III. MESURE DE LA PERFORMANCE : L'INDICE DE TENSIONS AIGUËS DANS LES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA JUSTICE

Les résultats obtenus en matière de performance témoignent de conditions de travail dégradées : les créations de postes ne suffisent pas à combler le surcroît d'activités résultant non seulement d'une conjoncture économique peu favorable 4 ( * ) , mais aussi de l'accroissement des charges pesant sur les personnels du fait des réformes adoptées depuis deux ans et demi, sans que les moyens humains correspondants ne soient alloués .

L'évolution des résultats des indicateurs de mission ont tout particulièrement retenu l'attention de votre rapporteur spécial dans l'établissement de ce constat.

A. DES DÉLAIS DE TRAITEMENT QUI ONT EU TENDANCE À S'ALLONGER EN 2013, ENTRAÎNANT UNE DÉGRADATION DES PRÉVISIONS POUR 2014

Pour la justice judiciaire, les délais moyens de traitement des procédures civiles 5 ( * ) (hors procédures courtes, comme les référés et les procédures d'urgence) ont plutôt augmenté entre 2012 et 2013 : de 0,1 mois devant la Cour de cassation (pour atteindre 15,2 mois) à 0,6 mois devant les conseils de prud'hommes (réalisation 2013 : 13,7 mois) et 0,7 mois devant les tribunaux de commerce (réalisation 2013 : 8,8 mois). Ces délais sont restés stables devant les tribunaux de grande instance (10,5 mois) et les cours d'appel (12,6 mois), et n'ont diminué que devant les tribunaux d'instance (de 0,2 mois, pour atteindre 6,4 mois).

Compte tenu de ces résultats contrastés, les prévisions actualisées pour 2014 envisagent un allongement des délais par rapport aux prévisions qui figuraient dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2014, et sont pratiquement identiques à l'exécution 2013 : devant la Cour de cassation, le délai moyen de traitement augmenterait ainsi de 0,1 mois (à 15,3 mois, en recul toutefois de 0,2 mois par rapport à la prévision du PAP 2014), tandis qu'il baisserait de 0,1 mois devant les cours d'appel et les tribunaux d'instance pour s'établir, respectivement, à 12,5 et 10,4 mois (et en hausse de 1,1 et 3,3 mois par rapport à la prévision du PAP 2014).

Les prévisions 2015 sont également très proches de celles pour 2014 et de l'exécution 2013. En d'autres termes, le Gouvernement n'espère pas de réelle réduction des délais de traitement des procédures. Les cibles pour 2017 prévoient en revanche une diminution de ces délais, mais qui restent relativement modestes (comprises entre 0,5 et 0,8 mois pour les cours d'appel, les tribunaux de grande instance, les tribunaux d'instance, les conseils de prud'hommes et les tribunaux de commerce, et même une très légère hausse, de 0,1 mois, pour la Cour de cassation, pour laquelle le PAP reconnaît que la gestion des dossiers est à « flux tendu »).

Toujours selon le PAP, les cours d'appel ne peuvent, quant à elles, « traiter tous les flux entrants », et les tribunaux de grande instance ont atteint, en 2013, « le plus bas niveau » de traitement des affaires « des cinq dernières années », ce qui est qualifié de « signe inquiétant ».

Votre rapporteur spécial déplore par ailleurs les conséquences qu'une telle situation fait encourir non seulement sur les délais de traitement, mais aussi sur la qualité des jugements , dans un contexte bel et bien dégradé car, faute d'une hausse des effectifs à due concurrence de celle des affaires, les magistrats du siège et du parquet doivent traiter un nombre croissant de dossiers.

Parmi les autres objectifs et indicateurs du programme « Justice judiciaire », si les taux d'alternatives aux poursuites sont globalement en hausse (indicateur 2.1 : 43,9 % en exécution 2013, contre 43,6 % en 2012), la dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale a en revanche nettement augmenté entre 2012 et 2013 (de 312 à 338 euros, soit une hausse de plus de 8 % ; indicateur 3.1).

L'absence de données chiffrées pour le taux de mise à exécution des peines et le délai moyen d'exécution des peines - dans l'attente de la mise en place d'un outil statistique approprié - pose problème , car il s'agit d'indicateurs pertinents pour mesurer l'efficacité de la réponse pénale. À cet égard, il n'est pas satisfaisant que disparaisse l'indicateur relatif au taux de réponse pénale , qui était pourtant l'un des indicateurs les plus représentatifs de la mission.


* 4 S'agissant ainsi des contentieux devant les cours d'appel, traduisant notamment la crise économique (liquidations d'entreprises, licenciements collectifs, surendettement des particuliers), les affaires nouvelles s'établissent chaque année à plus de 230 000 (245 000 en 2010 et 2013), soit une hausse significative par rapport aux niveaux enregistrés avant 2008 (215 000 à 220 000 affaires par an). Le droit social, qui ne représente que 27 % des affaires traitées, compte pour 40 % des affaires en stock.

* 5 Il s'agit d'un des indicateurs (1.1) considérés comme les plus représentatifs de la mission. L'indicateur 1.3, relatif au délai moyen de traitement des procédures pénales, ne fait pas non plus ressortir d'amélioration, ni même de perspectives de forte baisse des délais d'ici 2017.

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