EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER - RAPPROCHER LA JUSTICE DU CITOYEN
CHAPITRE IER - RENFORCER LA POLITIQUE D'ACCÈS AU DROIT

Article 1er (art. L. 111-2, L. 111-4, L. 141-1 et intitulé du titre IV du livre Ier du code de l'organisation judiciaire, art. 54, 55 et 69-7 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) - Principes de l'accès au droit et de l'accès à la justice

Le I du présent article a été adopté sans modification par le Sénat puis par l'Assemblée nationale en première lecture. Il consacre, au sein des grands principes de l'organisation judiciaire, la notion de « service public » de la justice.

Lors de l'examen du texte en première lecture au Sénat, votre commission avait supprimé cette notion, estimant que la justice n'était pas un service public au sens du droit administratif et que cette approche était inadaptée s'agissant d'une mission régalienne de l'État. En séance publique, le I avait été rétabli dans sa rédaction initiale par l'adoption de deux amendements identiques déposés par nos collègues Cécile Cukierman et Jean-Pierre Sueur.

Se ralliant à la position de votre rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait, à son tour, en première lecture, supprimé la notion de « service public » de la justice, avant que celle-ci ne soit de nouveau rétablie en séance par l'adoption d'un amendement de notre collègue député Marc Dolez.

Le II de cet article modifie la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour renforcer le rôle des conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) et prévoir la présence en leur sein de représentants d'une ou plusieurs associations oeuvrant dans le domaine de l'accès au droit, de l'aide aux victimes, de la conciliation ou de la médiation. Les précisions selon lesquelles plusieurs associations pourraient être représentées au sein des CDAD ainsi que la possibilité de désigner des représentants d'associations oeuvrant dans le domaine de la conciliation ont été introduites en première lecture à l'Assemblée nationale et n'ont pas fait l'objet de modifications en nouvelle lecture.

Votre commission a estimé que ces précisions étaient opportunes et a adopté l'article 1 er sans modification .

CHAPITRE II
FACILITER L'ACCÈS À LA JUSTICE

Article 2
(art. L. 123-3 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire, art. 48-1
du code de procédure pénale et art. 13 de la loi n° 91-647
du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique)
Création d'un service d'accueil unique du justiciable

L'article 2 du projet de loi tend à instituer un service d'accueil unique du justiciable (SAUJ), disposition que le Sénat avait approuvée en première lecture.

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ne comporte que des modifications ponctuelles d'ordre rédactionnel, de sorte qu'il n'appelle aucune observation de la part de votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 2 bis (supprimé) (art. 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) - Interopérabilité des réseaux privés virtuels des professions du droit

Le présent article a été introduit par l'adoption en commission d'un amendement du Gouvernement, en première lecture, à l'Assemblée nationale.

Il prévoit, en premier lieu (I et IV), que les professionnels du droit et du chiffre (huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires, avocats, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, commissaires aux comptes, experts comptables, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires) proposent à leurs clients « une relation numérique dans un format garantissant l'interopérabilité de l'ensemble des échanges ». À l'exception des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, ces professionnels devraient, pour permettre l'interopérabilité des échanges, rendre « librement accessibles les données figurant dans leurs annuaires et tables nationales ».

L'objectif de cette disposition, présentée par M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, est de permettre aux différentes professions du droit et du chiffre, qui ont d'ores et déjà mis en place des réseaux privés virtuels, de se connecter les uns aux autres 4 ( * ) .

En l'absence de définition de ce que serait cette « relation numérique », ou encore de désignation des personnes qui auraient accès aux données de ces professions (annuaires, tables nationales), votre rapporteur estime que cette mesure, de par son imprécision, serait difficilement applicable en l'état.

De plus, n'ayant pu entendre les représentants de l'ensemble des professions concernées, pour s'assurer de leur adhésion à cette nouvelle obligation et de l'existence des conditions matérielles nécessaires à sa mise en oeuvre, votre rapporteur exprime de vives réserves à l'égard de cette disposition.

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le 22 juin dernier, notre collègue Jacques Mézard avait pour sa part estimé que « dans nombre de territoires ruraux, la relation numérique [était] strictement impossible en l'état actuel » et que, dans ces conditions, cette mesure créerait « une rupture d'égalité entre les justiciables et entre les professionnels du droit » 5 ( * ) .

Cet article prévoit, en second lieu (III et IV), que les huissiers de justice, les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires, les avocats, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les commissaires aux comptes et les experts comptables pourraient recourir à la sollicitation personnalisée, notamment par voie numérique, et proposer des services en ligne. Un décret en Conseil d'État fixerait les conditions d'application de cette disposition, « notamment les adaptations nécessaires aux règles déontologiques applicables à ces professions dans le respect des principes de dignité, de loyauté, de confraternité et de délicatesse ».

Cette mesure revient sur la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui n'a ouvert la sollicitation personnalisée qu'aux avocats 6 ( * ) et sur la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui a autorisé les conseils en propriété industrielle à recourir eux aussi à la publicité et à la sollicitation personnalisée.

Bien que ce dispositif ne soit pas dénué d'intérêt, puisqu'il supprime une inégalité de traitement entre les différentes professions, une telle ouverture ne peut se faire sans une étude approfondie que le Sénat n'a pas été en mesure de mener.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le Gouvernement s'était opposé à une telle extension de l'autorisation de recourir à la publicité, considérant qu'« offrir aux officiers publics ou ministériels la possibilité de recourir à la sollicitation personnalisée comport [ait] un risque fort de fragilisation de leur statut lequel est dicté par des considérations d'intérêt public et porter [ait] inévitablement atteinte au maillage territorial. Il faut rappeler que les notaires et les huissiers de justice sont exclus expressément de la directive "services" 7 ( * ) , les commissaires-priseurs judiciaires et les greffiers des tribunaux de commerce l'étant également au regard de leurs activités participant à l'exercice de l'autorité publique » 8 ( * ) .

Pour l'ensemble de ces raisons, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-68 supprimant cet article.

Votre commission a supprimé l'article 2 bis .


* 4 Rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale par MM. Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec, n° 3726, p. 96.

* 5 Rapport de MM. Yves Détraigne, sénateur, Jean-Michel Clément, député et Jean-Yves Le Bouillonnec, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 22 juin 2016 n° 717 (2015-2016), p. 10. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l15-717/l15-7171.pdf

* 6 Article 3 bis de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

* 7 Qui impose d'autoriser certaines professions, comme la profession d'avocat, à avoir recours à la sollicitation personnalisée.

* 8 Cf. amendement n° 20 du Gouvernement, adopté en séance publique. Cet amendement est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/amendements/2013-2014/289/Amdt_20.html

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page