N° 215

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 février 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Jean-Pierre GODEFROY, Jean DESESSARD, Charles GAUTIER, Roger MADEC, Richard YUNG, Jean-Pierre BEL, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Mme Marie-Christine BLANDIN, M. Yannick BODIN, Mmes Nicole BRICQ, Claire-Lise CAMPION, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Pierre-Yves COLLOMBAT, Roland COURTEAU, Yves DAUGE, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Bernard FRIMAT, Jean-Noël GUÉRINI, Claude HAUT, Mme Sandrine HUREL, MM. Alain JOURNET, Yves KRATTINGER, Serge LARCHER, André LEJEUNE, Mme Raymonde LE TEXIER, MM. Jacques MAHÉAS, François MARC, Jean-Pierre MICHEL, Jean-François PICHERAL, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Thierry REPENTIN, Claude SAUNIER, Mme Patricia SCHILLINGER, M. Jean-Pierre SUEUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, Pierre-Yvon TRÉMEL, André VANTOMME et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à organiser le recours aux stages ,

Par M. Jean-Pierre GODEFROY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mme Catherine Procaccia, M. Thierry Repentin, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir le numéro :

Sénat : 364 (2005-2006)

Emploi.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

On estime que près d'un étudiant sur deux - ce qui représente environ 800 000 personnes - a effectué au moins un stage au cours de son cursus de formation. Les stages constituent un complément précieux de la formation théorique dispensée aux étudiants dans les établissements d'enseignement supérieur, dans la mesure où ils leur permettent de découvrir les réalités du monde du travail et d'acquérir une expérience pratique favorisant leur insertion professionnelle future.

Toutefois, le mouvement « Génération précaire » a mis en évidence, l'an passé, les abus auxquels donne parfois lieu la pratique des stages en entreprise. Il arrive que des stagiaires soient affectés à de véritables postes de travail et ne perçoivent, en contrepartie, que des indemnités dérisoires. Le stage est alors détourné de sa vocation première, qui est d'être un élément de la formation des étudiants, et se substitue à des emplois qui devraient être occupés par de jeunes diplômés. Ces abus sont rendus possibles par le caractère encore très lacunaire de la réglementation des stages en entreprise.

La loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a bien fixé quelques règles, en matière notamment de durée et d'indemnisation des stages, mais celles-ci demeurent insuffisantes pour mettre un terme à tous les abus. Une charte des stages a été signée, le 26 avril 2006, par le Gouvernement, plusieurs syndicats étudiants et les représentants des établissements d'enseignement supérieur pour compléter les dispositions posées par la loi, mais elle est dépourvue de toute portée contraignante et a donc surtout une valeur pédagogique.

C'est pourquoi les auteurs de la proposition de loi visant à organiser le recours aux stages souhaitent franchir une nouvelle étape et compléter le cadre législatif actuel pour mieux définir le statut et les droits des stagiaires. Ils observent que leur préoccupation est partagée par des parlementaires de sensibilité politique différente, puisque des propositions de loi portant sur le même sujet ont été déposées par des députés appartenant aux groupes UMP et communiste de l'Assemblée nationale 1 ( * ) .

La proposition de loi poursuit un double objectif : éviter que le stage ne soit détourné de sa véritable vocation pour être transformé en « emploi déguisé », tout en veillant à ne pas décourager les employeurs de proposer des stages aux étudiants en raison de contraintes règlementaires trop lourdes.

A cette fin, elle entend préciser les obligations respectives des stagiaires, des établissements d'enseignement supérieur et des employeurs et mieux définir et réprimer l'abus de stage. Elle propose d'offrir aux stagiaires une partie des garanties reconnues aux salariés et de s'inspirer, sur certains points, de la formule de l'apprentissage, en rendant obligatoire la désignation d'un maître de stage pour accompagner l'étudiant pendant son temps de présence dans l'entreprise ou l'administration qui l'accueille.

I. LES LACUNES DE LA RÉGLEMENTATION DES STAGES EN ENTREPRISE AUTORISENT ENCORE DE TROP NOMBREUX ABUS

Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur, ainsi que les témoignages recueillis par le collectif « Génération précaire » ou par les syndicats étudiants, attestent de l'existence de trop nombreux abus dans le recours aux stages étudiants en entreprise. L'encadrement légal insuffisant des stages favorise ces dérives.

A. DES SITUATIONS ABUSIVES PLUS FRÉQUEMMENT DÉNONCÉES DEPUIS 2005

Le lancement, en septembre 2005, de la pétition du collectif « Génération précaire », demandant une réforme du statut des stages, a joué un rôle déterminant dans la prise de conscience par les pouvoirs publics, et par l'opinion, des dérives actuelles.

1. Des formes d'abus variées...

Le collectif a souligné que le recrutement de stagiaires se substitue, dans certaines entreprises, à l'embauche de salariés en contrat à durée déterminée ou indéterminée. La faiblesse des gratifications accordées aux stagiaires favorise ce phénomène de substitution ; elles n'excèdent généralement pas 360 euros par mois, seuil en deçà duquel les entreprises sont exonérées de cotisations sociales. Il arrive parfois que les stagiaires se succèdent indéfiniment sur un même poste, le stagiaire qui s'apprête à quitter l'entreprise étant alors chargé de former celui qui va le remplacer !

Le recensement effectué récemment par un hebdomadaire montre que le nombre d'offres de stages proposées par certaines grandes entreprises est deux à trois fois plus élevé que le nombre d'offres d'emplois destinées à de jeunes diplômés 2 ( * ) .

Le stage est alors détourné de sa vocation pédagogique : l'entreprise n'assume plus sa mission de formation du jeune mais lui demande de participer au processus de production dans les mêmes conditions que le ferait un salarié. Le fait que de nombreux cursus de formation - dans les IUT, les écoles de commerce, les écoles d'ingénieurs... - conditionnent l'obtention du diplôme à la validation d'un stage, place les étudiants dans une situation où ils peuvent difficilement dénoncer ces abus. Les dérives les plus graves sont observées lorsque des étudiants diplômés, qui disposent de la formation requise pour occuper un poste de travail déterminé, s'inscrivent à l'université simplement pour pouvoir être recrutés ensuite comme stagiaires.

* 1 Cf. la proposition de loi n° 2955 visant à encourager et à moraliser le recours aux stages par les entreprises, présentée par Valérie Pécresse et plusieurs de ses collègues, et la proposition de loi n° 2901 relative à la lutte contre le recours abusif aux conventions de stage comme substitut à des contrats de travail et à la revalorisation du statut de stagiaire, déposée par Alain Bocquet et les membres du groupe des députés communistes et républicains.

* 2 Cf. l'Express, le 1 er février 2007, p. 101.

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