Rapport n° 23 (2008-2009) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 octobre 2008

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N° 23

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 octobre 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l' économie , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1156 , 1158 et T.A. 192

Sénat :

22 (2008-2009)

INTRODUCTION

A situation extraordinaire, procédures et remèdes extraordinaires. La brusque accélération de la crise financière née en août 2007 du dysfonctionnement du marché des créances hypothécaires dites « subprimes » aux Etats-Unis a nécessité une réaction d'envergure de la part des Etats.

Le risque d'implosion de la « planète finances » a conduit les autorités publiques, gouvernements et banques centrales, à assumer pleinement, dès l'origine, mais plus encore ces dernières semaines, leurs responsabilités de garants en dernier ressort de la stabilité des marchés. On l'a dit et redit, la crise marque le retour de l'Etat et la fin de la « dictature des marchés », même s'il n'est question que de mieux faire fonctionner le capitalisme.

Certes, depuis le mois de septembre 2008, tous les pare-feux mis en place par les autorités américaines puis européennes avaient été emportés par l'incendie financier. Il fallait réagir et non pas simplement subir. C'est ce qu'a fait le Président de la République en sa qualité de président en exercice de l'Union européenne.

Un degré exceptionnel de coordination internationale

Le présent projet de loi de finances rectificative a pour objet de tirer les conséquences au niveau national des décisions prises sur le plan européen le 12 octobre dernier 1 ( * ) . Il y a là une obligation juridique résultant de la loi organique du 1 er aout 2001 relative aux lois de finances (LOLF), dès lors que le pouvoir exécutif est amené à prévoir des garanties, mais qui prend une portée politique , en ce qu'elle permet au Parlement, en exerçant pleinement ses prérogatives constitutionnelles, d'être partie prenante au sauvetage du système financier mondial.

La « préparation d'artillerie » diplomatique fut intense : réunion du G 4 avant celle du G 7 à Washington, étroite coopération avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, réunion, enfin, des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro, le week-end dernier.

Il est éminemment symbolique de voir que les mesures, qui semblent aujourd'hui bien accueillies par les marchés et de nature à enrayer l'engrenage de la défiance, aient été décidées dans le cadre de la zone euro , consacrant ainsi le rôle éminent de la monnaie unique dans l'économie mondiale .

Un plan décliné en deux volets étroitement complémentaires : liquidité et solvabilité

Sur le fond, une des caractéristiques majeures de ce plan est qu'il s'efforce de traiter conjointement les problèmes de liquidité et de solvabilité.

Sur le plan de la liquidité, il concrétise le rôle de garant en dernier ressort que joue l'Etat sur le marché interbancaire. Une des manifestations les plus inquiétantes de la crise est, en effet, la répugnance des banques à se prêter entre elles et les difficultés qu'elles éprouvent à se refinancer. Au moment où l'on craint la propagation de la crise de la sphère financière à l'économie réelle par l'effet de ce qu'il est convenu d'appeler le « crédit crunch », il est paradoxal de voir les banques ayant des besoins de liquidités se tourner vers la Banque centrale européenne (BCE) pour y faire face, tandis que celles disposant d'excédents les déposent sous forme de réserve rémunérée auprès de la même BCE. Il convient, cependant, de préciser que le problème est moins aigu pour le marché monétaire au jour le jour ou à l'horizon de quelques semaines, que pour les financements relevant du marché obligataire qui, lui, reste très largement bloqué.

Des modalités techniques encore à préciser

Le présent projet de loi de finances rectificative tend à organiser, sous l'égide de l'Etat, une caisse de refinancement de nature sinon à relancer le crédit interbancaire, du moins à s'y substituer pour un temps limité, permettant aux établissements de crédit, de financer les prêts aux agents économiques qui en ont besoin et notamment aux entreprises.

Sur le plan de la solvabilité, le présent projet loi de finances rectificative fait apparaître une société publique ayant vocation à prendre des participations dans les banques et organismes financiers de façon à permettre, si besoin est, aux banques de respecter les ratios de solvabilité, tels qu'ils résultent des règles internationales actuellement applicables.

Les sommes en jeu sont d'une importance sans précédent. Pour ces deux types d'activité, l'Etat va être autorisé par le Parlement, conformément à l'article 34 de la LOLF à garantir jusqu'à 360 milliards d'euros. Cela représente 19 points de PIB et plus de sept fois le déficit budgétaire prévu pour 2008 et 2009.

Il y a là un changement d'échelle en matière d'engagements des administrations publiques , tout à fait inédit. Il doit cependant être mis en perspective en raison de la nature des opérations concernées.

Il doit être clair qu' il ne s'agit pas d'opérations budgétaires mais d'opérations en capital ou en trésorerie. Celles-ci n'ont pas vocation à peser durablement sur la dette publique et ce d'autant moins que, juridiquement, c'est la société de refinancement et non l'Etat qui porte les crédits. Il s'agit pour l'essentiel d' engagements extérieurs aux administrations publiques , au surplus temporaires , qui ne devraient pas a priori avoir en eux-mêmes d'impact en termes de déficit et de dette maastrichtiens. En outre, les conséquences d'une telle augmentation des engagements de l'Etat seraient, dans l'hypothèse où ils seraient pris en compte pour le calcul de la dette au sens de l'Union européenne, à apprécier de façon relative au regard de la situation de tous les pays mettant en oeuvre un plan de même nature.

Les prises de participation qui seraient éventuellement décidées - mais rien n'indique que le système bancaire français en ait vraiment besoin compte tenu de sa relative moindre exposition aux créances douteuses - ont vocation à être, ultérieurement , remises sur le marché . Symétriquement, les opérations de la société de refinancement ne seront pas faites à fonds perdus. La garantie de l'Etat apportée à la société sera rémunérée , tandis que les concours de celle-ci aux banques qui lui apporteraient des effets en gage, seront effectués aux conditions du marché. Le système ainsi mis sur pied à l'initiative de l'Etat, tend à sécuriser l'accès des banques aux liquidités dont elles ont besoin, sinon à moyen terme du moins à plus long terme que ne le fait la BCE . Il s'agit, par la création d'un organe ad hoc procédant à des opérations qu'en d'autres temps on aurait qualifiées de transformation, de garantir la liquidité bancaire et non d'une structure de défaisance par laquelle l'Etat prendrait durablement en charge des actifs douteux.

Votre commission des finances souligne que le recours à une caisse de refinancement, qui peut apparaître une solution plus rigide qu'une garantie pure et simple aux opérations interbancaires, a le mérite de mieux préserver les intérêts du contribuable en offrant des gages réels à la garantie accordée par l'Etat. Dans le cadre des contacts préalables au dépôt du projet de loi et à sa discussion à l'Assemblée nationale, votre rapporteur général a d'ailleurs insisté pour qu'un certain nombre de règles de gouvernance soient respectées.

Dans les deux cas, qu'il s'agisse de refinancement ou de prise de participations, l'Etat aura un rôle directeur . En ce qui concerne la société de prise de participations, il va de soi que l'Etat en est le seul actionnaire ; s'agissant de la caisse de refinancement, ce qui compte c'est moins le fait que l'Etat soit ou non majoritaire dans le capital de la société mais qu'il puisse faire prévaloir son point de vue en raison de dispositions statutaires. Celles-ci peuvent être de nature variée : détention d'une minorité de blocage ou d'actions assorties de droits de vote privilégiés, présence d'un commissaire du gouvernement, etc.

Il est important, selon votre rapporteur général, de prévoir la présence, au sein de l'organe d'administration ou de surveillance de la société, de représentants du Parlement. Ceux-ci doivent avoir, indépendamment des pouvoirs reconnus en application de l'article 57 de la LOLF aux membres de la commissions des finances, un droit de regard, au sens propre, sur le fonctionnement de la caisse de refinancement et notamment sur le respect de principes de gestion traduisant des considérations d'intérêt général, que doivent appliquer les banques éligibles. Au titre de celles-ci, on peut mentionner le respect d'obligations diverses, notamment en matière de transparence et, plus spécifiquement, de rémunérations, ainsi que de la traçabilité des fonds collectés, qui doivent bénéficier in fine aux agents non financiers. L'intervention de l'Etat a des contreparties et en particulier l'éradication de certains comportements individuels qui ont démontré leurs effets pervers sur le plan systémique tout comme leur caractère inacceptable aux yeux de l'opinion publique.

Il doit être bien clair, de ce point de vue, que les mesures gouvernementales , qui prennent place dans ce qui peut être considéré comme un plan de sauvetage, ne tendent pas à « sauver les banquiers » mais à préserver un système financier essentiel au bon fonctionnement de la « machine économique » . Il ne s'agit pas de venir au secours d'agents économiques ayant eu des comportements discutables, et auxquels il serait juste de faire supporter les conséquences de leurs actes, mais, au contraire, de profiter d'une intervention nécessaire pour introduire davantage de rigueur, notamment en matière de rémunération et d'association au capital des dirigeants.

Des chantiers à ouvrir pour la refondation du système financier international

Le plan dont il est donc proposé d'approuver ici la déclinaison nationale semble donc être bien accueilli. Il est la condition nécessaire mais pas suffisante de la refondation du système financier international . Celle-ci suppose d'autres actions structurelles, en particulier, en matière de normes comptables, de ratios de solvabilité et de régulation des opérations sur les marchés à terme ou de produits dérivés. Tels sont les chantiers que la présidence française a initiés et qui devront être poursuivis au cours des prochaines semaines, concrétisant le retour de l'Europe et de ses valeurs sur la scène économique internationale.

Nul doute que l'initiative du Président du Sénat de proposer la constitution d'une mission d'études et de propositions commune aux deux assemblées, devrait permettre de mieux associer le Parlement français à cette refondation nécessaire du système financier international.

I. UNE CRISE FINANCIÈRE DEVENUE SYSTÉMIQUE

A. LA MUTATION D'UNE CRISE IMMOBILIÈRE EN UNE INÉDITE CRISE DU FINANCEMENT

1. Le retournement du cycle immobilier américain

La crise actuelle trouve sa source dans le retournement du marché immobilier aux Etats-Unis dès la fin 2006 et s'est confirmée durant le premier semestre 2007. Ce qui n'était, au départ, qu'une crise immobilière s'est alors d'abord mué en crise de liquidité et de solvabilité bancaire puis en crise boursière et en crise globale du système de financement, avec des ramifications profondes dans l'économie réelle par le canal de la raréfaction du crédit.

Après une période de forte expansion du crédit facilitée par une politique monétaire accommodante, la crise est née de la chute des prix immobiliers aux Etats-Unis et de la croissance du taux de défaut sur les crédits hypothécaires, particulièrement les crédits à risque dits « subprimes ». Il en est résulté la faillite ou quasi-faillite d'établissements spécialisés tels que la News Century Financial Corporation le 2 avril 2007. Certaines banques s'en sont rapidement trouvées fragilisées, de manière directe ou indirecte, notamment du fait du développement exponentiel de la titrisation et des dérivés de crédit 2 ( * ) depuis le début de la décennie.

Les crédits « subprimes » et la titrisation

1 - Les crédits subprimes

Les prêts subprimes , crédits hypothécaires à taux variable octroyés à des ménages peu solvables, ont connu une forte diffusion à partir de 2002. Celle-ci avait été initialement encouragée par les pouvoirs publics américains, via les sociétés de refinancement Fannie Mae et Freddie Mac, pour faciliter l'accession au logement des minorités. 2,5 millions de ménages américains modestes ont ainsi massivement souscrit de 2002 à 2006 (pour un montant de 640 milliards de dollars ) des crédits immobiliers hypothécaires garantis par la hausse escomptée de la valeur du logement.

L'attractivité des prêts était renforcée par des taux faibles d'appel teaser rates ») lors des 2 ou 3 premières annuités (prêts dits « 2/28 »), compensés par des taux ultérieurs variables et élevés, de 6 à 12 %.

2 - La titrisation de créances et le modèle « origination-distribution »

La titrisation ( securitisation en anglais) est une pratique de marché qui a connu une très forte expansion entre 2001 et 2007, par laquelle un créancier cède des créances d'origine diverse à une entité ad hoc (déconsolidante sur le plan comptable), qui en finance l'acquisition sous une forme structurée par l'émission de titres négociables sur un marché financier. La titrisation permet donc de rendre liquide un portefeuille de créances originellement illiquides .

Les véhicules structurés, en particulier les SIV ( Structured investment vehicles ), sont composés de diverses tranches de créances (dont des subprimes ) plus ou moins risquées et émettent des titres représentatifs (ABS - Asset backed securities ), souscrits par des OPCVM monétaires dynamiques, des hedge funds et d'autres banques. A l'occasion des différentes tranches d'émission, le véhicule fait l'objet d'une notation par une agence type Standard & Poor's ou Moody's, le « panachage » des créances permettant d'obtenir une note élevée, le cas échéant améliorée par la technique de rehaussement de crédit.

A l'origine, cette technique a été mise en oeuvre pour refinancer des crédits hypothécaires, des créances bancaires à court terme (encours de carte bancaire ou de crédits à la consommation), puis des créances commerciales appartenant à des entités non bancaires. De nombreuses opérations ont ensuite reposé sur la « titrisation synthétique », c'est-à-dire le transfert des seuls risques de crédit (en particulier via des produits dérivés) sans que, pour autant, soient transférés les actifs susceptibles de générer ces risques.

Aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en Europe, l'essor de la titrisation a conduit les banques d'investissement à mettre en oeuvre un nouveau modèle économique couramment dénommé « origination et distribution » du crédit (« originate to distribute »). Ce modèle a facilité pendant cinq ans un refinancement à faible coût et une externalisation des risques de crédit de nature à améliorer la présentation des bilans des banques.

2. La contagion à l'ensemble du secteur financier

La dégradation tardive des notations des véhicules de titrisation, la défaillance de certains hedge funds et fonds monétaires durant l'été 2007, et l'incertitude générale sur l'exposition réelle des banques au marché hypothécaire et aux dérivés de crédit ont amorcé une réaction en chaîne et une crise de liquidité sur le marché interbancaire , alimentée par une défiance croissante sur la solidité du bilan des banques.

Du fait des nouvelles normes de comptabilisation en valeur de marché, les établissements bancaires ont été confrontés à la nécessité de provisionner d'importantes pertes latentes sur des actifs dépréciés et de faire appel aux marchés financiers pour se recapitaliser et respecter les normes de solvabilité imposées par le Comité de Bâle (cf. encadré infra ). De très nombreuses augmentations de capital ont ainsi été réalisées entre septembre 2007 et juin 2008, pour un montant global d'environ 300 milliards de dollars.

L'impact de la crise du crédit hypothécaire sur le bilan des banques s'est propagé avec la défiance. Le montant global des dépréciations liées aux subprimes atteignait ainsi en septembre 2008 près de 590 milliards de dollars pour un marché de prêts subprimes de 1.300 milliards de dollars. Si les pertes des banques françaises étaient, fin septembre 2008, « limitées » à une vingtaine de milliards d'euros, compte tenu de leur stratégie plus prudente en matière de titrisation, celles des banques européennes culminaient à plus de 150 milliards d'euros.

3. Un dévoiement des bilans bancaires qui menace le financement de l'économie

Les causes de la crise sont dès lors apparues profondes et structurelles. Il ne s'agissait plus uniquement d'une crise des subprimes , ni même d'une crise de la titrisation, mais bien d'une crise du bilan des établissements financiers, avec plusieurs ingrédients délétères : un endettement intérieur croissant, un gonflement des bilans pour accroître le rendement des fonds propres, une explosion du hors-bilan pour donner l'illusion de la maîtrise du risques, et un intéressement disproportionné des dirigeants et opérateurs à la performance.

La solvabilité des banques

1. L'obligation de disposer de fonds propres positifs

Les banques sont soumises, comme toute entreprise, à l'obligation de disposer de fonds propres positifs. Des pertes financières importantes peuvent donc les rendre insolvables.

Supposons par exemple qu'une banque dispose, avant la crise, d'un actif constitué d'actifs financiers égal à 100, et d'un passif hors fonds propres constitué de dépôts pour un montant 80. Les fonds propres nécessaires pour équilibrer le bilan sont donc égaux à 100-80=20.

L'insolvabilité apparaît si l'actif de la banque diminue suffisamment pour rendre ses fonds propres négatifs, c'est-à-dire, dans notre exemple simplifié, si les actifs financiers deviennent inférieurs à 80.

Actuellement, une proportion importante des actifs soit, sont nettement en-dessous de leur valeur de long terme (s'agissant des placements dans des sociétés cotées), soit ne peuvent plus être valorisés par le marché faute de transactions (cas des véhicules structurés et de titrisation). Il peut en résulter un problème de solvabilité , les banques étant tenues par les normes comptables internationales de respecter la règle dite du « mark to market », c'est-à-dire d'évaluer leurs actifs selon les prix du marché.

2. L'obligation de respecter des règles prudentielles strictes

Outre l'obligation de disposer de fonds propres positifs, les banques de dépôts doivent également respecter certaines règles prudentielles liées à leur rôle central dans l'économie :

- les accords de Bâle I (1988) ont mis en place le ratio Cooke, selon lequel les fonds propres ne pouvaient être inférieurs à 8 % de l'encours pondéré des crédits (avec des fonds propres de 1, on pouvait ainsi prêter 12,5) ;

- les accords de Bâle II , formalisés le 26 juin 2004 et transposés en Europe par deux directives du 14 juin 2006, ont mis en place le ratio McDonough actuellement en vigueur, selon lequel les fonds propres ne peuvent être inférieurs à 8 % de la somme pondérée des différents types de risques.

Les banques appliquent également un ratio dit « Tier One » , indicateur largement utilisé par les régulateurs afin de mesurer le degré de capitalisation des institutions financières. Défini par les accords de Bâle I sans avoir été substantiellement modifiée par Bâle II, il désigne les fonds propres « de base », soit la partie jugée la plus solide de leurs capitaux propres, et rassemble essentiellement :

- au numérateur, le capital social, les résultats mis en réserve et les intérêts minoritaires dans les filiales consolidées, moins les actions auto détenues et l'éventuel goodwill (valorisation de l'écart d'acquisition) ;

- au dénominateur, le total des actifs ajustés du risque.

Le minimum requis selon les accords de Bâle I est de 4 % mais dans la pratique, la plupart des banques visent au moins 7 %.

La dépréciation des actifs des banques a donc pour conséquence de réduire leur possibilité de prêt , et peut leur poser un problème de solvabilité si le ratio devient inférieur à 8 %.

3. La réaction des pouvoirs publics

Face à de tels problèmes de solvabilité, les pouvoirs publics peuvent réagir de deux manières. Ils peuvent tout d'abord racheter les actifs à risque à un prix qu'ils déterminent . Le risque est alors de les acheter à une valeur inférieure ou supérieure à ce qui, dans des circonstances normales, constituerait son prix de marché. Dans le premier cas, le problème de solvabilité peut ne pas être résolu ; dans le second cas, l'Etat augmente de fait le capital de la banque, sans disposer d'aucun des droits de l'actionnaire, ni avoir de possibilité de « récupérer » ses fonds quand la situation s'améliore. C'est le principe du « plan Paulson » (cf. infra ).

L'Etat peut également contribuer à une recapitalisation des banques en devenant directement actionnaire, avec les avantages qui en découlent et la possibilité de revendre les actions une fois que la situation s'améliore. Ce cas de figure est privilégié par les pays européens.

Sans revenir en détails sur la chronique des difficultés des établissements financiers, on peut rappeler qu'une première prise de conscience de la gravité de l'impact sur le secteur bancaire est née à l'occasion des défaillances des banques Northern Rock et Bear Sterns . La première, spécialisée dans le crédit immobilier hypothécaire, a été de facto nationalisée par le gouvernement britannique le 18 février 2008, et la seconde, une des cinq plus grandes banques d'investissement américaines, a été rachetée par J.P. Morgan Chase le 16 mars 2008 avec le soutien de la Fed.

Les principales banques centrales sont intervenues sur le marché interbancaire dès l'été 2007, par des initiatives concertées ou individuelles. Elles ont ainsi massivement injecté des liquidités sous forme de prêts à très court terme aux banques, et ont graduellement atténué leurs exigences sur la qualité des actifs détenus par ces dernières qu'elles acceptaient en garantie (on parle de « collatéral ») de leurs interventions. La Fed a ainsi inclus dans le périmètre des actifs éligibles des actions d'entreprises cotées.

B. UNE « ACCÉLÉRATION DE L'HISTOIRE » EN SEPTEMBRE 2008 ET L'EXTENSION DE LA CRISE À L'EUROPE

Le cours des événements s'est accéléré en septembre 2008 avec une intensification de la crise, qui a pris des proportions inédites depuis 1929, et sa propagation rapide en Europe, au Japon et sur certains marchés émergents (Brésil et Russie notamment), à rebours de la thèse sur le « découplage » des cycles de croissance entre pays industrialisés et émergents.

La crise de confiance s'est traduite par une série de phénomènes : un blocage du marché interbancaire associé à la « thésaurisation » des liquidités fournies par les banques centrales, une amplification, selon une logique de « prophétie auto-réalisatrice », de la chute des indices boursiers déconnectée des fondamentaux économiques, et une intervention tout d'abord hésitante, puis de plus en plus étendue et concertée des pouvoirs publics. A mesure que le mal a progressé, les Etats ont pris conscience d'un risque croissant de déstabilisation systémique et du caractère inévitable de leur intervention.

1. La déstabilisation brutale du secteur bancaire américain

Comme en 2007, c'est aux Etats-Unis que la crise a pris une nouvelle dimension. Une crise de liquidité d'une ampleur sans précédent, affectant non plus seulement le marché du crédit hypothécaire mais le refinancement global à court terme des banques, a figé le système bancaire américain puis européen durant les mois de septembre et octobre 2008, en dépit des interventions quotidiennes des banques centrales. De manière inédite, les principales banques centrales ont également diminué conjointement leurs taux directeurs de 50 points de base le 8 octobre 2008.

Les prémices d'un « retour en force » de l'Etat, déjà manifestées par les interventions en faveur de Bear Sterns et Northern Rock, se sont confirmées avec la recapitalisation et la mise sous tutelle par le Trésor américain, le 7 septembre 2008, des organismes de refinancement hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae, qui garantissent 40 % de l'encours des prêts immobiliers américains (soit 5.300 milliards de dollars). La Fed a cependant tenté de rétablir l'« aléa moral » en mettant les opérateurs privés face à leurs responsabilités, ce qui a conduit à laisser la banque Lehman Brothers , quatrième banque d'investissement américaine, faire faillite le 16 septembre 2008.

Après l'acquisition de Merrill Lynch par Bank of America le 15 septembre 2008, seules deux des principales banques d'investissement américaines n'avaient pas disparu ou été rachetées : Morgan Stanley et Goldman Sachs, qui se transformèrent en banques de dépôt et furent donc placées sous la surveillance de la Fed. Afin d'éviter un risque systémique, la Réserve fédérale accorda également un prêt de 85 milliards de dollars à l'assureur AIG ( American International Group ) en échange de sa prise de contrôle par l'Etat fédéral à hauteur de 79,9 %.

Les risques de défaillances en chaîne ont relancé le mouvement de restructuration du secteur bancaire : l'essentiel des actifs de Washington Mutual , une des premières caisses d'épargne américaines, a été cédé à JP Morgan Chase, et Wachovia a successivement fait l'objet d'une offre de rachat de Citigroup puis de Wells Fargo.

Avec le recul des dernières semaines, il apparaît que la faillite de Lehman Brothers a cependant été perçue comme un véritable séisme et a accru l'aversion au risque sur l'ensemble des marchés mondiaux.

2. La propagation de la crise en dépit de multiples mesures nationales d'urgence

La transmission de la défiance et de la crise de liquidité et de solvabilité aux banques européennes a été rapide. La crainte de « dominos » a suscité une très forte volatilité et un mouvement de panique sur les bourses (baisse indifférenciée du cours de toutes les sociétés, sans considération de leur solidité réelle), malgré l'interdiction temporaire des ventes à découvert de titres du secteur financier par les autorités régulatrices des principaux pays. La semaine du 6 au 10 octobre2008 s'est ainsi soldée par un véritable « krach » avec, par exemple, une perte cumulée de 22,4 % pour l'indice français CAC 40.

Les pays industrialisés n'ont cependant pas tous été touchés de la même manière. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la crise correspond à un problème de sous-capitalisation du système bancaire, mais les réponses se sont voulues pragmatiques quoique distinctes.

Les Etats-Unis s'efforcent ainsi d'éviter, autant que possible, la recapitalisation . Le « plan Paulson » prévoit essentiellement la reprise par les pouvoirs publics d'actifs risqués et laisse largement jouer les mécanismes du marché, avec le rachat des banques en difficultés par leurs concurrents. Le Royaume-Uni réagit, quant à lui, par la recapitalisation de son système bancaire. Northern Rock et Bradford & Bingley ont été nationalisées, et le 8 octobre 2008, le gouvernement britannique a annoncé un plan de recapitalisation du secteur bancaire de 50 milliards de livres. Halifax-Bank of Scotland a néanmoins été rachetée par la Lloyds TSB.

Le « plan Paulson »

Le « plan Paulson », inclus dans l' Emergency Economic Stabilization Act et parfois dénommé TARP ( Troubled Assets Relief Program , soit un « programme d'assistance aux actifs en détresse »), a été adopté par la Chambre des représentants le 3 octobre 2008, après un rejet initial, découlant de l'opposition de la majorité des représentants républicains. Il permet au Trésor américain d'acquérir des actifs aujourd'hui illiquides, jusqu'à 700 milliards de dollars , correspondant à 5 % du PIB des Etats-Unis.

La mise à disposition de cette somme sera faite par étapes : une première tranche de 250 milliards de dollars sera débloquée immédiatement, suivie d'une seconde de 100 milliards de dollars, complétée par une dernière tranche de 350 milliards de dollars, ce déblocage requérant alors l'assentiment du Congrès.

Par ailleurs, le plafond d'indemnisation accordé aux déposants américains a été porté de 100.000 dollars à 250.000 dollars. Pour financer cette augmentation, la capacité d'emprunt de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) auprès du Trésor a été déplafonnée.

Ce plan a été critiqué par de nombreux économistes en ce qu'il ne prévoit pas de recapitalisation directe des banques en difficulté. Il dispose cependant que les institutions financières qui céderont des actifs illiquides au Trésor devront en contrepartie émettre en sa faveur des warrants (c'est-à-dire des titres lui conférant le droit d'acheter des titres pour un prix fixé à l'avance), ce qui permettrait au Trésor de devenir actionnaire des banques secourues.

La crise a même menacé l'économie d'un pays, l'Islande, dont le secteur financier, peu régulé et très endetté, représente une grande part du PIB. Le gouvernement a du nationaliser les trois principales banques, et les inquiétudes sur une possible faillite de l'Etat islandais ont conduit les agences de notation à dégrader sa dette publique, aggravant la crise de change dont la monnaie était victime depuis le début de l'année.

C. LES INCONNUES POUR L'ÉCONOMIE RÉELLE EN 2009

Par ses symptômes, la crise actuelle n'est pas sans rappeler les funestes enchaînements de la crise de 1929 ou de la crise japonaise des années 90. A défaut du retour de la confiance sur les marchés financiers et interbancaires, le renchérissement et la contraction du crédit peuvent en effet aboutir à une situation de « credit crunch » et entraîner des conséquences néfastes pour l'économie réelle : atonie des investissements, réduction des coûts et restructurations des entreprises, stagnation ou baisse du pouvoir d'achat, chômage et diminution du commerce international. La situation actuelle présente toutefois de nombreuses différences avec celle de 1929 , en premier lieu du fait de la réactivité des Etats.

Il est cependant encore trop tôt pour prévoir l'impact que pourrait avoir en France la crise bancaire et financière. Cet impact dépendra en particulier de la capacité à répondre à la crise de confiance actuelle pesant sur les marchés. Les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) évoquent l'hypothèse d'une croissance économique pour la France proche de zéro , mais dépendent encore de paramètres qui ne sont pas tous encore connus aujourd'hui.

1. Le ralentissement économique constaté pour 2008 est antérieur à la crise financière

Les prévisions de croissance économique pour 2008 ont été constamment revues à la baisse depuis le début de l'exercice, et ce indépendamment de la crise financière. La croissance économique française a, en effet, été marquée par la hausse importante des prix du pétrole, la hausse du cours de l'euro, ainsi que par une croissance des Etats-Unis plus faible que prévu.

Les fourchettes de prévisions du consensus s'établissaient, au début du mois de septembre 2008, avant la brusque aggravation de la crise financière, entre 0,9 % (COE-Rexecode et Société générale en particulier) et 1,5 % (HSBC France), avec une moyenne de 1,1 %. Au cours de l'exercice 2008, l'évolution du consensus pour la zone euro a évolué à la baisse de façon continue, avant même que la crise financière fasse véritablement sentir ses effets.

Evolution des prévisions économiques pour l'exercice 2008

Sept. 2007

Oct. 2007

Nov. 2007

Déc. 2008

Janv. 2008

Fév.
2008

Mars 2008

Avril 2008

Mai 2008

Juin 2008

Juil.
2008

Août 2008

Sept. 2008

France (consensus)

2,1

1,9

1,9

1,8

1,7

1,6

1,6

1,5

1,5

1,7

1,6

1,5

1,1

France (gouvernement)

2,25

2,25

2,25

2,25

2,25

2,00

1,85

1,85

1,85

1,85

1,00

1,00

1,00

Zone euro

2,2

2

2

1,9

1,8

1,6

1,5

1,5

1,5

1,7

1,6

1,5

1,3

Etats-Unis (consensus)

2,4

2,4

2,3

2,1

2

1,6

1,4

1,3

1,3

1,5

1,5

1,6

1,8

Source : consensus Forecast, déclarations du gouvernement, projet de loi de finances pour 2009

A ce stade, la prévision d'une croissance de l'ordre de 1 % en 2008 n'a pas été modifiée par l'Insee , qui dans sa note de conjoncture du 3 octobre 2008, évaluait la croissance pour 2008 à encore 0,9 % , malgré une croissance de trimestre à trimestre globalement nulle, voire négative (avec, respectivement, une croissance de 0,4 %, - 0,3 %, - 0,1 % et - 0,1 % aux 1 er , 2 e , 3 e et 4 e trimestres).

Il convient en effet de rappeler que la croissance du PIB une année donnée est exprimée en « moyenne annuelle » : le taux de croissance d'une année donnée est calculé en fonction du rapport entre le PIB total de l'année n et le PIB total de l'année n-1. Dès lors, si la croissance de trimestre à trimestre est positive l'année n-1, et nulle l'année n, la croissance du PIB de l'année n est considérée comme positive 3 ( * ) .

Or la croissance trimestrielle a été positive en 2007 et l'acquis de croissance en 2008 est de l'ordre de 0,8 % .

2. Un manque réel de visibilité pour l'exercice 2009

Pour l'année 2009, les dernières prévisions disponibles, établies au début du mois de septembre 2008, s'établissent, au sein du consensus, entre 0,6 % (Oddo Securities) et 1,6 % (Total). Le projet de loi de finances pour 2009 a été construit sur une hypothèse de 1 % de croissance. Ces prévisions n'ont pas encore tiré toutes les conséquences de la crise financière. Le FMI prévoit désormais une croissance de 0,2 % en France en 2009.

Faute de visibilité, on ne peut à ce stade formuler que des hypothèses sur l'évolution de la croissance.

a) Prendre en compte l'acquis de croissance 2008

Bien que la prévision de croissance pour 2009, exprimée en moyenne annuelle, soit analogue à la prévision de croissance pour 2008, elle suppose une croissance de trimestre à trimestre significative pour compenser l'acquis de croissance nul voire négatif issu de 2008.

Cette croissance de trimestre à trimestre devrait être en 2009 de l'ordre de 0,4 % ou 0,5 %, pour que la croissance en moyenne annuelle soit bien de 1 % en 2009.

b) Pétrole, euro, taux d'intérêt : des facteurs de soutien en 2009 ?

L'évolution du prix du pétrole, du taux de change de l'euro, et des taux d'intérêt constituent des facteurs susceptibles de soutenir la croissance en 2009.

Ainsi, un euro vaut, au 13 octobre 2008, 1,36 dollar, et le prix du baril de Brent est repassé sous la barre des 90 dollars (80 dollars au 13 octobre 2008).

On rappelle que, selon les estimations usuelles, la première année :

- un prix du pétrole inférieur de 10 dollars aux prévisions ou une baisse des taux d'intérêt (courts et longs) de 100 points de base (ou une croissance de l'économie des Etats-Unis supérieure de 1 point) augmentent la croissance du PIB de la zone euro et de la France d'environ 0,25 point ;

- une dépréciation de l'euro contre toutes les monnaies de 10 % augmente la croissance du PIB de la zone euro de 0,5 point.

Il n'est pas possible d'additionner les impacts des différents phénomènes. Mais ces facteurs de soutien de l'économie pourraient jouer un rôle stabilisateur, alors même qu'ils pourraient être paradoxalement la conséquence d'un ralentissement important de l'économie mondiale, en particulier européenne.

II. LES ETATS GARANTS EN DERNIER RESSORT DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL

Comme indiqué précédemment, la condition nécessaire du réamorçage du crédit, et donc de la continuité de l'économie, est le rétablissement de la confiance des prêteurs.

Or, dans les circonstances présentes , où la défaillance d'établissements financiers de premier plan apparaît possible et où la crédibilité des agences de notation en tant que juges de la capacité de remboursement des emprunteurs a été amoindrie, seuls les Etats inspirent pleinement confiance . Ce seul élément rend leur action indispensable.

Dans un premier temps, les Etats doivent intervenir comme « pompiers », c'est-à-dire qu'ils doivent se montrer rapides et efficaces afin d'enrayer le processus d'effondrement du système financier. Le présent projet de loi a pour objet de traduire cette action urgente, pour ce qui concerne la République.

Votre rapporteur général estime qu'elle doit respecter deux principes :

- d'une part, elle doit être coordonnée avec nos partenaires et donc respecter les principes définis avec eux, sous peine d'être inefficace ;

- d'autre part, elle doit préserver les intérêts des contribuables et ne pas apparaître comme un « cadeau » fait aux « riches » en des temps difficiles, sous peine d'être inacceptable par nos concitoyens.

Enfin, même s'il ne peut s'agir de la priorité chronologique, l'action des Etats ne saurait se limiter à ce rôle de pompier. Il leur appartiendra de définir très vite de nouvelles « règles du jeu » afin d'éviter que demain ne couvent de nouveaux incendies.

A. DES RÉACTIONS NATIONALES D'ABORD EN ORDRE DISPERSÉ

1. Des réponses différentes à des situations différentes : typologie des réponses des pouvoirs publics à la crise

Dans un premier temps, face à l'urgence, les Etats ont cédé à la tentation du « chacun pour soi » et la coordination des efforts n'a pu se faire.

Certes, les pays se trouvaient dans une situation objectivement différente selon les causes de la crise chez eux. Ainsi, les Etats-Unis doivent faire face à de graves doutes sur la solidité du bilan de leurs banques. Si de telles interrogations ont également pu affecter certains établissements européens de crédit, leur situation n'est pas comparable puisque, en Europe, la crise est provoquée, pour l'essentiel, par une crise de confiance sur le marché interbancaire.

C'est pourquoi les premières mesures nationales n'ont pas toujours été prises après consultation des partenaires. Lesdites mesures peuvent être classées selon la typologie suivante :

1) des mesures de court terme pour freiner la baisse des marchés : il s'agit principalement des interdictions portant sur certaines ventes à découvert , en particulier celles dont le dénouement requiert d'emprunter les titres. Leur portée se révèle cependant réduite car elles peuvent être assez aisément contournées ;

2) des mesures de court et moyen termes de stabilisation du système bancaire, parmi lesquelles :

- « l'élagage » par le cantonnement et la reprise des actifs les plus risqués. Tel est l'esprit du plan de sauvetage élaboré aux Etats-Unis par M. Henry Paulson, secrétaire au Trésor ;

- la « propriété en dernier ressort » par la souscription en capital aboutissant pafois à une nationalisation immédiate ou différée d'opérateurs. De telles mesures ont été prise aux Etats-Unis (pour l'assureur AIG et les agences de refinancement Fannie Mae et Freddie Mac), au Royaume-Uni (pour les banques Northern Rock et Bradford & Bingley), ou encore en Europe continentale (dans le cas de Fortis et de Dexia) ;

- le « filet de sécurité » pour les déposants , par un relèvement unilatéral du plafond de garantie des dépôts et comptes d'épargne. Ainsi, le Conseil ECOFIN de Luxembourg du 7 octobre 2008 a-t-il apporté davantage de coordination en convenant que tous les Etats membres de l'Union européennes « fourniraient, pour une période initiale d'un an au moins, une garantie pour les dépôts des particuliers d'un montant minimal de 50.000 euros, en prenant acte de ce que de nombreux Etats membres ont décidé de porter ce minimum à 100.000 euros ». Plusieurs Etats européens ont adapté la garantie de dépôt en vigueur dans leur pays à la suite de ce Conseil, ce qu'illustre le tableau ci-dessous ;

- la garantie des emprunts interbancaires (par exemple les emprunts de Dexia, garantis jusqu'au 31 octobre 2008 par les gouvernements français, belge et luxembourgeois, ou encore la garantie du gouvernement britannique au crédit de ses banques pour un montant de 250 milliards de livres sterling) ;

- l'octroi de liquidités (à l'exemple de la banque allemande Hypo Real Estate, dont le prêt initial par l'Etat et un consortium de banques, de 35 milliards d'euros, dût être porté à 50 milliards d'euros, la banque ayant initialement sous-estimé ses besoins de liquidités) ;

3) enfin les consolidations sectorielles à l'initiative des banques pour étendre leur base de dépôts et de refinancement.

Garantie des dépôts dans plusieurs pays européens
avant et après le Conseil ECOFIN du 7 octobre 2008

(en euros)

Avant

Après

Allemagne, Grèce, Irlande (*)

20.000

Illimitée

Autriche, Belgique, Espagne

20.000

100.000

Danemark

40.000

Illimitée

France

70.000

70.000

Italie

103.291

103.291

Pays-Bas

38.000

100.000

Royaume-Uni

44.000

64.000

(*) Irlande : garantie illimitée pendant 2 ans non seulement des dépôts bancaires, comme les autres pays, mais aussi des dettes dans les 6 grandes banques du pays.

Source : Crédit agricole

2. Des actions trop peu lisibles pour dissiper la défiance des marchés

L'ensemble de ces actions n'a pas rassuré les acteurs du monde financier, ce qu'illustre la baisse historique des marchés d'actions dans la semaine du 6 au 10 octobre 2008.

S'il est difficile de porter un regard objectif sur des événements aussi récents, il semble :

- d'une part, que ces mouvements en tout sens pouvaient manquer de lisibilité et de cohérence pour les acteurs de marché ;

- d'autre part, qu'ils ne répondaient que partiellement aux problèmes de liquidité des établissements bancaires, ce qui a pu, parfois, contraindre certains d'entre eux à céder des participations, même à perte, afin de faire face à leurs échéances, alimentant ainsi la spirale baissière ;

- enfin, que ces mouvements disparates pouvaient s'entrechoquer les uns les autres, ce qu'illustrent, par exemple, les tensions entre l'Irlande et le Royaume-Uni, ce dernier pays invoquant la déstabilisation de ses banques du fait de l'octroi unilatéral par l'Irlande d'une garantie des créances de ses banques nationales.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE ACTION COORDONNÉE, EN PARTICULIER DANS LA ZONE EURO

1. Un niveau de concertation inédit et des décisions réelles

L'inefficacité des mesures prises isolément a convaincu les dirigeants des principales économies du monde d'agir en plus étroite concertation.

En effet, comme l'a souligné notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances, lors du débat au Sénat sur la crise financière et bancaire 4 ( * ) , si la France adoptait la meilleure législation du monde, son effort serait vain en l'absence de prise de décision cohérente par ses partenaires. En l'espèce, la réponse à une crise financière d'origine américaine mais qui se répand dans le monde entier avec des conséquences potentielles désastreuses pour l'ensemble des économies, ne peut être qu'internationale. Plus précisément, elle doit consister en des actions nationales qui tiennent compte des réalités propres à chaque Etat, mais coordonnées afin d'être cohérentes entre elles et de présenter la plus grande visibilité pour l'ensemble des acteurs .

Naturellement, cette coordination s'impose, en premier lieu, aux pays ayant une monnaie unique. C'est ainsi qu'à l'initiative de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République et actuel président du Conseil européen, un sommet des Etats de la zone euro s'est tenu, à Paris, ce dimanche 12 octobre 2008,au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, ce qui est « une première » de nature à concrétiser la solidarité résultant de l'euro.

Cette réunion avait été précédée, toujours à l'initiative du Président de la République, d'une réunion préparatoire des pays européens membres du G7 (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni) 5 ( * ) , le 5 octobre à Paris et d'un Conseil ECOFIN le 7 octobre 2008 à Luxembourg. D'autre part, un G7 finances s'est tenu à Washington le 10 octobre 2008. L'effort de coordination s'étend donc à l'ensemble de nos principaux partenaires, ce que montre également l'entretien du Président Sarkozy avec M. Gordon Brown, Premier ministre du Royaume-Uni, avant le sommet de la zone euro précité.

Surtout, ces réunions ont abouti à des conclusions concrètes et opérationnelles . Des principes d'action forts et lisibles ont ainsi été définis à l'issue du sommet de la zone euro, comme le reprend l'encadré ci-dessous.

Extrait de la déclaration sur un plan d'action concerté des pays de la zone euro,
adoptée à l'issue du sommet des Etats de la zone euro (12 octobre 2008)

« Ceci rend indispensable que les gouvernements de l'Union Européenne et de la zone Euro, les banques centrales et les autorités de supervision décident d'une approche coordonnée visant à :

- assurer des liquidités suffisantes aux institutions financières ;

- faciliter le financement des banques qui est actuellement contraint ;

- apporter aux institutions financières les ressources en capital pour qu'elles continuent à financer correctement l'économie ;

- apporter une recapitalisation suffisante aux banques en difficulté ;

- assurer assez de flexibilité dans la mise en oeuvre des règles comptables dans les circonstances exceptionnelles actuelles ;

- renforcer les procédures de coopération entre pays Européens.

Dans les circonstances exceptionnelles actuelles, nous soulignons la nécessité pour la Commission de continuer à agir rapidement et appliquer avec flexibilité les décisions en matière d'aides d'Etat tout en continuant à soutenir les principes du marché unique et du régime d'aides d'Etat.

(...)

Nous saluons les initiatives mises en place dans certains Etats membres pour faciliter le financement à moyen terme des banques, notamment à travers l'achat d'actifs de qualité ou à travers des échanges de titres d'Etat. L'aggravation des conditions financières dans les dernières semaines exige d'autres actions concertées.

A cette fin, les Gouvernements pourront aussi fournir, pour une période définie et à des conditions déterminées, directement ou indirectement, leur garantie, une assurance ou tout autre dispositif similaire aux nouvelles émissions des banques, pour des durées allant jusqu'à cinq ans. Les Gouvernements peuvent également, aux mêmes fins, procéder à l'acquisition directe de ces émissions. En tenant compte des conditions de marché de chacun des pays concernés, cette garantie pourra être ciblée sur certaines catégories d'opérations.

Quel que soit le mécanisme retenu, il sera mis en place de manière à ne pas fausser le jeu d'une concurrence loyale entre établissements et à empêcher de possibles abus aux dépens des institutions qui n'en bénéficieraient pas. En conséquence :

- son prix devra refléter au minimum sa valeur dans des conditions de marché normales ;

- y seront éligibles toutes les institutions financières enregistrées et opérant dans nos pays, ainsi que les filiales des institutions financières étrangères ayant une activité significative, dès lors qu'elles respectent les exigences réglementaires de capital minimum et d'autres critères non discriminatoires ;

- les gouvernements pourront imposer des conditions aux bénéficiaires de ces dispositifs, y compris des engagements de financement de l'économie réelle ;

- ce dispositif sera plafonné, temporaire et concernera, sous le contrôle des autorités financières, les émissions réalisées avant le 31 décembre 2009.

(...)

Afin de permettre aux institutions financières de renforcer leurs fonds propres et d'assurer un financement suffisant des économies de la zone euro, chaque Etat membre mettra à la disposition des institutions financières de nouveaux fonds propres, comme par exemple par l'acquisition des actions de préférence ou d'autres instruments comparables, y compris des titres non dilutifs. Les conditions de prix de ces instruments prendront en compte les conditions de marché et la notation des institutions financières concernées et devront être cohérentes entre les Etats membres. Les Gouvernements s'engagent à fournir ce capital en volume suffisant tout en continuant à favoriser par tous moyens possibles la recherche de capitaux privés. Les institutions financières concernées devront être obligées d'accepter des contraintes en contrepartie, en particulier pour prévenir de possibles conséquences de ces mécanismes aux dépens des institutions qui n'en bénéficieraient pas.

(...)

Les Gouvernements rappellent leur engagement d'empêcher toute faillite d'institutions financières qui présenteraient un risque pour le système financier dans son ensemble, en y consacrant les moyens adaptés, y compris l'apport de capitaux nouveaux. Dans ces interventions, nous veillerons tout particulièrement au respect des intérêts des contribuables et à ce que les actionnaires et le management assument leur part de responsabilité dans ces interventions. Les recapitalisations d'urgence devront être accompagnées de plans de restructuration adaptés. ».

Source : déclaration sur un plan d'action concerté des pays de la zone euro

2. La déclinaison nationale de mesures qui doivent rétablir la confiance

Votre rapporteur général tient à souligner la cohérence des lignes directrices exprimées à l'issue du sommet des Etats de la zone euro, qui sont de nature à « réenclencher » la mécanique du crédit et donc le financement de l'économie tout en préservant au mieux les intérêts des contribuables.

D'une part, l'ensemble des pays affirme avec force qu'aucune banque européenne importante ne fera faillite , les Etats s'engageant, si nécessaire, à employer des moyens « hétérodoxes » pour y parvenir, y compris la prise de participations. Comme indiqué précédemment, plusieurs pays ont d'ailleurs déjà eu recours à de tels procédés.

Mais, de telles annonces n'ayant pas suffi à restaurer la confiance des prêteurs, les Etats de la zone euro sont allés plus loin en préconisant l'apport de garanties publiques aux nouvelles émissions des banques . Cela doit permettre de relancer enfin le marché interbancaire.

Le marché interbancaire

Le marché interbancaire est un marché où les banques échangent entre elles des actifs financiers et empruntent ou prêtent à court terme (pour des durées s'échelonnant entre un jour et deux ans), et où la banque centrale intervient également pour apporter ou reprendre des liquidités. Les taux moyens pratiqués sur ce marché pour chaque durée sont publiés chaque jour, sous l'appellation, pour la zone euro, de taux interbancaire offert en euros (EURIBOR) 6 ( * ) .

Les établissements admis à traiter sur ce marché interbancaire, en France, sont les établissements de crédit, les institutions telles que le Trésor public, la Banque de France, la Caisse des Dépôts et consignations (CDC), les entreprises d'investissement, celles-ci n'étant toutefois pas admises aux opérations de refinancement de la BCE. Les banques de la zone euro doivent déposer une réserve obligatoire auprès de la BCE, qui est un pourcentage de leurs encours de dépôts à vue.

Le marché interbancaire est un marché de gré à gré , les intervenants traitant donc directement et librement entre eux, éventuellement par l'entremise d'un courtier. Les banques y équilibrent quotidiennement leur position, y écoulant leurs excédents ou, au contraire, allant y chercher un refinancement. Ces échanges sont généralement assis sur des titres servant de garantie pour le prêteur.

Les banques centrales nationales et la BCE équilibrent la liquidité au quotidien voire interviennent pour équilibrer le bilan des banques commerciales en cas de crise de liquidités.

Cependant, la crise financière actuelle a eu pour conséquence de paralyser le marché interbancaire, les banques redoutant la défaillance de leurs homologues. La hausse continue des taux jusqu'à des niveaux record (5,3930 % pour l'EURIBOR 3 mois au 9 octobre 2008) rend bien compte de ce phénomène. La BCE a, pour partie, suppléé les banques commerciales en acceptant pour contrepartie des titres qu'elle ne prend habituellement pas. Mais un tel système ne saurait fonctionner à long terme ni répondre complètement au besoin de refinancement des banques, d'autant qu'en l'absence de gouvernement fédéral européen, il n'y a pas la même symbiose entre l'Union européenne (ou l'Eurogroupe) et la BCE qu'entre le gouvernement des Etats-Unis et la Réserve fédérale américaine.

Or, le grippage prolongé de ce marché affecterait l'économie tout entière, les banques, incertaines quant à la possibilité de rééquilibrer leur position, risquant de bloquer leurs opérations de crédit aux acteurs de « l'économie réelle », les entreprises comme les ménages.

La garantie publique des nouveaux encours, en introduisant un tiers de confiance (l'Etat) dont le bilan n'apparaît pas sujet à caution, doit donc permettre de relancer le crédit entre banques et, de là, éviter les graves répercussions sur l'activité économique.

Comme cela sera détaillé infra , les dispositions du présent projet de loi relatives à la garantie de l'Etat au crédit interbancaire, via la création d'un véhicule de refinancement des banques, répondent à cet objectif de relance de ce crédit tout en respectant pleinement les principes énoncés à l'issue du Sommet de Paris .

Il en va de même de la création de la Société de prises de participations de l'Etat (SPPE) qui permettra à l'Etat d'apporter directement des capitaux aux établissements qui en auraient le plus besoin.

La combinaison de ces deux mesures doit permettre de sortir de la paralysie actuelle, en répondant de façon ferme à la fois aux éventuels problèmes de capitalisation et aux problèmes de liquidités.

3. La préservation des intérêts des contribuables

Votre rapporteur général ne saurait trop insister sur la prise en compte des intérêts des contribuables , qui figure explicitement dans le communiqué publié à l'issue du Sommet de Paris.

Comme cela sera décrit infra , il convient d'affirmer que, d'une part, un apport en capital ne saurait être assimilé à une dépense et, d'autre part, qu'une garantie est un service qui doit être rémunéré et qui n'implique pas nécessairement une sortie de fonds.

D'autre part, votre rapporteur général souhaite que l'Etat, lorsqu'il apporte son concours à des banques, place leurs dirigeants face à leurs responsabilités. En effet, de fortes rémunérations impliquent de fortes responsabilités et l'échec doit donc entraîner des conséquences en termes de rémunération, voire de présence à la tête d'une entreprise.

C. LES PRINCIPES DE LA REFONDATION DU SYSTÈME FINANCIER

Même si cela ne constitue pas l'urgence immédiate, seul objet du présent projet de loi, votre rapporteur général tient à souligner l'importance des mesures qui devront être prises ultérieurement afin d'améliorer le fonctionnement du système financier .

Dans le discours qu'il a prononcé à Toulon le 25 septembre 2008, le Président de la République en a tracé les axes principaux, étant entendu que, là encore, la plus étroite coordination internationale sera la condition même du succès.

A cet égard, le Conseil européen devrait accentuer la pression sur la Commission européenne, les banques et les organes de normalisation bancaire et comptable, en premier lieu le Comité de Bâle et l' International accounting standards board (IASB). A cet égard, il importe de bien garder à l'esprit que des travaux importants sont en cours depuis plusieurs mois :

- la révision de la directivedu 1 er juin 2006 sur le capital réglementaire des banques . La Commission européenne a cependant revu à la baisse ses exigences sur le taux de rétention de la titrisation dans les comptes des banques ;

- un projet de directive sur l'enregistrement des agences de notation et le suivi de leurs méthodes, à l'instar du système américain. On ne peut que souhaiter que la concertation aboutisse non seulement au niveau européen, mais encore avec les Etats-Unis ;

- des projets de standardisation et de dénouement centralisé des dérivés de crédit actuellement négociés de gré à gré. Les avancées sont cependant encore trop timides sur ce terrain ;

- un probable assouplissement de la comptabilisation à la juste valeur . Le régulateur boursier américain a pris une telle initiative le 30 septembre 2008 pour les actifs illiquides. L' International Accounting Standards Board (IASB) se montre plus réceptif et il importe que les banques européennes soient placées sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes américaines, mais la Commission européenne et l' European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) doivent être beaucoup plus audibles ;

- enfin la mise en place d'une supervision européenne des groupes bancaires transfrontaliers.

Au-delà, d'autres chantiers tout aussi importants doivent nous permettre de rebâtir la régulation financière. Il s'agira ainsi de :

- trouver une solution commune avec les Etats-Unis et les grands pays émergents, par exemple sous l'égide de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), sur la standardisation et le règlement centralisé des produits dérivés ;

- accroître la pression sur les paradis fiscaux et juridiques qui permettent l'opacité de trop nombreuses transactions ;

- moraliser les mécanismes de rémunération des dirigeants , et renforcer les exigences communautaires en la matière. De ce point de vue, il conviendra de veiller à l'application effective du code de gouvernement d'entreprise publié par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et l'Association française des entreprises privées (AFEP) le 6 octobre 2008 ;

- faire aboutir rapidement la réforme de la régulation financière française , qui devrait se constituer autour d'un pilier prudentiel, pour les banques, assurances et mutuelles, et d'un pilier déontologique, consacré aux marchés et à la commercialisation des produits ;

- être plus rigoureux avec ceux qui facilitent le surendettement. Ainsi, si la France n'a pas les subprimes , certains Français ont un problème de crédit à la consommation . Ce crédit est utile, mais les sociétés financières doivent appliquer scrupuleusement leur obligation professionnelle de conseil au client, ce qui se traduit, en particulier, par un devoir d'information et de mise en garde si les ressources du client sont insuffisantes.

III. LES MODALITÉS DE LA GARANTIE DE L'ETAT AU SECTEUR BANCAIRE

Le présent projet de loi de finances rectificative répond à la nécessité « d'adopter, en étroite coordination avec nos partenaires du G 7, de la zone euro et de l'Union européenne, les mesures propres à restaurer la confiance et à créer les conditions d'un fonctionnement normal du système de financement de l'économie ». Il vise, pour l'essentiel, à demander au Parlement d'autoriser l'octroi de la garantie de l'Etat, dans la limite de 360 milliards d'euros, soit 19 % du PIB :

- à titre onéreux, aux créances émises avant le 31 décembre 2009, et d'une durée maximale de cinq ans, par une société de refinancement des établissements de crédits ;

- à titre onéreux, aux financements levés jusqu'au 31 octobre 2009 par les sociétés Dexia SA, Dexia Banque Internationale Luxembourg, Dexia Banque Belgique, Dexia Crédit Local de France ;

- à titre gratuit, aux financements levés par une société ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres règlementaires.

Ce plan s'inscrit dans le cadre d'une initiative concertée des pays de l'Union européenne . Comme l'a souligné M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, « si on tient compte des différences de PNB, il est comparable à celui de l'Allemagne (400 milliards d'euros pour la garantie interbancaire et 80 milliards d'euros pour la recapitalisation) et du Royaume-Uni (318 milliards d'euros pour la garantie interbancaire et 64 milliards d'euros pour la recapitalisation) ».

La société de refinancement des établissements de crédit, ainsi que la société dont l'Etat est l'unique actionnaire ayant pour objet de souscrire des titres émis par des organismes financiers, vraisemblablement dénommée « Société de prises de participations de l'Etat (SPPE) », ne sont pas créées par le présent projet de loi de finances rectificative : nonobstant la garantie de l'Etat, elles constituent juridiquement des sociétés de droit privé .

A. LE RÉGIME DES GARANTIES DE L'ETAT : UN ENGAGEMENT INSCRIT AU HORS BILAN

Une garantie de l'Etat est un engagement par lequel celui-ci accorde sa caution à un organisme dont il veut faciliter les opérations d'emprunt, en garantissant au prêteur le remboursement en cas de défaillance du débiteur. Dans ce cadre, l'Etat supporte un risque de défaut de l'emprunteur qui aurait donc un impact potentiel sur les comptes publics.

En application de l'article 34 de la LOLF, une garantie doit être autorisée en loi de finances. Le caractère urgent des mesures de refinancement du secteur bancaire ont donc conduit le gouvernement à déposer dans les meilleurs délais un projet de loi de finances rectificative, avant même le dépôt du traditionnel « collectif » de fin d'année.

1. Le régime juridique : une autorisation donnée par le Parlement en loi de finances

Les conditions de l'octroi de la garantie de l'Etat sont fixées par l'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) qui dispose que « la loi de finances de l'année (...) autorise l'octroi des garanties et fixe leur régime ». Les garanties nouvelles de l'Etat ne peuvent ainsi être octroyées que sur le fondement d'une disposition de loi de finances. Elles font l'objet dans les dispositions des lois de finances d'un plafond par opération. Il s'agit de bien mesurer la portée de la garantie dès son octroi, en la rattachant à une opération financière précise, en précisant un montant maximum et en la limitant dans le temps.

a) Le montant des garanties octroyées aujourd'hui par l'Etat serait de 60 milliards d'euros

Au 31 décembre 2007, le montant de la dette garantie par l'Etat s'établissait à 60,5 milliards d'euros , auxquels s'ajoutent 900 millions d'euros libellés en devises 7 ( * ) .

S'agissant des versements effectués au titre des appels en garantie de l'Etat, ceux-ci se sont établis en 2007 à 363 millions d'euros contre 185 millions d'euros en 2006.

Evolution de l'encours des garanties de l'Etat

(en milliards d'euros)

31 décembre 2005

31 décembre 2006

31 décembre 2007

Dette garantie (euros)

24,6

55,8

60,5

Dette garantie (devises)

0,4

0,5

0,9

Source : compte général de l'Etat 2007 annexé au projet de loi de règlement pour 2007

Avant l'intervention du présent projet de loi de finances rectificative, le champ des garanties de l'Etat apparaissait plus limité que par le passé , en raison d'une restriction du champ d'application de l'article 1 er de la loi n° 59-914 du 1 er août 1959, qui permettait l'octroi de la garantie de l'Etat aux emprunts contractés par les entreprises publiques. Celles-ci (EDF, SNCF...) se sont trouvées en situation de se procurer des financements sur les marchés sous leur propre signature et l'octroi de garanties avait pu fortement se restreindre depuis le milieu des années 1980.

Au titre des autorisations récentes, on compte néanmoins des garanties octroyées à l'ERAP, dans le cadre de la recapitalisation de France Télécom, à hauteur de 10 milliards d'euros, la garantie des emprunts de l'UNEDIC, pour 2003 et 2004, à hauteur de 6,2 milliards d'euros, et des dispositions au bénéfice de l'Agence française de développement pour de l'ordre de 2 milliards d'euros.

b) Le plafond de 360 milliards d'euros n'implique pas que l'Etat sera amené à octroyer un tel montant de garantie

Le montant maximal de la garantie de l'Etat de 360 milliards d'euros conduirait, si ce montant était complètement mobilisé par les sociétés concernées, à multiplier le montant des garanties de l'Etat par sept, et donc les porter de 3 % du PIB à environ 22 % du PIB . Le montant de 360 milliards d'euros se décompose entre 320 milliards d'euros au titre des créances émises par la société de refinancement des établissements de crédits et 40 milliards d'euros au titre des financements levés par la société ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers. Rien n'indique cependant, à ce stade, que l'autorisation de garantie devra être utilisée « à plein ».

Dans son intervention après le Conseil des ministres, le 13 octobre 2008, M. Nicolas Sarkozy, Président de la République a ainsi déclaré : « ce chiffre est un maximum qui ne sera sans doute jamais atteint. Il ne représente en aucun cas un coût pour le contribuable puisqu'il s'agit seulement d'une garantie qui ne jouera qu'en cas de défaillance d'un établissement. En l'absence de défaillance, le contribuable sera gagnant du montant des commissions encaissées sur les garanties souscrites ».

S'agissant de la garantie accordée à la société de refinancement des établissements de crédits, son application est conditionnée, au II de l'article 6 du présent projet de loi de finances rectificative, à la conclusion d'une convention entre chacun des établissements éventuellement concernés et l'Etat , qui fixe les contreparties de la garantie.

S'agissant de la garantie octroyée à la société ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers, elle sera en réalité délivrée au cas par cas, opération par opération, sur décision du ministre chargé de l'économie . Cette décision précisera, à chaque fois, pour chaque financement accordé, la durée et le plafond de la garantie.

2. Le régime budgétaire et comptable des garanties de l'Etat

En comptabilité nationale comme en comptabilité budgétaire, les garanties, tant qu'elles ne sont pas appelées, n'ont pas vocation à être intégrées à la dette publique . Le principe général, défini par Eurostat, est que la dette garantie reste celle de l'émetteur, aussi longtemps que celui-ci n'appelle pas la garantie. Il s'agit selon cet organisme d'un engagement « contingent », ou « conditionnel ». Il n'y a pas de traduction budgétaire réelle pour les administrations publiques. En revanche, les garanties doivent figurer, pour l'information du Parlement, au « hors bilan » de l'Etat. Leur évaluation figure au sein du compte général de l'Etat annexé au projet de loi de règlement de chaque exercice.

Ainsi, le risque est réel, mais le coût budgétaire est éventuel.

L'appel de la garantie représente par contre un transfert de l'engagement financier vers l'Etat. Dans une perspective maastrichtienne, l'exercice de la garantie revient à une reprise de dette par l'Etat. Sont donc affectés le besoin de financement de l'Etat, et la dette publique. Dès lors qu'il y a mise en jeu de la garantie, la dette devient dette de l'Etat , pour le montant total de la garantie appelée, quel que soit le calendrier de remboursement. Pour le solde budgétaire, en comptabilité nationale, l'appel en garantie a un double effet : transfert en capital au bénéfice de l'entreprise concernée, pour la totalité de la dette concernée , et après la reprise de la dette, paiement de la charge d'intérêt de la dette. L'appel de la garantie a donc de lourdes conséquences en comptabilité maastrichtienne.

3. Quelle rémunération pour la garantie de l'Etat ?

Toutes les garanties octroyées par l'Etat ne font pas l'objet d'une rémunération. La LOLF ne prévoit pas, contrairement au régime des prêts et avances de l'Etat qui sont consentis par le biais des comptes de concours financiers, définis à l'article 24 8 ( * ) de la LOLF, de rémunération systématique des garanties de l'Etat.

Ainsi, dans le présent projet de loi de finances rectificative, l'article 6 propose un octroi à titre gratuit de la garantie de l'Etat à la société ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers. Mais l'Etat en étant l'unique actionnaire, il devrait pouvoir escompter en contrepartie des dividendes et des plus-values de cession, qui dépendront bien évidemment de l'évolution des participations prises. Il y aura donc rémunération de l'Etat actionnaire à défaut de rémunération de l'Etat garant. L'Etat est ainsi rémunéré pour les risques qu'il prend.

En effet, dans le champ économique, il peut apparaître souhaitable que l'intervention de l'Etat, sous la forme d'une garantie auprès d'acteurs économiques, qui pourraient apparaître en difficulté ponctuelle, puisse faire l'objet d'une rémunération. C'est une simple exigence de bonne gestion des deniers publics .

Il y a là aussi une réponse à une contrainte européenne, et à la prise en compte des règles relatives aux aides d'Etat. Aux termes des articles 87 et 88 du traité CE relatifs aux aides d'Etat, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Tel pourrait être le cas des garanties, si elles étaient octroyées à titre gratuit, dont bénéficierait la société de refinancement des établissements de crédits.

La garantie présente l'avantage de faire supporter par l'Etat le risque qui y est associé. Cette prise de risque a vocation à être rémunérée par une prime appropriée . Si l'Etat renonçait à tout ou partie de cette prime, il y aurait à la fois avantage pour l'entreprise et ponction sur les ressources publiques. La qualification éventuelle d'aide d'Etat serait retenue au moment où la garantie est offerte, et non au moment où elle est mobilisée ou à celui où elle entraîne des paiements.

La rémunération de la garantie proposée dans le présent projet de loi de finances rectificative devrait être proche des conditions de marché auxquelles pourrait être offerte une source de financement alternative. La rémunération normale de cette garantie qui intègre une prime de risque, correspond au coût du service rendu par la puissance publique.

B. LES QUESTIONS DE STRUCTURES ET DE MODES DE FINANCEMENT

De manière concomitante au présent projet de loi de finances rectificative, ont été créés, dans le cas de la société ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers, désormais intitulée « S ociété de prises de participations de l'Etat (SPPE) » ou vont être créés, dans le cas de la société de refinancement des établissements de crédits, deux sociétés amenées à jouer un rôle déterminant dans le retour de la confiance sur les marchés financiers.

1. Le statut des deux sociétés : structure publique ou privée, dette publique ou privée ?

Si les deux sociétés sont des entités de droit privé, leur rôle particulier dans le refinancement des établissements financiers, les conditions de leur création, leur gouvernance conduisent à s'interroger sur leur inclusion ou non dans le périmètre des administrations publiques .

Dans un souci de transparence, leur inclusion peut se justifier, mais elle devrait faire l'objet d'une décision harmonisée à l'échelle de l'Union européenne par Eurostat , compte tenu de la création de structures de nature semblable dans les principaux pays européens.

Dans tous les cas, la création de ces structures n'a pas d'impact sur le déficit public, mais leur endettement pourrait ou non être intégré au sein de la dette publique. De toute manière, cet endettement important, mais ponctuel, doit être distingué - puisqu'il serait issu d'opérations financières, notamment en capital - du niveau actuel de l'endettement public, résultant principalement de déficits récurrents en fonctionnement. Surtout, ces opérations comportent des contreparties économiques (détentions d'actifs financiers ou de contre-garanties).

a) Les opérations des structures publiques sont sans impact sur le déficit, et marginales en ce qui concerne la dette publique

En comptabilité maastrichtienne, est qualifié par Eurostat d'opération financière tout apport de capitaux à une société par un Etat membre si l'Etat reçoit en échange un actif financier de même valeur . L'apport de capitaux doit avoir trois caractéristiques : libre disposition par la société des capitaux mis à disposition, habilitation des actionnaires à recevoir des dividendes et émission d'actions pour un montant équivalent aux fonds placés. Dans ce cas, l'opération financière n'est pas considérée comme ayant un impact sur le besoin de financement des administrations publiques, c'est-à-dire sur le déficit . La même analyse peut être faite s'agissant des prêts par des structures publiques, dès lors qu'elles reçoivent en contrepartie un titre de créance, ou une participation en capital.

En comptabilité budgétaire, afin de tenir compte de cette « ouverture » de la comptabilité maastrichtienne, les opérations financières passent habituellement par des comptes dédiés . Ceci est le cas des comptes de prêts et d'avances prévus à l'article 24 de la LOLF. Pour les prises de participation, il s'agit du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » : celui-ci permet de prendre des participations dans des entreprises privées 9 ( * ) et peut bénéficier de versements du budget général. En aucun cas, il ne peut « s'endetter en propre », dès lors qu'il ne dispose pas de la personne morale.

Dans ces conditions, et c'est encore le cas dans le contexte actuel, il est parfois nécessaire pour certaines opérations financières , de créer une structure de portage ad hoc . Lorsque celle-ci est publique, l'emprunt qui couvre l'opération financière est, lui, bien enregistré dans la dette publique.

Ainsi, dans le passé, lorsque le compte d'affectation spéciale précité ne disposait pas d'assez de liquidités pour financer une opération de recapitalisation, la solution employée a consisté communément à trouver un établissement public (classé dans la catégorie des ODAC), portant la dette, a priori garantie par l'Etat, et recevant en échange les titres de la société concernée. Il n'y avait pas d'impact en dépense et en déficit, ni du point de vue de la comptabilité budgétaire, ni du point de vue de la comptabilité maastrichtienne. En revanche, il y avait, bien évidemment, un impact sur la dette publique car il s'agissait d'un ODAC. Il faut, en effet, prendre en considération le fait que la dette maastrichtienne est une dette brute et non une dette nette , qui tiendrait compte en regard des engagements financiers des administrations financiers de la valeur de leurs actifs ou de leurs créances.

b) Le statut public ou privé des deux sociétés devra être précisé

Il reviendra en définitive à Eurostat de décider de l'inclusion des deux sociétés de refinancement et de recapitalisation des banques dans le champ des administrations publiques. Il conviendra d'harmoniser le traitement comptable de l'ensemble des entités nouvellement créées par les différents pays européens. Dans une logique de transparence, une décision d'inclusion peut paraître justifiée . Il y aurait comme un paradoxe à annoncer sur l'initiative des pouvoirs publics, et sur décision des plus hautes autorités de l'Etat, la constitution de ces deux sociétés, qui apparaissent comme la traduction de sa stratégie face à la crise financière, et sur un plan comptable, à considérer que ces entités ne constituent pas une administration publique.

En ce qui concerne la société ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers, le doute apparaît faible. Elle est détenue par un actionnaire unique, l'Etat, qui nomme ses dirigeants. Elle bénéficie d'une garantie à titre gratuit de celui-ci. Elle a, certes, vocation à se comporter comme un « investisseur avisé ». Mais son rôle, sur le plan économique, se différencie peu, sinon par son ampleur, du rôle qu'a tenu l'ERAP, classé au sein des administrations publiques, au moment de la recapitalisation de France Télécom en 2003 . La garantie de l'Etat vise expressément, selon l'article 6 du présent projet de loi de finances rectificative, à « garantir la stabilité du système financier français ». Selon l'INSEE, on peut être amené à classer une société holding publique dans le secteur des administrations publiques lorsque « le holding a été mis en place par l'État « à des fins de politique générale » (développement d'investissements publics pour lesquels les capitaux privés ne sont pas nécessairement disponibles), et / ou avec un objectif précis et limité dans le temps : en général réorganiser des entreprises publiques et les privatiser, ou encore vendre des actifs douteux (cas de défaisance notamment) » .

Le cas du reclassement de la dette du consortium de réalisation (CDR) : rappels du rapport d'information de votre rapporteur général sur l'évolution de la dette publique de 2002

« Dans le cadre de la crise du Crédit Lyonnais, l'Etat est intervenu afin d'aider cette société à se défaire de certains de ses actifs. Une double structure a été mise en place : une structure de financement (EPFR), et des structures de cantonnement et de gestion des actifs (regroupées dans le groupe CDR). Dans le cadre de ce dispositif, l'Etat a apporté sa garantie à un prêt effectué par la banque à la structure de financement.

Un temps, on considéra que les organismes de défaisance étaient engagés dans une forme d'intermédiation financière, empruntant pour financer l'achat d'actifs qu'ils revendaient ensuite sur le marché. Ils furent exclus du champ des administrations publiques et leur dette ne fut dès lors pas considérée comme une composante de la dette publique, solution qui favorisa le respect du critère de dette publique posé comme exigence à l'adoption de l'euro.

Le SEC 95 (§ 2.34) devait estimer que le fait de s'exposer réellement au risque est une caractéristique essentielle de l'intermédiation financière. On dut alors considérer que ces structures agissaient au nom des administrations publiques, lesquelles prenaient de fait à leur charge la majeure partie du coût final de la défaisance.

Pour la structure de financement (l'EPFR), on considéra que, mise en place par l'État, contrôlée et in fine largement financée par lui, elle avait naturellement vocation à être classée dans le secteur des administrations publiques.

Pour la structure de cantonnement et de gestion des actifs (le CDR), son statut et la réalité de son activité financière sur le marché, qui auraient pu conduire à la classer formellement dans la catégorie des institutions financières, cédèrent devant le critère essentiel de l'exposition au risque ; celui-ci n'étant pas respecté, le dispositif de défaisance a été considéré dans sa globalité, et dans sa signification économique, par-delà l'apparence juridique.

Les deux structures (à l'exception d'une filiale du CDR) ont donc été reclassées en ODAC et furent ainsi, tardivement, réintégrées dans les administrations publiques. Considérées finalement comme des gestionnaires publics de biens, ayant une activité non marchande, leur dette fut intégrée dans la dette publique ».

Source : rapport d'information n° 361 (2001-2002)

S'agissant de la société de refinancement des établissements de crédits, le diagnostic peut paraître plus délicat, au moins sur un plan formel. Société de droit privé, la composition de son actionnariat n'est pas connue à ce jour. Mais ce capital devrait être mixte, avec une participation conjointe des établissements bancaires et de la puissance publique.

La société bénéficie d'une garantie de l'Etat, mais à titre onéreux. Un commissaire du gouvernement assiste aux séances de l'organe d'administration de la société avec un droit de veto sur les décisions de nature à affecter les intérêts de l'Etat au titre de sa garantie. Ses dirigeants seraient agréés par l'Etat, mais non nommés par lui. Elle constitue une institution financière. Il existe évidemment des institutions financières publiques, Banque de France ou Caisse des dépôts et consignations : elles ne sont pas classées au sein des administrations publiques, mais dans le champ des institutions financières.

Pour le traitement en comptabilité nationale de la société de refinancement des établissements de crédits, tout dépendra dès lors de son autonomie de décision par rapport à l'Etat , et des conditions d'exercice de son activité « d'intermédiaire financier ». En l'espèce, le critère important sera de savoir si la société s'expose réellement par elle-même au risque , comme un intermédiaire financier de marché, ou si elle agit au nom de l'Etat. Elle pourrait se définir comme une « structure de place ». Mais son intervention sera en pratique étroitement liée , puisqu'elle conditionne la garantie à des conventions que l'Etat passera avec les banques .

Tout dépendra, dans les deux cas d'espèce, de la pratique, c'est-à-dire de la vie des deux entités concernées, et de la nature réelle, sur le plan économique, de leur activité. Quoiqu'il en soit, et si l'endettement d'une ou des deux entités ne devait pas figurer au sein de la dette publique, le Parlement devra être informé du niveau de leurs emprunts.

2. Les modalités de financement des deux sociétés

L'octroi de la garantie de l'Etat a pour effet de réduire le coût des émissions des emprunts obligataires des structures qui en font l'objet, ou au moins de leur faciliter l'accès aux marchés financiers . Moyennant un écart de taux de quelques dizaines de points de base, comme cela a déjà été constaté pour l'ERAP 10 ( * ) , et à condition qu'elles bénéficient du soutien technique de l'Agence France Trésor, elles devraient obtenir des conditions de financement privilégiées. Ce privilège est évidemment équilibré, dans le dispositif du présent projet de loi de finances rectificative par la rémunération de la garantie de l'Etat.

Dans le contexte actuel, où les débiteurs les plus fragiles voient leurs conditions de crédit se durcir, la situation de la dette française apparaît relativement favorable, et permet un financement aux meilleures conditions des deux sociétés nouvellement créées. Elles seront sur les marchés de la zone euro en concurrence avec la pluralité des nouveaux émetteurs garantis par les différents Etats européens.

L'évolution du taux du titre d'Etat français à maturité de 10 ans apparaît maîtrisée depuis le début de l'année 2008. En nominal, ce taux n'est pas supérieur au taux constaté au début de l'année 2008, et inférieur au pic constaté entre juin et août 2008.

Evolution du taux des titres d'Etat à 10 ans

(en %)

Source : Agence France Trésor

La situation relative de la France sur le marché obligataire de la zone euro apparaît particulièrement favorable par rapport aux autres Etats européens . Certes, c'est l'Allemagne qui bénéficie au sein de la zone euro des meilleures conditions de financement, alors que l'Espagne et la France bénéficiaient encore avant le mois de septembre 2008 de taux quasi identiques. Depuis la crise financière, les écarts de taux se sont accrus. Il existe un phénomène de « fuite vers la qualité » , caractérisée par une préférence croissante des investisseurs pour les titres liquides, dont bénéficie au premier chef la dette allemande, considérée comme offrant de meilleures garanties en la matière. Mais la France bénéficie de conditions de financement de plus en plus favorables au regard des autres pays de la zone euro et de la moyenne des pays concernés.

L'indicateur de « spreads » (écart de taux) calculé par l'agence France Trésor au 13 octobre 2008

Source : Agence France Trésor

Pays par pays, les situations sont de plus en plus contrastées. L'Espagne, qui bénéficiait de conditions de financement aussi favorables que la France supporte désormais des taux supérieurs à la moyenne de la zone euro . La dégradation apparaît également très nette dans le cadre de l'Irlande, de l'ordre de 40 points de base, et dans une moindre mesure de la Grèce et de l'Italie.

Ecart de taux des émissions d'emprunt au sein de la zone euro par rapport à la moyenne

26/09/08

02/10/08

03/10/08

10/10/08

13/10/08

Allemagne

-0,28%

-0,33%

-0,34%

-0,36%

-0,34%

France

-0,15%

-0,17%

-0,17%

-0,20%

-0,19%

Espagne

0,06%

0,07%

0,07%

0,11%

0,12%

Italie

0,25%

0,29%

0,30%

0,34%

0,32%

Grèce

0,36%

0,39%

0,40%

0,44%

0,41%

Irlande

0,01%

0,05%

-0,01%

0,07%

0,37%

Belgique

0,01%

0,02%

-0,01%

-0,01%

0,01%

Pays-Bas

-0,17%

-0,19%

-0,19%

-0,24%

-0,22%

Source : Agence France Trésor

C. LA SOCIÉTÉ DE REFINANCEMENT : UNE FORMULE HYBRIDE DESTINÉE À ASSURER LA CONTINUITÉ DU MARCHÉ INTERBANCAIRE

1. Un dispositif distinct du mécanisme britannique

Le II de l'article 6 du présent projet de loi propose un dispositif original ayant pour objet de revitaliser le refinancement des banques et le crédit aux agents économiques. Il prévoit pour cela la création d'une société de droit français bénéficiant de la garantie de l'Etat et dont l'objet exclusif est de consentir, au moyen d'émissions obligataires, des prêts aux établissements de crédit garantis par des actifs .

Ce mécanisme réactif et innovant, dont se félicite votre rapporteur général, paraît constituer un bon compromis entre l'efficacité recherchée du marché interbancaire et la préservation des intérêts des contribuables.

Seul le plafond global de garantie de l'Etat pour l'ensemble des nouveaux mécanismes de soutien au secteur financier est précisé dans le V de cet article, soit 360 milliards d'euros. Le sous-plafond afférent au dispositif de refinancement serait toutefois largement majoritaire, puisqu'il pourrait atteindre, selon un ordre de grandeur, 320 milliards d'euros . Ce montant indicatif est néanmoins susceptible d'évoluer en fonction des besoins des banques (arbitrage entre refinancement et recapitalisation).

a) Un refinancement plutôt orienté vers le moyen terme à la différence de celui d'une banque centrale

Le dispositif proposé présente des similarités avec le fonctionnement d'une banque centrale, mais ne constitue pas pour autant une « BCE bis » . Comme une banque centrale, la société est appelée à assurer le refinancement des banques et à recevoir des actifs bancaires en garantie, mais elle s'en distingue sur plusieurs points qui en font un instrument complémentaire plutôt que concurrent d'une telle banque.

En premier lieu, elle n'est pas conçue comme un outil de politique monétaire mais comme un acteur obligataire et de refinancement à moyen terme , sorte de « pont » entre le court et le long termes. Alors que la BCE n'émet pas de titres et crée de la liquidité à court, voire à très court terme comme dans la situation actuelle (du jour le jour à quelques semaines), la future société recourra au marché pour émettre des titres à moyen terme (jusqu'à 5 ans de maturité).

La configuration actuelle du marché monétaire rend nécessaire ce positionnement sur le marché obligataire : la suractivité du marché monétaire ces dernières semaines, « sous perfusion » de la BCE, a conduit les établissements de crédit à « gonfler » leur bas de bilan en instruments de court terme (prêts gagés, pensions livrées...), au risque de ne plus être en mesure, si la tendance se prolonge, de fournir en garantie à la banque centrale des actifs de qualité suffisante. Le blocage actuel du marché monétaire porte donc en germe celui du marché obligataire.

En second lieu, la gamme des collatéraux admis par la société de refinancement sera plus large que celle de la BCE (cf. infra ), en dépit des récents assouplissements de sa réglementation.

b) Un dispositif a priori plus sécurisé que le choix du Royaume-Uni

En outre, le dispositif français se distingue du plan britannique en ce que le refinancement suppose la constitution de « collatéraux » par les banques, alors que le schéma adopté au Royaume-Uni consiste en des prêts directement garantis par l'Etat sans collatéraux, dont les modalités d'octroi dépendent de la médiane sur un an du risque de crédit de la banque emprunteuse, ce risque étant mesuré par la prime de CDS ( Credit default swap 11 ( * ) ).

Votre rapporteur général juge cette distinction déterminante à au moins deux titres :

- le dispositif français devrait permettre de laisser perdurer le marché des émissions « sèches » (sans garantie sous-jacente de l'Etat) des établissements de crédit, qui reflète leur solidité financière réelle. Il serait donc plus responsabilisant pour les banques , dont la signature ne sera pas « polluée » par un soutien public direct ;

- il est plus protecteur des intérêts des contribuables du fait de la prise de garanties par la société de refinancement.

En réalité, le fonctionnement de cette société tend à s'apparenter à celui de la Caisse de refinancement de l'habitat - CRH (ex - Caisse de refinancement hypothécaire), établissement de crédit de place créé en juin 1985 12 ( * ) qui a succédé à l'ancien marché hypothécaire. Elle bénéficiait originellement de la garantie explicite de l'Etat, à laquelle s'est substitué le privilège particulier dont bénéficient les porteurs obligataires sur les prêts consentis aux banques.

Rappelons que l'unique objet de la CRH est de refinancer, par l'émission d'obligations foncières bénéficiant de la notation la plus élevée (AAA), les prêts au logement consentis par les établissements de crédit qui sont ses actionnaires exclusifs 13 ( * ) . Ces prêts restent à l'actif des banques mais sont nantis au profit de la CRH en tant que collatéraux. Afin de renforcer la sécurité des obligations émises par la CRH, il est également prévu une « sur-collatéralisation » à hauteur de 25 % minimum. Depuis sa création, la CRH a émis pour plus de 50 milliards d'euros d'emprunts obligataires, dont 6 milliards d'euros ont bénéficié de la garantie de l'Etat.

2. Le statut et l'organisation de la société

Le statut et l'actionnariat de la nouvelle société ne sont pas précisés. Elle devrait néanmoins être de droit privé et ses actionnaires seront conjointement l'Etat , qui devrait disposer, le cas échéant avec la Caisse des dépôts et consignations, de la minorité de blocage, et les principales banques françaises .

Votre rapporteur général entend se montrer particulièrement vigilant sur la prévention et la neutralisation des conflits d'intérêts , les actionnaires privés de la société étant à la fois décisionnaires et concurrents. La probable minorité de blocage de l'Etat, le droit de veto du commissaire du gouvernement, les modalités équitables de refinancement et les conditionnalités imposées par la contractualisation directe avec l'Etat (cf. infra ) constituent cependant d'importantes garanties, qui pourront être confortées par le choix d'une personnalité indépendante et incontestée à la présidence de la société, comme par le reporting régulier et précis qui sera adressé au ministère de l'économie.

La nouvelle société n'aura pas la qualité d'établissement de crédit pour ne pas être soumise à la contrainte, coûteuse et peu utile en l'espèce, de disposer d'un capital minimum répondant aux exigences réglementaires de « Tiers one » (cf. supra ) et de couverture du passif. Le capital ne sera donc constitué que pour couvrir des frais de fonctionnement réduit.

Elle revêtira cependant plusieurs caractéristiques de ce statut , compte tenu de son objet. Elle pourra ainsi consentir des prêts, par dérogation à l'article L. 511-5 du code monétaire et financier relatif au monopole des établissements de crédit sur les opérations de banque, sera contrôlée par la Commission bancaire dans les conditions de droit commun et pourra bénéficier du régime des cessions et compensations de créances, au même titre que les établissements de crédit.

Les statuts comme les dirigeants de la société seront agréés par arrêté du ministre chargé de l'économie. L'article 6 du présent projet de loi ne fixe pas les détails de son mode de gouvernance et de ses organes sociaux, mais il est prévu qu'un commissaire du gouvernement assiste aux séances de son « organe d'administration » et dispose d'un droit de veto sur toute décision « de nature à affecter les intérêts de l'Etat » au titre de sa garantie.

La présence de parlementaires au sein de l'organe d'administration apparaît souhaitable à votre rapporteur général, mais il pourrait s'agir de postes de censeurs, ne disposant pas de voix aux délibérations.

3. Le modèle économique et les conditionnalités du refinancement

A l'instar de la CRH, la future société de refinancement émettra, en fonction des besoins exprimés par les banques de la place, des emprunts obligataires avec la garantie de l'Etat, donc offrant (hors tarification de la garantie) un « spread » réduit par rapport aux emprunts de l'Agence France Trésor. A titre d'exemple, les OAT à 5 ans émises en août 2008 servaient un taux de 4,195 %, et l'Euribor (taux de référence du marché monétaire à 3 mois) s'établissait le 14 octobre 2008 à 5,318 %.

Les obligations émises par la société seront souscrites par des investisseurs institutionnels et leur produit sera intégralement destiné à apporter des financements aux banques sous forme de prêts. Les caractéristiques et conditions de ces prêts devraient être proches de celles d'une banque centrale . La quotité du prêt accordé sera ainsi fonction de la valeur et de la qualité des actifs remis en garantie, tandis que la qualité de l'emprunteur (mesurée par la prime de CDS) déterminera le taux du prêt, qui devrait être analogue à celui du marché, compte tenu de la tarification de la garantie de l'Etat (cf. infra ).

Le champ des établissements de crédit éligibles au refinancement est large puisqu'il couvre les établissements qui satisfont aux exigences légales et réglementaires de fonds propres, en particulier les ratios prudentiels de solvabilité. Un établissement en difficulté devrait donc, le cas échéant, procéder d'abord à une recapitalisation. Ce champ inclut également les filiales françaises d'établissements étrangers.

A la différence de la CRH qui ne prélève pas de marge ou commission sur ses opérations de refinancement 14 ( * ) , la garantie de l'Etat sera accordée à titre onéreux , ce qui implique deux types de contreparties à la charge des bénéficiaires :

1) L'imputation d'une marge sur les prêts octroyés aux banques. La société fonctionnera à marge nulle puisqu'elle facturera la garantie de l'Etat : le produit de la tarification sera reversé par la société à l'Etat et figurera dans le compte de résultat en produits et en charges. Votre rapporteur général estime que cette rémunération du risque pris par l'Etat aura vocation à augmenter dans le temps , afin de renforcer l'incitation à une « émancipation » progressive des banques du nouveau dispositif de refinancement assisté par l'Etat.

2) Le respect par les banques refinancées d'obligations contractuelles portant sur la déontologie des dirigeants et le « fléchage » des financements qu'elles accordent in fine aux agents économiques.

Il est ainsi prévu que les banques passent une convention d'éligibilité avec l'Etat - et non avec la société de refinancement afin de mieux prévenir les éventuels conflits d'intérêt -, qui fixe les contreparties relatives au financement « des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales » et précise les engagements des établissements comme de leurs dirigeants sur des « règles éthiques conformes à l'intérêt général ». Ces règles devraient en particulier prévenir l'octroi abusif d'indemnités de bienvenue (« golden hellos ») et de rupture (« golden parachutes » notamment). La signature de la convention matérialisera la garantie de l'Etat, accordée pour chaque émission de la société et non de façon globale et indifférenciée.

Ce principe de contreparties substantielles au refinancement directement ou indirectement assuré par l'Etat est indispensable , admis par la place et retenu par tous les plans de « sauvetage » du secteur bancaire, en particulier par ceux américain (émission de warrants au profit du Trésor en contrepartie de la cession d'actifs illiquides, plafonnement de la rémunération des dirigeants et suppression des « parachutes dorés ») et britannique (suppression des bonus pour les dirigeants des banques recapitalisées).

Le mécanisme de refinancement peut ainsi être schématisé de la manière suivante :

Les garanties de s écurité pour la société de refinancement et l'Etat

Les établissements bénéficiaires devront apporter des actifs en garantie de leurs emprunts auprès de la société de refinancement. Afin de constituer un droit réel sur les actifs remis en garantie et selon un mécanisme analogue à la pension livrée, la société pourra acquérir des titres émis par les établissements de crédit bénéficiaires, dont la liste fixée par le présent projet de loi est conforme aux pratiques de marché 15 ( * ) : des billets à ordre, des fiducies et des parts ou titres de créances émis par des fonds ou sociétés de titrisation (constitués par les banques emprunteuses). Rappelons que ces nouveaux organismes de titrisation ont été introduits par l'ordonnance du 13 juin 2008 16 ( * ) , prise en application de l'habilitation donnée par l'article 3 de la loi du 17 décembre 2007 17 ( * ) .

Ces titres ont vocation à être rétrocédés à la banque cessionnaire, à une date et un prix convenus à l'avance. Ils confèrent à la société de refinancement, pendant la durée du prêt, un droit de créance sur l'établissement de crédit bénéficiaire, d'un montant égal au principal et aux intérêts et accessoires du prêt consenti par la société.

La gamme des collatéraux est limitée à cinq catégories d'actifs 18 ( * ) sécurisés par une sûreté ou un risque limité de défaut :

- des prêts assortis d'une hypothèque de premier rang ou d'une sûreté immobilière conférant une garantie au moins équivalente ;

- les prêts immobiliers consistant en une opération de crédit-bail ou cautionnés par un établissement financier ;

- les expositions aux personnes publiques sous forme de prêts ;

- les prêts aux entreprises bénéficiant au moins du quatrième meilleur échelon de qualité de crédit attribué par une agence de notation reconnue par la Commission bancaire ;

- les crédits à la consommation consentis aux particuliers résidant en France.

L'évaluation des collatéraux devrait bénéficier de la mise à disposition de personnels de la Banque de France, professionnels de cet exercice. La sécurité du refinancement est également renforcée par deux dispositions , susceptibles de limiter la mise en oeuvre de la garantie de l'Etat :

- les titres acquis par la société de refinancement lui confèrent un privilège de remboursement , en cas de défaillance de la banque bénéficiaire ou d'une entité interposée (holding en particulier), sur les types de créances sous-jacentes exposés supra , ainsi que sur leurs intérêts et accessoires et le produit de l'exécution des garanties qui leur sont attachées. La société de refinancement ne peut, le cas échéant, être « primée » que par les créanciers tirant leurs droits de la gestion des créances et garanties ou du fonctionnement d'une entité interposée ;

- de manière analogue au marché interbancaire et au fonctionnement de la CRH, il est prévu un mécanisme de « sur-collatéralisation » ou de « surdimensionnement », dont les modalités seront fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie. Le montant total des éléments d'actif apportés en garantie par les établissements de crédit bénéficiaires doit ainsi être supérieur au montant des éléments de passif bénéficiant de la garantie de l'Etat, et la décote est fonction de la qualité des actifs remis en garantie (mécanisme dit du « collateral haircut »).

4. Une garantie directe de l'Etat en cas d'urgence

Le B du II de l'article 6 prévoit une mesure exceptionnelle, sorte de « clause de sauvegarde » susceptible d'être mise en oeuvre en cas d'échec ou de difficultés du nouveau dispositif, consistant en une garantie directe de l'Etat . Le ministre chargé de l'économie peut ainsi « exceptionnellement » décider, « notamment » - mais pas seulement - en cas d'urgence, d'apporter la garantie de l'Etat aux titres émis par les établissements de crédit, sans précision sur la nature de ces titres.

Deux conditions sont toutefois posées : la garantie ne peut être octroyée qu'à titre onéreux et l'Etat doit bénéficier de sûretés d'un niveau équivalent à celles de la société de refinancement . Elle est accordée pour la même durée qu'à la société de refinancement, soit aux titres de créances émis avant le 31 décembre 2009.

5. Un dispositif à durée limitée

Votre rapporteur général tient à souligner que la nouvelle société de refinancement a vocation, à terme, à s'effacer au profit d'un rétablissement des mécanismes normaux de refinancement bancaire sur le marché . L'Etat agit, en effet, en tant que garant en dernier ressort, mais n'a aucunement pour mission de se substituer durablement au marché.

Le C du II de l'article 6 prévoit ainsi que la garantie de l'Etat ne pourra jouer que pour les obligations émises avant le 31 décembre 2009 , et d'une maturité moyenne, de 5 ans maximum. La société gèrera donc un portefeuille de prêts garantis en extinction progressive sur six ans, jusqu'au 31 décembre 2014.

En théorie, la société pourrait cependant continuer de fonctionner au-delà de cette date. La notation et le taux d'intérêt de ses émissions ne seraient dans ce cas plus associés à la garantie de l'Etat mais, comme pour la CRH, au privilège de remboursement que confèrent les actifs remis en garantie.

La nécessité et la pertinence du nouveau dispositif seront évaluées sur une base régulière : le VI de l'article 6 dispose ainsi que le gouvernement adresse chaque trimestre un rapport au Parlement rendant compte de la mise en oeuvre des nouveaux mécanismes.

D. LA SOCIÉTÉ DE PRISES DE PARTICIPATIONS DE L'ETAT (SPPE) : RECAPITALISER LES BANQUES VIA UN EMPRUNT GARANTI PAR L'ETAT

Le III de l'article 6 du présent projet de loi de finances rectificative autorise l'Etat à accorder sa garantie aux financements levés par une société dont l'Etat est l'unique actionnaire. Elle a un objet limité à la souscription à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres règlementaires . Les dirigeants de la société sont nommés par décret. La société n'est pas soumise aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Le montant maximal de garantie de l'Etat s'établirait selon le Président de la République à 40 milliards d'euros , mais ce plafond spécifique n'est pas défini par le présent projet de loi de finances rectificative qui ne définit qu'un montant maximal global de 360 milliards d'euros pour l'ensemble des dispositions de l'article 6.

Cette société a été créée avant même l'intervention du présent projet de loi de finances rectificative. Elle se dénommerait « Société de prises de participation de l'Etat » et aurait déjà pris une participation dans Dexia. Son activité, voire son existence même, ont vocation à ne pas excéder une durée limitée au court ou moyen terme, et à se limiter à la résolution des difficultés exceptionnelles intervenues au sein du secteur bancaire.

Le niveau d'intervention maximal de la « Société de prises de participation de l'Etat » apparaît important, mais pas disproportionné par rapport à d'autres opérations de recapitalisation menées dans un passé récent (9 milliards d'euros d'endettement pour l'ERAP dans le cas de la recapitalisation de France Télécom).

1. Une structure ad hoc de portage de la dette et des titres, faute de ressources suffisantes du compte d'affectation spéciale en 2008

Sur un plan budgétaire et comptable, rien n'empêchait que la recapitalisation éventuelle de certains établissements bancaires passe par le budget de l'Etat - non par le budget général, mais par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » -, qui n'a pas d'impact sur les indicateurs maastrichtiens.

C'est ainsi qu'a été réalisée à l'été 2004 la prise de participation de l'Etat au sein d'Alstom, à hauteur de 21 % du capital, pour un montant de 720 millions d'euros. Les titres ont été cédés, toujours par le biais du compte d'affectation spéciale, en juin 2006, au groupe Bouygues pour 2 milliards d'euros, soit une plus-value de 1,26 milliard d'euros. L'Etat s'était engagé vis-à-vis de la Commission européenne à céder l'intégralité de sa participation dans les douze mois suivant l'obtention par Alstom d'une notation « investment grade » et en tout état de cause avant juillet 2008.

La situation actuelle du compte d'affection spéciale ne permet pas un financement de grande ampleur d'opérations de participation, puisque sa trésorerie libre d'emploi n'était au 30 septembre 2008 que de 234 millions d'euros 19 ( * ) .

La situation du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat »
au 30 septembre 2008 (PLF 2008 + reports)

L'Etat détient encore évidemment des participations substantielles dans des entreprises cotées qu'il pourrait céder pour financer la recapitalisation d'autres entreprises. Malgré la baisse des marchés boursiers, la valeur de ses participations directes ou indirectes dans des entreprises cotées représentait le 13 octobre 2008 113,1 milliards d'euros. Mais le contexte, et l'urgence, n'apparaissent pas pertinents pour procéder à des cessions de parts d'entreprises.

Il y avait donc la nécessité pour le gouvernement de créer une nouvelle structure, destinée à porter les titres d'entreprises pour lesquelles une recapitalisation pourrait apparaître nécessaire, et l'endettement correspondant.

2. Les précédents d'entreprises recapitalisées via un emprunt garanti par l'Etat : le cas de l'investissement de l'ERAP dans France Télécom en 2003

Ce n'est pas la première fois que l'Etat est amené à superviser une opération de recapitalisation d'entreprises françaises, financée par l'emprunt d'un établissement public garanti par l'Etat. Le précédent le plus récent est celui de France Télécom.

L'Etat a ainsi participé en 2003 au renforcement des fonds propres de France Télécom, à hauteur de sa part dans le capital, soit un investissement public de 9 milliards d'euros sur une augmentation en capital s'établissant au total à 15 milliards d'euros .

L'ERAP, établissement public industriel et commercial, a vu ses statuts modifiés par décret, afin de lui permettre de détenir des participations financières dans France Télécom. L'ERAP a souscrit à l'opération de renforcement des fonds propres de France Télécom à hauteur de la part détenue par l'Etat dans le capital de l'entreprise, en contractant des emprunts. L'établissement a, à la fois, porté la dette nécessaire au renforcement des fonds propres de France Télécom et les titres de l'entreprise . Le remboursement des emprunts de l'ERAP a été financé par des produits de cession de titres détenus par l'Etat et par la cession directe de titres de France Télécom.

Afin de procéder, dans les meilleures conditions, aux emprunts nécessaires, l'ERAP a obtenu la garantie explicite de l'Etat, en application de l'article 80 de la loi de finances rectificative pour 2002 20 ( * ) . Avant l'émission d'emprunts obligataires, il avait auparavant obtenu un financement auprès de la trésorerie de l'Etat. Les conditions d'emprunt de l'ERAP ont supporté un écart de taux de 40 points de base par rapport aux conditions qu'aurait obtenu l'Etat sur le même emprunt.

L'investissement n'a pas pesé sur les déficits publics, car l'acquisition de titres d'une entreprise relève, en comptabilité européenne, de la catégorie des « opérations financières », qui n'ont pas d'impact sur le déficit public au sens du Traité de Maastricht . Il n'a pas modifié l'équilibre budgétaire présenté par le gouvernement pour l'exercice 2003.

En revanche, il s'est traduit dans le décompte de la dette publique car l'endettement nécessaire pour souscrire au renforcement des fonds propres devait être retracé dans la dette des administrations publiques, ce qui a représenté une augmentation de cette dette de l'ordre de 0,6% du PIB en 2003 .

Deux enseignements peuvent être tirés de cette opération financière réalisée par l'ERAP pour le compte de l'Etat.

D'une part, même lorsque la vocation d'une structure n'est pas de conserver durablement sa participation, la cession définitive de l'ensemble des parts d'une entreprise de taille importante peut prendre du temps . Après avoir acquis pour le compte de l'Etat 26,57 % de France Télécom en 2003, l'ERAP a progressivement ramené sa participation à 19,07 % en 2004 après une première cession, puis à 14,28 % en 2005 après une deuxième cession, et sans avoir participé à l'augmentation de capital de septembre 2005 liée à l'acquisition d'AMENA en Espagne, et enfin en 2007 à 9,23 %. Cinq après l'acquisition des titres, l'ERAP reste au capital de France Télécom.

D'autre part, sur un plan patrimonial, une opération de recapitalisation - c'est le cas pour l'ERAP - peut s'avérer financièrement équilibrée, voire bénéficiaire . Les dividendes cumulés ont couvert les frais financiers des emprunts garantis par l'Etat et les cessions ont dégagé des plus-values nettes. En endettement brut, seule variable prise en compte au titre de la dette publique par Eurostat, le montant de l'emprunt correspondant à la prise de participation dans France Télécom est passé de 9,4 milliards d'euros de 2003 à 2005 inclus , puis à 6,4 milliards d'euros sur la période 2006-2007 , et enfin à 2,4 milliards d'euros à la suite d'un remboursement en principal de 4 milliards d'euros le 25 avril 2008 .

E. LA GARANTIE SPÉCIFIQUE DE L'ETAT OCTROYÉE À DEXIA

1. L'application d'un accord international

Le IV de l'article 6 du présent projet de loi tend à donner au ministre chargé de l'économie l'autorisation d'accorder à titre onéreux la garantie de l'Etat aux financements levés jusqu'au 31 octobre 2009 par les sociétés Dexia SA, Dexia Banque Internationale Luxembourg, Dexia Banque Belgique et Dexia Crédit Local de France auprès d'établissements de crédit et de déposants institutionnels, ainsi qu'aux obligations et titres de créance qu'elles émettent à destination d'investisseurs institutionnels, dès lors que ces financements, obligations ou titres ont été souscrits à compter du 9 octobre 2008 et arrivent à échéance avant le 31 octobre 2011.

Il est précisé que cette garantie de l'Etat s'exercera, sous réserve de l'appel conjoint en garantie du Royaume de Belgique et du Grand-duché du Luxembourg, et dans la limite de 36,5 % des montants éligibles.

Il s'agit donc d'une garantie spécifique destinée à couvrir les opérations interbancaires de l'entité de tête du groupe Dexia et de ses principales filiales , sises en France, en Belgique et au Luxembourg. Cette garantie, pour ce qui concerne Dexia Crédit Local de France, est théoriquement cumulable avec les dispositions générales concernant le refinancement des établissements de crédit définies au II du même article et décrites supra , même si ce dispositif ad hoc devrait dispenser Dexia de passer par la nouvelle société de refinancement. Selon les informations recueillies par votre rapporteur général, le prix de la garantie ainsi octroyée à Dexia devrait être calculé de la même façon que si cette banque bénéficiait d'un refinancement par la nouvelle société.

D'autre part, d'après les renseignements fournis à votre rapporteur général, le dispositif proposé reflète l'accord intergouvernemental conclu entre la France, la Belgique et le Luxembourg, le 9 octobre 2008 et aux termes duquel la Belgique doit assurer 60,5 % de la garantie, la France, 36,5 %, et le Luxembourg, 3 %.

2. La réaffirmation du soutien de l'Etat au groupe Dexia

Le dispositif proposé fait suite à l'augmentation de capital de Dexia SA, société de tête du groupe, par des entités publiques de ces trois mêmes Etats et ses actionnaires de référence et à propos de laquelle votre commission a entendu Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le 30 septembre 2008 21 ( * ) .

Au total, d'après le groupe Dexia, cette augmentation de capital a été réalisée le 3 octobre 2008 et a permis d'émettre 606.060.606 actions pour un montant total (prime d'émission incluse) de 6 milliards d'euros, le nombre total d'actions du groupe s'élevant, après cette opération, à 1.762.473.283. L'apport du pôle public français (Etat, CDC et CNP assurances) s'est élevé à 3 milliards d'euros.

Le tableau suivant rend compte de la composition actuelle du tour de table de Dexia.

Composition actuelle de l'actionnariat du groupe Dexia

Actionnaires

Participation (en % du capital)

Etat belge

5,7

Région flamande

2,9

Région wallonne

2,0

Région de Bruxelles-Capitale

0,9

Holding communal

14,0

Groupe Arco

13,9

Groupe Ethias

5,0

Etat français

5,7

Caisse des dépôts et consignations

17,6

CNP Assurances

3,0

Actionnariat salarié

2,6

Public et autres

26,7

Source : Dexia

Les actionnaires ont mis en place une nouvelle direction le 7 octobre 2008, sous la conduite de MM. Jean-Luc Dehaene, président du conseil d'administration, et Pierre Mariani, administrateur délégué et président du comité de direction. Le départ de la précédente équipe s'est effectué en prenant en compte le principe de responsabilité des dirigeants face à la responsabilité ou à l'échec de leur politique, ce qui est conforme à la ligne fixé par le Président de la République.

Votre rapporteur général observe que les dispositions proposées par le présent projet de loi traduisent une nouvelle fois la volonté des pouvoirs publics de ne pas laisser un établissement de premier plan faire faillite , ce qui ne peut que crédibiliser leur parole aux yeux des autres acteurs du monde financier. Dans le cas de Dexia, un tel dénouement aurait été d'autant moins acceptable que sa filiale, Dexia Crédit Local de France, est le principal financeur des collectivités territoriales 22 ( * ) .

Votre commission veillera d'ailleurs scrupuleusement à ce que les difficultés rencontrées par Dexia n'empêchent pas les collectivités territoriales de continuer de financer leurs besoins de trésorerie courante.

EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE :
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

ARTICLE PREMIER - Ratification de décrets relatifs à la rémunération de services rendus par l'Etat

Commentaire : le présent article propose la ratification de deux décrets relatifs à la rémunération de services rendus par l'Etat.

Le présent article répond à une obligation formelle requise par l'article 4 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), lequel dispose que « la rémunération de services rendus par l'Etat peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l'absence d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'année concernée ».

En conséquence, le présent article propose de ratifier deux décrets autorisant la perception des rémunérations de services rendus.

Il s'agit tout d'abord du décret n° 2008-245 du 10 mars 2008 modifiant le décret n° 98-902 du 8 octobre 1998 relatif à la rémunération de certains services rendus par le Trésor public. Ce décret permet que soit rémunéré le « recouvrement outre-mer des recettes de l'Etablissement national des invalides de la marine dont les opérations sont confiées à un comptable direct du Trésor en tant que mandataire de l'établissement ».

Le second décret concerné est le décret n° 2008-252 du 12 mars 2008 relatif à la rémunération de certains services rendus par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Celui-ci prévoit sept catégories de services rendus pouvant donner lieu à rémunération, notamment la vente d'espaces pour insertion de messages publicitaires dans les publications autres que les bulletins officiels, les actions de formation, de conseil, d'étude et de recherche ou encore la fourniture de prestations liées à l'organisation de scolarités, à l'organisation ou à la préparation d'examens professionnels, de concours, d'ateliers et de stages de formation.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2 - Equilibre général du budget

Commentaire : le présent article traduit l'incidence sur l'équilibre prévisionnel du budget 2008 de l'évolution des ressources et des charges du budget de l'Etat telle qu'elle résulte des prévisions d'exécution exposées à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2009.

Le dernier alinéa de l'article 35 de la LOLF dispose que « les lois de finances rectificatives sont présentées en partie ou en totalité dans les mêmes formes que la loi de finances de l'année. Les dispositions de l'article 55 leur sont applicables. »

Il en résulte qu'une loi de finances rectificative se doit de comporter un article d'équilibre, qui en l'occurrence se borne à traduire l'équilibre prévisionnel du budget associé au projet de loi de finances pour 2009.

Par rapport à la loi de finances pour 2008, le solde d'exécution apparaît en dégradation de 7,7 milliards d'euros. Celle-ci résulte :

- de moins-values de recettes fiscales nettes s'élevant à près de 5 milliards d'euros, exposées dans l'état A annexé au présent projet de loi ;

- d'une augmentation de 4 milliards d'euros de la charge nette de la dette, liée aux provisions rendues nécessaires par les mécanismes des emprunts indexés, se traduisant par une ouverture de même montant par l'article 3 du présent projet de loi ;

- d'une amélioration de 1,3 milliard d'euros des autres composantes du budget : recettes non fiscales, comptes spéciaux, prélèvements sur recettes.

Les moins-values de recettes fiscales se répartissent de la façon suivante :

- 1,3 milliard d'euros au titre de l'impôt sur le revenu ;

- 1,4 milliard d'euros pour les recettes nettes d'impôt sur les sociétés ;

- 800 millions d'euros pour les recettes de TVA nettes ;

- 100 millions d'euros pour les recettes de TIPP ;

- 1,4 milliard d'euros au titre des autres impôts.

Ces chiffres feront l'objet d'un examen plus approfondi à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2009. A ce stade, on ne peut que relever leur caractère relativement « optimiste », notamment pour l'impôt sur les sociétés et la TIPP, même si les dernières données issues des situations hebdomadaires dont votre rapporteur général a eu connaissance ne laissent pas apparaître de décrochage significatif par rapport aux prévisions.

Bien qu'il faille éviter toute dramatisation excessive de la situation, il est probable que les turbulences financières de ces dernières semaines aient un impact significatif sur les résultats des entreprises et l'activité économique réelle.

Le présent article comporte un tableau de financement actualisé qui tire les conséquences de la dégradation du solde en exécution de 7,7 milliards d'euros, et des besoins de financement issus de la gestion de la dette ainsi que des autres facteurs qui influent sur la trésorerie de l'Etat. Il faut prendre acte de l'absence, à ce jour, de recettes de privatisations eu égard à la situation des marchés, ainsi que de la décroissance des dépôts des correspondants du Trésor plus marquée que prévue qui aboutit à une dégradation de 4,2 milliards d'euros.

On relève l'accroissement très sensible des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés dont les émissions sont estimées à 42,7 milliards d'euros contre 24,3 milliards d'euros en loi de finances initiale. Il y a là une accentuation de la stratégie de financement à court terme de l'Etat.

En conséquence de ces mouvements, le plafond d'endettement à moyen et long terme est légèrement relevé au niveau de 18,9 milliards d'euros contre 16,7 milliards d'euros en loi de finances initiale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
TITRE 1ER - AUTORISATONS BUDGÉTAIRES POUR 2008

ARTICLE 3- Budget général : ouverture de crédits supplémentaires

Commentaire : le présent article propose, au titre des missions du budget général pour 2008, des ouvertures d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement supplémentaires, conformément à l'état B annexé au présent projet de loi de finances rectificative.

L'exposé des motifs insiste sur le fait que le présent article n'autorise pas des dépenses nouvelles par rapport à celles prévues par la loi de finances pour 2008 mais tire les conséquences de l'exécution budgétaire connue au moment du dépôt du présent projet de loi en majorant :

- de 4 milliards d'euros les crédits évaluatifs afférents à la charge de la dette ;

- de près de 7 milliards d'euros les crédits évaluatifs afférents aux remboursements et dégrèvements, cette majoration affectant les recettes nettes et non les dépenses.

Cette augmentation du montant des remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat se répartit comme suit :

- 0,9 milliard d'euros en raison d'un coût plus élevé de la prime pour l'emploi ;

- 2,7 milliards d'euros au titre des restitutions d'impôt sur les sociétés ;

- 2 milliards d'euros au titre des remboursements de crédits de TVA ;

- 1,4 milliard d'euros pour ce qui concerne les autres impôts d'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 - Comptes spéciaux : annulation de crédits

Commentaire : le présent article propose, au titre des missions du budget général pour 2008, des annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, conformément à l'état B' annexé au présent projet de loi de finances rectificative.

Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2009, il a été indiqué que l'opération de consolidation de la dette de la Côte-d'Ivoire, initialement prévue en 2008, serait décalée sur 2009. Ceci se traduit sous la forme d'annulation de crédit de 1,5 milliard d'euros.

Corrélativement, une moins-value de recette non fiscale de 1 milliard d'euros est constatée à l'état A du présent projet de loi.

En définitive, le présent article améliore l'équilibre de 0,5 milliard d'euros.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II - RATIFICATION D'UN DÉCRET D'AVANCE

ARTICLE 5- Ratification du décret du 27 juin 2008 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance

Commentaire : le présent article propose la ratification d'un décret d'avance intervenu en cours d'exercice.

Le présent projet de loi de finances rectificative propose la ratification du décret n° 2008-629 du 27 juin 2008 intervenu en cours d'exercice. Celui-ci a été transmis pour avis à votre commission des finances en application de l'article 13 de la LOLF.

Votre commission des finances a, le 24 juin 2008, émis un avis favorable sur le projet de décret d'avance. Toutefois elle avait noté que si l'urgence était incontestable en ce qui concerne les dépenses relatives au soutien à la pêche et à l'administration de la mission pour le « Grand Paris », des doutes existaient sur le caractère imprévisible des dépenses relatives à l'hébergement d'urgence.

Dans ces conditions, votre commission des finances avait invité le gouvernement à prendre toutes dispositions nécessaires pour inscrire, dès le projet de loi de finances initiale pour 2009, les crédits correspondants aux besoins prévisibles au titre de l'hébergement d'urgence. Il convient de réitérer ces observations.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE III - DISPOSITIONS PERMAMENTES

ARTICLE 6- Garanties apportées au secteur financier

Commentaire : le présent article tend à proposer au Parlement l'adoption de deux types de mesures, d'application temporaire pour faire face à la crise financière: une mesure destinée à réinjecter des liquidités dans l'économie et une autre destinée à renforcer les fonds propres des organismes financiers.

L'analyse que fait votre rapporteur général du dispositif prévu à cet article, figure dans l'exposé général du présent rapport .

Lors de l'examen à l'Assemblée nationale, nos collègues députés ont adopté, à l'initiative du gouvernement, trois amendements tendant à :

- introduire une nouvelle catégorie d'actifs susceptibles d'être apportés en garantie par les banques aux prêts qui leur seraient octroyés par la société de refinancement prévue au II du présent article ;

- permettre à la société de refinancement d'émettre des obligations dès la première année de son existence, par dérogation aux dispositions de l'article L. 228-39 du code de commerce ;

- lever une ambiguïté sur la période durant laquelle sont garantis les financements, obligations et titres de créances émis par Dexia.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 15 octobre 2008 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l' examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi de finances rectificative n° 22 (2008-2009) pour le financement de l'économie .

A l'issue d'un large débat, la commission a décidé d'adopter sans modification ce projet de loi.

* 1 Pour autant il s'agit d'une loi de finances rectificative qui en comporte tous les attributs formels et, en particulier, un article d'équilibre, qui se contente de traduire juridiquement l'équilibre prévisionnel pour 2008 associé au projet de loi de finances pour 2009.

* 2 Le marché américain emblématique des dérivés de crédit non régulés, les credit default swaps , représentait ainsi avant la crise un montant cumulé de 62.000 milliards de dollars, soit une sphère virtuelle d'ampleur comparable au montant des dépôts bancaires mondiaux.

* 3 Le PIB de l'année n-1 peut être considéré comme un « escalier » constitué de quatre « marches », et celui de l'année n comme un palier. Le « palier » étant plus élevé que la moyenne des quatre marches, puisqu'il est au niveau de la 4 e marche, il y a nécessairement croissance du PIB en moyenne annuelle. Les économistes appellent « acquis de croissance » la croissance en moyenne annuelle qui serait enregistrée une année donnée, dans l'hypothèse où la croissance trimestrielle serait nulle.

* 4 Compte-rendu des débats du Sénat, 8 octobre 2008.

* 5 Le président de l'Eurogroupe, le président de la Commission européenne et le président de la Banque centrale européenne ont participé à cette réunion.

* 6 Le taux constaté pour les opérations au jour le jour étant, pour sa part, dénommé EONIA.

* 7 Le compte général de l'Etat, annexé au projet de loi de règlement, ne recense pas au titre des garanties de l'Etat de garantie des dépôts des épargnants (hormis des développements sur les livrets A et les livrets d'épargne populaire dont la garantie se traduit par la constitution de fonds de garantie sur les dépôts centralisés à la Caisse des dépôts et consignations). La garantie générale des épargnants est assurée par le fonds de garantie des dépôts, créé par la loi du 25 juin 1999 sur l'épargne et la sécurité financière. Celui-ci a pour mission d'indemniser aussi rapidement que possible les déposants, dans la limite d'un plafond de 70.000 euros, lorsque l'établissement auquel ils ont confié leurs avoirs ne peut plus faire face à ses engagements. Financé par les établissements bancaires, il disposait au 31 décembre 2006 d'un bilan de 1,7 milliard d'euros, dont 91 % dévolus à la « garantie espèces ». Ce fonds ne bénéficie d'aucune garantie de l'Etat.

* 8 « Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d'un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d'Etat ».

* 9 C'est par ce biais que la société Alstom a pu bénéficier d'un apport de capitaux de l'Etat français.

* 10 Un établissement public bénéficiant de la garantie de l'Etat ayant émis sur le marché euro est la CADES : son émission à 5 ans, le 28 août 2008, a été réalisée à un taux supérieur de 34 points de base à celui des taux d'Etat de même maturité. Ceci n'a toutefois qu'une très faible valeur prédictive concernant des émissions des deux nouvelles sociétés compte tenu de l'extrême volatilité des marchés ainsi que des différences entre émetteurs.

* 11 Les CDS sont des contrats dérivés de protection contre le risque de survenance d'un « événement de crédit » (soit le risque de défaut de la contrepartie), sans constitution de garantie. L'acheteur de protection verse une prime ex ante , exprimée en points de base par an en fonction du montant notionnel de l'actif de référence, au vendeur de protection qui promet de compenser ex post les pertes de l'actif (« contingency payment ») en cas d'événement de crédit. La prime est donc fonction de l'estimation du risque de défaut.

Le marché des CDS a connu une très forte croissance depuis le début de la décennie, à l'image du marché de l'ensemble des dérivés de crédit.

* 12 En application de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

* 13 Au 30 juin 2008, l'actionnariat de la CRH se répartissait ainsi : Crédit Agricole SA - Crédit Lyonnais 41,2 %, Crédit Mutuel 33,9 %, Société Générale 11,9 %, BNP Paribas 8 %, Banque populaire 3,9 %, Crédit Immobilier de France 0,8 % et Caisses d'épargne 0,4 %.

* 14 Les résultats de la CRH, intégralement distribués aux banques actionnaires, proviennent dès lors exclusivement du placement de ses fonds propres sur le marché monétaire, et couvrent des charges de fonctionnement réduites (0,006 % de l'encours de prêts en 2007).

* 15 Et en particulier à la clause de « negative pledge », ou clause « du créancier le plus favorisé », qui interdit au débiteur d'accorder à l'avenir une sûreté supplémentaire en faveur d'un nouveau créancier sans l'accord préalable des créanciers précédents.

* 16 Ordonnance n° 2008-556 du 13 juin 2008 transposant la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et réformant le cadre juridique des fonds communs de créances.

* 17 Loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

* 18 A l'issue de l'examen par l'Assemblée nationale, une sixième catégorie d'actifs éligibles a été insérée, portant sur les crédits à l'exportation assurés ou garantis par une agence de crédit export d'un Etat européen ou de six autres pays industrialisés.

* 19 3.687 millions d'euros sont par ailleurs prévus au titre de l'Opération Campus de rénovation des universités.

* 20 Il dispose que « les emprunts contractés par l'Etat, dans le cadre de son soutien d'actionnaire à France Telecom, bénéficient, en principal et intérêts, de la garantie de l'Etat dans la limite de 10 milliards d'euros en principal ».

* 21 Bulletin des commissions du Sénat du 30 septembre 2008.

* 22 En effet, le groupe DexiaDexia est né du rapprochement en 1996 des deux principaux acteurs en Europe du financement public local : le Crédit Local de France et le Crédit Communal de Belgique. Ces deux institutions ainsi que la Banque internationale à Luxembourg (BIL) ont été unifiées sous l'enseigne unique Dexia en 1999.

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