CHAPITRE II - DES HABILITATIONS

Article 52 - Habilitations à prendre par ordonnance diverses dispositions relevant du domaine de la loi

L'article 52 du projet de loi sollicite une série d'habilitations en vue de prendre, par ordonnances, des mesures relevant du domaine de loi dans des domaines variés.

Le 1° du I du présent article habilite le Gouvernement à prendre toutes les mesures relatives à la suppression des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux du contentieux de l'incapacité, de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, des commissions départementales d'aide sociale et de la Commission centrale d'aide sociale. La formulation retenue pour cette habilitation correspond en large part à celle adoptée par le Sénat en première lecture et reste compatible avec les modifications apportées par votre commission à l'article 8 du projet de loi, concernant la réforme des tribunaux sociaux.

Pour mémoire, tout en respectant l'architecture - proche de celle du Sénat en première lecture - retenue par nos collègues députés en première lecture pour la réforme des tribunaux sociaux, votre commission a souhaité que soit maintenu, rattaché au tribunal de grande instance, un tribunal des affaires sociales unifié.

En outre, conformément au voeu exprimé par le Sénat en première lecture, le même 1° habilite le Gouvernement à organiser les possibilités d'accès aux corps des services judiciaires ou du ministère de la justice des personnels assurant actuellement le secrétariat des juridictions supprimées
- des agents des caisses de sécurité sociale pour l'essentiel ainsi qu'un certain nombre d'agents des services déconcentrés du ministère des affaires sociales - ou les possibilités de retour dans leurs structures d'origine.

Seules deux solutions sont possibles pour les personnels concernés, selon votre rapporteur : le retour dans les structures d'origine, mais avec un risque de surnombre, notamment dans les caisses de sécurité sociale, et l'accès, le cas échéant selon des modalités spécifiques de recrutement, aux corps judiciaires afin de poursuivre des fonctions de greffe judiciaire.

Le 2° du I du présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions visant à limiter la présence des magistrats de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire au sein des commissions administratives. Cette disposition n'a pas été modifiée par le Sénat en première lecture, ni par l'Assemblée nationale en première et nouvelle lectures.

Les 3° et 4° du I du présent article habilitent le Gouvernement à adapter la législation française en matière de propriété intellectuelle en vue, d'une part, de la mettre en conformité avec deux règlements européens de 2012 relatifs à la mise en oeuvre de la coopération renforcée en vue de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet et, d'autre part, de mettre en oeuvre l'accord international de 2013 relatif à une juridiction unifiée du brevet. L'Assemblée nationale a adopté cette double habilitation avec une légère modification rédactionnelle par rapport au texte du Sénat.

Le 5° du I du présent article habilite le Gouvernement à définir les conditions dans lesquelles, les avocats inscrits aux barreaux d'États non membres de l'Union européenne mais liés à celle-ci par un traité international, pourraient donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger.

Cette rédaction résulte en grande partie des travaux menés par le Sénat en première lecture.

Initialement, le projet de loi habilitait le Gouvernement à créer par ordonnance un véritable statut de consultant juridique étranger. Il permettait aux avocats étrangers, mais également aux personnes exerçant, s'agissant du conseil juridique, une activité équivalente, de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé « dans des domaines juridiques prédéterminés ».

Avant de créer un tel statut pour les consultants étrangers, le Sénat avait estimé indispensable de mener à leur terme les réflexions en cours sur la mise en place d'un privilège de confidentialité ou sur la création d'un statut d'avocat en entreprise adapté aux conditions de l'exercice salarié, et d'instaurer, en droit interne, un mécanisme permettant d'assurer la confidentialité des échanges au sein des entreprises françaises.

En séance, à l'initiative de notre collègue Christophe-André Frassa, le Sénat avait donc réduit le champ de cette habilitation, tant sur le plan des domaines juridiques concernés : le droit international et les droits étrangers, que des personnes visées : les avocats inscrits à un barreau et non pas les autres professionnels exerçant des activités de conseil juridique 128 ( * ) .

En première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a fait valoir que « les termes de l'habilitation votée par le Sénat [avaient] gagné en précision sur le plan des domaines juridiques devant être ouverts » et qu'il ne s'opposait pas à la restriction apportée par le Sénat dans le champ ratione personae de l'habilitation 129 ( * ) .

La rédaction finalement retenue à l'Assemblée nationale étant très proche de celle du Sénat, votre commission l'a adoptée sans modification.

Le 6° du I a été inséré en commission lors de la première lecture du texte à l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement 130 ( * ) . L'objet de cette habilitation est de créer un code pénitentiaire, dans le droit fil de la proposition formulée par la commission de refonte du droit des peines dans son rapport de décembre 2015 131 ( * ) .

En effet, en vertu du droit actuellement en vigueur, les dispositions relatives au service public pénitentiaire et à la prise en charge des personnes détenues se répartissent entre plusieurs codes 132 ( * ) , lois 133 ( * ) et décrets particuliers.

Selon les explications fournies par le ministère de la justice, la codification permettra notamment de rendre plus accessibles et plus lisibles les dispositions qui régissent les droits et obligations des personnes détenues ainsi que la structure et les missions du service public pénitentiaire. Elle présentera également « une valeur symbolique forte en offrant une meilleure reconnaissance du droit pénitentiaire, centré sur l'usager du service public pénitentiaire et soumis au contrôle du juge administratif ». Enfin, le Gouvernement mettra à profit cet exercice de codification pour harmoniser l'état du droit, remédier à d'éventuelles erreurs et abroger des dispositions devenues sans objet.

Les 7° et 8° du I ont également été insérés sur proposition du Gouvernement 134 ( * ) lors de la même réunion de la commission des lois.

Le 7° habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de mettre en oeuvre un « continuum éducatif du citoyen usager de la route ». Ces dispositions auront pour objet de permettre un enseignement collectif avant et après le passage de l'épreuve pratique du permis de conduire et de créer des « rendez-vous pédagogiques » postérieurs à cette épreuve. Elles auront également pour but d'accélérer la majoration du nombre de points affectés au permis de conduire concerné par le délai probatoire si son titulaire n'a pas commis d'infraction pendant ce délai et a suivi une formation complémentaire qui ne peut intervenir que dans un délai d'au moins six mois après l'obtention de son permis de conduire.

Le 8° a pour but d'habiliter le Gouvernement à permettre, en vue de renforcer la lutte contre le défaut d'obligation d'assurance reposant sur les véhicules terrestres à moteur, la création d'un fichier des véhicules assurés et à confier une mission de tenue et de gestion de ce fichier centralisé à l'organisme d'information créé en 2003, à la suite de la transposition en droit français de la 4 ème directive européenne automobile adoptée le 15 mai 2000. Votre commission a adopté deux amendements identiques COM-63 et COM-25 , respectivement déposés par votre rapporteur et le Gouvernement, afin de supprimer cette habilitation dans la mesure où les dispositions permettant la création d'un tel fichier ont été insérées dans le projet de loi à l'article 15 bis AA.

Le 9° du I du présent article, introduit en première lecture à l'Assemblée nationale, habilite le Gouvernement à prévoir par ordonnance que, dans chaque cour d'appel, seront répertoriés temporairement ou définitivement les experts interprètes ou traducteurs, non-inscrits sur les listes prévues à l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, ayant commis des contraventions aux lois et règlements relatifs à leur profession ou à leur mission d'expert, ou en cas de manquement à la probité ou à l'honneur.

Votre commission a adopté cette nouvelle disposition sans modification.

Le 10° du I du présent article, introduit en première lecture à l'Assemblée nationale, habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions tendant à moderniser les règles d'accès à la profession d'avocat.

Si votre commission n'a pas modifié sur le fond cette disposition, elle a néanmoins adopté un amendement COM-85 supprimant le mot « notamment » de cette habilitation en ce qu'il risquait d'en ouvrir excessivement le champ.

Enfin, le 11° du I du présent article résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, en commission, d'un amendement présenté par le Gouvernement. Il sollicite une habilitation pour pouvoir « adapter le dispositif régissant l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques afin d'améliorer son adéquation aux objectifs de sécurité juridique et d'attractivité économique ».

Outre que cette habilitation ne semble présenter aucun lien, même indirect, avec le texte du projet de loi - et constitue à ce titre un « cavalier législatif » -, elle ne comporte pas une rédaction très précise, contrairement aux exigences du Conseil constitutionnel, alors que le régime des ventes volontaires a récemment été réformé, par la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

La motivation de cette habilitation, toutefois, a été davantage explicitée dans l'objet de l'amendement gouvernemental : il s'agirait
- déjà ! - de tirer « l'expérience de trois années de mise en oeuvre de la réforme de 2011 », sur la base du rapport de décembre 2014 de la mission d'évaluation confiée à Mmes Catherine Chadelat et Martine Valdes-Boulouque. Le Gouvernement voudrait notamment « poursuivre la modernisation du secteur au regard de la conjoncture en apportant des éléments de sécurité pour le justiciable (...) et en précisant les obligations respectives des opérateurs de ventes volontaires et des commissaires-priseurs de ventes volontaires, afin de restaurer le pouvoir disciplinaire du Conseil des Ventes Volontaires », et étendre « le périmètre des ventes volontaires aux biens meubles incorporels ».

Outre les deux difficultés constitutionnelles déjà évoquées, il semble à votre rapporteur qu'une telle réforme ne présente pas d'urgence justifiant de légiférer par ordonnance - la date du rapport d'évaluation qui en serait la base le montre - et pourrait faire l'objet d'une loi, comme pour la réforme de 2011, permettant au Parlement d'en apprécier l'équilibre et les paramètres. Aussi votre commission a-t-elle supprimé cette habilitation, en adoptant en ce sens un amendement COM-121 présenté par son rapporteur.

Le présent article, non modifié sur ce point par l'Assemblée nationale, prévoit que ces ordonnances seront prises dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi et que leur projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de leur publication.

Votre commission a adopté l'article 52 ainsi modifié .

Article 52 bis - Habilitation en vue d'appliquer le règlement européen du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité

Introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, l'article 52 bis du projet tend à autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnance, dans un délai de douze mois, les dispositions législatives nécessaires pour appliquer le règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité.

Applicable, pour l'essentiel de ses dispositions, le 26 juin 2017 et visant à mieux organiser les procédures transfrontalières de traitement des difficultés des entreprises, ce règlement est une refonte du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité.

Compte tenu de son caractère bien précisément circonscrit, cette habilitation n'appelle pas d'objections de la part de votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 52 bis sans modification .


* 128 La rédaction retenue prévoyait que l'ordonnance aurait pour objet de « permettre aux avocats inscrits aux barreaux d'États n'appartenant pas à l'Union européenne, liés à celle-ci par un traité international le prévoyant, d'être autorisés à donner des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé pour autrui dans les domaines relevant de leur compétence en matière de droit étranger ou de droit international ».

* 129 Cf. Objet de l'amendement CL236, déposé en commission des lois, lors de la première lecture du présent texte à l'Assemblée nationale.

* 130 Amendement n° CL235.

* 131 « Pour une refonte du droit des peines », rapport de la commission présidée par M. Bruno Cotte remis à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, décembre 2015.

* 132 Principalement les parties législatives et réglementaires du code de procédure pénale mais également du code de la santé publique en ce qui concerne l'hospitalisation des personnes détenues et les soins en milieu pénitentiaire.

* 133 Dont la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire et la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative au service public pénitentiaire.

* 134 Amendement n° CL230.

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