II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'amendement adopté en première délibération constitue une réponse qui est, d'un point de vue budgétaire, a priori bien calibré pour l'accueil de demandeurs d'asile tel que prévu dans le cadre de la relocalisation européenne .

Toutefois, votre rapporteur spécial émet d'importantes réserves :

• Tout d'abord, il est peu probable que l'accueil de demandeurs d'asile se limitera à 31 000 réfugiés supplémentaires, répartis de façon linéaire sur 24 mois , alors que la crise des migrants, qui a commencé au cours de l'été, continue aujourd'hui avec la même intensité. En outre, d'après les données de l'Ofpra, la demande d'asile a augmenté de 12 % sur les dix premiers mois de 2015 par rapport à 2014, avec une accélération ces derniers mois, avant même que la répartition européenne ne commence.

• Par ailleurs, aucun financement n'est prévu pour les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) : il s'agit pourtant de la structure la plus adaptée pour les populations réfugiées les plus fragiles et les plus traumatisées.

• Cet amendement de crédits s'ajoute à des crédits qui, comme cela a été précisé précédemment, sont sous-budgétés . Ainsi, en réalité, cet abondement permettrait, au mieux, de couvrir les sous-budgétisations (notamment sur l'allocation et sur l'hébergement d'urgence) qui seraient constatées en l'absence des réfugiés relocalisés dans le cadre européen.

• Enfin, l'amendement adopté en seconde délibération contredit l'engagement du Gouvernement . À cet égard, votre rapporteur spécial s'interroge sur la capacité du Gouvernement à « optimiser » des dépenses qui ne présentent, depuis de nombreuses années, aucune marge de manoeuvre et qui connaissent des tensions fortes en gestion, exercice après exercice.

Au-delà de ces amendements, d'autres informations obtenues au cours de la discussion du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale sont source d'inquiétude .

Tout d'abord, l'allocation pour les demandeurs d'asile sera financée par l'Ofii dans le cadre non pas d'un budget annexe, mais d'une section de son propre budget. Ainsi, l'Ofii devra financer sur son propre budget et sur sa propre trésorerie les probables sous-budgétisations de l'allocation ; elle n'en a pourtant pas les moyens, ce qui risque de rendre l'exécution 2016 de l'ADA tendue et complexe.

Ensuite, le décret relatif au barème de la nouvelle allocation pour les demandeurs d'asile a été publié le 21 octobre 2015 10 ( * ) . Le montant individuel de l'ADA sera de 6,80 euros par jour pour une personne seule, contre 11,45 euros jusqu'alors avec l'ATA. En conséquence, un demandeur d'asile seul bénéficiera d'un montant mensuel d'environ 210 euros . Votre rapporteur spécial estime que ce montant est trop faible . A titre d'exemple, en Allemagne, le montant de l'allocation aux demandeurs d'asile, qui était au minimum de 225 euros jusqu'en 2012, a été censuré par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui a estimé qu'il violait le principe constitutionnel de dignité humaine 11 ( * ) .


* 10 Décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 relatif à l'allocation pour demandeur d'asile.

* 11 Arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) du 18 juillet 2012, 1 BvL 10/10 und 2/11.

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