II. UNE COOPÉRATION SUBSTANTIELLE DANS LE DOMAINE DE L'ARMEMENT EN GÉNÉRAL ET DES MISSILES DE SOUVERAINETÉ EN PARTICULIER

Dans le domaine de l'armement, la coopération franco-britannique est particulièrement avancée et a commencé bien avant la signature du Traité de Lancaster House. Historiquement, elle a été facilitée par l'existence de conceptions géostratégiques proches, de budgets de défense comparables et de bases industrielles d'un niveau technologique équivalent dans les deux pays. Très dynamique dans les années 60 avec les programmes franco-britanniques de l'avion de combat Jaguar et des hélicoptères Puma, Lynx et Gazelle, la coopération s'est ensuite réduite, pour redémarrer dans les années 1990 avec plusieurs projets importants dans le domaine des missiles, qui occupent encore aujourd'hui une place essentielle (cf infra ).

Les deux pays disposent d'un portefeuille important de projets bilatéraux de nature variée (programmes, recherche, moyens d'essais, échanges de personnels, thèses communes etc.). En 2000, la France et le Royaume-Uni ont signé, un protocole d'accord ( memorandum of understanding) , afin de développer plus avant la coopération en matière de recherche et de technologie (R&T). Représentant à eux seuls plus de 70 % des dépenses de recherche et développement en Europe, les deux pays conduisent dans ce cadre des projets communs de recherche. En matière d'essais et d'expertises, les plans d'investissement étatiques sont échangés depuis 2012 en vue de permettre l'identification des projets de coopération et l'optimisation des investissements de chaque Partie. Dans la perspective de soutenir plus efficacement de futurs programmes communs, une communauté franco-britannique d'experts a également été constituée.

D'une manière générale, la relation bilatérale franco-britannique d'armement s'inscrit dans un contexte stratégique visant à structurer le paysage industriel et technologique français dans des domaines de souveraineté. Elle est par ailleurs en parfaite adéquation avec l'accord-cadre du 27 juillet 2000, signé par la France, l'Allemagne, l'Espagne, la Suède et le Royaume-Uni, dont l'objet est de faciliter les restructurations et le fonctionnement de l'industrie européenne de défense.

Lors du sommet franco-britannique de juin 2006 à Paris, les chefs d'État et de gouvernement ont pris la décision de créer un Groupe de travail de haut niveau ( High Level Working Group, HLWG ) composé de représentants étatiques et industriels. Ce groupe a été institutionnalisé dans un format purement étatique par le Traité de Lancaster House de 2010. Il se réunit deux fois par an sous la co-présidence du délégué général pour l'armement français et du secrétaire d'État aux équipements de défense britannique et est chargé de mener les travaux de coopération en matière d'équipements et de capacités, de coopération industrielle et de recherche et développement, dans une approche conjointe de long terme visant à livrer des équipements militaires performants de la manière la plus efficiente possible, en limitant au maximum les contraintes nationales et en renforçant la compétitivité industrielle. Ses travaux ont permis le lancement de projets dans des secteurs stratégiques et notamment dans celui des missiles, appelé « complex weapons » et notamment le projet dit « One MBDA ».

L'objectif de rationalisation industriel figurant dans le traité franco-britannique de Lancaster House de 2010 s'est concrétisé dans le secteur des missiles avec l'initiative « One MBDA » , lancée également en 2010, et qui vise à faire de MBDA une filière industrielle «missiles » commune, qui soit le principal fournisseur de missiles tactiques en Europe, en profitant au mieux des synergies et notamment en réduisant la charge de développement sur les budgets nationaux. Par la suite, les sommets franco-britanniques de Paris de février 2012 et surtout celui de Brize-Norton de janvier 2014 ont appelé à la mise en oeuvre de centres d'excellence, partagés par les deux filiales française et britannique de MBDA, autour de technologies ou de sous-systèmes déterminés, sur une base de réciprocité et d'équilibre entre les deux filiales. Cette spécialisation technique et industrielle et l'accroissement de l'interdépendance mutuelle qui en découle a rendu nécessaire la signature, en 2015, du présent accord intergouvernemental, qui se présente comme l'aboutissement de plusieurs années d'efforts, à la fois étatiques et industriels.

Dans le secteur des missiles, la France et le Royaume-Uni travaillent conjointement à la rénovation des missiles de croisière SCALP et Storm Shadow (SCALP/PSSCEP). Cette rénovation a été précédée d'une phase de conception de deux ans, lancée en juillet 2014, et confirmée lors du Sommet d'Amiens de mars 2016.

Les deux pays coopèrent également pour le développement du programme de missile anti-navire léger (ANL), comme cela avait été décidé lors du sommet de Brize-Norton de 2014, au titre d'un contrat signé en mars 2014. L'accord de coopération relatif à ce programme a d'ailleurs permis de tester avec succès les principes qui seront appliqués dans la mise en oeuvre des centres d'excellence , « en lançant la spécialisation des bureaux d'études de part et d'autre de la Manche dans quatre disciplines différentes » , comme l'indique le Président de MBDA 2 ( * ) . Il a également permis la réutilisation des technologies développées par ailleurs, pour faire baisser les coûts de développement et de série. Enfin lors du sommet d'Amiens de mars 2016 , les deux pays ont annoncé leur intention de mettre au point, en 2016, « une stratégie de coopération globale sur le portefeuille de missiles afin de renforcer (leurs) relations industrielles et de répondre, ensemble aux exigences opérationnelles actuelles et futures ». Les deux ministres de la défense ont également signé une déclaration d'intention commune confirmant leur volonté de lancer une phase de conception commune pour le programme Futur Missile Anti-Navire/Futur Missile de Croisière (FMAN/FMC) . Ce programme, qui a vocation à identifier des solutions communes pour remplacer à terme les missiles de croisière SCALP pour la France et Storm Shadow pour le Royaume-Uni ainsi que les missiles anti-navires Exocet pour la France et Harpoon pour le Royaume-Uni, devrait faire l'objet d'un arrangement gouvernemental d'ici à la fin 2016, afin d'ouvrir la voie à des contrats possibles d'ici à mars 2017 . Ce programme en coopération, le plus important pour MBDA dans les vingt prochaines années, devrait achever de structurer « les filières missiles » française et britannique, en les faisant converger durablement. Il devrait être aussi le premier grand programme développé par les centres d'excellence mis en place par le présent accord, dont le démarrage effectif est suspendu à une décision britannique. Bien qu'aucun contrat n'ait encore été signé, votre rapporteur se réjouit, que le mardi 27 septembre 2016, la ministre britannique en charge des acquisitions de la défense, Mme Harriett Baldwin ait annoncé que l'agence contractante pour le projet FMAN/FMC serait française.

Par ailleurs, la France et le Royaume-Uni participent, avec l'Italie, au programme conduit par l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAr) sur la famille de systèmes de missiles sol-air FSAF et de munitions pour le système PAAMS des frégates Horizon et destroyers type 45.


* 2 M. Antoine Bouvier -Interview donnée à la revue Air et Cosmos n°2508S - 8 juillet 2016.

Page mise à jour le

Partager cette page