IV. LE PROGRAMME « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE » : LA QUESTION NON RÉSOLUE DU FINANCEMENT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

A. UN PROGRAMME CONSTITUÉ À HAUTEUR DE 92 % DES CRÉDITS DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

Doté de 364,5 millions d'euros en AE et 363,1 millions d'euros en CP dans le présent projet de loi de finances (en baisse de 1 % en AE et de 1,3 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2014), le programme « Accès au droit et à la justice » retrace, à hauteur de plus de 92 %, les crédits de l'aide juridictionnelle, qui bénéficie aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice.

Les deux autres actions du programme portent sur :

- le développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité, à travers l'action des conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), qui coordonnent les activités des maisons de la justice et du droit (MJD) et des points d'accès au droit (PAD) ;

- la politique d'aide aux victimes , dont les crédits (16,85 millions d'euros en AE et en CP) progressent très nettement dans le présent projet de loi de finances ( + 21,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014), suite à l'ouverture des bureaux d'aide aux victimes dans le cadre de l'article 26 de la loi du 15 août 2014 15 ( * ) .

B. LA NÉCESSITÉ DE FINANCEMENTS PÉRENNES DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE, FACE À L'INSUFFISANCE DES SEULS CRÉDITS BUDGÉTAIRES

Les crédits de l' aide juridictionnelle inscrits au programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice » s'élèvent à 336,3 millions d'euros en AE et en CP, en recul de 2,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, alors qu'il s'agit d'une dépense dynamique Au regard de ces différents facteurs, la dépense apparaît dynamique puisque, selon les dernières données disponibles, la dépense effective a augmenté de 310,40 millions d'euros en 2010 à 367,17 millions d'euros en 2012, représentant une hausse de 18,3 % en deux ans .

Évolution des dépenses au titre de l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Dépense sur crédits budgétaires inscrits en LFI*

306,76

299,93

309,65

344,40

292,91

318,12

345,4

336,3

Rétablissements

de crédits

0,28

8,49

11,55

6,70

4,42

nd

nd

nd

Produit de la contribution pour l'aide juridique

0

0

0

0

54 ,40

60

0

0

Évolution de la trésorerie

des CARPA 16 ( * ) entre les fins d'année N et N - 1

- 8,50

- 8,27

10,80

19,50

- 15,45

nd

nd

Dépense effective

315,54

316,70

310,40

331,6

367,17

nd

nd

nd

* Pour 2015, crédits inscrits dans le projet de loi de finances
n. d : données non disponibles

Source : ministère de la justice

Cependant, l'article 19 du présent projet de loi de finances, examiné dans le tome II du rapport général, prévoit un abondement de ces crédits, à hauteur de 43 millions d'euros, par des ressources extra-budgétaires, portant le montant des crédits alloués en 2015 au financement de l'aide juridictionnelle à 379 millions d'euros. Sans ces ressources, le financement de l'aide juridictionnelle sur les seuls crédits budgétaires serait donc nettement insuffisant. Dans ce contexte, il est regrettable que le financement de l'allocation aux mineurs licenciés suite aux grèves de 1948 et 1952 , à hauteur de 700 000 euros 17 ( * ) , soit assuré par une diminution à due concurrence des crédits alloués à l'aide juridictionnelle .

Les ressources fiscales proposées à l'article 19 se répartissent entre une augmentation de 2,6 points du taux de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance de protection juridique (rendement annuel attendu : 25 millions d'euros), une réévaluation de 40,6 % (correspondant à la compensation de l'inflation) du droit fixe de procédure en matière pénale (7 millions d'euros) et une revalorisation de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice de 22 %, également pour prendre en compte l'inflation (11 millions d'euros).

Lors des auditions qu'il a conduites, non seulement avec Éric Lucas, secrétaire général du ministère de la justice et responsable du programme, mais aussi avec les syndicats d'avocats et les représentants des autres professions (huissiers de justice, assureurs), votre rapporteur spécial a pris note d'une triple problématique : le dynamisme des dépenses d'aide juridictionnelle , la nécessaire revalorisation de la rémunération des avocats pratiquant l'aide juridictionnelle , et l'attente d'une réforme plus en profondeur de son financement, envisagée en 2015, laquelle devra être menée en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés . Cette année, une telle concertation n'a manifestement pas eu lieu avec les représentants des assureurs.

Par ailleurs, l'attention de votre rapporteur spécial a été appelée sur le fait que seules les personnes pouvant justifier d'une absence de ressources ont accès à l'aide juridictionnelle, ce qui pose des difficultés pour celles qui ne peuvent pas faire état d'un domicile ou d'une inscription à Pôle Emploi

Dans ce contexte d'incertitudes sur le financement de l'aide juridictionnelle, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement à l'article 19 du projet de loi de finances pour 2015 pour revoir le mode de financement de l'aide juridictionnelle par des crédits extra-budgétaires .

Augmenter la fiscalité, comme le propose le Gouvernement à l'article 19 du présent projet de loi de finances, n'est pas conforme à ses engagements. En particulier, parmi les hausses fiscales proposées, taxer les contrats d'assurance de protection juridique va à l'encontre de l'objectif de maîtrise des dépenses d'aide juridictionnelle . En effet, les titulaires de ces contrats ne peuvent pas prétendre à l'aide juridictionnelle. Les contrats de protection juridique tendent à ainsi à couvrir en priorité les classes populaires et les classes moyennes, sur lesquelles porterait ainsi, de manière injuste, la charge la plus importante du financement de l'aide juridictionnelle par des ressources extra-budgétaires.

En lieu et place de cet ensemble de taxes, la commission des finances du Sénat a ainsi proposé, dans un souci de lisibilité et de simplicité et pour répondre à un besoin de financement pérenne, de rétablir la contribution pour l'aide juridique , qui était en vigueur entre octobre 2011 et fin 2013. La contribution pour l'aide juridique prenait la forme d'un droit de timbre à la charge de chaque justiciable qui intente une procédure en matière civile et administrative. Les publics les plus fragiles - comme les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle - seraient exclus du paiement de cette contribution, afin de garantir leur accès à la justice.

Au regard du besoin de financement sur des crédits extra-budgétaires à hauteur de 43 millions d'euros, le montant de la contribution pour l'aide juridique s'établirait ainsi à 25 euros, soit un niveau inférieur de 10 euros à celui qui était appliqué entre 2011 et 2013.


* 15 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales .

* 16 Caisses des règlements pécuniaires des avocats. Les prestations d'aide juridictionnelle sont versées soit directement aux auxiliaires de justice (s'agissant des frais de procédure), soit par l'intermédiaire des CARPA pour les avocats. Les crédits versés aux CARPA prennent la forme d'une provision initiale en début d'année, réajustée en fonction des admissions effectives à l'aide juridictionnelle.

* 17 Cf. ci-après le commentaire de l'article 56 quater, adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement le 28 octobre 2014.

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