B. L'ABSENCE DE DYNAMIQUE DE RATIONALISATION DES MISSIONS

1. La dynamique engagée lors du quinquennat précédent n'a pas été poursuivie

Si la question des moyens demeure centrale, il est possible de renforcer la capacité opérationnelle des deux forces à effectifs et budget constants via :

- la réduction des « tâches indues » incombant aux forces de police et de gendarmerie, qui permet de libérer du temps pour les missions de lutte contre la délinquance ;

- la recherche d'une meilleure complémentarité et d'une plus grande mutualisation entre les forces de police et de gendarmerie.

Sur ces deux plans, le précédent quinquennat avait été marqué par d'importantes réformes , avec notamment ;

- le transfert de la gendarmerie nationale du ministère de la défense vers le ministère de l'intérieur au 1 er janvier 2009 ;

- la rationalisation des zones de compétences de la gendarmerie et de la police ;

- la mutualisation de la maintenance automobile et des services chargés des transmissions et des systèmes d'information ;

- la décision prise en 2010 de confier progressivement à l'administration pénitentiaire les missions de transfèrements judiciaires.

L'an passé, votre rapporteur spécial constatait à regret l'interruption de cette dynamique , aucun chantier majeur n'ayant été engagé depuis 2012 30 ( * ) .

Les mesures annoncées après une manifestation de plusieurs milliers de policiers sur la place Vendôme laissaient toutefois espérer un changement de stratégie du Gouvernement en la matière, avec l'engagement :

- d'un « plan interne de simplification » visant à réduire les tâches indues ;

- de nouveaux redéploiements des zones de compétences entre les deux forces.

2. Les annonces successives du Gouvernement concernant la diminution des « tâches indues » peinent à se concrétiser

Un an après ces annonces, forces est de constater que rien n'a véritablement évolué pour les forces de l'ordre.

S'agissant des zones de compétences , il a été indiqué à votre rapporteur spécial lors des auditions que le ministère a finalement renoncé à mettre en oeuvre de nouveaux redéploiements.

S'agissant des tâches indues , la situation ne semble pas davantage avoir progressé.

Compte tenu des échéances électorales à venir, les procurations auraient dû constituer un chantier prioritaire pour le ministère de l'intérieur. En effet, le traitement des procurations par les policiers et les gendarmes avait mobilisé 737 ETP en 2012. Alors que la dématérialisation permettrait de soulager les forces de sécurité de cette tâche, l'inspection générale de l'administration (IGA) indiquait dans un rapport d'octobre 2014 que le projet de dématérialisation totale lancé en 2013 semblait « enlisé » et même « à l'arrêt » 31 ( * ) .

Interrogé sur ce point, le directeur général de la police nationale a indiqué qu'aucun progrès n'avait été réalisé en la matière depuis la parution du rapport. Les différentes élections prévues l'an prochain devraient donc de nouveau mobiliser près de 1 000 ETP au sein des forces de police et de gendarmerie, dans un contexte sécuritaire pourtant très dégradé.

Par ailleurs, la poursuite de la reprise des transfèrements judiciaires par l'administration pénitentiaire, dont l'achèvement est prévu pour 2019, continue de peser sur les forces de l'ordre , dans la mesure où les emplois transférés budgétairement ne s'accompagnent pas d'une diminution de même ampleur des missions exercées.

En effet, lorsque l'administration pénitentiaire oppose une « impossibilité de faire » aux magistrats, ces derniers peuvent adresser aux forces de police et de gendarmerie des réquisitions d'extraction . Ainsi, une étude menée par la Gendarmerie nationale a mis en évidence que 37 000 « heures gendarmes » ont été consacrées en 2015 aux transfèrements judiciaires dans les zones où ces missions ont théoriquement été transférées à l'administration pénitentiaire, ce qui représente l'équivalent de 4 625 patrouilles.

Certainement conscient de l'absence de progrès réalisés depuis l'an passé, le ministre de l'intérieur a fait de la diminution des tâches indues le deuxième volet du « plan pour la sécurité publique », avec l'annonce :

- du remplacement de nombreuses gardes statiques « de bâtiment publics, en particulier devant les préfectures et les tribunaux, » par des gardes dynamiques ;

- de la reprise de certaines missions de garde statique par des sociétés de gardiennage ;

- de la diminution des missions de transport des personnes interpellées vers les hôpitaux, notamment dans les cas d'ivresse publique, dans le cadre d'un partenariat avec la médecine de ville.

Si votre rapporteur spécial souscrit bien évidemment aux orientations annoncées, il sera toutefois particulièrement vigilant s'agissant de leur mise en oeuvre.


* 30 Rapport n° 164 (2015-2016) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 21-22.

* 31 IGA, « Moderniser l'organisation des élections », octobre 2014, p. 28.

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