B. UN BUDGET EN HAUSSE DE 12,4 % AFIN DE COUVRIR LA DÉPENSE SUPPLÉMENTAIRE LIÉE À L'ASSUJETISSEMENT DES MISSIONS D'AJ AU TAUX DE TVA À 19,6 %

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » augmentent en autorisations d'engagement de 13,2 %, en passant de 342,6 millions d'euros à 388 millions d'euros, et de 12,4 % en crédits de paiement , en passant de 294,8  millions d'euros à 331,3 millions d'euros .

Au regard de cette progression des moyens du présent programme, il convient de souligner qu'en 2011 les crédits d'AJ devront également couvrir l'assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19,6 %, contre 5,5 % antérieurement . Cette disposition, dont le coût pour le programme représente 36,7 millions d'euros , fait suite à la décision de la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) du 17 juin 2010 61 ( * ) considérant l'application du taux réduit de TVA de 5,5 % aux prestations des avocats et des avoués en matière d'AJ comme non-conforme à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, dite « directive TVA ».

Une fois cet « effet TVA » neutralisé et donc à périmètre constant, le budget du présent programme reste quasi inchangé par rapport à 2010 .

Etant donnée la nature des différentes actions composant le programme, il apparaît logique que 99,8 % des moyens du programme soient constitués de crédits d'intervention (AJ, subventions aux associations d'aide aux victimes, associations de médiation familiale...) .

Depuis le 1 er janvier 2007 et afin d'assurer une meilleure gestion des personnels des services judiciaires, les ETPT servant le présent programme sont portés par le programme « Justice judiciaire » 62 ( * ) . En conséquence, le programme « Accès au droit et à la justice » ne comprend aucune dépense de personnel (titre 2).

Seuls les frais de fonctionnement des MJD viennent abonder le titre 3 des dépenses de fonctionnement (0,5 million d'euros pour 2011, en baisse de 42,2 %).

Il résulte de cette spécificité que les marges du gestionnaire sont quasi inexistantes au regard des règles de fongibilité introduites par la LOLF .

C. LES PROPOSITIONS DE RÉFORME DE L'AJ

Afin de répondre au nouvel assujettissement à la TVA à 19,6 % rappelé ci-dessus, l'action 1 « Aide juridictionnelle » voit passer sa dotation de 274,8 millions d'euros en 2010 à 312,3 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances.

Le budget demandé au titre de l'AJ repose sur la prévision d'un nombre de bénéficiaires stable par rapport à 2010, soit 900 000 admissions 63 ( * ) .

A cet égard, votre rapporteur spécial souligne l'accroissement considérable du nombre des admissions à l'AJ sur la période récente (+ 208,6 % entre 1991 et 2006) et même l'emballement des dépenses budgétaires consacrées à cette aide (+ 391,3 % au cours de la même période). Sur la période 1998-2008, la dépense a crû de 62,2 % en euros courants et de 36 % en euros constants. Dans son rapport d'information « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle » 64 ( * ) , votre rapporteur spécial rappelait la double crise de l'AJ : « une crise financière doublée d'une crise morale » .

Après avoir posé un diagnostic sur le dispositif réformé par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, votre rapporteur spécial ouvrait des pistes de réforme qu'il souhaite ici rappeler étant donnée la situation budgétaire extrêmement tendue qui caractérise l'AJ depuis de nombreuses années.

Votre rapporteur spécial avait d'ailleurs relevé, avec satisfaction, que le projet annuel de performances pour 2009 de la mission « Justice » indiquait que :

« Le financement de l'aide juridictionnelle sera rationalisé à l'aide d'un meilleur recouvrement de l'aide juridictionnelle avancée auprès des parties perdantes et des propositions faites par le sénateur du Luart et la commission présidée par Jean-Michel Darrois. »

Les principales propositions de votre rapporteur spécial
pour la réforme de l'aide juridictionnelle (AJ)

La réforme suggérée par votre rapporteur spécial s'articule autour des principes de transparence et de responsabilité , s'appliquant à tous les acteurs du système.

Pour les avocats et les auxiliaires de justice :

- Etablir un « barème horaires » mieux adapté qu'aujourd'hui à la réalité du travail accompli par l'avocat, afin de permettre sa juste rémunération ;

- Impliquer l'ensemble de la profession d'avocat autour du bon fonctionnement de l'AJ par la mise en place d'un dispositif fondé sur une participation des avocats soit en temps, « participation temps », soit par le biais d'une contribution financière, « participation financière » ;

- Envisager le regroupement des Caisses autonomes de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) .

Pour les bénéficiaires de l'AJ et les autres justiciables :

- Créer un « ticket modérateur justice » laissant à la charge du bénéficiaire de l'AJ une part de la dépense de justice liée à son affaire ;

- Mieux organiser l'information du justiciable sur les règles de recouvrement éventuel des sommes engagées, et faire en sorte que, dès l'intervention de la décision de justice, il ait connaissance du montant à rembourser le cas échéant ;

- Faciliter, dans les cas de recouvrement , les procédures de paiement dès la sortie du tribunal.

Pour l'Etat :

- Systématiser l'évaluation de l'impact sur les crédits de l'aide juridictionnelle de toute nouvelle loi ;

- Lancer une mission d'audit sur l'organisation et le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) et diffuser les bonnes pratiques ainsi repérées ;

- Tirer profit de la réforme de la carte judicaire pour définir une nouvelle stratégie de répartition des moyens, en particulier humains, dédiés au traitement des demandes d'AJ ;

- Diffuser encore plus largement l'usage des nouvelles technologies au sein du système de l'AJ : dossiers de demande d'AJ téléchargeables en ligne sur internet, plates-formes numériques sécurisées d'échange entre les juridictions, d'une part, et les avocats et les auxiliaires de justice, d'autre part, vidéoconférence...

Source : rapport d'information n° 23 (2007-2008) « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle »

Ainsi que le relève le projet annuel de performances pour 2011, la dépense d'AJ « est appelée à évoluer en raison de la réforme du régime de garde à vue qui devra intervenir avant le 1 er juillet 2011 dans le prolongement de la décision du Conseil Constitutionnel 65 ( * ) . La réforme aura notamment pour effet d'accroître la présence de l'avocat lors de ces gardes à vue et par voie de conséquence le volume de leur rétribution » .


* 61 CJUE, 17 juin 2010, Aff. C-492/08, Commission européenne c./ République Française .

* 62 Sénat, rapport spécial n° 78 (2006-2007) - tome III - annexe 15.

* 63 Ce total se décompose en 400 000 admissions pour des affaires au pénal et 500 000 admissions au civil et pour les autres types de contentieux (contentieux administratifs hors reconduites à la frontière, et conditions de séjour des étrangers dont reconduites à la frontière).

* 64 Sénat, rapport d'information n° 23 (2007-2008).

* 65 Décision n° 2010-14/22 du Conseil constitutionnel suite à une question préalable de constitutionnalité (QPC). Cette décision déclare, notamment, inconstitutionnel le premier alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale et impose une réforme de la garde à vue avant le 1 er juillet 2011.

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