N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 18

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Antoine LEFÈVRE

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1) Dans le projet de loi de finances pour 2015, les six programmes de la mission « Justice » sont dotés de 9,24 milliards d'euros en autorisations d'engagement ( AE ) et de 7,94 milliards d'euros en crédits de paiement ( CP ), en hausse de 21,91 % en AE et de 1,71 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

La progression des AE demandées pour 2015 correspond au renouvellement d'une majorité des marchés de gestion déléguée de l'administration pénitentiaire.

2) Hors pensions, les crédits de paiement de la mission « Justice » s'établissent à 6,376 milliards d'euros, soit un dépassement de 50 millions d'euros de l'annuité 2015 de la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 à périmètre constant.

3) L'article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit une augmentation de 1,2 % des crédits de paiement de la mission « Justice » au cours du triennal 2015-2017 , sous l'effet notamment de la poursuite des créations de postes à un rythme prévisionnel de 600 par an .

4) Il est proposé en 2015 la création de 600 emplois équivalent temps plein (ETP), dans l'administration pénitentiaire (+ 528 ETP), la protection judiciaire de la jeunesse (+ 56 ETP) et la justice judiciaire (+ 49 ETP), alors qu' a contrario des emplois seraient supprimés pour le programme soutien « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (- 33 ETP).

5) Le plafond d'emplois de la mission « Justice » demandé pour 2015 s'élève à 78 941 ETPT , en hausse de 794 ETPT par rapport à 2014 hors mesures de transfert et de périmètre.

Mais le plafond d'emplois ne sera pas atteint en 2015 : il s'agit d'un déficit structurel, l'exécution du plafond d'emplois 2013 ayant fait apparaître un écart de 1 705 ETPT avec le plafond voté par le Parlement.

6) La poursuite du transfert des extractions judiciaires au ministère de la justice a un impact, non évalué, pour les régions au titre de la formation professionnelle.

7) La mesure de la performance fait apparaître des résultats dégradés :

- les délais moyens de traitement des procédures civiles ont plutôt augmenté entre 2012 et 2013, et les prévisions actualisées pour 2014 envisagent ainsi un allongement des délais par rapport aux prévisions qui figuraient dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2014 ;

- la dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale a nettement augmenté entre 2012 et 2013 (de 312 à 338 euros, soit une hausse de plus de 8 %) ;

- l'indicateur mesurant le taux d'occupation des places en maison d'arrêt traduit une augmentation de la surpopulation carcérale : il s'établissait à 131 % en 2012 et à 134 % en 2013, la cible 2017 (133 %) ne visant qu'une très légère amélioration ;

- la dégradation des conditions de travail et l'insécurité croissante des personnels pénitentiaires se mesure par l'augmentation, entre 2012 et 2013, du nombre d'évasions (de 3,8 à 4,4 évasions pour 10 000 détenus sous garde pénitentiaire directe ou en sortie sous escorte) et du taux d'agression contre un personnel ayant entraîné une interruption temporaire de travail (de 16,7 % à 21,5 %).

8) Les comparaisons européennes ne placent la France qu'au 37 e rang sur 45 pays , au regard du critère du budget de la justice conjugué au niveau du PIB par habitant, ce qui signifie que le budget alloué à la justice est comparativement moins élevé en France que dans les autres pays européens.

9) En 2012, la France comptait moitié moins de juges professionnels que la moyenne des pays du Conseil de l'Europe et quatre fois moins de procureurs.

10) La montée en charge progressive, sur trois ans, des effectifs dans les juridictions d'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) traduit un décalage avec le surcroît immédiat de charge de travail résultant de la mise en place de la contrainte pénale par la loi du 15 août 2014 : l'application des réformes judiciaires devrait être étalée dans le temps, afin de ne pas accroître les tensions sur les personnels.

11) Le programme « Justice judiciaire » est marqué par une sous-réalisation chronique du plafond d'emplois pour les magistrats (soit un écart de 1 244 ETPT, ou 13,6 % , entre le nombre de magistrats en activité et le plafond d'emplois).

12) Les frais de justice pour 2015 (449,9 millions d'euros) sont une nouvelle fois sous-évalués , étant inférieurs de plus de 120 millions d'euros à la prévision d'exécution 2014, malgré les économies réalisées pour freiner leur augmentation.

13) Dans l'administration pénitentiaire, l'objectif de 63 500 places de prison, sur lequel se basait la programmation triennale 2013-2015, a été reporté à 2019 , ne permettant pas de mettre en oeuvre le principe d'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt.

14) Dans un contexte où la régulation budgétaire a porté en 2013 et 2014 sur les créations de places de prison, le solde annuel net moyen de créations de 762 places sur la durée du quinquennat (2013-2017) reste inférieur de plus de moitié au solde net annuel de création de places entre 2008 et 2012, lequel s'établissait à + 1 575.

15) Dans l'attente d'une réforme du financement de l'aide juridictionnelle qui pourrait intervenir en 2015, et qui devra associer l'ensemble des acteurs, le financement complémentaire par des crédits extra-budgétaires , proposé à l'article 19 du projet de loi de finances pour 2015, ne répond pas à l'objectif de modération de la pression fiscale et pénalise les détenteurs de contrats d'assurance de protection juridique.

La commission des finances du Sénat s'est prononcée pour une solution de financement pérenne et lisible, en proposant le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique .

Au 10 octobre 2014, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 100 % des réponses portant sur la mission « Justice » étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

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