E. LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE SE CONFIRME, SANS REMISE EN CAUSE DE LA « LIBERTÉ DE PRESCRIPTION » DU MAGISTRAT

La croissance annuelle des frais de justice a enregistré une très forte hausse au début des années 2000 . Elle connaît, depuis 2002, une progression importante surtout en matière pénale (+ 13,3 % en 2002, + 2,1 % en 2003, + 27,3 % en 2004, + 17,2 % en 2005) en grande partie liée au recours aux nouvelles technologies pour l'administration de la preuve, qui fait échapper au domaine des prestations tarifiées un bon nombre de prestations réalisées à la demande ou sous le contrôle des magistrats.

Plusieurs facteurs institutionnels et technologiques peuvent expliquer cette évolution : développement des alternatives aux poursuites, généralisation de la téléphonie mobile, développement du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Dans son rapport d'information « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion » 16 ( * ) , votre rapporteur spécial avait d'ailleurs décrit cette dérive inquiétante et identifié les marges de manoeuvre en la matière. Votre commission avait, à la suite de ce rapport, demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2 de la LOLF, une enquête sur les frais de justice, dont votre rapporteur spécial avait analysé les conclusions dans son rapport « Frais de justice : l'impératif d'une meilleure maîtrise » 17 ( * ) .

En 2006, la maîtrise des frais de justice constituait donc un des enjeux budgétaires majeurs du ministère de la justice , à double titre :

- avec l'entrée en vigueur de la LOLF, le régime des crédits limitatifs, désormais applicable aux frais de justice, et la réforme de l'ordonnancement secondaire imposaient la mise en oeuvre d'un nouveau circuit de la dépense ;

- surtout, alors que les dépenses avaient augmenté massivement au cours des trois dernières années (68 % entre 2002 et 2005), la loi de finances pour 2006 limitait à 370 millions d'euros les crédits affectés au paiement des frais de justice, soit une diminution de 24 % par rapport au niveau de la dépense en 2005.

Les efforts conjugués de l'administration centrale et des juridictions ont permis de relever ces deux défis. Au cours de la seule année 2006, la consommation des frais de justice a ainsi diminué de 22 % (- 28,6 % pour les frais de justice en matière pénale), passant d'un total de 487 millions d'euros à 379,4 millions d'euros .

A la suite de cette année de césure ayant permis un retournement de tendance dans la dynamique de cette dépense, l'enveloppe dédiée aux frais de justice en 2007 s'est élevée à 397,9 millions d'euros.

En 2008, une dotation de 405 millions d'euros est prévue pour couvrir les frais de justice, soit une hausse de seulement 1,7 % par rapport à 2007.

Dans le projet de loi de finances pour 2008, les frais de justice figurent, au sein du programme « Justice judiciaire », parmi les crédits de fonctionnement des actions ci-après (en crédits de paiement) :

- Action 1 « Traitement et jugement des contentieux civils » : 49,4 millions d'euros ;

- Action 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » : 279,7 millions d'euros ;

- Action 3 « Cassation » : 0,3 million d'euros ;

- Action 6 « Soutien » : 75,6 millions d'euros 18 ( * ) .

Votre rapporteur spécial tient à saluer les efforts produits par les magistrats ainsi que la politique de maîtrise des frais de justice engagée par la chancellerie 19 ( * ) , dont les effets n'ont pas tardé à se faire sentir.

Il se félicite, en outre, que cette meilleure maître n'entame en rien la liberté de prescription des magistrats, principe essentiel au bon fonctionnement de notre justice.

Pour autant, votre rapporteur spécial souligne qu'il serait naturellement illusoire de croire que la maîtrise des frais de justice est définitivement acquise , les économies réalisées devant en effet, pour partie, permettre la revalorisation de certains tarifs devenus obsolètes au regard de la qualification requise.

A cet égard, il estime que l'indicateur portant sur la « Dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale », rattaché à l'objectif 5 « Maîtriser la croissance des frais de justice », pourra servir de base à un efficace suivi dans le temps de ce poste budgétaire.

En 2006, cette dépense moyenne s'élevait à 216,30 euros (contre 331 euros en 2005). La prévision actualisée en 2007 se monte, pour sa part, à 216 euros , tandis qu'une légère inflexion à la hausse se dessine pour 2008 avec une prévision de 225 euros.

Votre rapporteur spécial estime toutefois que cet indicateur, portant sur la seule matière pénale, mériterait d'être complété pour couvrir l'ensemble du domaine des frais de justice . Un tel enrichissement, par l'intermédiaire de sous-indicateurs, permettrait en effet de disposer d'une vision plus complète de l'évolution de ce poste de dépense.

* 16 Sénat, rapport d'information n° 478 (2004-2005).

* 17 Sénat, rapport d'information n° 216 (2005-2006).

* 18 Il s'agit des frais postaux, de l'indemnisation des victimes, de celles ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, ainsi que des frais liés aux révisions et erreurs judiciaires. On peut se demander si ces dépenses sont vraiment de même nature que celles liées aux procédures civiles et pénales (enquêtes...) et si elles ne devraient pas être disjointes de ces frais de justice, qui font l'objet d'une problématique particulière .

* 19 Les principales dispositions prises dans le cadre de cette politique ont été décrite par votre rapporteur spécial dans son rapport spécial n° 78 (2006-2007) - tome III - annexe 15.

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