certains policiers allant jusqu'à faire de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) le point de départ de cette « politique du chiffre ». À titre d'illustration, dans un entretien accordé au Figaro, un policier de la brigade anti-criminalité (BAC) indiquait qu' « au lieu d'essayer de faire tomber un réseau de trafic de stupéfiants, on va interpeller des acheteurs, en masse (...) comme ça nos supérieurs peuvent balancer des chiffres (...) en disant qu'il y a eu des interpellations, même si on a interpellé 99 % d'acheteurs et non des trafiquants de drogue » 37 ( * ) . Il est vrai que l'indicateur « nombre de personnes mises en cause pour trafic ou revente de produits stupéfiants » figurant dans le dispositif de performance est susceptible de créer des incitations de ce type.

Pour remédier à ces difficultés, deux pistes d'évolution semblent envisageables.

Tout d'abord, le dispositif de performance pourrait être refondu afin de correspondre aux neuf catégories retracées dans les enquêtes de conjoncture du SSMSI , qui ont le mérite d'avoir été calibrées afin de réduire les incitations à se concentrer sur le bas du spectre de la délinquance.

Surtout, comme le rappelle votre rapporteur spécial année après année, ces faiblesses justifieraient que les données issues des enquêtes de victimation soient utilisées dans le cadre du dispositif de performance .

À titre de rappel, l'enquête « Cadre de vie et sécurité » réalisée par l'Insee et l'ONDRP permet chaque année de mesurer l'évolution de la délinquance en interrogeant directement plus de 23 000 ménages sur les faits dont ils ont pu être victimes lors des deux dernières années. En comparaison avec ses principaux voisins, la France a été particulièrement lente à reconnaître l'intérêt de ce type d'étude : la première collecte de données a ainsi été réalisée en 2007, date à laquelle « les Britanniques célébraient les 25 ans de leur enquête en diffusant une brochure intitulée `British Crime Survey : Measuring Crime for 25 Years' » 38 ( * ) .

Dans le cadre du dispositif de performance, l'utilisation des données issues de cette enquête présenterait un double avantage .

Tout d'abord, cela permettrait de tenir compte des infractions non déclarées et d'éviter tout biais inhérent aux données administratives enregistrées par la police (effet de révélation, manipulation statistique).

Surtout, l'utilisation de ces données permettrait d'adopter une approche plus qualitative du service rendu par les forces de police et de gendarmerie à la population, répondant ainsi aux préoccupations exprimées ces dernières semaines.

Dans le cadre des enquêtes de victimation, les ménages sont en effet interrogés sur leur satisfaction à l'égard de l'action de la police et de la gendarmerie. L'utilisation des résultats de cette enquête aurait ainsi permis de mettre en évidence la hausse significative du taux de satisfaction à l'égard des forces de l'ordre en 2015 , dans un contexte pourtant très difficile.

Taux de satisfaction à l'égard de l'action de la police et de la gendarmerie

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'ONDRP)

Le Gouvernement indique néanmoins dans ses réponses au questionnaire budgétaire que des contraintes de calendrier ne permettraient pas d'inclure dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances de l'année « n » les résultats obtenus lors de l'année « n - 2 », le rapport d'enquête de l'ONDRP portant sur les faits de l'année « n - 2 » n'étant généralement publié qu'en novembre de l'année « n - 1 ».

Votre rapporteur spécial observe néanmoins que l'enquête de victimation se déroule généralement de février à mai. Il semble donc tout à fait possible , en organisant un traitement prioritaire des questions de l'enquête dont les résultats figureraient dans le dispositif de performance, de disposer des résultats à temps pour l'élaboration des documents budgétaires.

Par ailleurs, il doit être rappelé que certains pays tels que l'Angleterre et le Pays de Galles réalisent une collecte continue de données tout au long de l'année auprès d'un échantillon de ménages de très grande taille, ce qui permet de mettre à jour les données à un rythme trimestriel 39 ( * ) . Compte tenu de l'importance prise par les thématiques liées à la sécurité parmi les préoccupations des Français, l'opportunité d'une telle évolution pourrait être mise à l'étude .

ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 152 « GENDARMERIE NATIONALE »

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement
depuis 2016

(en millions d'euros, en %)

AE

CP

LFI 2016

PLF 2017

LFI 2016

PLF 2017

Dépenses de personnel

6 976,20

7 271,00

6 976,20

7 271,00

Évolution

-

4,23 %

-

4,23 %

Dépenses de fonctionnement

1 291,47

1 343,15

1 160,50

1 171,06

Évolution

-

4%

0,91%

Dépenses d'investissement

179,29

174,93

149,94

139,3

Évolution

-

- 2,43 %

-

- 7,1 %

Dépenses d'intervention

6

6

8,88

7,88

Évolution

-

0 %

-

- 11,26%

Total hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP)

8 452,96

8 795,08

8 295,52

8 589,24

Évolution

-

4,05 %

-

3,54 %

FDC et ADP dépenses de personnel

74,49

86,93

74,49

86,93

FDC et ADP hors dépenses de personnel

33,27

30,13

33,27

30,13

Total y.c. FDC et ADP

8 560,72

8 912,14

8 403,28

8 706,30

Évolution

-

4,11 %

-

3,61 %

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Pour le programme « Gendarmerie nationale », les autorisations d'engagement et les crédits de paiement demandés sont en hausse de respectivement 4,11 % et 3,61 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2016, soit une augmentation comparable à celle observée pour le programme « Police nationale ».

Par rapport aux crédits consommés en 2012, la hausse s'élève à 9,4 % en CP et 11,6 % en AE.

La quasi-totalité de la hausse des crédits de paiement demandés en 2017 s'explique par l'évolution anticipée des dépenses de personnel .

Décomposition de l'évolution des crédits de paiement depuis 2016
hors fonds de concours et attributions de produits

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE PERSONNEL DE 4,2 %

Principaux facteurs de l'évolution de la masse salariale hors CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Les créations d'emplois prévues l'an prochain ne contribuent qu'à hauteur de 6,1 millions d'euros à la forte dynamique des dépenses de personnel attendue l'an prochain (+ 294,8 millions d'euros, dont + 182,8 millions d'euros hors CAS « Pensions »).

Pour la gendarmerie, la quasi-totalité des créations d'emplois financées au titre des différents plans annoncés en 2015 étaient en effet prévues sur l'exercice 2016, dont 100 % des 1 763 créations d'emplois du pacte de sécurité.

Répartition des créations d'emplois prévues dans la gendarmerie en 2016
au titre du pacte de sécurité

(en ETP)

Créations d'emplois

Création de vingt-deux pelotons de gendarmes mobiles

484

Créations d'antennes du GIGN

86

Création d'un groupe de peloton d'intervention outre-mer

30

Pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie « Sabre »

400

Contrôle des flux

583

Brigades et groupes d'observation et de surveillance

180

Total

1 763

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Ainsi, parmi les 2 286 créations d'emplois prévues en 2017 , 255 seulement concernent le programme « Gendarmerie nationale » .

Mode de financement des créations d'emplois dans la Gendarmerie nationale en 2017

(en ETP)

Schéma d'emplois

Plan de lutte anti-terroriste

55

Loi de programmation des finances publiques

200

Total

255

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

De ce fait, l'impact anticipé de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2016 (+ 52,7 millions d'euros) sur les dépenses de personnel du programme est bien plus élevé que celui du schéma d'emplois 2017 (+ 6,1 millions d'euros).

Comme l'an passé, l'évolution des emplois par catégorie traduit la poursuite d'un objectif de déflation du corps des officiers , en cohérence avec les observations formulées par la Cour des comptes dans son référé sur la gestion des carrières dans la police et la gendarmerie nationales 40 ( * ) .

Répartition du schéma d'emplois par catégorie en 2017

(en ETP)

Schéma d'emplois

Personnels administratifs

73

Personnels techniques

191

Ouvriers d'État

- 29

Officiers (gendarmes)

- 348

Sous-officiers (gendarmes)

542

Volontaires (gendarmes)

- 174

Total

255

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les mesures générales (+ 29,5 millions d'euros, dont 28,7 millions d'euros au titre de la revalorisation du point d'indice) et catégorielles (+ 77,6 millions d'euros) expliquent pour leur part 59 % de la dynamique des dépenses de personnel hors CAS « Pensions » .

D'après les informations transmises dans le cadre du questionnaire budgétaire, l'enveloppe de 77,6 millions d'euros prévue pour les nouvelles mesures catégorielles statutaires et indemnitaires se décompose de la manière suivante :

- 67,3 millions d'euros pour la transposition du protocole pour la valorisation des carrières et des compétences, dont le coût total sur la période 2016-2022 pour le programme est estimé à 213,8 millions d'euros ;

- 10,3 millions d'euros pour d'autres mesures catégorielles complémentaires : revalorisation de l'indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT), revalorisation des bas de grille des sous-officiers de gendarmerie (SOG), indemnité de fonctions et de responsabilité élargie (IFR) et mesures catégorielles des personnels civils.

C. DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT ET DE FONCTIONNEMENT QUI STAGNENT (- 0,1 %), EN DÉPIT DE LA FORTE AUGMENTATION DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT (+ 6,4 %)

En 2017, la forte hausse des crédits demandés masque toutefois une quasi - stagnation des crédits de fonctionnement (s'agissant des seuls CP) et une baisse des crédits d'investissement (s'agissant tant des CP que des AE).

Ces évolutions doivent toutefois être relativisées du fait de la forte hausse enregistrée en 2016 . Par rapport à l'exécution 2015, les crédits de fonctionnement et d'investissement demandés pour 2017 sont ainsi en augmentation de 21,6 % en AE et de 6,4 % en CP .

Évolution des crédits hors dépenses de personnel depuis 2015

(en millions d'euros, en %)

Exécution 2015

LFI 2016

LFI 2017

Comparaison

2015-2017

Évolution 2016-2017

AE

1 254

1 477

1 524

21,60 %

3,20 %

CP

1 239

1 319

1 318

6,40 %

- 0,10 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Parmi les mesures nouvelles financées en 2017, le début du déploiement du projet Néogend mobilisera 51 millions d'euros en AE et 21 millions d'euros en CP, compte tenu du succès des expérimentations menées en 2015 dans le département du Nord et en 2016 dans la région Bourgogne.

À titre de rappel, l'objectif du projet est de doter chaque gendarme de terrain d'une tablette lui offrant un accès sécurisé aux applications métiers et aux fichiers judiciaires.

S'agissant du parc immobilier, l'effort consenti dans le cadre du plan de réhabilitation (70 millions d'euros par an) est pérennisé . D'après les informations transmises dans le cadre du questionnaire budgétaire, l'effort devrait principalement être porté sur les logements en 2017, avec 4 000 rénovations.

En parallèle, un plan de renforcement de la sécurité des casernes est lancé en 2017 , pour un montant de 10 millions d'euros en AE. Compte tenu du nombre de casernes, désormais proche de 4 000, cette dotation apparaît néanmoins largement insuffisante pour répondre aux besoins.

S'agissant du parc automobile , le ministère de l'intérieur indique que le respect des critères de réforme (désormais fixés à huit ans ou 200 000 km) nécessiterait l'acquisition de 3 000 véhicules par an (hors véhicules spécifiques tels que les poids lourds).

En 2017, les 2 000 véhicules supplémentaires acquis sur le plan de relance de 2008 atteindront toutefois les critères de réforme. Aussi, « ce sont plus de 3 800 véhicules que la gendarmerie devrait théoriquement acheter en 2017, soit une enveloppe de 75 millions d'euros » 41 ( * ) . Or, l'enveloppe prévue dans le cadre du projet de loi de finances est de seulement 60 millions d'euros et ne permettra donc pas de respecter les critères de réforme .

D. DES CONDITIONS DE MISE EN RÉSERVE À PÉRENNISER

En 2016, la gendarmerie a pu bénéficier de conditions de mise en réserve plus favorables , dans la mesure où cette réserve a pu porter sur les loyers, alors même qu'il s'agit de dépenses obligatoires.

Cette évolution a permis de réaliser dès le début de l'année les investissements prévus , plutôt que de procéder dans la précipitation en fin d'exercice, une fois les crédits dégelés. D'après les informations transmises par la DGGN, une annulation de 6 millions d'euros sur les crédits mis en réserve a toutefois eu lieu en octobre, ce qui devrait amputer d'autant la capacité de paiement des loyers.

S'agissant du projet de loi de finances 2017, le taux de mise en réserve hors titre 2 (8 %) implique un gel de 121,9 millions d'euros en AE et de 105,4 millions d'euros en CP. Afin de poursuivre les efforts entrepris en matière d'équipement, de renouvellement du parc automobile et de réhabilitation immobilière, votre rapporteur spécial plaide pour que la mise en réserve porte de nouveau sur les loyers en 2017.

E. DES OBJECTIFS AMBITIEUX CONCERNANT LES RÉSERVES

Le Président de la République a récemment annoncé la création d'une garde nationale , qui doit constituer une « force territoriale bâtie à partir des réserves militaires et de sécurité des ministères de la défense et de l'intérieur » 42 ( * ) .

Actuellement, la réserve de la gendarmerie comporte deux volets :

- la réserve citoyenne , composée de volontaires bénévoles (1 284 réservistes) ;

- la réserve opérationnelle , au sein de laquelle on distingue la réserve opérationnelle de premier niveau, qui comprend tous les volontaires sous engagement à servir dans la réserve (soit 26 274 réservistes), de la réserve de deuxième niveau, qui comprend tous les anciens gendarmes soumis à l'obligation de disponibilité de cinq ans (28 758 réservistes).

Il peut être noté que la contribution de la gendarmerie à la garde nationale sera sensiblement plus élevée que celle de la police , dont la réserve rassemble :

- la réserve civile, constituée des retraités des corps actifs de la police nationale, tenus à une obligation de disponibilité de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service, et de volontaires ayant souscrit un contrat d'engagement ;

- le « service volontaire citoyen de la police nationale », composé de bénévoles qui accomplissent des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion de l'exercice de toutes prérogatives de puissance publique.

Au total, le nombre de réservistes volontaires dans la police est limité à 2 700 , contre près de 30 000 dans la gendarmerie.

Afin de renforcer la capacité opérationnelle de la gendarmerie, l'objectif fixé par le DGGN est d'atteindre :

- un nombre de 40 000 réservistes de premier niveau d'ici fin 2018 , afin de pouvoir disposer tous les jours de 4 000 personnels sur le terrain, contre 3 000 actuellement ;

- un nombre de 1 500 réservistes citoyens actifs d'ici 2020.

Afin de faciliter l'atteinte de ces objectifs, un nouvel assouplissement de la règle d'âge pourrait être envisagé . Le DGGN a ainsi indiqué que « si quelqu'un a 41, 42 ou 43 ans et s'il est en forme, [nous ne sommes] pas à l'unité près ». À titre de rappel, la limite d'âge a déjà été reculée en 2016 de 30 à 40 ans.

Sur le plan administratif , deux évolutions ont été engagées :

- la création d'un commandement de la réserve de la gendarmerie nationale , qui « donnera plus d'autonomie à la réserve opérationnelle » et « permettra un pilotage centralisé et une gestion harmonisée des budget s » des réserves opérationnelles, actuellement rattachées aux commandements de région de la gendarmerie nationale 43 ( * ) ;

- la nomination d'un secrétaire général de la réserve citoyenne.

II. LE PROGRAMME 176 « POLICE NATIONALE »

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement
depuis 2016

(en millions d'euros, en %)

AE

CP

LFI 2016

PLF 2017

LFI 2016

PLF 2017

Dépenses de personnel

8 848,39

9 185,59

8 848,39

9 185,59

Évolution

-

3,81 %

-

3,81 %

Dépenses de fonctionnement

802,63

897,83

751,92

751,02

Évolution

-

12 %

- 0,12%

Dépenses d'investissement

257,03

296,8

310,28

309,48

Évolution

-

15,47 %

-

- 0,26 %

Dépenses d'intervention

39,57

39,57

39,57

39,57

Évolution

-

0,00 %

-

0,00 %

Total hors FDC et ADP

9 947,62

10 419,79

9 950,16

10 285,66

Évolution

-

4,75 %

-

3,37 %

FDC et ADP

23,33

26,6

23,33

26,6

Total y.c. FDC et ADP

9 970,95

10 446,39

9 973,49

10 312,26

Évolution

-

4,77 %

-

3,40 %

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Pour le programme « Police nationale », les autorisations d'engagement et les crédits de paiement demandés sont en hausse de respectivement 4,77 % et 3,4 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2016.

Par rapport aux crédits consommés en 2012, la hausse s'élève à 11,7 % en CP et 14,2 % en AE.

Comme pour le programme « Gendarmerie nationale », la quasi-totalité de la hausse des crédits de paiement demandés en 2017 s'explique par l'évolution anticipée des dépenses de personnel .

Décomposition de l'évolution des crédits de paiement depuis 2016
hors fonds de concours et attributions de produits

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE PERSONNEL DE 3,8 %

Principaux facteurs de l'évolution de la masse salariale hors CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Les créations d'emplois prévues l'an prochain contribuent à hauteur de 45 millions d'euros à la forte dynamique des dépenses de personnel (+ 337,2 millions d'euros, dont + 303,7 millions d'euros hors CAS « Pensions »)

De ce fait, l'impact anticipé de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2016 (+ 33,2 millions d'euros) sur les dépenses de personnel du programme est inférieur à celui du schéma d'emplois 201 7 (+ 41,2 millions d'euros), contrairement à ce qui est observé au sein du programme « Gendarmerie nationale ».

En 2017, les créations d'emplois prévues s'élèvent à 2 031 ETP .

Répartition du schéma d'emplois par catégorie en 2017

(en ETP)

Schéma d'emplois

Personnels administratifs

124

Personnels techniques

376

Ouvriers d'État

- 33

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement

- 371

Corps d'encadrement et d'application

1 997

Personnels scientifique

176

Adjoints de sécurité

- 238

Total

2 031

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les deux tiers de ces créations d'emplois sont financés dans le cadre du pacte de sécurité.

Mode de financement des créations d'emplois prévues en 2017

(en ETP)

Schéma d'emplois

Pacte de sécurité

1 365

Plan de lutte contre le terrorisme

366

Loi de programmation des finances publiques

300

Total

2 031

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Sur l'ensemble du quinquennat, les créations nettes d'emplois devraient s'élever à 5 653 ETP pour le programme, dont 78 % au titre des trois plans annoncés en 2015.

Ainsi, le nombre de postes créés dans le cadre du pacte de sécurité devrait s'élever à 2 731 ETP.

Répartition des créations d'emplois prévues
au titre du pacte de sécurité

(en ETP)

2016

2017

Effectifs supplémentaires

Service central du renseignement territorial

65

65

130

Direction centrale de la police judiciaire

80

80

160

Direction du renseignement de la préfecture de police

30

30

60

Direction régionale de la police judiciaire

20

20

40

Direction générale de la sécurité intérieure

113

113

225

Service de la protection

73

73

146

Unité de coordination de la lutte anti-terroriste

5

5

10

Direction centrale de la police aux frontières

150

150

300

Direction centrale de la sécurité publique

450

450

900

Direction centrale des compagnies républicaines de sécurité

69

68

137

Direction de l'ordre public et de la circulation

35

34

69

Direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne

200

200

400

Direction opérationnelle des services techniques et logistiques

7

7

14

Support opérationnel

70

70

140

Total

1 366

1 365

2 731

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

À ces créations de postes devraient s'ajouter les 530 emplois financés dans le cadre du PLIC en 2016.

Répartition des créations d'emplois prévues au titre du
plan de lutte contre l'immigration clandestine

(en ETP)

Effectifs supplémentaires en 2016

Police aux frontières

40

Compagnies républicaines de sécurité

300

Direction du renseignement de la préfecture de police

18

Direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne

90

Compagnies d'intervention de la préfecture de police

82

Total

530

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Enfin, le PLAT devrait contribuer aux créations d'emplois à hauteur de 366 ETP en 2017, pour un total de 1 156 ETP sur la période 2015-2017.

Répartition des créations d'emplois prévues au titre du
plan de lutte contre le terrorisme

(en ETP)

2015

2016

2017

Effectifs supplémentaires

Direction générale de la sécurité intérieure

100

200

200

500

Service central du renseignement territorial

150

100

100

350

Direction centrale de la police judiciaire

60

30

16

106

Direction du renseignement de la préfecture de police

50

25

25

100

Direction centrale de la police aux frontières

10

25

25

60

Service de la protection

35

5

0

40

Total

405

385

366

1 156

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Au-delà des créations d'emplois, les mesures générales (+ 42 millions d'euros, dont 41,1 millions d'euros au titre de la revalorisation du point d'indice) et catégorielles (+ 77,4 millions d'euros) expliquent 39 % de la dynamique des dépenses de personnel hors CAS « Pensions ».

Les nouvelles mesures catégorielles consistent pour l'essentiel à transposer le protocole pour la valorisation des carrières et des compétences , dont le coût total sur la période 2016-2022 pour le programme est estimé à 264,5 millions d'euros.

Estimation du coût du protocole pour la valorisation des carrières et des compétences pour le programme « Police nationale »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

C. DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT ET DE FONCTIONNEMENT QUI STAGNENT (- 0,2 %), EN DÉPIT DE LA FORTE AUGMENTATION DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT (+ 12,3 %)

En 2017, la forte hausse des crédits demandés masque toutefois une légère baisse des crédits de paiement demandés au titre des dépenses d'investissement et de fonctionnement (- 0,2 %).

Ces évolutions doivent toutefois être relativisées du fait de la forte hausse enregistrée en 2016 et de l'augmentation des AE demandées en 2017 (+ 12 % pour les dépenses de fonctionnement, + 15,5 % pour les dépenses d'investissement).

Évolution des crédits hors dépenses de personnel depuis 2015

(en millions d'euros, en %)

Exécution 2015

LFI 2016

LFI 2017

Comparaison

2015-2017

Évolution 2016-2017

AE

1 016

1 099

1 234

21,4 %

12,3 %

CP

1 010

1 102

1 100

8,9 %

- 0,2 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Parmi les mesures financées en 2017, le déploiement du projet Néopol , équivalent au sein du programme « Police nationale » du projet Néogend, devrait se traduire par une dépense limitée à 5,5 millions d'euros en CP et 4,7 millions d'euros en AE.

En effet, la DGGN a fait le choix d'une dotation collective en tablette numérique afin de remplacer les terminaux embarqués déployés dans les véhicules, contrairement à la DGGN, qui a opté pour une dotation individuelle.

S'agissant du parc automobile, 64 millions d'euros seront consacrés à l'achat de 2 878 véhicules, ce qui correspond à une reconduction par rapport à la loi de finances initiale 2016 (63,4 millions d'euros).

Cette enveloppe est manifestement sous-calibrée , dans la mesure où, comme dans la gendarmerie, une part significative des véhicules achetés dans le cadre du plan de relance de 2009 devraient atteindre les critères de réforme.

Nombre de véhicules achetés

(en nombre)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Police

3 025

2 809

4757

1320

1303

2165

2181

2266

Gendarmerie

1587

1 282

4092

2264

1273

916

1357

1444

Total

4 612

4 091

8 849

3 584

2 576

3 081

3 538

3 710

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses du ministère de l'intérieur au questionnaire)

Des crédits d'un montant de 39,6 millions d'euros en AE et 35,04 millions d'euros en CP sont par ailleurs prévus pour le fonctionnement, la maintenance et de mise à niveau des obsolescences de l'infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT). Ce réseau radio numérique mutualisé entre la police et la sécurité civile a toutefois fait l'objet de vives critiques de la part de notre collègue Jean Pierre Vogel, auteur d'un rapport de contrôle sur le sujet l'an dernier 44 ( * ) .

Si la modernisation du réseau est désormais engagée, il demeure indispensable de mener une politique proactive visant à faciliter l'accès à l'INPT à de nouveaux entrants (polices municipales, services routiers, sociétés d'autoroute, etc.), dans le but de réduire les coûts de fonctionnement des utilisateurs « historiques » tels que la police.

D. UN STOCK D'HEURES SUPPLÉMENTAIRES DE NOUVEAU ORIENTÉ À LA HAUSSE

Contrairement aux gendarmes, les gradés et gardiens bénéficient d'une compensation au titre des services supplémentaires effectués (dépassement horaire, permanences, rappels). Sauf pour les compagnies républicaines de sécurité, dont les heures supplémentaires peuvent être payées, ces services complémentaires sont compensés par l'octroi d'heures récupérables. Ces dernières correspondent au nombre d'heures supplémentaires, multiplié par un coefficient allant de 1 à 3 selon le moment où elles ont été effectuées.

En 2015, la tendance à la baisse du stock d'heures supplémentaires observée depuis 2010 s'est inversée , avec une hausse de 9,32 % (18,79 millions d'heures). La moyenne d'heures supplémentaires par agent se situe désormais à 144 heures , contre 133 heures en 2014.

L'analyse du flux des heures supplémentaires acquises en 2015 permet de distinguer :

- le total des heures supplémentaires travaillées , c'est-à-dire hors majoration, qui s'élève à 9,29 millions d'heures ;

- les heures supplémentaires correspondant à une compensation majorée, qui s'élèvent à 2,15 millions d'euros, soit 23 % des heures acquises (ou 1 336 ETP).

Cette évolution n'est pas surprenante, compte tenu de la croissance de l'activité opérationnelle liée notamment au maintien de l'état d'urgence, au plan Vigipirate et à l'organisation de la Conférence de Paris sur le climat.

Elle contribue toutefois à la désorganisation des services , l'apurement de ce stock passant désormais principalement par un départ anticipé à la retraite des bénéficiaires, qui ne sont pas remplacés dans l'intervalle.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération , l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement visant à créer un complément de pension de retraite au bénéfice des 2 000 agents de la police technique et scientifique (PTS) , conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale du 11 avril 2016.

En pratique, l'indemnité de sujétion spécifique de la police technique et scientifique mise en place par le décret 2016?1259 du 27 septembre 2016 serait désormais intégrée à l'assiette de calcul du droit à pension, ce qui nécessité d'abonder dès 2017 le programme « Police nationale » à hauteur de 2,4 millions d'euros en AE et en CP.

En seconde délibération , l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, deux amendements :

- l e premier amendement procède à une minoration de 9 millions d'euros des autorisations d'engagement et des crédits de paiement des deux programmes, afin de gager des ouvertures de crédits sur d'autres missions ;

- le second amendement procède à une majoration de 100 millions d'euros des autorisations d'engagement et des crédits de paiement des deux programmes (à hauteur de 76 millions d'euros pour le programme « Police nationale » et de 24 millions d'euros pour le programme « Gendarmerie nationale »), afin de mettre en oeuvre le « plan de sécurité publique » précité.

Comparaison des crédits ouverts en 2016 et demandés en 2017
après prise en compte des amendements adoptés par l'Assemblée nationale

(en millions d'euros, en %)

Crédits ouverts en 2016

Crédits demandés en 2017

Évolution

Police nationale

AE

9 947,6

10 493,7

5,49 %

CP

9 950,2

10 359,6

4,11 %

Gendarmerie nationale

AE

8 453,0

8 814,6

4,28 %

CP

8 295,5

8 608,7

3,78 %

Total

AE

18 400,6

19 308,3

4,93 %

CP

18 245,7

18 968,3

3,96 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

EXAMEN DE L'ARTICLES RATTACHÉ

ARTICLE 62 sexies (nouveau) - Complément de pension au bénéfice des agents de la police technique et scientifique

. Commentaire : le présent article propose de créer un complément de retraite au bénéfice des agents de la police technique et scientifique en intégrant à l'assiette de calcul du droit à pension l'indemnité de sujétion spécifique de la police technique et scientifique.

I. LE DROIT EXISTANT

Conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale du 11 avril 2016, le décret 2016?1259 du 27 septembre 2016 a créé une indemnité de sujétion spécifique pouvant être attribuée aux fonctionnaires des corps et emplois de la filière de la police technique et scientifique de la police nationale.

En application de l'article 2 du décret précité, le montant mensuel de l'indemnité est fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique.

Conformément au protocole précité, l'arrêté du 27 septembre 2016 45 ( * ) prévoit une augmentation progressive du montant de l'indemnité selon le calendrier suivant :

- 64,83 euros au 1 er octobre 2016 ;

- 129,66 euros au 1 er janvier 2017 ;

- 194,50 euros au 1 er janvier 2018.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En sus de cette revalorisation indemnitaire, le protocole d'accord précité prévoyait également d'intégrer cette nouvelle indemnité au calcul de la retraite des agents de la police technique et scientifique.

Le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, permet de mettre en oeuvre cet engagement .

Aux termes du premier alinéa, les fonctionnaires relevant de la filière technique et scientifique « admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1 er janvier 2017 » ayant  perçu, au cours de leur carrière, l'indemnité de sujétion spécifique, auraient désormais « droit, à ce titre, à un complément de pension de retraite ».

Le troisième alinéa précise néanmoins que l'indemnité est « soumise à cotisation ».

Enfin, le quatrième alinéa du présent article renvoie à un décret d'application le soin de fixer les conditions de mise en oeuvre du dispositif.

III. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

L'adoption du présent article devrait contribuer à revaloriser la filière en créant un complément de pension de retraite au bénéfice des agents de la police technique et scientifique qui sont, comme les policiers actifs, amenés à travailler de jour comme de nuit et soumis à des horaires cycliques.

L'amendement de crédit adopté dans le cadre de la mission « Sécurités » permet d'assurer le financement du dispositif en 2017, pour un montant de 2,3 millions d'euros .

Dans la mesure où le présent article se borne à mettre en oeuvre les mesures prévues dans le cadre du protocole d'accord signé le 11 avril 2016, votre rapporteur spécial ne voit aucun obstacle à son adoption .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen des rapports de MM. Philippe Dominati, Vincent Delahaye et Jean Pierre Vogel, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » . - Depuis deux ans, l'Union européenne est confrontée à un contexte sécuritaire d'une exceptionnelle gravité, marqué par une hausse sans précédent de la menace terroriste et une crise migratoire de grande ampleur.

Alors que l'Union européenne n'a subi qu'une seule attaque liée au terrorisme djihadiste entre 2013 et 2014, l'agence européenne Europol en compte dix-sept pour la seule année 2015, avec pour conséquence un surcroît d'activité important, qui pèse de manière asymétrique sur les forces de sécurité intérieure françaises : en 2015, 55 % des arrestations liées au terrorisme djihadiste enregistrées dans l'Union européenne ont eu lieu dans notre pays.

Cette croissance de l'activité opérationnelle concerne l'ensemble des policiers et des gendarmes, et pas seulement les services spécialisés, en raison notamment du maintien de l'état d'urgence et du plan Vigipirate. Je tiens à saluer la mobilisation et l'efficacité de nos forces de l'ordre, qui ont réussi à faire face à ces défis sans précédent.

Dans ce contexte, le Gouvernement propose d'augmenter significativement les moyens alloués à la police et à la gendarmerie, de 3,4 %, afin notamment de créer 2 286 emplois au sein des deux forces. Cette évolution témoigne du « changement de rythme » tardivement décidé à la suite des attentats du 13 novembre 2015. L'an passé, le budget transmis par l'Assemblée nationale en première lecture n'était en hausse que de 0,9 %, avant l'amendement exceptionnel déposé au Sénat pour intégrer les engagements pris par le Président de la République devant le Congrès à Versailles.

L'effet bénéfique de cette augmentation des effectifs pourrait toutefois être remis en cause par les nouveaux cycles de travail au sein des deux forces. L'application partielle de la directive européenne sur le temps de travail dans la gendarmerie s'est traduite par une diminution de 3 % à 5 % du nombre d'heures travaillées. Cette baisse est équivalente à une perte de 3 000 à 5 000 emplois. Pour vous donner un ordre de grandeur, cela revient au minimum à « annuler » les 3 181 créations d'emplois prévues dans la gendarmerie sur l'ensemble du quinquennat.

La transposition complète de la directive, prévue d'ici la fin de l'année 2017, pourrait se traduire par une baisse du nombre d'heures travaillées encore plus importante si le Gouvernement ne parvient pas à trouver un compromis plus favorable avec la Commission européenne.

Le Gouvernement n'est évidemment pas le seul responsable des effets négatifs de l'application anticipée de la directive sur le temps de travail dans la gendarmerie. Toutefois, la mise en place d'un nouveau cycle horaire extrêmement coûteux en effectifs, dit du « vendredi fort », lui est entièrement imputable. Si ce cycle a la préférence de la majorité des gradés et des gardiens, dans la mesure où il offre la possibilité de ne travailler qu'un week-end sur deux, il nécessite un renfort en effectifs d'un tiers pour être mis en oeuvre dans les unités de sécurité publique concernées, ce qui représente une perte opérationnelle considérable.

Dans la situation actuelle, il aurait été plus responsable de ne pas ajouter ce cycle au catalogue, d'autant qu'il existait un cycle alternatif pouvait être mis en place à effectifs constants et qui aurait permis aux policiers d'avoir un week-end sur trois, au lieu d'un sur six actuellement. Le « vendredi fort » s'apparente ainsi à un « cadeau empoisonné » laissé à la majorité suivante afin d'apaiser les troupes et de contenter certaines organisations syndicales.

Cet exemple démontre en tout cas que l'efficacité de la politique sécuritaire du Gouvernement ne saurait être mesurée à l'aune du nombre d'emplois créés dans la police et la gendarmerie.

Du reste, les inquiétudes exprimées depuis plusieurs semaines par les policiers portent sur des questions très éloignées de celle des effectifs. Deux sujets sont au centre des manifestations : la faiblesse des moyens de fonctionnement et d'investissement et les tâches indues. Sur ces deux points, les réponses apportées par le Gouvernement sont à la fois tardives et insuffisantes.

S'agissant des tâches indues, aucun progrès majeur n'a été réalisé depuis un an, en dépit des mesures annoncées par le Président de République après une manifestation de plusieurs milliers de policiers sur la place Vendôme en 2015. Le projet de dématérialisation des procurations, qui aurait dû constituer un chantier prioritaire pour le ministère de l'Intérieur compte tenu des échéances électorales à venir, est au point mort. Les élections prévues l'an prochain devraient donc à nouveau mobiliser près de 1 000 ETP dans les forces de police et de gendarmerie, alors que les conditions de sécurité sont très dégradées.

La reprise des transfèrements judiciaires par l'administration pénitentiaire est un autre sujet sur lequel les personnes que j'ai entendues en audition sont souvent revenues. Une étude menée par la Gendarmerie nationale a mis en évidence que 37 000 « heures gendarmes » ont été consacrées en 2015 aux transfèrements judiciaires dans les zones où ces missions ont pourtant théoriquement été transférées à l'administration pénitentiaire, ce qui représente l'équivalent de 4 625 patrouilles. Là encore, le problème est bien connu, sans que rien n'ait évolué depuis un an.

Quant aux moyens d'investissement et de fonctionnement, je déplore depuis longtemps l'augmentation de la part des dépenses de personnel aux dépens de la capacité opérationnelle de nos forces.

L'amendement déposé par le Gouvernement à la suite des attentats du 13 novembre semblait avoir engagé un changement de stratégie, dans la mesure où les deux tiers des crédits ouverts étaient fléchés vers les dépenses de fonctionnement et d'investissement. Ce budget montre que le Gouvernement est retombé dans ses travers : alors que les dépenses de personnel sont en forte hausse, de 4 %, les crédits de paiement demandés au titre de l'investissement et du fonctionnement sont en légère baisse. Seules les autorisations d'engagement augmentent, ce qui est évidemment confortable puisqu'il reviendra à la majorité suivante de régler la facture.

Le Gouvernement semble avoir reconnu son erreur puisqu'à la suite des revendications des policiers, il a une nouvelle fois été contraint d'annoncer un plan de renforcement des moyens des forces de sécurité intérieure de 250 millions d'euros en plein milieu de la discussion budgétaire. Nous en avons discuté hier avec le ministre de l'intérieur, qui a annoncé le dépôt d'un amendement venant abonder la mission « Sécurités » à hauteur de 100 millions d'euros. Sur les 250 millions d'euros supplémentaires annoncés, seulement 100 millions d'euros correspondraient donc réellement à des mesures nouvelles.

Cet artifice budgétaire démontre que le Gouvernement n'a toujours pas pris la mesure de l'ampleur du phénomène de paupérisation des forces de police et de gendarmerie, dont la défiance à l'égard des institutions risque de se renforcer.

En l'état, je vous propose donc le rejet des crédits de la mission « Sécurités ».

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial du programme 207 « Sécurité et éducation routières » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » . - Pour la première fois depuis trente-cinq ans, la France a connu deux années consécutives de hausse de la mortalité routière. La situation, dégradée en 2014, a empiré en 2015 : 3 616 tués dans l'Hexagone et dans les départements d'outre-mer, soit 59 décès de plus par rapport à l'année précédente.

Les dix premiers mois de l'année 2016, avec un mois de septembre désastreux marqué par une augmentation de 30,4 % de tués sur les routes par rapport à septembre 2015, n'ont pas inversé cette tendance inquiétante. Ces résultats, plus que préoccupants, font douter de l'efficacité de nos dispositifs de sécurité routière, alors que le Gouvernement s'est engagé à respecter l'objectif, initié par l'Union européenne, de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées sur les routes en 2020.

Le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre un record en 2017 puisqu'il s'élèverait à 1,84 milliard d'euros, soit une hausse de 10,6 % par rapport à 2016. Sur ce total, 1,38 milliard d'euros sont inscrits en dépenses sur le CAS « Radars », soit une augmentation de 0,46 % par rapport à 2016. J'ai indiqué hier soir lors de l'audition de Bernard Cazeneuve que cette augmentation devrait bénéficier à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), mais ces prévisions me semblent très optimistes. Une hausse de plus de 10 % en un an seulement ? Sans compter que l'installation des équipements sera étalée dans le temps.

Sur les recommandations du Comité interministériel de la sécurité routière réuni le 2 octobre 2015, le Gouvernement prévoit de commander 364 nouveaux radars en 2017, la majeure partie venant renforcer le parc existant, afin de le porter à 4 700 appareils à la fin de 2018 contre 4 100 en 2016. Le coût total de leur déploiement est estimé à 46,16 millions d'euros en 2017. Au vu du contrôle budgétaire que j'ai conduit cette année, je ne peux qu'émettre des réserves sur les lieux où il est choisi de les installer.

L'efficacité de la stratégie du Gouvernement pour enrayer la hausse de la mortalité est loin d'être démontrée. Bien que le « parcours sécurisé » soit désormais privilégié au détriment des « points de contrôle », la diffusion des avertisseurs de radars, des applications mobiles et des informations collectées par les réseaux sociaux limite le caractère imprévisible des équipements fixes, notamment des radars discriminants ainsi que des panneaux et cabines « leurres ».

En outre, l'efficacité des radars mobiles ne doit pas occulter les frais d'investissement et d'entretien liés à ce type d'équipement.

Enfin, l'implantation de ces nouveaux équipements et les trajets des radars mobiles devront être mieux corrélés à l'accidentalité. Il faudra prévoir un rééquilibrage vers les réseaux secondaires, où se produisent la majorité des accidents, au détriment des autoroutes ; un ciblage plus efficace des départements où la mortalité est supérieure à la moyenne nationale ainsi qu'un déploiement des nouveaux types de radars dans les départements d'outre-mer.

Je prends également acte de l'échec du projet d'application informatique Faeton 2, destiné à gérer le permis de conduire sécurisé. Le marché, d'un montant initial de 32,7 millions d'euros, est arrivé à son terme sans qu'un niveau de fiabilité suffisant puisse être assuré pour engager son déploiement dans les préfectures.

S'agissant de la gestion du permis à points, il est prévu d'adresser aux automobilistes plus de 16 millions de lettres simples en 2017. La dépense est estimée à un peu moins de 14 millions d'euros. Ces lettres sont envoyées à chaque retrait ou restitution de points. Je m'interroge sur l'opportunité de cette dépense depuis cinq ans alors que tout conducteur peut consulter le solde de ses points sur le site Télépoints. J'ai déposé plusieurs amendements à ce sujet, en vain ; j'espère qu'ils seront un jour suivis d'effets.

Les dépenses inscrites au programme « Sécurité et éducation routières » ont diminué très faiblement, de 0,03 % par rapport à 2016, pour s'établir à 39,03 millions d'euros. J'accueille très favorablement l'application rapide des dispositions de la loi « Macron » qui réduisent le délai de présentation à l'examen et son coût. En revanche, le succès de l'opération « permis à un euro par jour » accuse un ralentissement que ne reflète pas l'évolution de son budget. Les crédits destinés aux campagnes de communication pourraient être augmentés, afin de mieux équilibrer les volets répressif et préventif de la politique de sécurité routière.

Pour toutes ces raisons, et dans la mesure où il ne me semble pas judicieux de modifier ces missions par voie d'amendements alors que la commission a adopté ce matin le principe d'une question préalable, je vous propose de ne pas adopter les crédits du compte spécial et de la mission et d'adopter l'article 65 qui améliore l'information du Parlement sur l'usage des recettes de l'Afitf et des collectivités locales.

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial du programme 161 « Sécurité civile » . - Les crédits du programme « Sécurité civile » ne représentent que 49 % des autorisations d'engagement (AE) et 55 % des crédits de paiement (CP) consacrés à la sécurité civile au sens large. Dans la mesure où l'année 2017 est marquée par la mise en oeuvre du pacte de sécurité, annoncé par le président de la République, ils sont en forte hausse : de 5,80 % en CP et de 6,19 % en AE par rapport à ceux votés en loi de finances initiale pour 2016. Si l'on excluait les dépenses liées au pacte de sécurité, le budget de 2017 serait en baisse de 3,1 % en AE et de 1,3 % en CP.

Ces hausses de crédits entraînent un dépassement important de la loi de programmation des finances publiques pour le budget 2017, à hauteur de 32 millions d'euros en AE et en CP. Cet écart est concentré sur les dépenses d'investissement, et dans une moindre mesure, de personnel et d'intervention.

Les crédits d'investissement augmentent fortement par rapport à l'année dernière, de 40,04 % en AE et de 28,54 % en CP. Si cette hausse est bienvenue, elle fait suite à plusieurs années de sous-investissement et elle est en partie contrainte.

En effet, les investissements portés par le programme concernent principalement le renouvellement de la flotte d'avions Tracker, à hauteur de 25 millions d'euros en AE et en CP. Or ces avions ont quasiment épuisé leur potentiel de vol et leur remplacement est absolument indispensable. Ces investissements sont également affectés au transfert de la base d'avions de la sécurité civile sur la plate-forme de l'aéroport de Nîmes-Garons, qui représente 8,96 millions d'euros en AE et 8,37 millions d'euros en CP, au développement du système d'alerte et d'information des populations et du réseau « Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours ». L'efficacité d'Antares reste limitée par une couverture de mauvaise qualité et par l'existence de nombreuses zones blanches ; son déploiement induit toujours d'importants surcoûts pour les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Parallèlement, les dépenses d'investissement des SDIS continuent à diminuer, de 4 % en 2014 et de 4,6 % en 2015, alors que leurs besoins persistent. Face au terrorisme et au risque de tuerie de masse, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a défini une doctrine d'action commune avec les forces de l'ordre pour prendre en charge les blessés, qui rend nécessaire l'acquisition de gilets et de casques antibalistiques par les SDIS, pour un coût dépassant les 2 000 euros par équipement.

Par conséquent, il serait bon que l'annonce faite par le président de la République, en septembre dernier, de la création d'un fonds d'aide à l'investissement des SDIS, doté de 20 millions d'euros par an, ne reste pas lettre morte. Ce budget ne comprend aucune mesure en ce sens.

S'agissant du titre 2, l'année 2017 se distingue par la création de 20 ETPT supplémentaires et par une hausse de 6,09 % des dépenses de personnel qui facilitera le recrutement de démineurs. Compte tenu du taux de rigidité élevé du programme et de ces créations de postes, les dépenses d'investissement risquent de constituer la seule marge de manoeuvre budgétaire et de disparaître à terme. Il faudra rester vigilant sur ce point.

Enfin, les SDIS doivent faire face à une hausse de leurs interventions de 3,7 % entre 2014 et 2015, alors que leurs budgets stagnent, n'augmentant que de 1,1 % en 2015. Ce surplus d'activité est d'autant plus notable qu'il est concentré sur le secours à personnes, qui ne constitue pas le coeur de métier des sapeurs-pompiers. Cela risque de démotiver les volontaires. Nous devons continuer à renforcer l'attractivité du corps des sapeurs-pompiers volontaires qui constitue la colonne vertébrale des SDIS, dont il représente 83 % avec plus de 193 000 personnes. Une meilleure articulation de l'engagement de ces sapeurs-pompiers volontaires avec leur vie personnelle et professionnelle et un effort de communication : telles sont les orientations cruciales à mettre en oeuvre.

Enfin, l'équation ne peut être pérenne que si d'importants efforts de rationalisation sont effectués au niveau des SDIS. La réduction du nombre de numéros d'appel d'urgence et une plus grande mutualisation avec le Samu ainsi qu'entre les SDIS doivent impérativement être poursuivies. Cela implique un traitement interministériel de ce dossier et une forte volonté politique.

Malgré la hausse significative du budget de la sécurité civile, je préconise, comme Philippe Dominati, le rejet des crédits de l'ensemble de la mission.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'audition de Bernard Cazeneuve, hier, a été assez précise mais il est un point que nous n'avons pas abordé : celui du trafic de stupéfiants qui, d'après un grand quotidien du matin, progresse considérablement en France avec toutes les conséquences, y compris économiques et financières, que l'on sait. Les mesures pénales existent pour lutter contre ce trafic, nous avons créé les juridictions interrégionales spécialisées (Jirs). Pour autant, dans la mesure où les multiples ramifications de ce trafic le rendent très difficile à appréhender, ne vaudrait-il pas mieux procéder par la saisie des avoirs criminels en renforçant la coopération entre les douanes, les services de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et ceux du parquet ?

Jean Pierre Vogel, la mutualisation concerne-t-elle exclusivement le Samu ou envisage-t-on une mutualisation complète avec le numéro d'appel de la gendarmerie ? Un préfet a été nommé pour mutualiser toutes nos forces.

Mme Marie-France Beaufils . - La question du temps de travail n'est résolue ni dans la police ni dans la gendarmerie. On ne créera pas de bonnes conditions de sécurité sans revoir les conditions de travail du personnel. Durant la dernière période, la fragilisation du personnel face à l'intensité des crises auxquelles il a dû faire face n'a pas favorisé une relation sereine avec la population. La question de la rémunération devrait être mieux traitée, j'aurais aimé trouver des éléments d'information dans le rapport spécial.

Je regrette que l'on n'ait pas rétabli la police de proximité supprimée par Nicolas Sarkozy. Elle pourrait jouer un rôle important dans le renseignement, la connaissance des personnes susceptibles de se tourner vers les mouvements intégristes ou encore la mise au jour du trafic de stupéfiants. Quand le chômage est très présent, le trafic de stupéfiants, qui permet de gagner de l'argent très rapidement, prend de plus en plus de place.

Autre problème concret : celui des démineurs. Quand vous vous trouvez à Saint-Pierre-des-Corps et que vous devez faire venir les démineurs de La Rochelle un dimanche matin, cela immobilise des policiers pendant plus de quatre heures. Il faudrait mieux répartir les démineurs et, sans doute, mieux expliquer aux voyageurs pourquoi ils ne doivent pas laisser traîner leurs bagages...

Je m'abstiendrai, lors du vote sur les crédits de la mission.

M. Francis Delattre . - Le processus de mutualisation qui a été engagé il y a quelques années entre la police et la gendarmerie nationales semble tourner au ralenti. La frontière qui sépare dans un même département la zone couverte par la police et celle de la gendarmerie crée des difficultés. Où en sommes-nous ?

Certains aiment rappeler que Nicolas Sarkozy a supprimé la police de proximité. Ce n'est pourtant pas lui qui a inventé la police municipale. Elle existe depuis l'après-guerre. L'absence de police de proximité représente un handicap pour le renseignement, d'accord, mais la question n'est pas là.

Les maires - heureusement qu'il en reste au Sénat - sont au contact des réalités ; ils ne désertent pas le terrain et voient les ravages de la drogue, ce cancer de la société urbaine. C'est un fléau absolu, nous sommes tous d'accord là-dessus et devrions l'être sur la manière de le combattre car le problème est aussi économique. Le jeune dealer n'a pas les mêmes réflexes que son père qui a travaillé quarante ans chez Simca ou Renault. Nous savons l'écart entre l'action de la police et celle de la justice. Souvent, on ne s'intéresse qu'aux têtes de réseaux, pas aux petits trafiquants. Et les gens sont désespérés de voir que nous restons les bras ballants face à des trafiquants qui se constituent un patrimoine au vu et au su de tous pendant des années. En région parisienne, la situation est devenue insupportable. Comment améliorer les relations entre la police et la justice ? Dans les comités locaux, on fait des fiches-action qui restent lettre morte. Il faudrait moins de fiches et plus d'actions ! La police a-t-elle vraiment les moyens de faire face à ce fléau ?

M. Yannick Botrel . - Le ton de Philippe Dominati aurait mieux convenu à un procureur qu'à un rapporteur spécial. Il a tendance à oublier le bilan du quinquennat précédent, notamment la suppression d'un grand nombre de postes dans la police et la gendarmerie. La paupérisation des services ne s'est pas faite en un jour.

Ce matin, le rapporteur général a mentionné le relâchement des recettes budgétaires. Il pourrait être autant question d'un relâchement en matière de dépenses. Le Gouvernement a dû faire face à une situation de sécurité intérieure dramatique, avec la montée de l'islamisme radical et le terrorisme qui a frappé le pays. Que représentent les dépenses nouvelles dues à la guerre contre le terrorisme ? Que coûtent au budget de l'État les opérations extérieures conduites au Sahel et en Syrie ? Le bien-fondé de ces actions ne peut pas être remis en cause. De même, en matière de temps de travail des forces de police et de gendarmerie, il faut tenir compte de la situation de sécurité intérieure. Les rapporteurs spéciaux auraient dû intégrer ces éléments avant de nous livrer leur constat.

M. Philippe Dallier . - Vincent Delahaye, l'augmentation de 10 % des recettes des PV ne concerne pas les radars. Est-elle liée au développement de la verbalisation via la vidéo-surveillance ?

Je l'évoque car je viens d'obtenir l'autorisation préfectorale de mettre en place un dispositif de ce type dans ma commune des Pavillons-sous-Bois. J'ai l'impression que cette pratique va se généraliser. Ne serait-ce pas l'explication ?

Le contrat avec la société qui a suivi le développement informatique des permis de conduire sécurisés est parvenu à son terme. Et la suite ? En reste-t-on là ? A-t-on perdu les 32 millions d'euros ou peut-on relancer un appel d'offres ?

M. Marc Laménie . - Le problème des tâches indues ne date pas de cette année, tout comme celui des interventions à caractère social qu'on demande d'effectuer aux sapeurs-pompiers. De gros efforts doivent être fournis.

La journée défense et citoyenneté pourrait être l'occasion de susciter des vocations. Il faudrait aussi rappeler, dans les programmes de l'éducation nationale, les notions de respect de la hiérarchie et de l'autorité.

Les moyens humains varient beaucoup d'un département à l'autre. Certaines brigades affichent malheureusement toujours des postes vacants. En outre, il existe un décalage entre le nombre de très hauts gradés à la direction de la gendarmerie nationale et les brigadiers qui, comme nous, élus de base, sont sur le terrain.

Enfin, autres questions évoquées budget après budget, celle des véhicules non réparés ou non réparables et celle du parc immobilier. Beaucoup reste à faire.

M. André Gattolin . - Marc Laménie évoquait le respect de la hiérarchie. Je suis personnellement pour la hiérarchie du droit.

Philippe Dominati explique que les effectifs de la gendarmerie ont augmenté, mais que l'application de la directive européenne 2003/88/CE sur la gendarmerie est de la faute du Gouvernement. Cette directive date du 4 novembre 2003. Sa transposition, si mauvaise qu'elle nous a attiré des remarques de la Cour de justice de l'Union européenne, excluait l'armée. Un autre gouvernement a rapproché les statuts de la police et de la gendarmerie, qui n'est plus tout à fait militaire. La vérité est que nous n'avons peut-être pas été assez vigilants sur la transposition de la directive et n'avons pas compris ses incidences sur le statut des militaires. Il n'est pas possible de condamner le Gouvernement qui se soumet à une directive qui, en son temps, n'avait pas été bien évaluée.

M. Antoine Lefèvre . - En 2016, la sécurité a été au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Nous devons obtenir des réponses.

La garde nationale sera-t-elle inscrite au budget de 2017 ?

En matière de sécurité routière, l'UFC-Que Choisir rappelle qu'un permis de conduire coûte en moyenne 1 800 euros. Ne peut-on envisager une baisse de la TVA ou la création d'un livret d'épargne « sécurité routière » ? Le permis est important pour accéder à l'emploi. Il faut aussi contrôler davantage les manquements à la législation des auto-écoles sur les tarifs et l'information.

Je m'inquiète de la baisse continue du nombre de sapeurs-pompiers volontaires, qui a des conséquences sur l'organisation du travail dans les départements. Quelles mesures sont prévues pour une meilleure reconnaissance matérielle ?

J'avais déjà évoqué l'an dernier la problématique SDIS-SAMU, qui prend un relief supplémentaire après la publication du rapport de Catherine Troendlé et de Pierre-Yves Collombat sur l'évolution des missions des SDIS. Le manque de mutualisation, contrairement à ce qui se fait dans les autres pays européens, me désespère.

M. Dominique de Legge . - Le rapport sur le programme « sécurité civile » comporte un encart qui évoque le remplacement de la flotte de neuf Tracker , qui seront retirés du service en 2020. Un avis d'appel public à la concurrence a été publié en juillet 2016. La notification du marché est attendue au début de l'année 2017 pour une livraison des premiers appareils « dans les meilleurs délais ». Seront-ils prêts en 2020 ? Ce marché comprend au maximum l'acquisition de six avions qui seraient multi-rôles. Qu'est-ce à dire exactement ?

M. Michel Canevet . - Philippe Dominati pourrait-il préciser pourquoi la hausse des effectifs de la gendarmerie est très différente de ceux de la police, en 2017 ? Le rapport est de un à dix. La gendarmerie a aussi besoin de moyens.

Vincent Delahaye : concrètement, comment distribuer les permis de conduire si le logiciel ne fonctionne pas ?

Pourquoi la subvention de fonctionnement de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), à Rennes, diminue-t-elle tant ? Est-ce dû à des économies de gestion ?

Jean Pierre Vogel dispose-t-il d'informations sur les moyens dédiés aux hélicoptères de la sécurité civile ? Ils sont absolument essentiels pour les territoires très excentrés.

M. Michel Bouvard . -La réforme de la carte hospitalière a une incidence sur le budget des SDIS : la fermeture d'établissements a provoqué une recrudescence des demandes de transports d'urgence. Les ARS en tiennent-elles compte ?

Il faudrait prendre en compte la cartographie des risques, qui varie fortement d'un territoire à l'autre, dans la répartition de la dotation globale de fonctionnement. L'envisage-t-on ?

Les 20 millions d'euros annoncés par le Président de la République lors du congrès national des sapeurs-pompiers de septembre ne sont pas inscrits dans le projet de loi de finances. Le seront-ils dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année ?

Le double commandement des SDIS, entre les élus et le préfet, pose problème. Nombre de mutualisations sont possibles entre départements voisins mais l'autorité préfectorale l'empêche. Les textes évolueront-ils ?

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - La question du rapporteur général sur la lutte contre la drogue est très spécifique. Il est difficile de fournir une réponse précise puisque l'outil statistique de la police a été changé. La période récente semble toutefois avoir été marquée par une baisse des interpellations, peut-être due à la mobilisation sur l'antiterrorisme. Je suis très sensible à ce sujet, auquel j'ai été confronté lors de mes visites sur le terrain. J'ai noté une quasi-compréhension entre la police et les trafiquants de drogue lors de ma tournée dans des cités avec une brigade anti-criminalité de nuit. C'est tout juste s'ils ne se connaissaient pas. On m'a rétorqué que la police se consacrait aux gros trafiquants, et non aux petits. Cette économie souterraine mérite un plan d'ensemble incluant la justice et l'éducation, comme celui de Jacques Chirac sur la sécurité routière. Pour les maires, la drogue est un fléau dans les collèges et les lycées. On pourrait mieux faire, mais il y a d'autres priorités qu'il faudra redéfinir dès que la situation se normalisera.

Je répondrai à Marie-France Beaufils que j'ai longuement examiné la question du temps de travail des agents de la sécurité publique. J'ai reçu toutes les formations syndicales. Dans mon rapport, je détaille les cycles proposés pour les gendarmes et les policiers. Les éléments concernant les évolutions récentes en matière de rémunération et d'avancement s'y trouvent également.

André Gattolin, j'ai précisément dédouané le Gouvernement sur la directive européenne. Il n'est pas maître. C'est différent concernant les policiers. La France est, avec l'Italie, l'un des grands pays européens qui emploie le plus de policiers et de gendarmes par million d'habitants. Le problème se trouve peut-être ailleurs, par exemple du côté du temps de travail dans la fonction publique ou des tâches indues - la productivité s'accroîtrait si les fonctionnaires pouvaient se concentrer sur leurs missions.

L'emploi des gendarmes et des policiers n'est pas le même. Les premiers ont une capacité de travail supérieure de près de 20 % aux seconds, mais ils sont logés. Cet équilibre est fragilisé par la directive européenne. Le directeur général de la gendarmerie nationale est très inquiet.

Le Gouvernement a voulu répondre à la demande d'un syndicat déchu de sa première place aux dernières élections sur le « vendredi fort ». Le système oblige à créer une quatrième brigade, entraînant une hausse des besoins en effectifs de 33 %. Le Gouvernement a accepté une expérimentation puis a inscrit ce régime au catalogue. C'est une bombe à retardement budgétaire. Beaucoup d'autres organisations syndicales contestent ce nouveau régime de travail, qui fera d'ailleurs passer la vacation de 8 heures 10 minutes à 9 heures 31 minutes, soit 1 heure 20 de stress supplémentaire - et cela pour allonger le temps de repos. J'aurais préféré qu'on en reste au cycle du « 4-2 compressé » - qui peut être mis en place sans perte opérationnelle - pour éviter le « vendredi fort ». Ce changement du cycle de travail des policiers relève de la responsabilité du Gouvernement.

J'en viens aux zones de compétences de la gendarmerie et de la police. Des annonces avaient été faites l'an passé mais rien n'a évolué. Plus globalement, j'ai le sentiment que la dynamique de mutualisation lancée par Nicolas Sarkozy et poursuivie par Manuel Valls au ministère de l'intérieur a été stoppée ; sans doute par l'état d'urgence. On sait que la mutualisation pourrait être plus forte en matière de police scientifique. Il existe également des doublons. Le ministère de l'intérieur a par exemple pris une mesure cohérente et importante en implantant des antennes du Raid et du GIGN partout sur le territoire. Sauf qu'à Toulouse, l'absence d'arbitrage a mené à la coexistence de deux bataillons spécialisés !

J'indique à Yannick Botrel que sans être procureur, j'argumente avec davantage d'éclat sur les préoccupations qui me poussent à inciter mes collègues à rejeter cette mission. La période d'exception aurait dû engendrer des mesures d'exception. La crise financière exceptionnelle qui a éclaté sous le quinquennat précédent avait été à l'origine de mesures exceptionnelles. La crise sécuritaire actuelle n'a entraîné que des mesures insatisfaisantes sur les effectifs. Quelque 5 000 ETPT ont été ajoutés, dans la sécurité, par rapport à 2009, c'est un fait ; mais il y a 144 millions d'euros de crédit de fonctionnement et d'investissement en moins par rapport à cette même année ! La création d'emploi ne doit pas se faire au détriment des investissements et du fonctionnement. L'an dernier, j'avais déjà souligné ce point.

J'informe Antoine Lefèvre qu'un amendement supplémentaire devrait permettre de financer la garde nationale d'ici la fin de la discussion budgétaire et précise à Michel Canevet que la gendarmerie avait recruté tous les effectifs prévus dans le cadre du « pacte de sécurité » dès 2016, ce qui explique le déséquilibre que vous avez souligné en 2017.

Marc Laménie, après la crise, on se serait attendu à 250 millions d'euros destinés au fonctionnement et à l'investissement. Ce sera 100 millions d'euros.

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial . - Monsieur le rapporteur général, la mutualisation ne porte que sur les SDIS.

J'indique à Marie-France Beaufils qu'il existe 300 démineurs répartis sur 24 sites. Quelque 30 embauches sont prévues, dont 15 en 2017.

Antoine Lefèvre, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a crû grâce aux mesures prises depuis deux ans. Le problème ne porte pas tant sur leur nombre que sur leur disponibilité. Le turnover est de plus en plus important. Ils restent aujourd'hui dix ans au lieu de quinze, ce qui contraint à davantage de formation. En outre, on déplore des sursollicitations opérationnelles pour des missions non urgentes, par défaillance des autres services tels que le Samu.

Je n'ai pas plus d'informations que Dominique de Legge sur le remplacement des Tracker , si ce n'est qu'on recourrait à des C295 d'Airbus transformés.

Je confirme à Michel Canevet que, en effet, les moyens en hélicoptères sont conservés. J'ai demandé au ministre de l'intérieur s'il était possible de les mutualiser, même s'ils sont légèrement différents d'un service à l'autre. Cela semble possible, malgré les esprits de corps qui compliquent les mutualisations.

Michel Bouvard, la réforme de la carte hospitalière pose un vrai problème. Les ARS ne prennent rien en compte. L'allongement de la durée des transports des pompiers influe sur leur disponibilité opérationnelle, cela peut décourager certains sapeurs-pompiers volontaires. Rien n'est prévu sur la péréquation entre SDIS en fonction des risques. On peut toutefois rappeler qu'il y a davantage de risques quand il y a davantage d'activité économique et, donc, davantage de richesse.

J'ai reçu l'assurance que les 20 millions d'euros annoncés par le Président de la République seraient inscrits au budget en nouvelle lecture. Le double commandement des SDIS entre les présidents de SDIS et les préfets ne semble pas poser de problème. Leurs relations sont plutôt bonnes. Quand la mutualisation est possible entre deux départements, en revanche, et je l'ai observé dans la Sarthe, ce sont plutôt les élus qui freinent, notamment sur les centres de traitement des alertes. La Finlande a un seul numéro d'urgence quand la France en a onze ; la Finlande a six centres de traitement d'alertes, contre 500 en France, soit un par million d'habitants en Finlande, contre 7,7 en France. De véritables économies seraient engendrées par l'instauration d'un centre commun SDIS-Samu par région. Néanmoins, sur le terrain, on constate que le Samu se décharge sur les SDIS quand il ne parvient plus à financer ses missions. C'est une dérive qu'il faudrait mieux encadrer par une mission interministérielle. De même, le Samu refuse d'utiliser le réseau radio numérique des services de secours Antares ; les sapeurs-pompiers sont contraints de se servir de leurs propres téléphones portables pour communiquer avec le Samu.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - En réponse à Philippe Dallier, j'indique que la verbalisation sous vidéosurveillance augmente légèrement les recettes - je l'ai constaté dans ma commune de Massy. Le Gouvernement attend surtout 185 millions de recettes supplémentaires venant des radars. C'est cela que je juge optimiste, car les 364 appareils ne seront pas déployés dès le 1 er janvier et je serais étonné qu'ils engendrent de telles recettes.

Le contrat de réalisation passé par le Gouvernement avec Capgemini et Jouve pour le projet de permis de conduire sécurisé Faeton 2 est arrivé à son terme en juillet 2015, sans que l'application ait pu être mise en service. De plus, plusieurs responsables ont été mis en cause par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) en raison d'irrégularités dans l'exécution du marché public. Un nouveau marché conclu avec la société Sopra-Steria vise à maintenir l'application en état jusqu'à fin 2016 et déterminer quelles fonctionnalités développées dans le cadre du projet Faeton 2 pourront être intégrées dans le système existant. Au total, les 32 millions d'euros que représentait ce projet - auxquels il faut ajouter les le montant des avenants - n'ont par conséquent pas été perdus, mais il est difficile d'évaluer la perte sèche. Ce projet n'est pas un succès... Les préfectures continuent à utiliser le système actuel.

Antoine Lefèvre a estimé le coût moyen d'un permis de conduire à 1 800 euros ; le chiffre a été évalué à 1 600 euros en 2014. Grâce à la réforme du permis, le délai moyen d'attente d'un examen a été réduit de 98 jours en 2013 à 72 jours en 2015 - et devrait encore diminuer grâce l'application de la disposition de la loi « Macron » - sachant qu'un mois d'attente représente un surcoût estimé à 200 euros. Aux termes d'un décret publié en décembre 2015, les auto-écoles n'ont plus le droit de facturer la présentation au permis.

M. Antoine Lefèvre . - Elles le font quand même !

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Des frais peuvent être facturés si une personne de l'auto-école accompagne le candidat à l'examen, mais ils sont plafonnés à l'équivalent d'une heure de conduite pour le permis B.

La baisse de la subvention de fonctionnement de l'ANTAI s'explique par un prélèvement sur les fonds propres. Les économies de fonctionnement sont en réalité limitées.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Sécurités » et d'adopter l'article 62 sexies sans modification.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et d'adopter l'article 65 sans modification.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Police nationale

- M. Jean-Marc FALCONE, préfet, directeur général de la Police nationale ;

- M. Régis CASTRO, conseiller budgétaire ;

- M. Sébastien DAZIANO, sous-directeur des finances et du pilotage à la direction des ressources et des compétences.

Gendarmerie nationale

- M. Richard LIZUREY, général d'armée, directeur général de la Gendarmerie nationale (DGGN) ;

- M. Laurent BERNARD, colonel, chef du bureau de synthèse budgétaire.

Associations professionnelles nationales militaires

- M. Frédéric LE LOUETTE, président de l'association GendXXI ;

- M. Jean-Philippe DEBAR MONCLAIR, secrétaire général adjoint de l'association GendXXI ;

- M. Didier SCHOTT, secrétaire général adjoint de l'association GendXXI ;

- M. Paul MORRA, président de l'association « ADEFDROMIL-Gend » ;

- M. Maxime REVOL, représentant de l'association « Gendarmes et citoyens » ;

- M. Jérémy LANGLADE, directeur technique de l'association « Gendarmes et citoyens ».

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

- M. Jean-Marc BAILLEUL, secrétaire général du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI).

Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG)

- M. Bruno ARVISET, colonel ;

- M. Fabien LACOMBE, capitaine ;

- M. Patrick BECCEGATO, gendarme ;

- M. Francis BOULIOL, gendarme ;

- M. Raoul BURDET, adjudant ;

- M. Hervé DUPE, capitaine ;

- M. Grégory RIVIERE, gendarme ;

- M. Christophe LE JEUNE, adjudant ;

- Mme Nadège TIREL, adjudant ;

- M. Erick VERFAILLIE, adjudant.

Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

- M. Mickael TREHEN, délégué du syndicat indépendant des commissaires de police ;

- Mme Claire COUYOUMDJIAN, déléguée du syndicat des personnels administratifs, techniques, scientifiques et infirmiers.

Fédération des syndicats du ministère de l'intérieur - Force ouvrière (FO)

- M. Franck FIEVEZ, secrétaire national « Unité SGP Police-FO » ;

- M. Dominique LACOSTE ;

- M. Laurent CAUQUIL.

Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) - Police

- M. Thierry CLAIR, secrétaire national « province et DOM-COM » ;

- Mme Céline BERTHON, secrétaire générale du syndicat des commissaires de la police nationale ;

- M. Jean-Luc TALTAVULL, secrétaire général adjoint syndicat des commissaires de la police nationale ;

- Mme Frédérique GIRARDET ;

- M. Benjamin GAYRARD.


* 1 Europol, « European Union terrorism situation and trend report 2016 », juillet 2016, p. 44

* 2 International centre for counter-terrorism, « The foreign fighters phenomenon in the European Union », avril 2016, p. 4

* 3 Manuel Valls, « Pour un partenariat, État, collectivités, secteur associatif, fort contre la radicalisation », discours prononcé le 24 octobre 2016.

* 4 D'après les données de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

* 5 Préfecture du Pas-de-Calais, « Campement de la lande de Calais : bilan du nouveau comptage effectué par les services de l'État », communiqué de presse, 19 août 2016.

* 6 Assemblée nationale, XIV e législature, session ordinaire de 2016-2017, compte rendu intégral, première séance du vendredi 04 novembre 2016.

* 7 NAO, «Financial sustainability of police forces in England and Wales», 4 juin 2016.

* 8 Ibid.

* 9 Delphine Simon, « La France compte moins de policiers que la moyenne européenne », Le vrai/faux de l'Europe, France inter, 22 avril 2016.

* 10 « Les moyens consacrés au renseignement intérieur », rapport d'information de Philippe Dominati fait au nom de la commission des finances, n° 36 (2015-2016), 7 octobre 2015.

* 11 Rapport n° 423 (2015-2016) de Jean-Pierre Raffarin, fait au nom de la délégation parlementaire au renseignement et déposé le 25 février 2016, p. 22.

* 12 Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, lors du débat sur les moyens du renseignement intérieur au Sénat le 23 mars 2016.

* 13 Ibid.

* 14 Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

* 15 CJUE, 2006, affaire C-132/04, Commission européenne c/ Espagne.

* 16 Haut comité d'évaluation de la condition militaire, « Perspectives de la condition militaire », précité, p. 51.

* 17 Rapport n° 164 (2015-2016) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 34.

* 18 Instruction n° 1000/GEND/DOE/SDSPSR/SP du 9 mai 2011.

* 19 Dans le cadre de l'instruction temporaire, si un gendarme est rappelé au bout de huit heures de repos consécutives pour travailler une heure, il bénéficie de nouveau d'un repos de onze heures. À l'inverse, si le seuil de neuf heures a été atteint, le « compteur » ne repart pas à zéro et le gendarme ne bénéficie que d'un nombre d'heures de repos complémentaires correspondant à la différence entre les heures de repos déjà effectuées et le seuil de onze heures.

* 20 Il s'agit de l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale, communément appelée Igot.

* 21 Il s'agit plus exactement d'un quatrième « groupe ».

* 22 En revanche, les policiers de Saint-Malo n'en étaient pas satisfaits, affichant une préférence marquée pour le « vendredi fort ».

* 23 Rapport n° 164 (2015-2016) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 19.

* 24 Déclaration de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, à l'Élysée le 26 octobre 2016, à l'issue de la présentation des mesures du plan pour la sécurité publique aux organisations syndicales représentatives de la Police Nationale.

* 25 Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, 29 juin 2016, p. 190.

* 26 Déclaration précitée de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, le 26 octobre 2016.

* 27 AEF, « Manuel Valls : "Les efforts en matière de sécurité devront être poursuivis durant les cinq prochaines années" », dépêche n° 549069, 8 novembre 2016.

* 28 Déclaration précitée de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, le 26 octobre 2016.

* 29 Cf. section « Les modifications apportées par l'Assemblée nationale » du présent rapport spécial.

* 30 Rapport n° 164 (2015-2016) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 21-22.

* 31 IGA, « Moderniser l'organisation des élections », octobre 2014, p. 28.

* 32 Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, « La première génération des indicateurs statistiques des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie », Interstats Méthode n° 3, p. 1.

* 33 Bulletin mensuel de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, ISSN 2265-9110, janvier 2015.

* 34 Rapport sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure publié le 12 juillet 2013 et co-écrit par Michel Rouzeau (IGA), Jean-Christophe Sintive (IGA), Christian Loiseau (IGPN), Armand Savin (IGPN), Claude Loron (IGGN) et Isabelle Kabla-Langlois (INSEE), p. 8.

* 35 SSMSI, « Statistiques sur les crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie : correction des ruptures techniques liées aux modes de collecte », précité, p. 3.

* 36 Dans un rapport publié en 2014, une mission de contrôle menée par les corps d'inspection au sein de 14 conscriptions de la préfecture de police a par exemple mis en évidence « une tendance lourde et ancienne à déqualifier statistiquement des faits de délinquance en minorant soit leur gravité, soit leur volume au sein de l'état 4001 ». Cf. Werner Gagneron (IGA), Marc Le Dorh (IGA), Yves Jobic (IGPN) et Eric Proix (IGPN), « Enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure sur le ressort de la préfecture de police », 3 mars 2014.

* 37 Le Figaro, « Manque de moyens, légitime défense, politique du chiffre: des policiers témoignent », 26 octobre 2016.

* 38 Cyril Rizk et Inès Bettaieb, « Intérêts et limites du débat sur les causes du `crime drop' », avril 2014, p. 3.

* 39 ONDRP, « La criminalité en France », rapport annuel, édition 2014, p. 24.

* 40 Cour des comptes, « La gestion des carrières dans la police et la gendarmerie nationales », 2013, p. 3.

* 41 Réponses au questionnaire budgétaire adressé à votre rapporteur spécial.

* 42 Déclarations de Manuel Valls, Premier ministre, devant les élèves réservistes de la gendarmerie, le 11 août 2016.

* 43 AEF, « Le général Richard Lizurey annonce la création "d'un commandement de la réserve de la gendarmerie nationale" », dépêche n° 546340, 5 octobre 2016.

* 44 Rapport d'information n° 365 (2015-2016) relatif au réseau radio numérique des services de secours de Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances et déposé le 3 février 2016.

* 45 Arrêté du 27 septembre 2016 fixant les taux de l'indemnité de sujétion spécifique de la police technique et scientifique allouée aux fonctionnaires des corps et emplois de la police technique et scientifique de la police nationale.

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