PREMIERE PARTIE :

LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE BUDGET EUROPÉEN

I. LA CONTRIBUTION FRANÇAISE AU BUDGET

A. UNE CONTRIBUTION EN FORTE HAUSSE PAR RAPPORT À L'EXÉCUTION DE 2004

1. Exécution en 2003 et prévisions pour 2004 : les inévitables aléas de l'estimation en loi de finances initiale

a) Les facteurs de sur ou sous-estimation du prélèvement

En 2003, l'exécution du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne s'est révélée supérieure de 538 millions d'euros à la prévision qui avait été inscrite en loi de finances initiale. Avec 15,4 milliards d'euros, le prélèvement exécuté en 2004 devrait au contraire être inférieur de près d'un milliard d'euros à la prévision de la loi de finances.

Il demeure structurellement difficile d'établir une prévision budgétaire sincère et d'anticiper la réalisation du budget européen et le niveau effectif d'appel aux contributions des Etats membres. Ce sur ou sous-calibrage du prélèvement est imputable à l'évolution des dépenses comme des recettes du budget communautaire :

- les aléas inhérents aux prévisions de recettes fiscales et à la croissance du PNB ont une incidence sur l'assiette et le taux d'appel de la principale ressource communautaire ;

- la période à laquelle est estimée la contribution française (après l'adoption par le Conseil du projet de budget, soit en juillet de l'année n -1) ne permet pas d'anticiper de manière exacte l'issue de la procédure budgétaire et le niveau de consommation des réserves. Le montant des reports - qui a une incidence sur les prévisions de recettes - est également susceptible d'amples fluctuations ;

- la régularisation de la correction britannique et des assiettes TVA et PNB s'effectue a posteriori ;

- les budgets rectificatifs et supplémentaires intervenant en cours d'année viennent modifier le niveau des dépenses comme des recettes.

Il est donc hasardeux de tenter de juger dès à présent de la fiabilité et de la sincérité du prélèvement sur recettes pour 2005 , même si l'on peut considérer qu'elle repose sur des prévisions mieux affinées que celles de la Commission.

L'important écart qui devrait être constaté en 2004 entre la prévision et l'exécution du prélèvement sur recettes est dû aux facteurs suivants, synthétisés dans le tableau ci-après :

- la sous-exécution du budget communautaire s'est élevée à 10,45 milliards d'euros en 2003 20 ( * ) , soit un niveau nettement supérieur aux hypothèses retenues pour le projet de loi de finances pour 2004, qui reposait sur un excédent de 6 milliards d'euros. Cette sous-exécution tend à minorer de 741 millions d'euros le montant prévisionnel du prélèvement sur recettes en 2004 21 ( * ) . Bien que ces prévisions tiennent compte de la sous-consommation des crédits communautaires, chronique depuis plusieurs années quoiqu'en diminution grâce aux efforts entrepris sur la consommation des fonds structurels 22 ( * ) , elles se révèlent délicates à établir ;

- le budget européen adopté en décembre 2003 a finalement abouti à un montant de dépenses inférieur de 870 millions d'euros au projet de budget adopté par le Conseil le 1 er juillet 2003 , sur la base duquel était construit le projet de loi de finances pour 2004, ce qui s'est traduit par une minoration de la contribution française de 160 millions d'euros ;

- les ressources TVA et PNB à la charge de la France ont été revues à la baisse, respectivement de 27 millions d'euros et 91 millions d'euros. Parallèlement, la diminution en 2004 de la quote-part française dans l'assiette TVA et dans la base PNB de l'Union européenne à 25 membres conduit à une baisse de la contribution de 47 millions d'euros 23 ( * ) ;

- enfin le montant de la correction britannique a été révisé à la hausse de 732 millions d'euros par rapport au budget initial, soit une augmentation de la contribution française de 152 millions d'euros.

Il importe de rappeler que, contrairement à la présentation qu'en a faite la Commission européenne lors de la communication de son budget rectificatif et supplémentaire le 29 avril 2004, il n'y a pas de « restitution » de crédits aux Etats membres , qui se traduirait par un reversement venant abonder les recettes du budget français ; le montant du prélèvement sur recettes se voit simplement diminué.

Prévision et exécution du prélèvement sur recettes en 2003 et 2004

(en millions d'euros)

 

2003

2004

Loi de finances initiale

15.800

16.400

Variation de la ressource PNB

925

-943

Impact de la variation du taux d'appel

480

24

dont impact de la variation, par rapport à l'estimation faite en LFI :

-117

-160

- des dépenses à financer inscrite au budget de l'Union

-47

-18

- de la sous-consommation des réserves (fonds de garantie, aide d'urgence)

96

93

- du solde de l'exercice précédent

-44

-40

- du produit des recettes diverses du budget communautaire

389

122

- du produit de la ressource TVA au niveau de l'UE

202

27

Impact de la variation des bases PNB des Etats membres

205

-42

Solde de la ressource PNB sur les exercices antérieurs

240

-91

Crédits n-1 rendus aux Etats membres en n

 

-834

Variation de la ressource TVA

-384

-159

Impact de la variation du taux d'appel

-215

-127

Impact de la variation des bases TVA des Etats membres

-115

-5

Solde de la ressource TVA sur les exercices antérieurs

-54

-27

Variation du produit des ressources propres traditionnelles

-112

-44

Variation de la participation à la correction britannique

113

152

Total des écarts

542

-994

Exécution

16.388

15.406

Source : « jaune » annexé au PLF 2005

b) Evolution de l'écart depuis 1982

Sur le long terme, l'exécution du prélèvement sur recettes en 2003 avait semblé marquer une rupture de tendance, puisque la surestimation des besoins des Communautés, et in fine du montant de la contribution française, a été quasiment chronique de 1989 à 2002 et s'est aggravée entre 1999 et 2002. Après la sous-estimation enregistrée en 2003, l'exercice 2004 constitue un retour à la tendance antérieure, comme l'illustre le tableau suivant :

N.B. Un chiffre positif signifie que la prévision est supérieure à l'exécution (surcalibrage).

Source : « jaune » annexé au PLF 2005

On constate clairement deux périodes : avant la mise en place de la ressource PNB, l'exécution dépasse systématiquement la prévision, reflétant le dynamisme des dépenses agricoles et l'insuffisance des recettes dont disposait alors la Communauté. Depuis 1989, la surestimation est en revanche davantage liée à la montée en puissance de la politique régionale et au surcalibrage de crédits de paiement dont elle fait l'objet, notamment en début de période de programmation (1989/1990, 1994/1995, 2000/2001). Ce décalage tient certes à des aléas qui rendent la prévision nécessairement imparfaite , mais également à de réelles lacunes en matière d'exécution de certains programmes communautaires - les fonds structurels et actions extérieures en particulier - qui se traduisent par l'accumulation d'excédents budgétaires.

Il importe toutefois de rappeler que la majeure partie des sous-consommations de crédits et des erreurs de paiement est imputable à la « gestion partagée », c'est-à-dire au système de gestion des fonds communautaires (structurels notamment) appliqué par les Etats membres eux-mêmes , et dont les lacunes et manquements - notamment en France et en Italie s'agissant des paiements agricoles - ont été mainte fois soulignés par la Cour des comptes européenne. Le gouvernement s'est cependant attaché en cours d'année 2002 à améliorer la gestion et la consommation des fonds structurels, et a décidé un certain nombre de mesures de déconcentration et de simplification que votre rapporteur spécial avait approuvées.

* 20 Correspondant à l'annulation de 4,98 milliards d'euros de crédits de paiement, et à un solde excédentaire de 5,47 milliards d'euros en 2003, reporté en 2004.

* 21 L'impact de la sous-exécution du budget communautaire 2003 sur la contribution française en 2004 est intervenu en deux temps :

- l'annulation de 4,98 milliards d'euros de crédits de paiement en novembre 2003 (budget rectificatif et supplémentaire - BRS n° 7/2003) est d'abord venue réduire les versements des Etats membres en janvier 2004 (i.e. moindre appel à contribution au titre de la ressource RNB). Pour la France, ce mouvement s'est traduit par une moindre contribution de 834 millions d'euros ;

- le report en 2004 du solde excédentaire de 2003 (5,5 milliards d'euros), matérialisé par le BRS n°7/2004 a accru la contribution française pour 2004 de 93 millions d'euros par rapport à la prévision inscrite en loi de finances initiale.

Le cumul de ces deux effets a donc conduit à une différence de - 741 millions d'euros entre la prévision initiale du projet de loi de finances pour 2004 et celle associée au projet de loi de finances pour 2005.

La prise en compte du solde excédentaire de 2003 interviendra dans les versements d'octobre à décembre, sous la forme d'un moindre appel à contribution de la ressource RNB.

* 22 L'excédent constaté était ainsi de 11,6 milliards d'euros en 2000, de 15 milliards d'euros en 2001, et de 7,4 milliards d'euros en 2002.

* 23 Suite au Comité consultatif sur les ressources propres d'avril 2004, la prévision de la clef TVA de la France est passée de 16,7 % à 16,65 %, et celle de la clef PNB de 16,34 % à 16,28 %.

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