II. LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE LA FRANCE ET L'UNION EUROPÉENNE

A. LA DYNAMIQUE ET L'ACTUALISATION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES

La participation française au budget communautaire prend la forme d'un prélèvement annuel sur les recettes de l'Etat autorisé en loi de finances (PSR-UE). Ce prélèvement est estimé à 18,15 milliards d'euros en 2009 .

A l'instar des ressources du budget communautaire elles-mêmes, la contribution française a connu des évolutions significatives affectant son montant et sa structure .

1. Une tendance de long terme à l'augmentation

a) Une contribution multipliée par quatre en valeur entre 1982 et 2010

Entre 1982 et 2010, le montant en valeur de notre contribution a été multiplié par plus de quatre, passant de 4,1 à 18,15 milliards d'euros . Cette augmentation a connu trois phases principales :

1) de 1982 à 1994, la forte croissance des dépenses de la politique agricole commune et de la politique de cohésion a fait passer la contribution française de 4 % à environ 6,5 % des recettes fiscales nettes de l'Etat ;

2) de 1994 à 2007, la volonté de maîtrise des dépenses exprimée par les Etats fortement contributeurs nets au budget communautaire a abouti à la stabilisation du PSR-UE entre 5,5 % et 6,6 % des recettes fiscales nettes (6,6 % en 2003) ;

3) depuis 2007, on constate à nouveau une hausse marquée, surtout pour l'année 2009, puisque la contribution française représente cette année plus de 9 % des recettes fiscales nettes.

Evolution de la part du PSR-UE dans les recettes fiscales nationales

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2010

b) D'importantes évolutions de structure

L'importance respective des différentes ressources au sein du PSR-UE a fortement évolué, reflétant la part prépondérante prise par la ressource assise sur le revenu national brut des Etats parmi les différentes ressources du budget communautaire (ressource RNB). Les réaménagements successifs du système des ressources propres ont en effet contribué à modifier substantiellement la part relative de ces différentes ressources et, en 2010, plus de 75 % des ressources propres du budget communautaire devraient correspondre à la seule ressource RNB 22 ( * ) .

La même évolution est constatée pour la composition du prélèvement sur recettes français . Alors que la ressource TVA constituait la principale composante du PSR-UE en 1995 (7,2 milliards d'euros et 60 % du total), c'est la contribution RNB qui en constitue l'essentiel en 2010, avec 14,36 milliards d'euros et 74 % du total, contre 3,8 milliards d'euros pour la ressource TVA (moins de 20 % du total).

Composition du PSR-UE depuis 1995

N.B : les ressources propres traditionnelles (RPT) sont composées des droits de douane, des prélèvements agricoles et des cotisations sur le sucre.

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2010

c) L'instabilité des écarts entre prévision et exécution

Des écarts considérables , positifs ou négatifs selon les exercices, sont constatés entre la prévision et l'exécution du PSR-UE :

Ecarts entre la prévision et l'exécution du PSR-UE depuis 1983

(en millions d'euros)

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2010

Votre rapporteur spécial observe que ces écarts considérables posent un véritable problème au regard de la sincérité du PSR-UE voté chaque année. Il juge nécessaire de fournir au Parlement une estimation plus précise et plus fiable de son montant .

L'estimation de la participation française au budget communautaire repose en effet sur un faisceau d'hypothèses qui rendent son anticipation complexe . Les principaux facteurs d'incertitude résident dans l'évolution des volets dépenses et recettes du budget communautaire, qui ont un impact direct sur les contributions des Etats membres :

- l'évaluation du PSR-UE suppose tout d'abord d'anticiper les dépenses qui seront effectivement budgétées pour l'année suivante 23 ( * ) , le niveau effectif d'exécution des crédits votés et le niveau de consommation des réserves 24 ( * ) ;

- la prévision en recettes varie, quant à elle, en fonction des assiettes des ressources TVA et RNB, du niveau de recouvrement des ressources propres traditionnelles, du solde prévisible de l'exercice en cours et du montant de la correction britannique (cf. infra ).

Le tableau suivant permet de détailler l'origine des écarts constatés en exécution.

Prévision et exécution du prélèvement sur recettes de 2007 à 2009

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

Loi de finances initiale

18.697

18.400

18.900

Variation de la ressource PNB

-1.382

364

1.816

Impact de la variation du taux d'appel

-53

-15

1.746

dont impact de la variation, par rapport à l'estimation faite en LFI :

- des dépenses à financer inscrites au budget de l'Union

-102

-25

-71

- de la sous-consommation des réserves (fonds de garantie, aide d'urgence)

0

-15

0

- du solde de l'exercice précédent

62

-27

390

- du produit des recettes diverses du budget communautaire

-26

-140

101

- du produit de la ressource TVA au niveau de l'UE

-109

160

355

- du produit des ressources propres traditionnelles au niveau de l'UE

122

32

971

Impact de la variation des bases PNB des Etats membres

-447

245

1.109

Solde de la ressource PNB sur les exercices antérieurs

293

321

34

Crédits n-1 rendus aux Etats membres en n (budget rectificatif)

-1.174

-187

-1.081

Variation de la ressource TVA

144

-123

-702

Impact de la variation du taux d'appel

19

-185

0

Impact de la variation des bases TVA des Etats membres

42

37

-556

Solde de la ressource TVA sur les exercices antérieurs

83

25

-146

Variation du produit des ressources propres traditionnelles

-213

-149

-301

Variation de la participation à la correction britannique

-71

222

-32

Variation de la participation des nouveaux rabais (Pays-Bas, Suède)

-

-

8

Variation liée à l'effet rétroactif de la DRP

-

-

284

Total des écarts

-1.522

314

1.065

Exécution

17.175

18.714

19.965

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2010

En 2007 , le prélèvement inscrit en loi de finances initiale a été surestimé de plus de 1,5 milliard d'euros , soit la surestimation la plus importante depuis 2002. Les principaux facteurs en sont :

1) la prise en compte, en 2007, d'un budget rectificatif pour 2006 tirant les conséquences de la sous-consommation massive des crédits du budget 2006. L'impact négatif sur la contribution française s'établit à 1.174 millions d'euros ;

2) une révision à la baisse de la prévision de quote-part française dans la base RNB , due à un moindre dynamisme de notre économie nationale (impact négatif de 447 millions d'euros) 25 ( * ) .

En 2008 , apparaît au contraire une légère sous-estimation du PSR-UE, à hauteur de 314 millions d'euros . Cet écart s'explique par les caractéristiques du volet recettes du budget communautaire : 1.529 millions d'euros d'excédent budgétaire ont été reportés de 2006 à 2007, minorant la contribution française de 244 millions d'euros et 5.976 millions d'euros ont été rétrocédés aux Etats membres en application du dernier budget rectificatif de 2007, soit 917 millions d'euros pour la France 26 ( * ) .

Pour l'année 2009 , la sous-estimation du prélèvement est nettement plus importante puisqu'elle est de plus d'un milliard d'euros .

Le phénomène de « sur-contribution » française s'explique notamment par l' augmentation du taux d'appel de la ressource RNB et par les révisions d'assiettes auxquelles procède la Commission chaque année 27 ( * ) : relativement moins atteinte par la crise économique que les autres Etats membres, la France voit, en effet, le calcul de sa ressource RNB revu nettement à la hausse ; or cette ressource représente l'essentiel de la contribution française.

Il convient également de noter l' effet de la décision ressources propres (DRP) du 7 juin 2007, entrée en vigueur le 1 er mars 2009. Votre rapporteur spécial consacre un paragraphe spécifique à la question de l'impact de la DRP sur le PSR-UE et sur le solde net français, à la fin de la seconde partie du présent rapport.

2. Le prélèvement sur recettes est évalué à 18,15 milliards d'euros en 2010

a) L'application de nouvelles règles comptables

Suite aux recommandations de la Cour des Comptes 28 ( * ) , la loi de finances pour 2010 prévoit une nouvelle mesure du périmètre du prélèvement sur recettes . Elle consiste à exclure les ressources propres traditionnelles 29 ( * ) de manière à pouvoir traitées celles-ci en compte de trésorerie. Votre rapporteur spécial convient que ces ressources appartiennent à l'UE et que l'État se contente d'en assurer le recouvrement.

Le nouveau mode de calcul du PSR-UE réduit, en apparence seulement, son montant en 2010. Cette baisse , de 747 millions d'euros par rapport à la prévision 2009 et de plus d'1,8 milliard d'euros par rapport à l'exécution 2009, ne résulte que des règles comptables utilisées par le présent projet de loi de finances . A périmètre constant, ce prélèvement s'élève en effet à 19,5 milliards d'euros, soit une augmentation en 2010 de 600 millions d'euros par rapport au PSR-UE prévu initialement en 2009 . Il faut toutefois souligner que la baisse est effective si l'on se reporte à l'exécution 2009. Celle-ci est, en effet, supérieure de 465 millions d'euros à la prévision 2010 .

L'ancien et le nouveau périmètre du prélèvement sur recettes

(en millions d'euros)

2009 (Prévision)

2009 (Exécution)

2010 (Prévision)

Prélèvement selon le périmètre 2009

18 900

19 965

19 500

Droits de douanes et cotisations sucres

- 1 943

- 1 641

- 1 347

Prélèvement selon le périmètre 2010

16 957

18 324

18 153

Source : commission des finances, d'après l'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2010

b) Les déterminants de la prévision pour 2010

L'article 33 du projet de loi de finances pour 2010 évalue le prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des Communautés européennes à 18,15 milliards d'euros, soit un PSR-UE 2010 moins important que celui exécuté en 2009 , même selon le périmètre 2010 (baisse de 171 millions d'euros). Cette prévision repose sur les hypothèses de la Commission européenne, issues de l'avant-projet de budget pour 2010, tant en matière de dépenses qu'en ce qui concerne les recettes.

En dépenses, le calcul a ainsi été établi en fonction d'un montant de 122,3 milliards d'euros de CP 30 ( * ) . Le PSR-UE résulte également de l'anticipation d'un moindre appel de fonds des Etats membres en janvier 2010, du fait d'annulations de crédits en fin d'année 2009, et d'un report de l'excédent budgétaire de 2009 sur 2010. S'agissant des recettes, la contribution française profite de l'absence d'effet rétroactif de la DRP en 2010 et, surtout, de la révision à la baisse de la part de la France dans le RNB 2010 de l'UE par rapport à 2009 , malgré le contexte d'évolution à la hausse du budget communautaire.

Décomposition de la contribution française en 2010 (périmètre 2009)

Ressource

Montant en milliards d'euros

Droits de douane et cotisations sucre

1,3

Ressource TVA

Dont correction britannique

3,8

1,1

Ressource RNB

14,4

Total

19,5

Source : commission des finances, d'après l'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2010

Votre rapporteur spécial rappelle qu'au sein du PSR-UE, plus d' un milliard d'euros correspond au financement de la « correction des déséquilibres budgétaires » dont bénéficie le Royaume-Uni . Notre pays reste donc le premier financeur du « chèque » britannique.

Le calcul de la « correction britannique »

Depuis 1984, et en application de l'accord dit de Fontainebleau, le Royaume-Uni profite en effet d'un mécanisme de « correction » dont est susceptible de bénéficier tout Etat membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité.

Le calcul de la correction britannique repose sur la différence constatée entre la part du Royaume-Uni dans les dépenses réparties (c'est-à-dire les dépenses engagées par l'Union sur le sol britannique) et sa part dans le total des paiements au titre des ressources TVA et RNB. Cette différence, exprimée en pourcentage, est multipliée par le total des dépenses réparties. Le déséquilibre ainsi obtenu est remboursé à hauteur des deux tiers au Royaume-Uni.

La charge représentée par la « correction » britannique est répartie entre les autres Etats membres au prorata de leur part dans le RNB total de l'Union . Pays fortement contributeurs nets, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède bénéficient toutefois, depuis 2000, d'un « rabais sur le rabais » , et leur contribution réelle est réduite à 25 % du montant qu'ils devraient théoriquement acquitter . La charge de cette réduction est ensuite répartie entre les autres Etats membres au prorata de leur part dans le RNB de l'Union.

Source : commission des finances

* 22 Cette tendance résulte notamment de la généralisation de l'écrêtement à 50 % de l'assiette TVA, de la réduction de son taux d'appel et du démantèlement des barrières douanières. La ressource RNB devrait désormais se stabiliser autour de ce niveau de 75 %.

* 23 Sans préjudice de l'impact d'éventuels budgets rectificatifs.

* 24 Réserve pour aide d'urgence et Fonds de solidarité de l'Union européenne notamment.

* 25 En sens inverse, la révision de la prévision de solde de ressource RNB sur exercice antérieurs et de ressource TVA ont majoré notre contribution respectivement de 293 millions d'euros et 83 millions d'euros.

* 26 Ces évolutions sont « contrebalancées » par une augmentation de la quote-part de la France dans l'assiette TVA et dans la base PNB (respectivement + 37 millions d'euros et + 245 millions d'euros par rapport à la prévision en loi de finances initiale) et par une révision à la hausse de la contribution française à la correction britannique (+ 222 millions d'euros). Le montant des ressources propres traditionnelles enregistre une baisse de 149 millions d'euros.

* 27 Sur la base des conclusions de mai 2009 du comité consultatif des ressources propres sur les assiettes TVA et RNB.

* 28 Cf. le rapport de la Cour, rendu public en juin 2009, sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour l'exercice 2008, pp.91 et 92.

* 29 La Cour souligne notamment que « la partie recettes du budget de l'Etat n'a pas vocation à recevoir des ressources qui, à aucun moment depuis leur fait générateur, ne lui appartiennent ». Comme le souligne l'exposé des motifs du présent article, il s'agit d'uniformiser le traitement comptable des droits d'importation et des cotisations sur le sucre. Ces ressources sont comptabilisées en compte de tiers en comptabilité générale et ne sont pas considérées comme des dépenses par la comptabilité nationale.

* 30 Pour mémoire, le projet de budget communautaire pour 2009 reposait sur une estimation de 116 milliards d'euros de CP.

Page mise à jour le

Partager cette page