II. LE PROGRAMME 104 « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

1. Une augmentation des crédits du programme même à périmètre constant

Le programme 104 regroupe les crédits d'intervention consacrés à l'intégration des étrangers et des réfugiés et s'articule autour de cinq actions :

- l'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants », qui porte la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- l'action 12 « Accompagnement des étrangers primo-arrivants », qui finance les actions d'intégration des étrangers en situation régulière hors OFII ;

- l'action 14 « Accès à la nationalité française », qui porte les crédits de fonctionnement de la sous-direction des naturalisations ;

- l'action 15 « Accompagnement des réfugiés », qui finance les actions d'intégration des réfugiés et, en pratique, essentiellement les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) ;

- l'action 16 « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », nouvellement créée, qui reprend des crédits auparavant intégrés au sein de l'action 12 et qui sont désormais, à juste titre, isolés au sein d'une action spécifique.

Le programme connaît, en 2017, une importante évolution de périmètre . En effet, l'OFII, qui est le principal opérateur de l'État dans le champ du présent programme, était jusqu'en 2016 essentiellement financé par des taxes affectées (plafonnées), notamment le droit de timbre pour la délivrance d'un titre de séjour. Or, ces taxes sont, à compter de 2017, entièrement ré-affectées au budget général, et compensées par une augmentation de la subvention versée par le présent programme, à hauteur de + 133 millions d'euros .

Ainsi, la majeure partie de l'augmentation des crédits de paiement, qui passent de 95,5 millions d'euros en 2016 à 247,9 millions d'euros en 2017 (+ 160 %), provient de cette évolution de périmètre. Toutefois, même à périmètre constant, c'est-à-dire en neutralisant la rebudgétisation de la subvention à l'OFII, les crédits du programme 104 connaissent une augmentation significative, de l'ordre de 20,4 %, comme l'illustre le tableau ci-dessous .

Évolution des crédits de paiement du programme 104

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Variation

Intégration et accès à la nationalité française

59,62

95,46

247,90

+ 159,68 %

Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,99

8,54

- 5 %

Actions d'intégration des étrangers en situation régulière

32,35

24,54

29,73

+ 21,16%

Accompagnement des réfugiés

18,17

20,24

26,73

+ 32,02%

Accueil des étrangers primo arrivants

7,44

40,64

181,90

+ 347,63%

Accès à la nationalité française

1,67

1,06

1,01

- 5,01%

Total à périmètre constant

59,62

95,46

114,9

+ 20,36 %

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

2. La rebudgétisation de la subvention de l'OFII dans un contexte de forte augmentation des dépenses de l'opérateur

Créé en 2009, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dispose d'une compétence générale en matière d'intégration des étrangers en situation régulière dans les cinq premières années de résidence sur le territoire français .

Jusqu'en 2016, il est financé essentiellement par des taxes affectées , correspondant aux droits de timbre acquittés par les étrangers ou aux taxes sur la main d'oeuvre étrangère due par les entreprises. Ces taxes sont complétées par une subvention pour charges de service public de l'État , et par des crédits du fonds européens d'intégration (FEI) et « Asile, migration et intégration » (FAMI).

L'adoption, en 2015 et 2016, des deux lois successives relatives à l'asile 5 ( * ) d'une part et au droit des étrangers 6 ( * ) d'autre part , a considérablement renforcé les missions dévolues à l'OFII.

S'agissant de l'asile, l'OFII est désormais un acteur majeur du dispositif d'orientation, d'accompagnement et de gestion des demandeurs d'asile , en étant chargé du premier accueil des demandeurs, de la gestion du parc d'hébergement et de la gestion de l'ADA. En outre, l'OFII assure une partie du financement nécessaire aux opérations exceptionnelles conduites à Calais et dans les campements parisiens (démantèlement, transports, etc.).

S'agissant du droit des étrangers et de l'intégration, les missions de l'OFII ont été également revues à la hausse : refonte du parcours d'intégration autour d'un contrat d'intégration républicaine (CIR), qui comprend un entretien individuel plus personnalisé, renforcement de la formation civique (deux jours, contre deux heures auparavant), relèvement des exigences de connaissance de la langue pour les étrangers.

Dans le même temps, l'allègement de certaines missions antérieures, notamment la visite médicale, n'est pas encore entré en vigueur.

Dans ce contexte, les dépenses de l'opérateur sont en nette augmentation, puisqu'elles passent de 166,2 millions d'euros en 2015 à 207,7 millions d'euros dans le budget initial de 2016 . Cette hausse est principalement portée par le dynamisme des dépenses d'intervention, qui passent de 83,1 millions d'euros en 2015 à 117,8 millions d'euros en 2016 (+ 41 %) .

Face à cette évolution, l'OFII a bénéficié en 2016 d'une augmentation de ses ressources, soit 179,9 millions d'euros :

- 140,7 millions de taxes affectées ;

- 22,6 millions d'euros de subvention de l'État (38,9 millions d'euros dans le budget initial, réduits en cours de gestion par le décret d'avance du 2 juin 2016 7 ( * ) et par la réserve de précaution) ;

- 1,3 million d'euros de frais de gestion de l'ADA ;

- 15,3 millions d'euros d'autres ressources, notamment de subventions européennes.

Le différentiel entre les charges et les produits conduira en 2016 à une baisse du fonds de roulement de l'OFII, estimé à 32,5 millions d'euros à fin 2016 .

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une subvention de 181,9 millions d'euros , dont 133 millions d'euros au titre des taxes affectées rebudgétisées. Ainsi, le montant de la subvention prévisionnelle en 2017 est en augmentation significative par rapport aux ressources d'État effectivement versées en cours d'année 2016 (163,3) 8 ( * ) . Il convient de souligner que le plafond d'emploi de l'opérateur, qui passe de 936 ETPT à 1 014 ETPT (+ 78), suit la même évolution .

Toutefois, il demeure un différentiel de financement de l'ordre de 25,8 millions d'euros entre les dépenses prévisionnelles 2016 - qui devraient pourtant encore croître en 2017 - et la subvention de l'OFII prévue pour 2017 . Ce différentiel ne pourra pas être intégralement compensé par les subventions européennes, dont le produit s'établit chaque année à environ 10 millions d'euros. En conséquence, votre rapporteur spécial constate l'insuffisance de la subvention à l'OFII, qui se traduira par un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement de l'opérateur, voire une réduction de ses interventions pourtant prioritaires pour l'intégration des réfugiés et des étrangers .

Au total, bien que la hausse des crédits et des emplois en faveur de l'OFII constitue un motif de satisfaction, cet effort semble encore trop limité pour faire face à l'augmentation massive des charges de cet opérateur, au regard des réformes engagées et de l'afflux migratoire .

3. La poursuite de l'effort de financement des actions d'intégration

La loi précitée relative au droit des étrangers dispose que les étrangers primo-arrivants signent un contrat d'intégration républicaine (CIR) qui prévoit de les amener, à l'issue d'un an, au niveau A1 en langue française et, à l'issue de cinq années de présence en France, au niveau A2.

La formation linguistique correspondant à la première marche, au cours de la première année sur le sol français, est financée par l'OFII dans le cadre de l'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants ».

La seconde marche, devant permettre le passage du niveau A1 au niveau A2, est financée par l'action 12 « Accompagnement des étrangers en situation régulière » du programme 104. En raison de la réforme qui organise le relèvement du niveau de langue, il était prévu que cette action voit ses crédits augmenter de façon régulière sur cinq ans . Ainsi, après une augmentation de 3 millions d'euros entre 2015 et 2016, la dotation de cette action progresse de 5,2 millions d'euros, pour atteindre 29,7 millions d'euros .

4. Les centres provisoires d'hébergement : une création de places trop réduite pour répondre à l'enjeu d'intégration des réfugiés

L'action 15 du programme 104 porte essentiellement les crédits destinés au financement de l'hébergement des réfugiés, en particulier les centres provisoires d'hébergement (CPH) .

Le projet de loi de finances pour 2017 poursuit la dynamique lancée par la loi de finances pour 2016, à la suite du rapport d'information de votre rapporteur spécial 9 ( * ) et des reprises de ses conclusions dans la loi portant réforme de l'asile. Ainsi, après la création de 500 places en 2016, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit la création de 500 nouvelles places de CPH, portant le parc à un total de 2 101 places , soit un doublement par rapport à 2015. Il convient de signaler que l'action 15 finance également d'autres places d'hébergement pour les réfugiés, similaires aux CPH, pour un total de 3 millions d'euros (CADA-IR de Forum réfugiés et Dispositif provisoire d'hébergement des réfugiés statutaires [DPHRS] de France Terre d'Asile).

L'enveloppe consacrée à la présente action est ainsi en forte augmentation, passant de 20,6 millions d'euros à 26,7 millions d'euros .

L'augmentation du nombre de places, que votre rapporteur spécial avait appelée de ses voeux, est une nécessité dans le contexte de la crise migratoire. En effet, le nombre de demandeurs d'asile à qui la protection est accordée est plus important que jamais et pourrait atteindre plus de 35 600 personnes en 2016 , au regard du taux d'admission constaté sur le premier semestre 2016.

Nombre d'admissions à la protection
(y compris protection subsidiaire et apatride)

(1) Estimation prévisionnelle 2016 sur la base du nombre d'admissions au 1 er semestre (12 060) et du taux d'admission constaté (37,1 %)

Source : commission des finances

Ainsi, sur la période 2013-2016, alors que le nombre de réfugiés a plus que triplé, le parc de CPH, déjà sous-calibré, a seulement augmenté de 50 % pour atteindre 1 500 places à la fin de l'année 2016 . Compte tenu de la faible rotation en CPH, où les réfugiés séjournent en moyenne une année, seul un réfugié sur vingt-six a donc accès à une place dédiée en CPH en 2016 . La sous-capacité du dispositif d'accueil, déjà manifeste s'agissant des demandeurs d'asile, est plus criante encore s'agissant des réfugiés.

Pourtant, les besoins de parc dédié sont d'autant plus importants que l'occupation de places en CADA par des réfugiés de plus en plus nombreux réduit la fluidité du dispositif. En outre, les réfugiés, qui sont souvent des hommes isolés jeunes, sont un public de moins en moins solvable, car n'ayant pas l'âge minimum de 25 ans ouvrant le droit au revenu de solidarité active (RSA).


* 5 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 6 n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 7 Décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 8 En outre, il convient de noter que la réserve de précaution, dont le taux n'est pas encore connu, ne sera pas appliquée à la subvention de l'OFII correspondant à la re-budgétisation des taxes affectées.

* 9 Rapport d'information n° 97 (2014-2015) : « Les centres provisoires d'hébergement : remettre l'accueil et l'intégration des réfugiés au coeur de la politique d'asile », 12 novembre 2014.

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