2. Des points « noirs » et des points d'interrogation subsistent

Malgré ces avancées, la mission « Justice » se caractérise aussi par un certain nombre de lacunes et d'interrogations persistantes.

Le principal point « noir » réside dans la vétusté de certains établissements pénitentiaires ainsi que le grave problème de la surpopulation carcérale. Ce constat renvoie à des dizaines d'années d'insuffisance. Mais force est de constater que ces lacunes, trop bien connues et depuis trop longtemps, se conjuguent pour créer une situation tout à la fois attentatoire à la dignité humaine et source de promiscuité , c'est-à-dire facteur de « contagion » de la délinquance , contraire à l'objectif premier de la peine, à savoir l'amendement du condamné.

Il est de l'honneur de la République de poursuivre son effort, notamment budgétaire, en vue de parvenir à surmonter cette terrible impasse .

Par ailleurs, l'exercice 2009 et plus encore l'année 2010 semblent malheureusement devoir renouer avec la difficulté de maîtriser la dynamique à la hausse des frais de justice . Après avoir connu une progression exponentielle analysée par votre rapporteur spécial dans ses rapports d'information sur « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion » 4 ( * ) et dans celui consécutif à l'enquête demandée à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF 5 ( * ) , ces frais avaient été contenus, entre 2006 et 2008, sous le double effet bénéfique de mesures volontaristes décidées par la Chancellerie et d'une prise de conscience salutaire de la part des magistrats prescripteurs. Cette maîtrise avait été obtenue sans remise en cause de la liberté de prescription du magistrat.

Cependant, les estimations communiquées à votre rapporteur spécial 6 ( * ) paraissent, à ce stade, de nature à susciter un regain d'inquiétude dans ce domaine pour la fin de l'année 2009 et la gestion de l'année 2010.

L'évolution des effectifs en juridiction et, plus particulièrement, le déficit en greffiers représentent également un sujet de préoccupation de votre rapporteur spécial. Si la LOPJ a débouché sur un niveau de créations d'emplois de magistrat satisfaisant, le rythme de sortie et le volume des promotions de l'école nationale des greffes (ENG) ne permet, en revanche, toujours pas de compenser le manque actuel de greffiers au regard du nombre de magistrats. L'allongement de la durée de scolarité à l'ENG (passée de 12 à 18 mois en 2003) ainsi que la pyramide des âges des greffiers (nombreux départs à la retraite dans les années à venir) constituent autant de circonstances aggravantes au regard de ce déséquilibre des effectifs.

Au rang des interrogations majeures, la pérennité du système existant de l'aide juridictionnelle (AJ) demeure sujette à caution. Ainsi que l'a souligné votre rapporteur spécial dans son rapport d'information 7 ( * ) , le dispositif, confronté à un accroissement considérable du nombre des bénéficiaires depuis 1991, court un risque d'asphyxie budgétaire appelant une remise à plat de son mécanisme. Seule une réforme en profondeur pourra permettre de préserver l'esprit même de ce « filet de sécurité » pour les justiciables les plus démunis.

Enfin, les retombées de la réforme en cours de la carte judiciaire demeurent encore incertaines. Si l'ensemble des acteurs de la justice s'accordent aujourd'hui à considérer que cette réforme était nécessaire 8 ( * ) , elle représente, pour l'heure, un coût important pesant sur le budget de l'institution. La rationalisation des moyens de la justice sur l'ensemble du territoire doit toutefois, à terme, se traduire par une efficacité accrue du service public de la justice.

* 4 Sénat, rapport d'information n° 478 (2004-2005).

* 5 Sénat, rapport d'information n° 216 (2005-2006) « Frais de justice : l'impératif d'une meilleure maîtrise ».

* 6 Audition par votre rapporteur spécial du responsable du programme « Justice judiciaire », Mme Dominique Lottin, directrice des services judiciaires, le 4 novembre 2009.

* 7 Sénat, rapport d'information n° 23 (2007-2008) : « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle ».

* 8 Aucune réforme de structure n'avait été engagée depuis 1958.

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