Rapport général n° 108 (2014-2015) de M. Antoine LEFÈVRE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2014

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 18

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Antoine LEFÈVRE

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1) Dans le projet de loi de finances pour 2015, les six programmes de la mission « Justice » sont dotés de 9,24 milliards d'euros en autorisations d'engagement ( AE ) et de 7,94 milliards d'euros en crédits de paiement ( CP ), en hausse de 21,91 % en AE et de 1,71 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

La progression des AE demandées pour 2015 correspond au renouvellement d'une majorité des marchés de gestion déléguée de l'administration pénitentiaire.

2) Hors pensions, les crédits de paiement de la mission « Justice » s'établissent à 6,376 milliards d'euros, soit un dépassement de 50 millions d'euros de l'annuité 2015 de la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 à périmètre constant.

3) L'article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit une augmentation de 1,2 % des crédits de paiement de la mission « Justice » au cours du triennal 2015-2017 , sous l'effet notamment de la poursuite des créations de postes à un rythme prévisionnel de 600 par an .

4) Il est proposé en 2015 la création de 600 emplois équivalent temps plein (ETP), dans l'administration pénitentiaire (+ 528 ETP), la protection judiciaire de la jeunesse (+ 56 ETP) et la justice judiciaire (+ 49 ETP), alors qu' a contrario des emplois seraient supprimés pour le programme soutien « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (- 33 ETP).

5) Le plafond d'emplois de la mission « Justice » demandé pour 2015 s'élève à 78 941 ETPT , en hausse de 794 ETPT par rapport à 2014 hors mesures de transfert et de périmètre.

Mais le plafond d'emplois ne sera pas atteint en 2015 : il s'agit d'un déficit structurel, l'exécution du plafond d'emplois 2013 ayant fait apparaître un écart de 1 705 ETPT avec le plafond voté par le Parlement.

6) La poursuite du transfert des extractions judiciaires au ministère de la justice a un impact, non évalué, pour les régions au titre de la formation professionnelle.

7) La mesure de la performance fait apparaître des résultats dégradés :

- les délais moyens de traitement des procédures civiles ont plutôt augmenté entre 2012 et 2013, et les prévisions actualisées pour 2014 envisagent ainsi un allongement des délais par rapport aux prévisions qui figuraient dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2014 ;

- la dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale a nettement augmenté entre 2012 et 2013 (de 312 à 338 euros, soit une hausse de plus de 8 %) ;

- l'indicateur mesurant le taux d'occupation des places en maison d'arrêt traduit une augmentation de la surpopulation carcérale : il s'établissait à 131 % en 2012 et à 134 % en 2013, la cible 2017 (133 %) ne visant qu'une très légère amélioration ;

- la dégradation des conditions de travail et l'insécurité croissante des personnels pénitentiaires se mesure par l'augmentation, entre 2012 et 2013, du nombre d'évasions (de 3,8 à 4,4 évasions pour 10 000 détenus sous garde pénitentiaire directe ou en sortie sous escorte) et du taux d'agression contre un personnel ayant entraîné une interruption temporaire de travail (de 16,7 % à 21,5 %).

8) Les comparaisons européennes ne placent la France qu'au 37 e rang sur 45 pays , au regard du critère du budget de la justice conjugué au niveau du PIB par habitant, ce qui signifie que le budget alloué à la justice est comparativement moins élevé en France que dans les autres pays européens.

9) En 2012, la France comptait moitié moins de juges professionnels que la moyenne des pays du Conseil de l'Europe et quatre fois moins de procureurs.

10) La montée en charge progressive, sur trois ans, des effectifs dans les juridictions d'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) traduit un décalage avec le surcroît immédiat de charge de travail résultant de la mise en place de la contrainte pénale par la loi du 15 août 2014 : l'application des réformes judiciaires devrait être étalée dans le temps, afin de ne pas accroître les tensions sur les personnels.

11) Le programme « Justice judiciaire » est marqué par une sous-réalisation chronique du plafond d'emplois pour les magistrats (soit un écart de 1 244 ETPT, ou 13,6 % , entre le nombre de magistrats en activité et le plafond d'emplois).

12) Les frais de justice pour 2015 (449,9 millions d'euros) sont une nouvelle fois sous-évalués , étant inférieurs de plus de 120 millions d'euros à la prévision d'exécution 2014, malgré les économies réalisées pour freiner leur augmentation.

13) Dans l'administration pénitentiaire, l'objectif de 63 500 places de prison, sur lequel se basait la programmation triennale 2013-2015, a été reporté à 2019 , ne permettant pas de mettre en oeuvre le principe d'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt.

14) Dans un contexte où la régulation budgétaire a porté en 2013 et 2014 sur les créations de places de prison, le solde annuel net moyen de créations de 762 places sur la durée du quinquennat (2013-2017) reste inférieur de plus de moitié au solde net annuel de création de places entre 2008 et 2012, lequel s'établissait à + 1 575.

15) Dans l'attente d'une réforme du financement de l'aide juridictionnelle qui pourrait intervenir en 2015, et qui devra associer l'ensemble des acteurs, le financement complémentaire par des crédits extra-budgétaires , proposé à l'article 19 du projet de loi de finances pour 2015, ne répond pas à l'objectif de modération de la pression fiscale et pénalise les détenteurs de contrats d'assurance de protection juridique.

La commission des finances du Sénat s'est prononcée pour une solution de financement pérenne et lisible, en proposant le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique .

Au 10 octobre 2014, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 100 % des réponses portant sur la mission « Justice » étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

I. UNE HAUSSE DE 1,71 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION PAR RAPPORT À 2014

A. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS DE PAIEMENT RÉSULTANT DES CRÉATIONS DE POSTES ET DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT TRADUISANT LE RENOUVELLEMENT DES MARCHÉS DE GESTION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Dans le projet de loi de finances pour 2015, les six programmes de la mission « Justice » sont dotés de 9,24 milliards d'euros en autorisations d'engagement ( AE ) et de 7,94 milliards d'euros en crédits de paiement ( CP ), en hausse de 21,91 % en AE et de 1,71 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 1 ( * ) .

La progression des AE demandées pour 2015 correspond au renouvellement d'une majorité des marchés de gestion déléguée de l'administration pénitentiaire. Ces contrats, dits multiservices, portent sur les fonctions d'intendance et de logistique 2 ( * ) . Plusieurs générations de ces contrats, conclus dans le cadre de marchés publics, se sont succédé depuis 1989, pour une durée de cinq ou six ans. Les contrats arrivant à échéance le 31 décembre 2015 doivent être renégociés et notifiés en 2015, pour une durée prévue de sept ans, en vue d'un début des prestations en janvier 2016. Les autorisations d'engagement correspondantes sont inscrites en dépenses de fonctionnement, à hauteur de 1,82 milliard d'euros, et en dépenses d'intervention, pour un montant de 105 millions d'euros.

S'agissant des CP , leur augmentation entre 2014 et 2015, à hauteur de 133 millions d'euros, se concentre sur le programme « Administration pénitentiaire » (+ 167 millions d'euros, en hausse de 5,17 %), sous l'effet des créations d'emplois (cf. infra ). Des économies sont réalisées sur le second programme le plus fortement doté de la mission, « Justice judiciaire », à hauteur de 31 millions d'euros, soit une baisse de 1,01 %.

Évolution des crédits de la mission « Justice »

(en millions d'euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exéc.
2013

LFI
2014

PLF
2015

Évol.
2014-2015
(%)

Exéc.
2013

LFI
2014

PLF
2015

Évol.
2014-2015
(%)

Justice judiciaire

2811,0

3182,2

3008,8

-5,45

3034,8

3110,4

3078,9

-1,01

Administration pénitentiaire

2813,3

2842,4

4725,1

66,24

3130,2

3229,5

3396,6

5,17

Protection judiciaire de la jeunesse

784,0

779,2

780,3

0,14

765,9

783,2

777,8

-0,69

Accès au droit et à la justice

337,8

368,0

364,5

-0,96

337,9

368,0

363,1

-1,34

Conduite et pilotage de la politique de la justice

290,6

403,9

357,4

-11,50

301,9

310,8

318,8

2,58

Conseil supérieur de la magistrature

6,6

3,8

3,6

-3,81

3,5

4,2

4,4

4,35

Total mission

7043,2

7579,4

9239,8

21,91

7574,3

7806,0

7939,4

1,71

Source : rapport annuel de performances pour 2013 et projet annuel de performances pour 2015

B. DES CRÉDITS DE PAIEMENT DÉPASSANT L'ANNUITÉ 2015 DE LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE POUR LES ANNÉES 2012-2017, ET EN LÉGÈRE PROGRESSION AU COURS DU TRIENNAL 2015-2017

1. Un dépassement de 50 millions d'euros de l'annuité 2015 dans la programmation pour les années 2012 à 2017

Conformément aux dispositions de l'article 11 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, les crédits de paiement dédiés à la mission « Justice » s'établissent à 6,32 milliards d'euros en 2015, hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Dans le présent projet de loi de finances, les crédits de paiement de la mission « Justice » s'établissent (hors pensions) à 6,376 milliards d'euros, soit un dépassement de 56 millions d'euros de l'annuité 2015 de la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 à périmètre courant, et de 50 millions d'euros à périmètre constant (soit 0,78 %), comme le montre le tableau ci-après.

Le respect de la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

(en milliards d'euros)

LFI 2013

Exécution
2013

LFI 2014

PLF 2015

LPFP 2012- 2017
(format LFI 2013)

6,195

6,301

6,32

LFI ou exécution
(format LFI 2013 )

6,203

6,136

6,27

LFI ou PLF
(format PLF 2015 )

6,276

6,376

Différentiel
LFI 2014-LPFP

- 0,031

dont changements de périmètre

0

Différentiel
PLF 2015-LPFP
à périmètre courant

0,056

dont changements de périmètre

0,006

Différentiel
PLF 2015-LPFP
à périmètre constant

0,05

Sources : projets annuels de performance pour 2014 et 2015, rapport annuel de performances pour 2013 et réponses aux questionnaires budgétaires

2. Des crédits de paiement en augmentation de 1,2 % par rapport à 2014 au cours du triennal 2015-2017

L'article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, en cours d'examen par le Parlement, prévoit une augmentation de 1,2 % par rapport à 2014 des crédits de paiement de la mission « Justice » au cours du triennal 2015-2017 , sous l'effet notamment de la poursuite des créations de postes à un rythme prévisionnel de 600 par an.

Les crédits de paiement s'établiraient ainsi à 6,353 milliards d'euros en 2017, en hausse de 77 millions d'euros par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2014 (6,276 milliards d'euros au format du projet de loi de finances pour 2015). Les annuités 2015 et 2016 s'établissent respectivement à 6,376 milliards d'euros et 6,319 milliards d'euros, l'annuité 2015 correspondant au montant des crédits de paiement inscrits dans le présent projet de loi de finances.

Comparaison des crédits prévus en loi de programmation et des crédits réellement octroyés à la mission

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Comme le fait apparaître le tableau ci-après, la mission « Justice » fait partie des missions retraçant des politiques prioritaires au sein du budget général de l'État, dont les crédits augmentent au cours du prochain budget triennal.

Programmation triennale 2014 - 2017 des crédits de paiement des missions du budget général de l'État (hors remboursements et dégrèvements, charge de la dette, et contributions au CAS « Pensions »)

(en milliards d'euros)

Missions

LPFP 2014-2019

LPFP 2012-2017

LFI 2014 format 2015

2015

2016

2017

Évolution 2014-2017

Évolution 2012-2015

Action extérieure de l'État

2,84

2,82

2,96

2,75

-3,17%

0,7%

Administration générale et territoriale de l'État

2,17

2,17

1,93

2,16

-0,46%

-12,2%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,93

2,68

2,54

2,51

-14,33%

-15,9%

Aide publique au développement

2,87

2,79

2,73

2,66

-7,32%

-7,0%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2,89

2,74

2,63

2,51

-13,15%

-9,3%

Conseil et contrôle de l'État

0,49

0,5

0,5

0,51

4,08%

4,2%

Culture

2,39

2,39

2,38

2,39

0,00%

-7,5%

Défense

29,6

29,1

29,62

30,15

1,86%

-0,7%

Direction de l'action du Gouvernement

1,14

1,18

1,17

1,18

3,51%

-1,8%

Écologie, développement et mobilité durables

7,06

6,65

6,59

6,56

-7,08%

-11,4%

Économie

1,63

1,55

1,53

1,5

-7,98%

-4,4%

Égalité des territoires et logement

13,11

13,21

13,32

13,16

0,38%

-5,7%

Engagements financiers de l'État

1

0,9

0,86

0,7

-30,00%

-14,8%

Enseignement scolaire

46,3

47,43

47,68

48,05

3,78%

2,6%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

8,7

8,55

8,37

8,19

-5,86%

-4,7%

Immigration, asile et intégration

0,65

0,67

0,67

0,67

3,08%

8,5%

Justice

6,28

6,38

6,32

6,35

1,23%

5,0%

Médias, livre et industries culturelles

0,81

0,71

0,63

0,55

- 32,10 %

- 31,2 %

Outre-mer

2,01

2,02

2,07

2,11

4,98%

12,6%

Politique des territoires

0,81

0,75

0,72

0,67

-17,28%

-11,8%

Pouvoirs publics

0,99

0,99

0,99

0,99

0,00%

-1,0%

Recherche et enseignement supérieur

25,73

25,7

25,75

25,81

0,31%

2,9%

Régimes sociaux et de retraite

6,51

6,41

6,4

6,4

-1,69%

7,4%

Santé

1,17

1,2

1,22

1,23

5,13%

-7,8%

Sécurités

12,15

12,17

12,21

12,21

0,49%

8,4%

Solidarité, insertion et égalité des chances

15,38

15,55

15,8

16

4,03%

9,7%

Sport, jeunesse et vie associative

0,45

0,43

0,48

0,52

15,56 %

14,3%

Travail et emploi

11,41

11,07

10,53

9,84

-13,76%

-2,1%

Pour mémoire , Provisions

0,04

0,02

0,02

0,02

-50,00%

N.D.

Pour mémoire , Relations avec les collectivités territoriales

2,68

2,68

2,68

2,68

0,00%

1,2%

Total

209,47

208,7

208,6

208,3

-0,54%

-5,5%

Note de lecture : les valeurs en gras sont les maxima et minima des colonnes (hors lignes « pour mémoire » et totaux). Toutes les missions sont appréciées hors charge de la dette, y compris la mission « Engagements financiers de l'État ».

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire du rapporteur général)

II. MALGRÉ LA CRÉATION DE 600 POSTES EN 2015, LE PLAFOND D'EMPLOIS NE SERA UNE NOUVELLE FOIS PAS ATTEINT

A. LA CRÉATION DE 600 POSTES POUR LA MISSION « JUSTICE » EN 2015, DONT 528 DANS L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

1. La priorité accordée à l'administration pénitentiaire

La mission « Justice » fait partie des missions prioritaires en termes d'emplois : il est proposé en 2015 la création de 600 emplois équivalent temps plein ( ETP ), dans l'administration pénitentiaire (+ 528 ETP), la protection judiciaire de la jeunesse (+ 56 ETP) et la justice judiciaire (+ 49 ETP), alors qu' a contrario des emplois seraient supprimés pour le programme soutien « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (- 33 ETP).

Schéma d'emplois des programmes de la mission « Justice »

(en ETP)

Justice judiciaire

49

Administration pénitentiaire

528

Protection judiciaire de la jeunesse

56

Conduite et pilotage de la politique de la justice

-33

Conseil supérieur de la magistrature

0

Total mission « Justice »

600

Source : projet annuel de performances

Les 528 créations d'emplois de l'administration pénitentiaire visent à assurer l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires (128 ETP), à poursuivre la mise en oeuvre de la loi relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales (300 ETP) et à combler les postes vacants de personnel de surveillance en établissement (100 ETP).

2. La création de 1 670 postes pour l'ensemble des programmes du ministère de la justice entre 2013 et 2015

Pour l'ensemble des programmes de la mission « Justice », compte tenu des 35 créations de postes proposées pour le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État », le plafond d'emplois du ministère de la justice augmente de 635 ETP dans le présent projet de loi de finances .

Après les créations de postes à hauteur de 480 ETP dans la loi de finances initiale pour 2013 et 555 ETP dans la loi de finances initiale pour 2014, l'augmentation du nombre de postes du ministère de la justice s'élèverait ainsi à 1 670 ETP entre 2013 et 2015 .

B. LE PLAFOND D'EMPLOIS 2015 (78 941 ETPT) DEVRAIT, UNE NOUVELLE FOIS, NE PAS ÊTRE ATTEINT : LES CRÉATIONS DE POSTES RELÈVENT-ELLES D'UNE LOGIQUE D'AFFICHAGE ?

1. Un plafond d'emplois 2015 en hausse de 990 ETPT...

Exprimé en emplois équivalent temps plein travaillés (ETPT), le plafond d'emplois de la mission « Justice » demandé pour 2015 s'élève à 78 941 ETPT , en hausse de 990 ETPT par rapport à 2014 du fait de mesures de transfert et de périmètre (+ 194 ETPT) et du schéma d'emplois (traduisant l'impact des recrutements prévus en 2015 ainsi que l'extension en année pleine des créations d'emplois de l'année 2014) à hauteur de 794 ETPT.

Évolution du plafond d'emplois de la mission

(en ETPT)

Plafond autorisé pour 2014

Mesures de transfert et de périmètre

Schéma d'emplois

Plafond demandé pour 2015

Justice judiciaire

31640

-19

20

31641

Administration pénitentiaire

35812

212

734

36758

Protection judiciaire de la jeunesse

8507

0

60

8567

Conduite et pilotage de la politique de la justice

1970

3

-20

1953

Conseil supérieur de la magistrature

22

0

0

22

Total mission « Justice »

77951

196

794

78941

Source : projet annuel de performances

Deux programmes concentrent la part la plus importante des emplois de la mission : « Administration pénitentiaire » (36 758 ETPT, soit 46,6 % du plafond d'emplois de la mission) et « Justice judiciaire » (31 641 ETPT, soit 40,1 % du plafond d'emplois de la mission).

2. ... mais qui reste théorique au regard de la sous-exécution croissante du plafond d'emplois

Au regard du niveau des dotations en masse salariale (cf. infra ), le plafond d'emplois ne sera toutefois manifestement pas davantage atteint en 2015 qu'en 2013 : le plafond d'emplois 2013 n'a ainsi été exécuté qu'à hauteur de 76 356 ETPT, soit un écart de 1 705 ETPT avec le plafond d'emplois voté par le Parlement (78 061 ETPT) 3 ( * ) . Cet écart s'avère en outre grandissant, puisqu'il a atteint 351 ETPT en 2010, 948 ETPT en 2011 et 1 366 ETPT en 2012, posant la question de la sincérité de la prévision du plafond d'emplois .

Créer des emplois sans procéder aux recrutements sur les postes déjà ouverts ni ouvrir les crédits nécessaires, apparaît ainsi comme relevant d'une logique d'affichage , sans qu'il ne soit possible, à ce stade de l'exécution budgétaire, d'apprécier si les augmentations du plafond d'emplois depuis deux ans se traduiront effectivement par un renforcement à due concurrence des effectifs du ministère de la justice.

3. La poursuite du transfert des extractions judiciaires au ministère de la justice : un impact non évalué pour les régions s'agissant de la formation professionnelle

S'agissant des mesures de transfert et de périmètre, la principale évolution concerne la poursuite du transfert de la mission des extractions judiciaires du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice , qui doit s'échelonner sur la période 2015 à 2019, et est retracé sur le programme « Administration pénitentiaire ». En 2015, le transfert portera sur les régions Alsace, Aquitaine et Nord - Pas-de-Calais pour un effectif de 212 ETPT.

Les réponses au questionnaire budgétaire indiquent par ailleurs que l'évaluation du transfert de la formation professionnelle des personnes détenues reste à effectuer : selon le ministère de la justice, « à ce stade, aucun transfert de crédits n'a été effectué au titre de la compétence en matière de formation professionnelle des personnes détenues transférée aux régions au 1 er janvier 2015. L'expertise des crédits à transférer aux régions est en cours et se fera en gestion. Le transfert concernera essentiellement les crédits gérés par la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle. La loi prévoit que la compétence « formation professionnelle » intégrée dans les marchés de gestion déléguée soit conservée par l'administration pénitentiaire jusqu'à l'expiration des marchés ». Si le calendrier des marchés de gestion déléguée (cf. supra ) doit effectivement être pris en compte, il est regrettable que les transferts de crédits s'effectuent ainsi « au fil de l'eau », sans possibilité d'anticipation pour les régions, ajoutant encore au manque de visibilité sur les transferts de compétences de l'État aux collectivités territoriales .

C. UNE PROGRESSION DE 2,4 % DE LA MASSE SALARIALE, SOUS L'EFFET D'UN IMPACT DES MESURES SALARIALES PRATIQUEMENT ÉQUIVALENT À CELUI DES CRÉATIONS DE POSTES

Hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », la masse salariale des programmes de la mission « Justice » s'élève à 3,29 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, en augmentation de 78,9 millions d'euros (+ 2,4 %) par rapport au solde d'exécution 2014 retraitée.

Évolution de la masse salariale

(en millions d'euros)

Solde d'exécution 2014 retraitée

Impact schémas d'emplois 2014 et 2015

Mesures catégorielles

Mesures générales

GVT solde

Divers

Total

Justice judiciaire

1469,9

-3

5,2

2,6

1,8

2,1

1478,5

Administration pénitentiaire

1314,2

20,7

13,2

2,9

9

19

1379,1

Protection judiciaire de la jeunesse

318,5

3,5

0,5

0,3

0,1

0,7

323,5

Conduite et pilotage de la politique de la justice

101

-0,1

0,1

0,2

0,1

0

101,4

Conseil supérieur de la magistrature

2,2

0

0

0

0

0

2,2

Total mission « Justice »

3205,8

21,1

19

6

11

21,8

3284,7

Source : projet annuel de performances

La progression de la masse salariale ne s'explique que partiellement par les créations de postes dans le cadre des schémas d'emplois (+ 21,1 millions d'euros), les mesures catégorielles constituant un facteur presque aussi important de hausse (+ 19,9 millions d'euros).

L'impact du glissement vieillesse technicité est globalement limité (+ 11 millions d'euros), à l'exception notable du programme « Administration pénitentiaire » (+ 9 millions d'euros).

III. MESURE DE LA PERFORMANCE : L'INDICE DE TENSIONS AIGUËS DANS LES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA JUSTICE

Les résultats obtenus en matière de performance témoignent de conditions de travail dégradées : les créations de postes ne suffisent pas à combler le surcroît d'activités résultant non seulement d'une conjoncture économique peu favorable 4 ( * ) , mais aussi de l'accroissement des charges pesant sur les personnels du fait des réformes adoptées depuis deux ans et demi, sans que les moyens humains correspondants ne soient alloués .

L'évolution des résultats des indicateurs de mission ont tout particulièrement retenu l'attention de votre rapporteur spécial dans l'établissement de ce constat.

A. DES DÉLAIS DE TRAITEMENT QUI ONT EU TENDANCE À S'ALLONGER EN 2013, ENTRAÎNANT UNE DÉGRADATION DES PRÉVISIONS POUR 2014

Pour la justice judiciaire, les délais moyens de traitement des procédures civiles 5 ( * ) (hors procédures courtes, comme les référés et les procédures d'urgence) ont plutôt augmenté entre 2012 et 2013 : de 0,1 mois devant la Cour de cassation (pour atteindre 15,2 mois) à 0,6 mois devant les conseils de prud'hommes (réalisation 2013 : 13,7 mois) et 0,7 mois devant les tribunaux de commerce (réalisation 2013 : 8,8 mois). Ces délais sont restés stables devant les tribunaux de grande instance (10,5 mois) et les cours d'appel (12,6 mois), et n'ont diminué que devant les tribunaux d'instance (de 0,2 mois, pour atteindre 6,4 mois).

Compte tenu de ces résultats contrastés, les prévisions actualisées pour 2014 envisagent un allongement des délais par rapport aux prévisions qui figuraient dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2014, et sont pratiquement identiques à l'exécution 2013 : devant la Cour de cassation, le délai moyen de traitement augmenterait ainsi de 0,1 mois (à 15,3 mois, en recul toutefois de 0,2 mois par rapport à la prévision du PAP 2014), tandis qu'il baisserait de 0,1 mois devant les cours d'appel et les tribunaux d'instance pour s'établir, respectivement, à 12,5 et 10,4 mois (et en hausse de 1,1 et 3,3 mois par rapport à la prévision du PAP 2014).

Les prévisions 2015 sont également très proches de celles pour 2014 et de l'exécution 2013. En d'autres termes, le Gouvernement n'espère pas de réelle réduction des délais de traitement des procédures. Les cibles pour 2017 prévoient en revanche une diminution de ces délais, mais qui restent relativement modestes (comprises entre 0,5 et 0,8 mois pour les cours d'appel, les tribunaux de grande instance, les tribunaux d'instance, les conseils de prud'hommes et les tribunaux de commerce, et même une très légère hausse, de 0,1 mois, pour la Cour de cassation, pour laquelle le PAP reconnaît que la gestion des dossiers est à « flux tendu »).

Toujours selon le PAP, les cours d'appel ne peuvent, quant à elles, « traiter tous les flux entrants », et les tribunaux de grande instance ont atteint, en 2013, « le plus bas niveau » de traitement des affaires « des cinq dernières années », ce qui est qualifié de « signe inquiétant ».

Votre rapporteur spécial déplore par ailleurs les conséquences qu'une telle situation fait encourir non seulement sur les délais de traitement, mais aussi sur la qualité des jugements , dans un contexte bel et bien dégradé car, faute d'une hausse des effectifs à due concurrence de celle des affaires, les magistrats du siège et du parquet doivent traiter un nombre croissant de dossiers.

Parmi les autres objectifs et indicateurs du programme « Justice judiciaire », si les taux d'alternatives aux poursuites sont globalement en hausse (indicateur 2.1 : 43,9 % en exécution 2013, contre 43,6 % en 2012), la dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale a en revanche nettement augmenté entre 2012 et 2013 (de 312 à 338 euros, soit une hausse de plus de 8 % ; indicateur 3.1).

L'absence de données chiffrées pour le taux de mise à exécution des peines et le délai moyen d'exécution des peines - dans l'attente de la mise en place d'un outil statistique approprié - pose problème , car il s'agit d'indicateurs pertinents pour mesurer l'efficacité de la réponse pénale. À cet égard, il n'est pas satisfaisant que disparaisse l'indicateur relatif au taux de réponse pénale , qui était pourtant l'un des indicateurs les plus représentatifs de la mission.

B. UNE SURPOPULATION CARCÉRALE TOUJOURS PLUS IMPORTANTE, ALORS QUE L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE PLACES RÉELLES DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES MARQUE LE PAS DEPUIS DEUX ANS

Si le nombre de places réelles dans les établissements pénitentiaires a augmenté de 19,9 % entre 2003 et 2014 pour atteindre 57 516 le 1 er janvier 2014, la progression a été très faible entre 2012 et 2014 : + 280 places, soit une hausse de seulement 0,5 %, et en tout état de cause hors d'atteinte de l'objectif de 63 500 places qui figurait dans le budget triennal 2013-2015 . Compte tenu de l'augmentation du nombre de personnes écrouées (67 075 le 1 er janvier 2014, en hausse de 0,8 % sur un an et de 3,5 % sur deux ans), le taux d'occupation, qui avait globalement diminué entre 2003 (115,5 %) et 2012 (113,2 %), est reparti à la hausse (116,6 % le 1 er janvier 2014) .

L'indicateur de mission 2.1, qui mesure le taux d'occupation des places en maison d'arrêt, rend compte de l'augmentation de la surpopulation carcérale : il s'établissait à 131 % en 2012 et à 134 % en 2013, et la prévision actualisée pour 2014 reste à ce niveau, tandis que la cible 2017 (133 %) ne vise qu'une très légère amélioration.

De même, le nombre de détenus par cellule continue d'augmenter : de 1,35 en 2012 à 1,36 en 2013 et 1,37 dans la prévision actualisée pour 2014 (alors que le PAP 2014 prévoyait 1,31). Dans ce contexte, il y a lieu de s'interroger sur l'optimisme qui sous-tend la prévision 2015 (1,31) et la cible 2017 (1,30).

La dégradation des conditions de travail et l'insécurité croissante des personnels pénitentiaires se mesure également par l'augmentation, entre 2012 et 2013, du nombre d'évasions (de 3,8 à 4,4 évasions pour 10 000 détenus sous garde pénitentiaire directe ou en sortie sous escorte) et du taux d'agression contre un personnel ayant entraîné une interruption temporaire de travail (de 16,7 % à 21,5 %).

En revanche, les résultats sont satisfaisants en ce qui concerne les aménagements de peine , dont le développement permet de favoriser la réinsertion des personnes condamnées : selon l'indicateur de mission 1.1 associé au programme « Administration pénitentiaire », 22 % des personnes placées sous écrou et condamnées ont bénéficié d'un aménagement de peine (qu'il s'agisse d'un placement sous surveillance électronique 6 ( * ) , ou d'un placement extérieur ou en semi-liberté), en nette hausse par rapport à 2012 (20 %).

C. LA NON-RÉCIDIVE DES JEUNES PRIS EN CHARGE PAR LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE : DES RÉSULTATS STABLES

S'agissant du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » (PJJ), selon les dernières données disponibles, relatives à l'année 2012, 86 % des jeunes de moins de 17 ans n'ont ni récidivé, ni réitéré dans l'année qui a suivi la clôture d'une mesure pénale, après avoir été pris en charge dans les services de la PJJ.

Si ce taux est relativement élevé, il gagnerait à être affiné en mesurant également l'absence de récidive dans des délais supérieurs à un an.

Par ailleurs, les prévisions 2014 et 2015 et la cible pour 2017 s'établissent toutes trois à 85 %, soit en-deçà des résultats atteints en 2012 : les cibles à atteindre devraient au contraire viser des objectifs plus élevés que ceux déjà obtenus - ce qui plaide également pour la mise en place de sous-indicateurs visant des délais de sortie supérieurs à un an, afin de mesurer plus finement la qualité de la réponse apportée par les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

Enfin, une enquête a été réalisée par la Cour des comptes à la demande de la commission des finances sur la protection judiciaire de la jeunesse , en application de l'article 58-2° de la LOLF. Son examen figurera à l'ordre du jour des travaux de la commission des finances dès le début de l'année 2015, et permettra de faire le point sur les réformes envisagées en ce domaine par le ministère de la justice.

IV. DES MOYENS QUI NE RÉPONDENT PAS AUX AMBITIONS AFFICHÉES, ALORS QUE LA FRANCE RESTE EN RETARD EN EUROPE

A. UN RETARD PAR RAPPORT AUX AUTRES PAYS EUROPÉENS QUI RESTE À COMBLER

Tous les deux ans, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice ( CEPEJ ) du Conseil de l'Europe 7 ( * ) publie une étude comparative des systèmes judiciaires des pays européens . La dernière étude, rendue publique le 9 octobre 2014, se fonde sur les dernières données disponibles à l'échelle européenne, relatives à l'année 2012 8 ( * ) .

La France se situe, une nouvelle fois, en fin de classement : 37 e sur 45 pays, au regard du critère du budget de la justice rapporté à la population du pays (61,2 euros par habitant et par an) et de la richesse mesurée par le produit intérieur brut (PIB) par habitant. Par rapport aux années antérieures, si la France ne progresse que faiblement dans ce classement (elle était 37 e , mais sur seulement 43 pays, en 2010), le rapport observe toutefois la tendance à l'augmentation des dépenses publiques de justice dans notre pays entre 2004 et 2012.

Ce classement ne doit pas être interprété de manière erronée. Il ne signifie pas que les dépenses consacrées à la justice en France seraient, dans l'absolu, plus faibles que dans les pays moins riches du Sud et de l'Est de l'Europe. Ce classement montre en réalité que le budget alloué à la justice est comparativement moins élevé en France que dans les autres pays européens, compte tenu du niveau de PIB par habitant .

Par rapport aux autres pays européens, le budget par habitant alloué à la justice est ainsi plus faible en France (61,2 euros) qu'en Allemagne (114 euros), en Angleterre et au Pays de Galles (96 euros), en Belgique (89 euros) et en Italie (77 euros). Il est pratiquement équivalent au budget du Portugal (58 euros), et près du double de celui de l'Espagne (32 euros) et de la Russie (32 euros).

Les effectifs constituent un des points faibles du système judiciaire français : la France ne comptait, en 2012, que 10,7 juges professionnels pour 100 000 habitants, soit moitié moins que la moyenne des pays du Conseil de l'Europe (21). S'agissant des procureurs, la proportion est même quatre fois inférieure à la moyenne européenne (2,9 pour 100 000 habitants, contre 11,8). Une conséquence en est la surcharge des procureurs : en première instance, chaque procureur a reçu en France, en 2012, 2 759 dossiers, en hausse de 8,3 % sur deux ans, soit trois fois plus qu'en Allemagne (876 dossiers par procureur).

Le système d'aide judiciaire en France, dont la question du financement reste ouverte 9 ( * ) , mesure l'accès au droit des plus pauvres. Ce dispositif n'apparaît pas non plus particulièrement développé dans notre pays : le budget annuel de l'aide judiciaire en France ne s'élevait qu'à 5,6 euros par habitant en 2012, à comparer avec les niveaux par habitant constatés en Angleterre et au pays de Galles (41,6 euros) et en Norvège (53,6 euros). L'Allemagne se situait, toutefois, à un niveau encore inférieur (4,3 euros par habitant et par an).

Les données comparatives au sein de l'Union européenne corroborent ainsi le constat établi dans l'analyse de la performance (cf. supra ) : des tensions aiguës pèsent sur le système judiciaire français, et celles-ci se sont accentuées sous l'effet des réformes conduites depuis 2012, faute d'allocation des moyens nécessaires.

B. DES MOYENS QUI NE SUIVENT PAS ET EXIGENT UNE MEILLEURE ADÉQUATION DU CALENDRIER DES RÉFORMES : L'EXEMPLE DE LA CONTRAINTE PÉNALE

Dans un contexte déjà particulièrement tendu pour l'administration de la justice, dont rendent compte l'allongement des délais de jugement et les charges croissantes pesant sur les procureurs, les nouvelles mesures mises en oeuvre depuis deux ans et demi exigent des moyens humains et financiers supplémentaires qui, en pratique, ne sont pas à la hauteur des enjeux affichés, au regard des crédits inscrits dans le présent projet de loi de finances.

Votre rapporteur spécial s'en tiendra au seul exemple de la contrainte pénale.

La loi du 15 août 2014 10 ( * ) a mis en place cette nouvelle peine qui soumet le condamné à un ensemble d'obligations et d'interdictions (comme se rendre dans certains lieux ou rencontrer certaines personnes) et donne lieu à un accompagnement médical et d'insertion professionnelle spécifique pendant six mois à cinq ans. La contrainte pénale est l'une des mesures alternatives à la prison, lorsqu'ont été commis des délits pour lesquels la peine d'emprisonnement est inférieure ou égale à cinq ans. Il est prévu que la contrainte pénale soit applicable à l'ensemble des délits après 2017.

La mise en oeuvre de la loi du 15 août 2014 demande un renforcement des effectifs dans les juridictions d'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Mais si la moitié des créations de postes prévus en 2015 pour la mission « Justice » (soit 300 ETP) concerne les SPIP, en vue du recrutement de 1 000 conseillers de probation sur trois ans, la contrainte pénale s'applique dès à présent et fait peser immédiatement une charge supplémentaire sur les SPIP. Par ailleurs, à l'issue du prochain budget triennal, la contrainte pénale doit être généralisée et exigera donc des moyens supplémentaires, alors même que les effectifs nécessaires à la mise en oeuvre des mesures adoptées en août dernier viendront seulement d'être pourvus.

Un tel décalage entre les ambitions affichées et les moyens financiers et humains alloués demande une amélioration des études d'impact , alors que le Conseil d'État avait déploré l'insuffisance de l'étude d'impact de la loi du 15 août 2014.

Il convient également d' adopter un rythme plus progressif de mise en oeuvre des réformes , afin que le calendrier d'application coïncide avec la mise à disposition des moyens requis, au risque sinon de dégrader la qualité du service public de la justice, dans un contexte économique et social qui soumet déjà les personnels à des tensions croissantes.

DEUXIÈME PARTIE : PRÉSENTATION DES PROGRAMMES DE LA MISSION

I. LE PROGRAMME « JUSTICE JUDICIAIRE » : UN PLAFOND D'EMPLOIS DURABLEMENT SOUS-EXÉCUTÉ POUR LES MAGISTRATS

A. LA PRÉDOMINANCE DE LA JUSTICE PÉNALE PARMI LES CRÉDITS DU PROGRAMME

Les différentes juridictions de l'ordre judiciaire relèvent du programme « Justice judiciaire », qui retrace également les moyens alloués au casier judiciaire national et à l'École nationale des greffes (ENG). Par ailleurs, l'École nationale de la magistrature (ENM) est un opérateur rattaché à ce programme.

+ 87,4 millions d'euros*

* Crédits en provenance (+) ou en direction (-) des missions :

- « Justice » :

-  programme « Accès au droit et à la justice » : - 34,1 millions d'euros ;

- programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » : + 121 millions d'euros ;

- « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » :

-  programme « Entretien des bâtiments de l'État » : + 0,5 million d'euros.

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

L'action 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » est la plus fortement dotée du programme (après reventilation des crédits provenant des actions soutien, formation et support) : elle regroupe 52 % des crédits de paiement du programme.

B. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN 2015 QUI ANTICIPE UNE NOUVELLE SOUS-RÉALISATION DU PLAFOND D'EMPLOIS DES MAGISTRATS

Les crédits de paiement du programme s'établissent à 3,079 milliards d'euros dans le présent projet de loi de finances, en diminution de 31,5 millions d'euros (- 1,02 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

Cette diminution est imputable à l'évolution des dépenses de personnel de titre 2 qui représentent 69,4 % des crédits de paiement de la mission. Elles s'établissent à 2,137 milliards d'euros en 2015, en baisse de 24,9 millions d'euros (- 1,15 %) par rapport à 2014.

Les créations de postes (+ 49 ETP) se traduisent paradoxalement par un impact négatif du schéma d'emplois sur l'évolution de la masse salariale (- 3 millions d'euros). Dans les réponses au questionnaire budgétaire, le ministère de la justice explique cette situation par le décalage entre les dates d'entrées et de sorties, ainsi que par le repyramidage des emplois au profit des agents de catégorie B et C. Cette dernière explication surprend, dans la mesure où le schéma d'emplois 2015 se fonde sur la création de 64 postes de magistrats et de 30 postes de greffiers, parallèlement à la suppression de 45 postes de personnels administratifs et techniques de catégorie C.

En réalité, un certain nombre de facteurs rendent les comparaisons entre 2014 et 2015 peu lisibles : d'une part, et pour une incidence marginale, les transferts d'emplois (- 0,7 million d'euros), d'autre part, et plus fondamentalement, une sous-réalisation chronique du plafond d'emplois , examinée ci-dessus à l'échelle de la mission, notamment en ce qui concerne les magistrats : le nombre de magistrats en activité est estimé à 8 023 postes et 7 930 ETPT en 2014, pour un plafond d'emplois de 9 174 ETPT, soit une sous-réalisation du plafond d'emplois de 1 244 ETPT (13,6 %). Il y a donc bien un repyramidage réduisant la part des personnels de catégorie A, mais du fait d'une sous-exécution du plafond d'emplois, et non des effets des schémas d'emplois.

La baisse des crédits de paiement de titre 2 semble ainsi anticiper une nouvelle fois une sous-réalisation du plafond d'emplois, alors même que les comparaisons européennes (cf. supra ) font apparaître que la France est mal dotée en procureurs et juges professionnels.

Sous ces réserves, les évolutions du plafond d'emplois traduisent les priorités du programme, étant en partie compensées par des redéploiements à la faveur, notamment, de la dématérialisation accrue des procédures.

Les redéploiements d'emplois proviennent des gains permis par le déploiement de CASSIOPEE (- 15 emplois) 11 ( * ) , le déploiement du portail CHORUS Formulaire dédié aux frais de justice (- 15 emplois), et une réduction des effectifs en administration centrale (- 15 emplois). Il convient toutefois d'observer que l'utilisation de CASSIOPEE n'a pas, à ce stade, procuré d'économies significatives ; au contraire , comme le précise la présentation stratégique du projet annuel de performances, « le récent déploiement de CASSIOPEE ne permet pas encore à ce stade une visibilité claire sur le volume d'affaires traitées et a en outre conduit à des ralentissements temporaires des délais de traitement ».

Les créations d'emplois portent notamment sur la réforme du statut des greffiers (+ 22 postes de greffiers), la poursuite de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées (8 magistrats), la mise en oeuvre des nouvelles dispositions en matière pénale (9 magistrats et 8 greffiers), ainsi que des réformes relatives à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines (40 magistrats), le renforcement du parquet national anti-fraude (1 magistrat) et le soutien à l'activité juridictionnelle générale (6 magistrats).

C. DES FRAIS DE JUSTICE NETTEMENT SOUS-ÉVALUÉS

Les frais de justice , dont les crédits sont éclatés entre quatre actions du programme, s'élèvent à 449,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement dans le présent projet de loi de finances, en baisse de 1,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

S'il n'a pas été nécessaire d'ouvrir des crédits au titre des frais de justice dans le cadre du décret d'avance de fin de gestion 2013, à la différence de l'année précédente où 46,1 millions d'euros avaient été ouverts par le décret d'avance du 30 novembre 2012, des tensions demeurent importantes sur la gestion des frais de justice , comme en témoigne la très nette augmentation des restes à payer : la prévision pour fin 2014 s'établit à 378 millions d'euros, en hausse de 65,3 millions d'euros par rapport aux restes à payer de l'année 2013.

S'agissant de l'exécution 2014 , le ministère de la justice estime les besoins annuels à 570,1 millions d'euros, supérieurs de 148 millions d'euros à la dotation inscrite en loi de finances initiale. Le dépassement reste élevé (117 millions d'euros) même après levée de la réserve de précaution.

Pour l'année 2015, des économies sont certes attendues au titre des frais de justice. Lors de son audition par votre rapporteur spécial, Jean-François Beynel, directeur des services judiciaires, a ainsi détaillé les économies ainsi escomptées, dont les montants 12 ( * ) sont toutefois loin de compenser la dynamique spontanée des frais de justice 13 ( * ) , et encore moins un écart de plus de 120 millions d'euros entre la dotation pour 2015 et l'exécution prévisionnelle pour 2014.

Les frais de justice apparaissent ainsi, une nouvelle fois, fortement sous-évalués dans le projet de loi de finances pour 2015.

II. LE PROGRAMME « ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE » : UNE PRIORITÉ RÉELLE, MAIS UN RYTHME DE CONSTRUCTION DE PLACES RALENTI PAR RAPPORT À LA PÉRIODE 2008-2012

A. UNE NETTE AUGMENTATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT (+ 5,2 %) SOUS L'EFFET DES CRÉATIONS DE POSTES ET DU RENOUVELLEMENT DES MARCHÉS

Le programme « Administration pénitentiaire » retrace les moyens relatifs à l'exécution des décisions de justice en matière pénale, tant en milieu ouvert qu'en milieu fermé, ainsi qu'à la réinsertion sociale des détenus.

Il est formé de trois actions, retraçant respectivement les crédits de personnel et d'équipement pour la garde et le contrôle des personnes placées sous main de justice (2,38 milliards d'euros, soit 67,5 % des crédits du programme après reventilation), les actions d'accueil et d'accompagnement (restauration, hôtellerie...) et les actions de soutien et de formation.

Les crédits de paiement du programme s'élèvent à 3,40 milliards d'euros dans le présent projet de loi de finances, en hausse de 5,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, dont 2,12 milliards d'euros au titre des dépenses de personnel (+ 5 %). Cette augmentation traduit la priorité accordée à l'administration pénitentiaire dans les créations de postes de la mission « Justice ». Elle a été examinée ci-dessus, dans le cadre de la présentation générale de la mission.

Les autorisations d'engagement du programme atteignent 4,73 milliards d'euros en 2015, en très nette augmentation (+ 66,2 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Comme analysé ci-dessus dans l'examen des crédits de la mission, cette hausse des autorisations d'engagement correspond au renouvellement des marchés de gestion déléguée des établissements pénitentiaires.

Répartition par action des crédits de paiement du programme

(en millions d'euros)

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

B. L'ENCELLULEMENT INDIVIDUEL DANS LES MAISONS D'ARRÊT : UN OBJECTIF HORS D'ATTEINTE COMPTE TENU D'UN RYTHME DE CONSTRUCTION QUI RESTE RALENTI PAR RAPPORT À LA PÉRIODE 2008-2012

Lors des débats en séance publique à l'Assemblée nationale le 28 octobre 2014, le Gouvernement a présenté un amendement prévoyant de différer de novembre 2014 à décembre 2017 l'application du principe d'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt. L'échéance de novembre 2014 avait été fixée par la loi pénitentiaire de 2009 14 ( * ) . Face aux protestations exprimées sur différents bancs, cet amendement a été retiré en vue de la poursuite des travaux avec le Parlement sur cette question.

Comme le montre l'analyse de la performance du programme (cf. supra ), le taux d'occupation des places en maison d'arrêt (qui s'établit à 134 %, en hausse de 10 points par rapport à 2011) témoigne que l'objectif de parvenir à l'encellulement individuel est très loin d'être atteint , dans un contexte où, par ailleurs, les indicateurs relatifs à l'insécurité dans les prisons se dégradent.

Pour y remédier, le Gouvernement entend accélérer le programme de construction de places de prison dit « 13 200 ».

Les principales opérations immobilières sont conduites par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ). Elles s'élèvent à 272,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 210,2 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2015, en nette hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 (0,7 million d'euros en AE et 208,6 millions d'euros en CP).

Le solde net des constructions et des fermetures de places devrait ainsi s'établir à + 1 808 places en 2015, après les performances médiocres de 2014 (+ 470 places) et 2013 (+ 458 places). Les principales opérations entre 2014 et 2016 sont détaillées dans le tableau ci-après.

En 2016 et 2017, le solde de créations de places devrait s'établir à + 214 et + 859. Si cet effort est appréciable, il correspond à un solde annuel net moyen de créations de 762 places sur la durée du quinquennat (2013-2017), inférieur de plus de moitié au solde net annuel de création de places entre 2008 et 2012, lequel s'établissait à + 1 575.

Au demeurant, pour que les objectifs fixés soient atteints au cours de la période 2013-2017, il conviendrait que la régulation budgétaire ne s'opère plus au détriment de ces opérations d'investissement, comme cela a été le cas en 2013 et 2014 .

En effet, en 2013 la consommation des AE et des CP de titre 5 du programme « Administration pénitentiaire » s'est établie à 190,6 millions d'euros et 303,7 millions d'euros, inférieure aux crédits ouverts en loi de finances initiale à hauteur de 37,8 % en AE et 17,7 % en CP . En gestion 2014 , deux annulations de crédits sont d'ores et déjà intervenues, à hauteur de 25 millions d'euros en AE et en CP.

En tout état de cause, l'objectif de 63 500 places , sur lequel se basait la programmation triennale 2013-2015, a été reporté à 2019 : à cette date, 40 316 places auraient ainsi été construites après 1990 (dont 13 364 places entre 2007 et 2019) et 12 182 places auraient été fermées depuis 1990.

Les mises en service de places de détention programmées (2014-2016)

Établissement (opération)

Nombre de places

2014

Centre pénitentiaire d'Orléans-Saran (ouverture)

768

Centre pour peines aménagées de Nouméa (ouverture)

80

Quartier nouveau concept de Longuenesse

90

Maison d'arrêt de Majicavo (phase 1 de l'extension)

69

Quartier de semi-liberté de Toulon-la Valette (ouverture)

40

2015

Maison centrale de Vendin-le-Viel (ouverture)

238

Maison d'arrêt de Majicavo (phase 2 de l'extension)

92

Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis
(restructuration des bâtiments centraux)

108

Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis
(ouverture de la tripale D4)

605

Centre pénitentiaire de Beauvais

594

Centre pénitentiaire de Valence

456

Centre pénitentiaire de Ducos (extension)

160

Quartier de semi-liberté de Bois d'Arcy

60

Quartier de semi-liberté de Nanterre

90

2016

Centre pénitentiaire de Riom (ouverture)

554

Centre de semi-liberté de Saint-Martin Boulogne (ouverture)

n. c.

n.c : données non communiquées

Source : ministère de la justice

III. LE PROGRAMME « PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE » : UN BUDGET SOUS TENSION MAIS MAÎTRISÉ

A. UN BUDGET EN BAISSE, EN DÉPIT DES CRÉATIONS D'EMPLOIS : UNE GESTION TENDUE SUR LES DÉPENSES HORS PERSONNEL

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » retrace les crédits relatifs à la justice des mineurs, tant en ce qui concerne les mineurs délinquants que les mineurs en danger, au sein du double réseau de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse : le secteur public, constitué de 220 établissements et services relevant directement du ministère de la justice, et le secteur associatif habilité (SAH), formé de 1 095 établissements et services habilités et contrôlés par le ministère de la justice.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, les autorisations d'engagement du programme s'établissent à 780,3 millions d'euros, en légère hausse (+ 0,1 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

Les crédits de paiement proposés s'élèvent à 777,8 millions d'euros, en baisse de 0,7 % par rapport à 2014 : cette évolution combine une hausse des dépenses de titre 2 (+ 1,1 %), sous l'effet de la création de 56 postes, et une nette réduction des autres dépenses (fonctionnement, investissement et intervention) de 3,2 %, ce qui crée de réelles contraintes en gestion, comme l'a souligné Catherine Sultan, directrice de la PJJ, lors de son audition par votre rapporteur spécial, notamment dans les rapports avec le SAH.

B. LE SECTEUR ASSOCIATIF HABILITÉ : LA POURSUITE DES EFFORTS D'ÉCONOMIES ET DE RATIONALISATION

Les dépenses hors titre 2 s'établissent ainsi à 317,5 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse de 10,3 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

La part la plus importante de ces dépenses est constituée par les dotations au secteur associatif habilité (SAH). Les crédits correspondants, inscrits en dépenses de fonctionnement, s'élèvent à 225,4 millions d'euros, en baisse de 8,9 millions d'euros par rapport à 2014. Ils couvrent l'ensemble des charges qui pèsent sur le SAH (y compris les dépenses de personnel et d'investissement).

La baisse des dotations au SAH s'est inscrite dans le cadre d'économies sur leurs dépenses de fonctionnement et une baisse du prix de facturation des prestations par le ministère de la justice, la recherche de complémentarités entre les secteurs public et associatif et un recentrage sur les missions de protection judiciaire - alors que les établissements relevant du SAH menaient également des actions relevant de l'aide sociale de droit commun. En outre, avant la mise en oeuvre de la LOLF, ces crédits étaient évaluatifs, ce qui avait eu des conséquences inflationnistes sur les dépenses.

Les dépenses effectives au profit du SAH ont ainsi diminué de plus de 15 % entre 2008 et 2013 , passant de 277,3 millions d'euros à 234,7 millions d'euros, mais ont été pratiquement stables entre 2012 et 2013 (+ 1,8 million d'euros).

Évolution des crédits consacrés au SAH

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Loi de finances initiale

307,0

277,4

254,2

240,0

242,0

249,8

234,3

225,4

Dépenses exécutées

277,3

258,1

244,7

242

232,9

234,7

Source : ministère de la justice

Par ailleurs, le paiement du secteur associatif habilité souffrait de retards de paiement : les arriérés avaient ainsi atteint 35 millions d'euros en 2012. Un abondement budgétaire exceptionnel de 10 millions d'euros en 2013 a permis de ramener le montant des arriérés à moins de 20 millions d'euros depuis 2014, correspondant au délai normal de paiement des factures réglées en fin d'exercice.

IV. LE PROGRAMME « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE » : LA QUESTION NON RÉSOLUE DU FINANCEMENT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

A. UN PROGRAMME CONSTITUÉ À HAUTEUR DE 92 % DES CRÉDITS DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

Doté de 364,5 millions d'euros en AE et 363,1 millions d'euros en CP dans le présent projet de loi de finances (en baisse de 1 % en AE et de 1,3 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2014), le programme « Accès au droit et à la justice » retrace, à hauteur de plus de 92 %, les crédits de l'aide juridictionnelle, qui bénéficie aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice.

Les deux autres actions du programme portent sur :

- le développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité, à travers l'action des conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), qui coordonnent les activités des maisons de la justice et du droit (MJD) et des points d'accès au droit (PAD) ;

- la politique d'aide aux victimes , dont les crédits (16,85 millions d'euros en AE et en CP) progressent très nettement dans le présent projet de loi de finances ( + 21,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014), suite à l'ouverture des bureaux d'aide aux victimes dans le cadre de l'article 26 de la loi du 15 août 2014 15 ( * ) .

B. LA NÉCESSITÉ DE FINANCEMENTS PÉRENNES DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE, FACE À L'INSUFFISANCE DES SEULS CRÉDITS BUDGÉTAIRES

Les crédits de l' aide juridictionnelle inscrits au programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice » s'élèvent à 336,3 millions d'euros en AE et en CP, en recul de 2,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, alors qu'il s'agit d'une dépense dynamique Au regard de ces différents facteurs, la dépense apparaît dynamique puisque, selon les dernières données disponibles, la dépense effective a augmenté de 310,40 millions d'euros en 2010 à 367,17 millions d'euros en 2012, représentant une hausse de 18,3 % en deux ans .

Évolution des dépenses au titre de l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Dépense sur crédits budgétaires inscrits en LFI*

306,76

299,93

309,65

344,40

292,91

318,12

345,4

336,3

Rétablissements

de crédits

0,28

8,49

11,55

6,70

4,42

nd

nd

nd

Produit de la contribution pour l'aide juridique

0

0

0

0

54 ,40

60

0

0

Évolution de la trésorerie

des CARPA 16 ( * ) entre les fins d'année N et N - 1

- 8,50

- 8,27

10,80

19,50

- 15,45

nd

nd

Dépense effective

315,54

316,70

310,40

331,6

367,17

nd

nd

nd

* Pour 2015, crédits inscrits dans le projet de loi de finances
n. d : données non disponibles

Source : ministère de la justice

Cependant, l'article 19 du présent projet de loi de finances, examiné dans le tome II du rapport général, prévoit un abondement de ces crédits, à hauteur de 43 millions d'euros, par des ressources extra-budgétaires, portant le montant des crédits alloués en 2015 au financement de l'aide juridictionnelle à 379 millions d'euros. Sans ces ressources, le financement de l'aide juridictionnelle sur les seuls crédits budgétaires serait donc nettement insuffisant. Dans ce contexte, il est regrettable que le financement de l'allocation aux mineurs licenciés suite aux grèves de 1948 et 1952 , à hauteur de 700 000 euros 17 ( * ) , soit assuré par une diminution à due concurrence des crédits alloués à l'aide juridictionnelle .

Les ressources fiscales proposées à l'article 19 se répartissent entre une augmentation de 2,6 points du taux de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance de protection juridique (rendement annuel attendu : 25 millions d'euros), une réévaluation de 40,6 % (correspondant à la compensation de l'inflation) du droit fixe de procédure en matière pénale (7 millions d'euros) et une revalorisation de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice de 22 %, également pour prendre en compte l'inflation (11 millions d'euros).

Lors des auditions qu'il a conduites, non seulement avec Éric Lucas, secrétaire général du ministère de la justice et responsable du programme, mais aussi avec les syndicats d'avocats et les représentants des autres professions (huissiers de justice, assureurs), votre rapporteur spécial a pris note d'une triple problématique : le dynamisme des dépenses d'aide juridictionnelle , la nécessaire revalorisation de la rémunération des avocats pratiquant l'aide juridictionnelle , et l'attente d'une réforme plus en profondeur de son financement, envisagée en 2015, laquelle devra être menée en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés . Cette année, une telle concertation n'a manifestement pas eu lieu avec les représentants des assureurs.

Par ailleurs, l'attention de votre rapporteur spécial a été appelée sur le fait que seules les personnes pouvant justifier d'une absence de ressources ont accès à l'aide juridictionnelle, ce qui pose des difficultés pour celles qui ne peuvent pas faire état d'un domicile ou d'une inscription à Pôle Emploi

Dans ce contexte d'incertitudes sur le financement de l'aide juridictionnelle, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement à l'article 19 du projet de loi de finances pour 2015 pour revoir le mode de financement de l'aide juridictionnelle par des crédits extra-budgétaires .

Augmenter la fiscalité, comme le propose le Gouvernement à l'article 19 du présent projet de loi de finances, n'est pas conforme à ses engagements. En particulier, parmi les hausses fiscales proposées, taxer les contrats d'assurance de protection juridique va à l'encontre de l'objectif de maîtrise des dépenses d'aide juridictionnelle . En effet, les titulaires de ces contrats ne peuvent pas prétendre à l'aide juridictionnelle. Les contrats de protection juridique tendent à ainsi à couvrir en priorité les classes populaires et les classes moyennes, sur lesquelles porterait ainsi, de manière injuste, la charge la plus importante du financement de l'aide juridictionnelle par des ressources extra-budgétaires.

En lieu et place de cet ensemble de taxes, la commission des finances du Sénat a ainsi proposé, dans un souci de lisibilité et de simplicité et pour répondre à un besoin de financement pérenne, de rétablir la contribution pour l'aide juridique , qui était en vigueur entre octobre 2011 et fin 2013. La contribution pour l'aide juridique prenait la forme d'un droit de timbre à la charge de chaque justiciable qui intente une procédure en matière civile et administrative. Les publics les plus fragiles - comme les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle - seraient exclus du paiement de cette contribution, afin de garantir leur accès à la justice.

Au regard du besoin de financement sur des crédits extra-budgétaires à hauteur de 43 millions d'euros, le montant de la contribution pour l'aide juridique s'établirait ainsi à 25 euros, soit un niveau inférieur de 10 euros à celui qui était appliqué entre 2011 et 2013.

V. LE PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE » À L'HEURE DE LA MISE EN oeUVRE DE L'OPÉRATION « CHANCELLERIE 2015 »

A. UNE AUGMENTATION DE 2,6 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN 2015 : LA TRADUCTION DE LA MISE EN oeUVRE DU PLAN « CHANCELLERIE 2015 »

Le programme « Conduite et pilotage des politiques de la justice » regroupe les crédits relevant des fonctions d'état-major (action n° 1) et de soutien de la politique de la justice : crédits des services participant à l'action normative (action n° 2) 18 ( * ) ; évaluation, contrôle, études et recherches (action n° 3) 19 ( * ) ; gestion de l'administration centrale et plates-formes interrégionales de services (action n° 4) ; informatique (action n° 9) ; action sociale du ministère (action n° 10).

La gestion de l'administration centrale et les dépenses informatiques sont les deux actions les plus fortement dotées du programme, représentant respectivement 37,2 % et 35,7 % des crédits de paiement du programme avant ventilation, comme le détaille le tableau ci-après.

Les autorisations d'engagement du programme s'élèvent à 357,4 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances, en baisse de 11,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 (403,9 millions d'euros).

Les crédits de paiement proposés pour 2015 atteignent 318,8 millions d'euros, en hausse de 2,6 % par rapport à 2014, malgré la diminution des dépenses de personnel (131,4 millions d'euros, en baisse de 1,5 %) sous l'effet d'un schéma d'emplois négatif (- 33 ETP) . Cette augmentation correspond au calendrier de mise en oeuvre de l'opération « Chancellerie 2015 » qui vise au regroupement des services d'administration centrale sur un nombre de sites plus réduit et se traduit, dans l'immédiat, par des frais supplémentaires (déménagement, maintenance, mobilier et entretien), avant que les mutualisations et les rationalisations n'engendrent des économies à plus long terme.

Répartition par action des crédits de paiement du programme

* - 121 millions d'euros vers le programme « Justice judiciaire »

- 129,5 millions d'euros vers le programme « Administration pénitentiaire »

- 30 millions d'euros vers le programme « Protection judiciaire de la jeunesse »

- 1,6 million d'euros vers le programme « Accès au droit et à la justice »

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

B. LE DÉBUT DU DÉMÉNAGEMENT DES SERVICES D'ADMINISTRATION CENTRALE EN SEPTEMBRE 2015

L'administration centrale du ministère de la justice est actuellement répartie à Paris sur sept sites principaux.

L'opération « Chancellerie 2015 » vise ainsi à un regroupement des directions et services sur un nombre plus réduit de sites, en vue de diminuer le coût des charges immobilières, tout en conservant notamment le site historique de la place Vendôme et celui de Thoréton, qui abrite l'inspection générale des services judiciaires, dont le bail en cours n'expirera qu'en 2018.

Au terme d'une consultation menée avec l'appui de France Domaine, le choix d'un nouveau site s'est porté sur l'immeuble le Millénaire 3, sis 35 rue de la gare dans le 19 e arrondissement de Paris, qui occupe une surface de 32 241 m². L'opération a été engagée dès fin 2011, suite à un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2011 ayant permis l'ouverture de 233 millions d'euros en autorisations d'engagement. Des crédits complémentaires ont été ouverts en janvier 2014, à hauteur de 76,6 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Le chantier a démarré le 1 er février 2013. L'installation des services de soutien pour la mise en place des moyens et matériels logistiques est prévue entre avril et septembre 2015, en vue d'un déménagement des services de l'administration centrale entre septembre 2015 et mai 2016 .

VI. LE PROGRAMME « CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE » : L'IMPACT BUDGÉTAIRE DU DÉMÉNAGEMENT DU SIÈGE

A. UN PROGRAMME SPÉCIFIQUE, POUR GARANTIR L'AUTONOMIE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

Afin de conforter l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en évitant notamment que la mise en oeuvre de la « fongibilité asymétrique » des crédits ne s'exerce à son détriment au sein du programme « Justice judiciaire », les crédits du CSM font l'objet d'un programme spécifique depuis la loi de finances pour 2012.

Les crédits du programme s'élèvent à 3,65 millions d'euros en AE et 4,37 millions d'euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2015, en baisse de 3,8 % en AE et de 4,4 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

Ces évolutions traduisent principalement le transfert du siège du CSM, comme détaillé ci-après.

B. LE DÉMÉNAGEMENT DU SIÈGE : UNE ÉCONOMIE SUR LES LOYERS

Le siège du Conseil supérieur de la magistrature avait été transféré, à compter du 1 er mai 2011, du 15 quai Branly, où il était installé depuis 1953, dans des locaux dépendant des services du Premier ministre au 20 avenue de Ségur.

Le 1 er juin 2013, le CSM a de nouveau transféré son siège, pour s'installer à l'hôtel Moreau-Lequeu, 21 boulevard Haussmann.

Le bail a été signé pour une durée de cinq ans, le CSM devant, dans le courant de l'année 2018, s'installer alors dans une des parties des locaux laissés vacants par le tribunal de grande instance de Paris.

Le locataire précédent de l'hôtel Moreau-Lequeu avait, en pratique, quitté les locaux depuis plusieurs mois, tout en étant tenu par le paiement de plus de deux ans de bail. Il a ainsi accepté de verser 940 000 euros au titre de mesures d'accompagnement. Le CSM a donc pu occuper le nouveau site en bénéficiant de la somme de 940 000 euros, qui lui a été versée en sept paiements trimestriels de 134 285,72 euros chacun à compter du 1 er juin 2013.

Par cette opération, le CSM a pu réduire les crédits liés au paiement de son loyer en 2013, 2014 et 2015, la participation du preneur précédent au paiement du loyer prenant fin au cours du premier semestre de l'année 2015 et entraînant une augmentation des crédits de paiement en 2015 par rapport à 2014.

Alors que le montant du loyer s'établit à 940 000 euros en 2016 et 964 000 euros en 2017 (hors charges locatives et privatives indexées), il ne s'élève qu'à 135 000 euros en 2013, 252 000 euros en 2014 et 706 000 euros en 2015, soit une économie cumulée de 1,5 million d'euros au titre des loyers dus par le CSM sur la période 2013-2015 .

TROISIÈME PARTIE : EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 56 (Art. 1635 bis P du code général des impôts, article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009) - Augmentation du droit de timbre en appel

Commentaire : le présent article vise à augmenter le montant du droit de timbre dû en appel, ainsi qu'à en allonger la durée de perception, afin de financer les indemnités dues aux avoués dont l'office a été supprimé.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UNE INDEMNISATION DE LA SUPPRESSION DE L'OFFICE DES AVOUÉS

Dans le cadre de la réforme de la représentation devant les cours d'appel, il n'est plus obligatoire, depuis le 1 er janvier 2011, de recourir à un avoué pour faire appel d'un jugement . Auparavant, pour les procédures avec représentation obligatoire les avoués avaient le monopole de la postulation et de la plaidoirie en appel, tandis que les avocats exerçaient ce monopole en première instance.

La fusion ainsi opérée entre les professions d'avocats et d'avoués s'inscrivait dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive européenne 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services (et à leur libre circulation) dans le marché intérieur. Elle répondait aussi à une volonté de simplification des démarches pour le justiciable en permettant à l'avocat qui avait plaidé en première instance de plaider à nouveau en appel, ainsi qu'à un objectif de diminution du coût des procès .

Les avoués ont été indemnisés pour la perte de la charge qu'ils avaient acquise , et qu'ils ne pouvaient plus céder, par un fonds spécifique géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) : le Fonds d'indemnisation de la profession d'avoués (FIDA), créé par la loi du 25 janvier 2011 20 ( * ) .

Pour garantir le financement de l'indemnisation des avoués, l'article 54 de la loi de finance rectificative du 30 décembre 2009 21 ( * ) a institué un droit de timbre de 150 euros, dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel .

Codifié à l'article 1635 bis P du code général des impôts, le droit de timbre n'est pas exigé par les personnes éligibles à l'aide juridictionnelle. Il est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client, soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique.

Conformément aux dispositions de l'article 54 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009, le droit de timbre devait s'appliquer aux appels interjetés à compter du 1 er janvier 2011 (date repoussée au 1 er janvier 2012 compte tenu des retards dans la création du FIDA) et jusqu'au 31 décembre 2018. La perception du droit de timbre a ensuite été prolongée à deux reprises, jusqu'au 31 décembre 2020 par l'article 131 de la loi de finances initiale pour 2012 22 ( * ) , puis jusqu'au 31 décembre 2023 par l'article 91 de la loi de finances initiale pour 2013 23 ( * ) .

B. UN FINANCEMENT ASSURÉ PAR UN MÉCANISME D'AVANCE

En raison du décalage entre le versement des indemnisations aux avoués et la perception de la recette liée au droit de timbre, la CDC, chargée de la gestion du FIDA, a mis en place une avance de 142 millions d'euros en 2011, suivie d'une deuxième avance de 140 millions d'euros début 2012, puis d'une troisième de 115 millions d'euros à la fin de l'été 2012, soit un montant cumulé de prêts accordés à hauteur de 397 millions d'euros.

Ces trois versements doivent être remboursés par le FIDA selon un échéancier aménagé jusqu'en 2023, pour un montant total de 471,8 millions d'euros (y compris les intérêts).

Le FIDA a procédé à de premiers remboursements à hauteur de 50,8 millions d'euros, dont 30,3 millions d'euros en 2013, soit un solde restant à payer de 421 millions d'euros sur la période 2014-2023.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Ainsi que le précise l'évaluation préalable du présent article, « le FIDA est confronté à la perspective d'un important déséquilibre financier à compter de fin 2014 et pour les années suivantes compte tenu d'un montant d'indemnisations plus élevé qu'initialement prévu et d'un produit du droit de timbre moindre qu'attendu .

« Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit l'introduction d'un financement budgétaire du FIDA à hauteur de 18 millions d'euros en 2015 puis 15 millions d'euros en 2016-2017 complété par la présente proposition de majoration du droit de timbre pour contribuer à sécuriser sa trajectoire financière. La marge supplémentaire de recettes doit être prise en compte dans l' objectif de 50 millions d'euros de recettes supplémentaires » 24 ( * ) .

Pour couvrir ce besoin de financement supplémentaire, le présent article vise à augmenter le montant du droit de timbre de 150 euros à 225 euros , pour les appels interjetés à compter du 1 er janvier 2015, et à allonger de trois années supplémentaires (jusqu'au 31 décembre 2026) sa durée de perception .

Cette augmentation du droit de timbre engendrerait des recettes supplémentaires de 10,6 millions d'euros en 2015 , puis de 11,5 millions d'euros par an en 2016 et en 2017 . Le montant total des ressources au titre du droit de timbre s'élèverait à 34,6 millions d'euros par an, sur la base d'un volume de 155 174 affaires.

Pour l'exercice 2015, cette recette supplémentaire est minorée de l'effet de retard sur les recettes du FIDA : en effet, une hausse du droit de timbre à 225 euros au 1 er janvier 2015 ne produira des recettes supplémentaires pour le fonds qu'à compter de février 2015, compte tenu du délai de versement sur le compte qu'il détient à la CDC.

*

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article tire les conséquences de la sous-évaluation, dès l'origine, du dispositif d'indemnisation des avoués , ainsi que d'un rendement du droit de timbre inférieur aux prévisions .

S'agissant du montant des indemnisations , comme l'a observé notre ancien collègue Patrice Gélard dans un rapport d'information au nom de la commission des lois 25 ( * ) , la commission d'indemnisation des avoués a présenté une offre à 235 offices d'avoués : 220 offres ont été acceptées, 13 ont été contestées devant le juge de l'expropriation et 2 sont restées sans réponse. Le montant des indemnités ainsi versées s'est élevé à 292 millions d'euros. S'agissant de l'indemnisation des avoués seulement titulaires de parts en industrie, sur 72 offres formulées par la commission d'indemnisation, 67 ont été acceptée, une a été contestée et 4 n'ont pas reçu de réponse, soit 12,2 millions d'euros versés.

Les 25 recours formulés ont conduit le juge de l'expropriation à partiellement faire droit aux demandes des anciens avoués, pour des montants individuels s'élevant en centaines de milliers d'euros, ce qui conduit donc à renchérir le montant des indemnisations, au-delà du montant actuellement prévu de 471,8 millions d'euros dans l'évaluation préalable de l'article (cf. supra ) 26 ( * ) .

En ce qui concerne le rendement du droit de timbre , celui-ci ne s'est établi qu'à 23 millions d'euros par an en 2013, contre la prévision initiale d'un rendement annuel de 41 millions d'euros. L'augmentation du droit de timbre de 150 à 225 euros, en portant la prévision de recettes à 34,6 millions d'euros par an, ne compense donc que partiellement le moindre rendement constaté par rapport aux prévisions.

La hausse du droit de timbre contredit l'objectif du Gouvernement de ne pas augmenter la pression fiscale.

L'indemnisation des avoués représente cependant une dépense obligatoire, suite à la perte de leur office. Il vous est donc proposé d'adopter le présent article, qui tire les conséquences d'une sous-évaluation des dépenses et d'une surévaluation des recettes.

Le présent article apporte en outre une solution équilibrée entre l'augmentation du droit de timbre et l'allongement de la durée de perception : maintenir le droit de timbre à son niveau actuel aurait entraîné le prolongement de sa perception au moins jusqu'en 2031, tout en engendrant d'importants frais financiers supplémentaires (à hauteur de 34,9 millions d'euros par rapport au droit existant et de 21,9 millions d'euros par rapport au dispositif proposé) ; ne pas allonger la durée de perception aurait entraîné un quasi-doublement du montant du droit de timbre (de 150 à 280 euros), freinant ainsi fortement l'accès à la justice des moins fortunés, alors que le montant significativement élevé de ce droit de timbre constitue d'ores et déjà un frein à l'accès à la justice.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 56 bis (nouveau) (Art. 30 de la loi n° 2007?291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale) - Report de l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction

Commentaire : le présent article vise à différer de deux années supplémentaires l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 30 de la loi du 5 mars 2007 renforçant l'équilibre de la procédure pénale 27 ( * ) a prévu l'institution d'une collégialité systématique de l'instruction : dans toutes les informations judiciaires et pour les principaux actes de l'instruction, le juge d'instruction doit ainsi être remplacé par un collège de l'instruction, composé de trois juges.

L'entrée en vigueur de la réforme a été reportée à trois reprises, par la loi de simplification et de clarification du droit du 12 mai 2009 28 ( * ) , par l'article 163 de la loi de finances pour 2011 29 ( * ) , puis par l'article 129 de la loi de finances pour 2014 30 ( * ) .

La collégialité de l'instruction devait entrer en vigueur le 1 er janvier 2015 .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Adopté sur l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, cet article vise à reporter de deux années supplémentaires (au 1 er janvier 2017) l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 30 de la loi du 5 mars 2007 relatives à la collégialité de l'instruction.

Ce nouveau délai intervient dans l'attente de l'inscription à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale du projet de loi, déposé par le Gouvernement le 24 juillet 2013, relatif à la collégialité de l'instruction. Ce projet de loi ne prévoit une collégialité de l'instruction qu'à la demande des parties ou des magistrats, lorsque ces derniers l'estimeront nécessaire, et celle-ci ne porterait que sur les phases les plus importantes de l'instruction.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La collégialité de l'instruction est un « serpent de mer » des réformes de la justice, dont le principe a été voté à quatre reprises, en 1985, 1987 et 1993 et 2007, afin de mieux garantir les droits des justiciables et de permettre une approche contradictoire de l'instruction.

Ce principe n'a cependant pu être mis en oeuvre faute de moyens suffisants , puisque la collégialité systématique de l'instruction exigerait la création d'environ 300 postes de magistrats.

Dans ce contexte, et dans l'attente du débat parlementaire sur le projet de loi déposé par le Gouvernement, il vous est proposé d'adopter le présent article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 56 ter (nouveau) (Art. 70 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles) - Report de l'entrée en vigueur de la suppression des juridictions de proximité

Commentaire : le présent article vise reporter de deux années supplémentaires l'entrée en vigueur de la suppression des juridictions de proximité.

I. LE DROIT EXISTANT

La juridiction de proximité a été créée par la loi d'orientation et de programmation sur la justice du 9 septembre 2002 31 ( * ) .

Recrutés en principe parmi les non-magistrats, les juges de proximité sont des praticiens du droit devant avoir exercé une profession judiciaire pendant au moins quatre ans. Nommés pour une période de sept ans non renouvelable, ils sont compétents, en matière pénale, pour les contraventions des quatre premières classes (hors contraventions de presse et contraventions de cinquième classe relevant de la compétence du tribunal de police) et peuvent siéger comme assesseurs au sein des formations collégiales des tribunaux correctionnels. En matière civile, ils sont compétents :

- en dernier ressort, pour des litiges sur des actions personnelles et mobilières (dans la limite d'un montant de 4 000 euros, à l'exception des affaires de crédit à la consommation et se rapportant aux baux d'habitation) pour les litiges relatifs à la restitution d'un dépôt de garantie et pour les procédures d'injonction de payer et d'injonction (pour les litiges dont l'enjeu est inférieur à 4 000 euros) ;

- en premier ressort, pour les actions qui ont pour origine l'exécution d'une obligation de moins de 4 000 euros.

La loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles 32 ( * ) avait prévu la suppression des juridictions de proximité à compter du 1 er janvier 2013 , avant un premier report au 1 er janvier 2015 en application des dispositions de la loi du 24 décembre 2012 relative aux juridictions de proximité 33 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Adopté sur l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, cet article vise à reporter de deux années supplémentaires (au 1 er janvier 2017 ) l'entrée en vigueur de la suppression des juridictions de proximité .

Ce report intervient dans l'attente de la discussion d'une réforme de la justice civile, suivant les orientations présentées en conseil des ministres le 10 septembre dernier, et qui prévoit une nouvelle organisation des compétences des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance, ainsi qu'un transfert des compétences induit par la suppression des juges de proximité.

Un projet de loi doit ainsi être déposé, selon le Gouvernement, d'ici la fin du premier semestre de l'année 2015.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La création de la justice de proximité a répondu à la nécessité de créer un nouvel échelon pour faciliter le traitement de litiges relativement simples et portant sur de faibles montants. Mais, en pratique, de nombreux juges de proximité siègent à présent dans les tribunaux correctionnels, et pas dans les tribunaux d'instance.

Leur suppression devra être appréciée à l'aune de la réforme proposée l'an prochain.

Dans l'attente de ce débat, votre rapporteur spécial est favorable au présent article tendant à reporter de deux années supplémentaires la suppression des juridictions de proximité.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 56 quater (nouveau)

Reconnaissance du caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et 1952 et versement d'une allocation forfaitaire

Commentaire : le présent article tend, d'une part, à reconnaître le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et 1952 et, d'autre part, à leur verser, ainsi qu'à leurs ayant-droit, une allocation forfaitaire.

I. LE DROIT EXISTANT

La grève des mineurs engagée le 4 octobre 1948 a conduit à une répression par le Gouvernement qui fit appel à l'armée, entraînant des milliers de blessés et des dizaines de morts, à l'issue d'un mouvement social de deux mois. Plusieurs centaines de mineurs furent condamnés et emprisonnés, tandis que 3 000 mineurs grévistes furent licenciés dans les houillères du Nord et du Pas-de-Calais où avait commencé le mouvement de grève.

D'autres faits de grève dans les mines ont conduit à de nouveaux licenciements en 1952.

La loi d'amnistie du 4 août 1981 a porté notamment sur les peines prononcées à l'encontre des mineurs grévistes de 1948 et 1952.

L'article 12 de la loi du 2 janvier 1984 portant diverses dispositions d'ordre social a permis la prise en compte, pour la détermination des droits à pension et invalidité des mineurs, des périodes de chômage involontaire constatées entre la date de leur licenciement et celle à laquelle ils ont repris une activité.

L'article 107 de la loi de finances pour 2005 a permis aux mineurs grévistes licenciés en 1948 et 1952 de bénéficier de mêmes prestations de chauffage et de logement que les autres mineurs.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Adopté sur l'initiative du Gouvernement, avec l'avis défavorable de notre collègue député Étienne Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, cet article reconnaît explicitement le caractère discriminatoire et abusif des licenciements suites aux grèves de 1948 et 1952 34 ( * ) , et prévoit le versement d'une allocation forfaitaire pour les mineurs ou leurs ayant-droit, ainsi qu'une allocation spécifique pour leurs enfants (afin de compenser le fait qu'ils n'ont pas pu bénéficier des bourses des mines à la différence des autres enfants de mineurs), dans les conditions suivantes :

« Une allocation forfaitaire de 30 000 euros est versée à chacun des mineurs licenciés pour faits de grève en 1948 et 1952.

« En cas de décès de l'intéressé l'allocation forfaitaire est versée au conjoint survivant. Lorsque l'intéressé a contracté plusieurs mariages l'allocation est répartie entre le conjoint survivant et le ou les précédents conjoints.

« Si l'un des conjoints ou ex-conjoints est décédé, l'allocation à laquelle il aurait pu prétendre est répartie en parts égales entre les enfants nés de son union avec l'intéressé.

« Une allocation spécifique de 5 000 euros est par ailleurs versée aux enfants de ces mineurs.

« La liquidation et le versement de l'allocation forfaitaire et de l'allocation spécifique sont assurés par l'Agence nationale de garantie des droits des mineurs ».

Par ailleurs, « pour le calcul des prestations de chauffage et de logement en espèces », le présent article prévoit que « les bénéficiaires peuvent faire valoir auprès de l'Agence nationale de garantie des droits des mineurs tout élément permettant de justifier une reconstitution de carrière qui pourraient conduire à un calcul plus favorable de ces prestations ».

Cet article rétablit dans leurs distinctions et leur grade militaire les mineurs qui en ont été privés.

Enfin, le dernier alinéa prévoit que « les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accordent aux grèves des mineurs de 1948 et 1952 la place conséquente qu'elles méritent. Une mission composée par les ministères en charge de la culture et de l'éducation nationale proposera au Gouvernement des actions de commémoration adaptées ».

Cet amendement représente un coût estimé à 700 000 euros en 2015 pour l'Agence nationale de garantie des droits des mineurs, gagé par une diminution à due concurrence des crédits d'aide juridictionnelle figurant au programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice ».

Le Gouvernement a identifié trente-et-un mineurs qui bénéficieraient de l'allocation forfaitaire prévue au présent article.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article met fin au contentieux qui avait été engagé par dix-sept mineurs et employés de la société publique Charbonnages de France . En mars 2011, la Cour d'appel de Versailles avait reconnu le caractère discriminatoire et abusif des licenciements, qu'elle avait donc annulés, et avait condamné Charbonnage de France et l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs à verser 30 000 euros à chacun des plaignants, soit un montant équivalent à celui prévue par le présent article. En octobre 2012, cette décision avait été cassée par la Cour de cassation.

Votre rapporteur spécial est favorable à cet article, dans la mesure où il répond à une situation spécifique et permet de clore un contentieux ancien. Il trouve sa place en loi de finances s'agissant de l'institution d'une allocation forfaitaire.

Si le coût pour les finances publiques est limité, il est cependant regrettable que cette dépense s'impute sur les crédits d'aide juridictionnelle dont bénéficient les plus pauvres de nos concitoyens.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération , l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Justice » et l'article 56 rattaché.

Par ailleurs, elle a adopté les articles rattachés 56 bis , 56 ter et 56 quater , examinés dans la troisième partie du présent rapport.

En seconde délibération , sur l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement minorant de 40 695 036 euros les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) de la mission « Justice ».

D'une part, cet amendement a tiré les conséquences de l'adoption de l'article 56 quater en diminuant de 700 000 euros les AE et les CP du programme « Accès au droit et à la justice » pour financer l'allocation de reconnaissance aux mineurs licenciés en 1948 et non réintégrés.

D'autre part, afin de garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État, suite aux votes intervenus en première délibération à l'Assemblée nationale et qui tendent à une augmentation des dépenses de l'État de 779 millions d'euros en AE et en CP, l'amendement a procédé à une minoration des crédits des ministères, hors dépenses de personnel et dépenses sociales dites de guichet. Pour la mission « Justice », cette minoration de crédits s'élève à 39 995 036 euros en AE et en CP, et se répartit de la manière suivante entre les programmes de la mission :

- 9 850 000 euros sur le programme « Justice judiciaire » ;

- 19 620 000 euros sur le programme « Administration pénitentiaire » ;

- 3 100 000 euros sur le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » ;

- 4 700 000 euros sur le programme « Accès au droit et à la justice » ;

- 2 700 000 euros sur le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ;

- 25 036 euros sur le programme « Conseil supérieur de la magistrature ».

Pour les programmes « Justice judiciaire », « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse », ces diminutions traduisent, selon l'exposé des motifs de l'amendement, « l'actualisation des estimations concernant le rythme de réalisation des investissements immobiliers judiciaires, ainsi que des économies sur les dépenses de fonctionnement courant ».

En l'absence d'opérations majeures d'investissement pour les programmes « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature », les minorations de crédits portent sur les seules dépenses de fonctionnement de ces programmes.

S'agissant de l'aide juridictionnelle, qui constitue la majeure partie des dépenses du programme « Accès au droit et à la justice », l'argument selon lequel la minoration des crédits serait rendue possible par l' « optimisation de la gestion financière du dispositif » soulève des interrogations : doit-on comprendre que la gestion de l'aide juridictionnelle est coûteuse et qu'il existe des marges de manoeuvre au regard des besoins de financement ? Par ailleurs, cette minoration aggrave le risque de sous-budgétisation, souligné dans la deuxième partie du présent rapport, des dépenses d'aide juridictionnelle.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial, sur la mission « Justice » (et articles 56 à 56 quater ).

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - Les six programmes de la mission « Justice » sont dotés de 9,24 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 7,94 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse respectivement de 21,91 % et de 1,71 % par rapport à 2014. La progression des autorisations d'engagement demandées pour 2015 correspond au renouvellement d'une majorité des marchés de gestion déléguée de l'administration pénitentiaire.

L'article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit une augmentation de 1,2 % des crédits de paiement de cette mission en 2015-2017 par rapport à 2014, sous l'effet notamment de la création de 600 postes par an. Les emplois créés en 2015 se répartiront entre l'administration pénitentiaire (528 ETP), la protection judiciaire de la jeunesse (56 ETP) et la justice judiciaire (49 ETP), alors que 33 emplois seront supprimés dans le programme soutien « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

Si la justice apparaît bien comme l'une des priorités du Gouvernement, le budget qui nous est soumis et les créations d'emplois proposées doivent être considérés dans le contexte d'une sous-exécution chronique du plafond d'emplois, d'une performance contrastée et d'un retard de la France par rapport aux autres pays européens.

La dernière étude comparative des systèmes judiciaires de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice ne place la France qu'au 37 e rang sur 45, selon le critère du budget de la justice rapporté au PIB par habitant. Selon les données de l'étude datant de 2012, la France comptait ainsi moitié moins de juges professionnels que la moyenne des pays du Conseil de l'Europe et quatre fois moins de procureurs. Nous comprenons mieux pourquoi ils sont tellement surchargés...

Le plafond d'emplois sur lequel se prononce le Parlement est en outre chroniquement sous-exécuté, ce qui pose la question de la sincérité budgétaire. L'écart entre le nombre de magistrats en activité et le plafond d'emplois atteint 1 244 emplois équivalent temps plein travaillés (ETPT), soit 13,6 %.

Dans ce contexte, les résultats de performance sont pour le moins contrastés. Les délais moyens de traitement des procédures civiles ont augmenté entre 2012 et 2013, et l'on anticipe un allongement par rapport aux prévisions du projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2014. La dépense moyenne de frais de justice par affaire pénale a progressé de plus de 8 % entre 2012 et 2013. La surpopulation carcérale augmente : le taux d'occupation des maisons d'arrêt s'établissait à 131 % en 2012 et à 134 % en 2013, la cible 2017 (133 %) ne visant qu'une très légère amélioration. Enfin, la dégradation des conditions de travail et l'insécurité croissante des personnels pénitentiaires se mesurent par l'augmentation, entre 2012 et 2013, du nombre d'évasions (de 3,8 à 4,4 évasions pour 10 000 détenus sous garde pénitentiaire directe ou en sortie sous escorte) et du taux d'agression contre un personnel ayant entraîné une interruption temporaire de travail (de 16,7 % à 21,5 %).

Quel écart entre les ambitions politiques du Gouvernement et les moyens alloués à la justice ! En particulier, l'augmentation des effectifs dans les juridictions d'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation reste nettement insuffisante par rapport au surcroît de travail résultant de la création de la contrainte pénale par la loi du 15 août 2014. L'application des réformes judiciaires devrait être étalée dans le temps, afin de ne pas alourdir encore les tâches des personnels.

Enfin, plusieurs postes de dépenses apparaissent, une nouvelle fois, sous-dimensionnés : ainsi les frais de justice (449,9 millions d'euros), inférieurs de plus de 120 millions d'euros à la prévision d'exécution pour 2014, malgré les économies réalisées pour freiner leur augmentation.

Dans l'attente d'une réforme du financement de l'aide juridictionnelle qui pourrait intervenir en 2015, le financement complémentaire par des crédits extra-budgétaires, proposé à l'article 19 du projet de loi de finances, ne répond pas à l'objectif de modération de la pression fiscale et pénalise les détenteurs de contrats d'assurance de protection juridique. C'est pourquoi notre commission, sur l'initiative du rapporteur général, s'est prononcée pour une solution de financement pérenne et lisible : le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique.

Si l'effort accompli dans le domaine de l'administration pénitentiaire est appréciable, l'objectif de 63 500 places de prison, sur lequel se fondait la programmation triennale 2013-2015, a été reporté à 2019, empêchant de mettre en oeuvre le principe d'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt. La régulation budgétaire ayant porté en 2013 et 2014 sur les créations de places de prison, le solde annuel net moyen de 762 places sur la durée du quinquennat (2013-2017) reste inférieur de plus de moitié au solde net annuel de créations de places entre 2008 et 2012, lequel s'établissait à 1 575.

L'article 56 rattaché augmente le montant du droit de timbre dû en appel et allonge sa durée de perception, afin de financer les indemnités dues aux avoués dont l'office a été supprimé. Je vous propose d'adopter cet article qui tire les conséquences d'une sous-évaluation des dépenses et d'une surévaluation des recettes.

L'article 56 bis diffère de deux années supplémentaires l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction, serpent de mer des réformes de la justice dont le principe a été voté en 1985, 1987 et 1993 et 2007, mais jamais mis en oeuvre faute de moyens, puisqu'il exigerait la création d'environ 300 postes de magistrats. Ce ne sera guère que son quatrième report... Un nouveau projet de loi devant être prochainement débattu au Parlement, je propose, dans l'attente de cette discussion, d'adopter cet article.

L'article 56 ter reporte de deux années supplémentaires l'entrée en vigueur de la suppression des juridictions de proximité. Comme pour l'article 56 bis , des consultations sont en cours en vue d'un débat parlementaire, même si aucun projet de loi n'a encore été déposé.

L'article 56 quater , enfin, reconnaît le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et 1952, et prévoit de leur verser, ainsi qu'à leurs ayant-droit, une allocation forfaitaire. Si je suis favorable à cet article qui répond à une situation spécifique et clôt un contentieux ancien ; je regrette néanmoins que son coût s'impute sur les crédits d'aide juridictionnelle destinés aux plus pauvres.

Je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Justice », qui correspond à la mise en oeuvre d'une politique régalienne, ainsi que les articles 56 à 56 quater rattachés aux crédits de cette mission.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Justice », ainsi que les articles 56, 56 bis , 56 ter et 56 quater .

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Justice » ainsi que des articles 56, 56 bis, 56 ter et 56 quater .

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Responsables de programmes de la mission « Justice »

Programme « Justice judiciaire »

M. Jean-François Beynel , directeur

M. Jérôme Letier , sous-directeur de l'organisation et du fonctionnement des juridictions

Programme « Administration pénitentiaire »

M. Charles Giusti , chef de service, directeur adjoint

Programme « Protection judiciaire de la jeunesse »

Mme Catherine Sultan , directrice

Programme « Accès au droit et à la justice »

et

Programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice »

M. Éric Lucas , secrétaire général du Ministère de la justice

Programme « Conseil supérieur de la magistrature »

M. Bertrand Louvel , Premier président de la Cour de cassation

M. Ghaleh Marzban , secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature

Syndicats d'avocats

Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats (FNJA)

Mme Anne-Lise Lebreton , présidente

M. Thomas Charat , co-président de la commission accès au droit

Syndicat des Avocats de France (SAF)

M. Florian Borg , vice-président, avocat au barreau de Lille

Avocats Conseils d'Entreprises (ACE)

Mme Laurence Taze-Bernard , avocat associé, barreau de Paris

Confédération Nationale des Avocats (CNA)

M. Vincent Berthat , président d'honneur de la CNA, membre du Conseil national des barreaux (CNB), avocat au barreau de Dijon

Mme Thi My Hanh Ngo-Folliot , première vice-présidente de la CNA, Avocat au Barreau de Paris

Conseil national des barreaux (CNB)

Mme Myriam Picot , présidente de la commission accès au droit, ancien bâtonnier de Lyon

M. Jacques-Edouard Briand , responsable relations avec les pouvoirs publics

Chambre Nationale des Huissiers de Justice (CNHJ)

M. Jean-François Richard , vice-président

M. Gabriel Mecarelli , directeur des affaires juridiques

M. Samuel Bouteiller , conseiller en affaires publiques

Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA)

M. Pierre Michel , délégué général

M. Stéphane Pénet , directeur des assurances de biens et de la responsabilité

M. Philippe Poiget , directeur des affaires juridiques

Mme Viviana Mitrache , attachée parlementaire


* 1 Hors fonds de concours et attributions de produits (soit 7,44 millions d'euros en AE et en CP), d'une part, et les ressources fiscales prévues à l'article 19 du projet de loi de finances pour 2015 pour le financement complémentaire de l'aide juridictionnelle (soit 43 millions d'euros en AE et en CP), d'autre part, examinées dans la seconde partie du présent rapport, dans le cadre de l'analyse du programme « Accès au droit et à la justice ».

* 2 Les marchés de gestion déléguée portent sur la restauration, l'hôtellerie, la cantine, le transport, la maintenance, le nettoyage, l'accueil des familles, les missions de travail et la formation professionnelle.

* 3 Y compris les opérateurs.

* 4 S'agissant ainsi des contentieux devant les cours d'appel, traduisant notamment la crise économique (liquidations d'entreprises, licenciements collectifs, surendettement des particuliers), les affaires nouvelles s'établissent chaque année à plus de 230 000 (245 000 en 2010 et 2013), soit une hausse significative par rapport aux niveaux enregistrés avant 2008 (215 000 à 220 000 affaires par an). Le droit social, qui ne représente que 27 % des affaires traitées, compte pour 40 % des affaires en stock.

* 5 Il s'agit d'un des indicateurs (1.1) considérés comme les plus représentatifs de la mission. L'indicateur 1.3, relatif au délai moyen de traitement des procédures pénales, ne fait pas non plus ressortir d'amélioration, ni même de perspectives de forte baisse des délais d'ici 2017.

* 6 Les placements sous surveillance électronique ont constitué 78 % du nombre total des aménagements de peine en 2013 (contre 81 % en 2012).

* 7 La CEPEJ, créée le 18 septembre 2002 par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, est un comité plénier dont le secrétariat est assuré par la direction générale des droits de l'homme et des affaires juridiques du Conseil de l'Europe.

* 8 Le rapport 2014 de la CEPEJ est accessible sur le site du Conseil de l'Europe, à l'adresse suivante : http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/2014/Rapport_2014_fr.pdf.

* 9 Cf. infra , l'analyse des crédits du programme « Accès au droit et à la justice ».

* 10 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales .

* 11 CASSIOPEE (acronyme de Chaîne Applicative Supportant le Système d'Information Oriente Procédure pénale Et Enfants) est le fichier des plaintes enregistrées par les magistrats dans le cadre de procédures judiciaires. Il contient notamment l'état civil, les données bancaires, les coordonnées des prévenus, des témoins ou encore des victimes et parties civiles.

* 12 L'impact de deux mesures est détaillé dans les réponses au questionnaire budgétaire : « la systématisation du recours à la plate-forme d'interceptions judiciaires de(vrai)t générer une économie à hauteur de 7,5 millions d'euros en 2015. En outre, le montant de l'allocation anticipe l'effort d'économies attendu au titre de la réforme de la médecine légale à hauteur de 17 millions d'euros par an dès 2015 ».

* 13 Cette dynamique résulte par ailleurs très partiellement des réformes ou décisions récentes. Selon le ministère de la justice, l'instauration d'un recours contre les décisions de destruction de scellés nuisibles ou dangereux, suite à la décision n° 2014-390 QPC du Conseil constitutionnel du 11 avril 2014, engendre un surcoût lié au stockage des scellés et à leur destruction évalué à près de 800 000 euros par an. En outre, la loi du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive a allongé la durée de conservation des scellés dans les procédures criminelles, entraînant un surcoût annuel estimé à 140 000 euros.

* 14 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

* 15 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales .

* 16 Caisses des règlements pécuniaires des avocats. Les prestations d'aide juridictionnelle sont versées soit directement aux auxiliaires de justice (s'agissant des frais de procédure), soit par l'intermédiaire des CARPA pour les avocats. Les crédits versés aux CARPA prennent la forme d'une provision initiale en début d'année, réajustée en fonction des admissions effectives à l'aide juridictionnelle.

* 17 Cf. ci-après le commentaire de l'article 56 quater, adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement le 28 octobre 2014.

* 18 Direction des affaires civiles et du sceau (DACS), direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et service des affaires européennes et internationales (SAEI).

* 19 Inspection générale des services judiciaires, service central de prévention de la corruption et sous-direction de la statistique et des études du secrétariat général.

* 20 Loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel.

* 21 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 22 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 23 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 24 Évaluation préalable de l'article. Les éléments en gras sont soulignés par votre rapporteur spécial.

* 25 Sénat, rapport n° 580 (2013-2014) du 4 juin 2014 : « Suppression de la profession d'avoué : premier bilan d'application de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel ».

* 26 Ce montant est supérieur aux versements proposés par la commission d'indemnisation (à hauteur de 292 millions et 12,2 millions d'euros), dans la mesure où il inclut la charge d'intérêts.

* 27 Loi n° 2007?291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

* 28 Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.

* 29 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 30 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 31 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

* 32 Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles

* 33 Loi n°2012-1441 du 24 décembre 2012 relative aux juridictions de proximité.

* 34 Aux titres du premier alinéa du texte proposé par le présent article, « la République française reconnaît le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et 1952, amnistiés en application de la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie, les atteintes ainsi portées à leurs droits fondamentaux et les préjudices qui leur furent ainsi causés ».

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