CHAPITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROCÉDURE
DEVANT LA COUR DE CASSATION

Article 15 bis (suppression maintenue) (art. 370, 657, 567-2, 574-1, 574-2, 584, 585, 585-1, 586 et 588 du code de procédure pénale) - Représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

L'article 15 bis avait été introduit dans le texte du projet de loi lors de la première lecture au Sénat avec l'adoption d'un amendement déposé par nos collègues Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat, contre l'avis de votre commission et du Gouvernement.

Il avait pour objet de poser le principe de la représentation obligatoire par un avocat aux Conseils devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, comme c'est le cas pour les pourvois en cassation formés en matière civile.

D'après les auteurs de cet amendement, cette réforme, qui figure dans les recommandations formulées par la Cour de cassation dans plusieurs de ses rapports annuels, offrirait de meilleures chances aux justiciables de voir aboutir leurs pourvois dans la mesure où :

- plus de 40 % des pourvois formés devant la chambre criminelle n'ont pas été soutenus par un mémoire, en dépit de la possibilité théoriquement offerte au justiciable de former lui-même un pourvoi en matière pénale et de présenter un mémoire personnel exposant les moyens qu'il propose à l'appui de ce pourvoi. Une telle proportion traduirait la difficulté éprouvée par un grand nombre de justiciables pour formaliser un mémoire au regard de la complexité de la technique de cassation ;

- la grande majorité des pourvois assortis de mémoires donnant lieu à une non-admission, traduisant ainsi l'absence de moyens sérieux (soit 32 % des pourvois soutenus par un mémoire), concernerait des mémoires personnels n'ayant pas su se conformer aux exigences de la technique de cassation et au rôle spécifique de la chambre criminelle.

Les auteurs de l'amendement en concluaient que la meilleure qualité des pourvois qui résulterait de la représentation obligatoire serait de nature à rendre plus effectif le droit au pourvoi en cassation et permettrait à la chambre criminelle de se consacrer pleinement à sa mission consistant à dire le droit dans les causes qui le justifient.

Lors du débat en séance publique, votre rapporteur, ainsi que la garde des sceaux, avaient fait valoir les difficultés liées à la mise en oeuvre d'une telle réforme, compte tenu de l'entrave qu'elle constituerait pour accéder à la cassation en matière pénale. En effet, si les justiciables dont le niveau de ressources est inférieur à 1 000 euros peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle à 100 %, tel n'est pas le cas pour ceux dont le niveau de ressources est un peu supérieur, sans pour autant être élevé, qui devraient alors assumer eux-mêmes la prise en charge des frais liés à la représentation. Tout en se déclarant sensible aux arguments sur la qualité des pourvois, la garde des sceaux relevait ainsi que les conséquences d'une telle réforme nécessitaient une réflexion sur les moyens de l'accompagner pour ne pas entraver l'accès au juge pénal pour les personnes ne pouvant bénéficier de l'aide juridictionnelle à 100 %.

Au regard de ces éléments, les députés ont, dans un premier temps, sur proposition du Gouvernement lors de l'établissement du texte en commission en première lecture, adopté une rédaction alternative de l'article 15 bis afin de limiter la représentation obligatoire par un avocat en cas de pourvoi en cassation devant la chambre criminelle aux seules condamnations ayant prononcé une peine autre qu'une peine privative de liberté sans sursis. Cette réécriture aurait ainsi permis de maintenir le libre accès au juge de la cassation pour les contentieux de l'instruction préparatoire et notamment de la détention provisoire ou, en cas de condamnation, à une peine d'emprisonnement ferme. En outre, la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577 du code de procédure pénale serait demeurée dispensée de représentation obligatoire et la réforme serait entrée en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la promulgation de la loi.

Toutefois, en séance publique, les députés ont en définitive voté un amendement de suppression de l'article 15 bis défendu, avec l'avis favorable de la commission et l'avis défavorable du Gouvernement, par notre collègue députée Colette Capdevielle, cette dernière jugeant que ce dispositif ne faciliterait pas « l'accès des plus démunis à la justice » et ne contribuerait pas à « simplifier et à moderniser le droit », créant au contraire « une situation de monopole au profit d'une profession très réglementée et privilégiée : celle des avocats à la Cour de cassation ». En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des lois, a confirmé la suppression de cet article.

Votre rapporteur se déclare sensible aux arguments formulés par les auteurs de cet amendement de suppression, qui rejoignent les préoccupations qu'il avait exprimées lors du débat au Sénat.

Votre commission a par conséquent maintenu la suppression de l'article 15 bis .

Article 15 ter (art. L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire) - Élargissement des cas de cassation sans renvoi en matière civile

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative du Gouvernement, l'article 15 ter du projet de loi tend à élargir les cas de cassation sans renvoi à une cour d'appel, en matière civile, afin qu'il puisse être mis fin plus rapidement au litige directement par la Cour de cassation.

En l'état du droit, la Cour de cassation peut, en cassant sans renvoi, mettre fin elle-même au litige uniquement « lorsque les faits, tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée ». Le présent article limite cette faculté restreinte de cassation sans renvoi à la seule matière pénale, compte tenu de la spécificité de cette matière, et permet plus largement à la Cour de statuer directement en matière civile, en précisant qu'elle peut statuer au fond « lorsque l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ».

Cette disposition destinée à améliorer les procédures devant la Cour de cassation n'appelle pas d'objection de la part de votre rapporteur. Elle devrait permettre à la Cour de veiller davantage aux délais de jugement en matière civile, en statuant plus souvent au fond.

Votre commission a adopté l'article 15 ter sans modification .

Article 15 quater (art. L. 431-3-1 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire) - Procédure d'amicus curiae devant la Cour de cassation

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative du Gouvernement, l'article 15 quater du projet de loi dispose que, lors de l'examen d'un pourvoi, la Cour de cassation peut inviter toute personne, en raison de sa compétence, à présenter des observations générales, quand bien même elle n'est pas partie, afin de l'éclairer sur la solution à donner au litige. À titre d'exemple, elle pourrait inviter, selon cette procédure d' amicus curiae , des experts juridiques ou techniques, des autorités administratives, le cas échéant indépendantes, ou encore des juristes étrangers...

Cette disposition destinée à améliorer les procédures devant la Cour de cassation n'appelle pas d'objection de la part de votre rapporteur. Elle pourra contribuer à améliorer les solutions jurisprudentielles et la qualité des arrêts de la Cour de cassation, par une meilleure connaissance des enjeux de droit, mais également des enjeux pratiques dans certaines matières.

Votre commission a adopté l'article 15 quater sans modification .

Article 15 quinquies (art. L. 432-1 du code de l'organisation judiciaire) - Rôle du parquet général près la Cour de cassation

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative du Gouvernement, l'article 15 quinquies du projet de loi vise à mieux définir le rôle du parquet général près la Cour de cassation, en précisant que le procureur général rend des avis dans l'intérêt de la loi et du bien commun, afin d'éclairer la Cour sur la portée de la décision qu'elle doit prendre.

En l'état du droit, la finalité de la mission du parquet général n'est pas explicitement précisée. Le code de l'organisation judiciaire se borne ainsi à indiquer que le procureur général porte la parole aux audiences des chambres mixtes et de l'assemblée plénière, ainsi que dans les assemblées générales de la Cour, et qu'il peut la porter aux audiences des chambres.

Cette disposition utile, destinée à améliorer les procédures devant la Cour de cassation, n'appelle pas d'objection de la part de votre rapporteur. Elle permet de sanctuariser dans le droit la mission traditionnelle spécifique remplie par le parquet général devant la Cour de cassation.

La mission du parquet devant les tribunaux de grande instance ou du parquet général devant les cours d'appel n'est pas la même : il « exerce l'action publique et requiert l'application de la loi, dans le respect du principe d'impartialité » 61 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 15 quinquies sans modification .

Article 15 sexies (art. L. 432-1, L. 441-2 et L. 441-2-1 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire) - Procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative du Gouvernement, l'article 15 sexies du projet de loi tend à simplifier les formations de la Cour de cassation chargées de rendre des avis à la demande d'une juridiction judiciaire.

En l'état du droit, toute juridiction judiciaire peut solliciter l'avis de la Cour de cassation « avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges » 62 ( * ) .

Dans sa partie réglementaire, le code de l'organisation judiciaire prévoit que les demandes d'avis sont traitées par des formations particulières, spécialement composées, principalement une formation chargée des avis en matière pénale et une formation chargée des autres avis. Dans les deux cas, le premier président est membre de la formation 63 ( * ) .

De façon procéduralement plus simple, le présent article prévoit que la demande d'avis est traitée par la chambre compétente de la Cour, sans qu'il y ait lieu de renvoyer à une formation spécialement désignée à cet effet. Dans l'hypothèse où la demande d'avis relève de la compétence de plusieurs chambres, elle serait traitée par une formation mixte. Lorsqu'elle pose une question de principe, elle serait traitée par une formation plénière. Ces deux formations seraient présidées par le premier président de la Cour ou, en cas d'empêchement, par le doyen des présidents de chambre.

Ce dispositif rénové paraît de nature à assurer un traitement plus adapté selon la question posée ainsi qu'une plus grande cohérence entre les avis rendus et la jurisprudence des chambres dans la matière concernée.

Cette disposition destinée à améliorer les procédures devant la Cour de cassation n'appelle pas d'objection de la part de votre rapporteur. Sur sa proposition, votre commission a toutefois adopté un amendement COM-125 de coordination et de codification, sans modifier le fond de la disposition.

Votre commission a adopté l'article 15 sexies ainsi modifié .

Article 15 septies (supprimé) (art. L. 451-2, L. 452-1 à L. 452-6 [nouveaux] et intitulés des chapitres Ier et II [nouveaux] du titre V du livre IV du code de l'organisation judiciaire) - Réexamen en matière civile des décisions relatives à l'état des personnes en cas de condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative des deux rapporteurs de la commission des lois, avec un avis de sagesse du Gouvernement, le présent article inscrit dans le code de l'organisation judiciaire (COJ), une procédure de réexamen des décisions civiles en matière d'état des personnes, lorsque la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu un arrêt jugeant qu'elles violent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Cette procédure existe actuellement en matière pénale seulement. L'article L. 541-2 du COJ renvoie les règles relatives à l'institution, à la compétence, à l'organisation et au fonctionnement de la cour de révision et de réexamen au code de procédure pénale (titre II « Des demandes en révision et réexamen » du livre III « Des voies de recours extraordinaires »).

Le dispositif prévu au I du présent article est la transposition en matière civile de la procédure qui existe en matière pénale. Le nouvel article L. 452-1 du COJ disposerait, sur le modèle de l'article 622-1 du code de procédure pénale, que le réexamen d'une décision civile devenue définitive en matière d'état des personnes, pourrait être demandé à la suite d'un arrêt de la CEDH jugeant que cette décision a été prononcée en violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le réexamen pourrait être demandé dans le délai d'un an à compter de la décision de la CEDH, par toute partie à l'instance qui dispose d'un intérêt à le solliciter, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la violation entraine pour cette personne des conséquences dommageables auxquelles la satisfaction équitable accordée en application de l'article 41 de cette convention ne peut mettre fin.

Les autres articles introduits dans le COJ fixeraient les modalités de mise en oeuvre de cette procédure de réexamen (les personnes compétentes pour agir, la composition de la cour de réexamen et la procédure applicable).

Si la demande était fondée, la cour de réexamen annulerait la décision et renverrait le requérant devant une juridiction de même ordre et de même degré, autre que celle ayant rendu la décision annulée. Le requérant serait renvoyé directement devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation si le réexamen de son pourvoi est de nature à remédier à la violation constatée par la CEDH.

Le II du présent article prévoit ensuite que la date d'entrée en vigueur de la procédure de réexamen serait fixée par décret en Conseil d'État, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.

Enfin, le III fixe les règles applicables aux situations antérieures à l'entrée en vigueur de cette nouvelle procédure. Les demandes de réexamen motivées par une décision de la CEDH antérieures à la présente loi pourraient être formées dans un délai d'un an à compter de son entrée en vigueur.

Si votre rapporteur ne nie pas l'intérêt de cette nouvelle procédure, une telle réforme mérite une véritable réflexion, qui n'a pu être menée dans le cadre de ce projet de loi, compte tenu de ses conditions d'examen. Elle n'a pu entendre le garde des sceaux ministre de la justice, non plus que les représentants de magistrats et des juridictions.

L'impact de cette disposition n'a pu être mesuré. En matière de filiation par exemple et, en particulier sur la question de la reconnaissance de la filiation d'un enfant né de gestation pour autrui pratiquée à l'étranger, pour laquelle la France a été condamnée par la CEDH dans deux arrêts du 26 juin 2014 64 ( * ) , quelles pourraient être les conséquences d'un tel réexamen ?

En l'état de ses réflexions, votre commission a adopté un amendement COM-75 de son rapporteur, supprimant le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 15 septies .

Article 15 octies (supprimé) - Extension aux fondations reconnues d'utilité publique de la possibilité d'exercer les droits de la partie civile

L'article 15 octies a été introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue Philippe Gosselin, lors de la première lecture du texte. Il vise à permettre aux fondations reconnues d'utilité publique d'exercer les droits reconnus à la partie civile dans les mêmes conditions que les associations mentionnées aux articles 2-1 à 2-23 du code de procédure pénale.

Le dispositif initial adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale habilitait les seules fondations reconnues d'utilité publique dont l'objet statutaire comporte « la défense ou l'assistance de l'enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance » à exercer, dans les mêmes conditions que les associations au même objet statutaire, l'action civile pour les infractions énumérées à l'article 2-3 du code de procédure pénale 65 ( * ) . Cet amendement faisait suite à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 octobre 2015 frappant d'irrecevabilité la constitution de partie civile de la Fondation pour l'enfance. En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de nos collègues Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément, rapporteurs, visant à étendre cette possibilité à l'ensemble des hypothèses où les associations peuvent déjà exercer une action civile.

Pourtant, de l'avis même du rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, la Cour de cassation a fréquemment reconnu la possibilité d'agir des fondations, assimilées aux associations , en particulier lorsqu'elles revêtent un caractère d'utilité publique.

De plus, comme le relevait le garde des sceaux lors de l'adoption de l'amendement, la décision de la cour d'appel était isolée et n'a pas été confirmée par la Cour de cassation. Il craignait que « le fait d'assimiler les fondations à des associations au sens de l'article 2-3 du code de procédure pénale ne favorise des interprétations a contrario et ne nécessite un grand nombre de coordinations. »

Votre rapporteur fait sienne cette analyse. De plus, il n'apparaît pas opportun de réécrire la loi en réaction à une seule décision non confirmée d'une juridiction.

En outre, les fondations présentent d'importantes différences avec les associations qui ne permettent pas de transposer les conditions d'exercice des droits reconnus à la partie civile. Ainsi, les associations mentionnées à l'article 2-3 du code de procédure pénale peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, même lorsque l'action publique n'a pas été mise en mouvement, à deux conditions permettant leur inscription auprès du ministère de la justice : une activité effective dans le domaine depuis au moins cinq ans et un nombre d'adhérents supérieur à mille 66 ( * ) . Or les fondations ne comptent pas d'adhérents.

En conséquence, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-64 pour supprimer le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 15 octies.


* 61 Article 31 du code de procédure pénale. Le parquet exerce également des missions particulières en matière civile et commerciale.

* 62 Article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire.

* 63 La formation chargée des avis en matière pénale comprend également le président de la chambre criminelle, un président de chambre désigné par le premier président, quatre conseillers de la chambre criminelle et deux conseillers, désignés par le premier président, appartenant à une autre chambre. La formation chargée des autres avis comprend également les présidents de chambre et deux conseillers désignés par chaque chambre spécialement concernée.

* 64 CEDH, 26 juin 2014, Menneson, affaire n° 65192/11 et même jour, Labassée, affaire n° 65491/11. Dans ces deux arrêts, la Cour a considéré qu'en refusant la transcription à l'état civil français de la filiation établie à l'étranger d'enfants nés de GPA, la France avait porté une atteinte excessive au droit à la vie privée de ces enfants, dont elle estime qu'il exige que chacun puisse établir les détails de son identité d'être humain, ce qui inclut sa filiation.

* 65 Il s'agit des infractions d'atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité, d'agressions, d'atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur, mais également des infractions de mise en péril des mineurs.

* 66 Aux termes de l'article R. 1 du code de procédure pénale.

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