C. UNE NÉCESSAIRE RÉNOVATION CONCEPTUELLE

Dans les négociations actuelles sur les futures perspectives financières, deux débats demeurent déterminants mais encore à peine dévoilés quand ce n'est tabous : le changement de modèle de la PAC et la renationalisation de la politique régionale .

1. Le succès de la PAC doit être pérennisé par de nouveaux objectifs

La PAC doit être considérée comme un succès : dans un contexte d'intensification de la concurrence mondiale, elle a permis une forte expansion de la production, l'atteinte rapide de l'objectif d'autosuffisance alimentaire en Europe, une restructuration importante du secteur agricole avec le renforcement des filières et la concentration des exploitations, une élévation sensible du revenu des agriculteurs et une amélioration de la qualité sanitaire des produits. Sa conception originelle comportait toutefois des effets pervers (quotas et subventions aux exportations) qui ont conduit à des aménagements successifs, manifestant une tendance à la diminution des mécanismes de soutien aux prix (inévitable sur le long terme, compte tenu de la pression des pays du Sud), à la personnalisation des aides et à l'accentuation de la composante environnementale et de structuration de la présence rurale.

Votre rapporteur spécial déplore que certaines critiques abruptes soient régulièrement formulées, selon lesquelles la PAC servirait avant tout les intérêts des agriculteurs français. Or tel n'est pas le cas, puisque ce sont en réalité tous les consommateurs européens qui profitent de la PAC et de son impact positif sur la qualité et l'abondance des produits alimentaires. Il faut donc se féliciter que les aménagements récents aient permis de freiner la tendance au productivisme et au soutien abusif aux exportations.

Le risque est aujourd'hui que le caractère « commun » de cette politique agricole soit de plus en plus réduit, avec la fixation par les gouvernements des critères d'attribution d'une rente foncière communautaire. Il s'agit donc de mieux tenir compte des aspirations réelles des citoyens européens pour rénover le socle des objectifs communautaires de la PAC : garantir la sécurité sanitaire, la variété et la traçabilité des produits alimentaires, réduire le recours aux procédés nuisibles pour l'environnement, conforter les terroirs et la labellisation, renforcer la compétitivité de l'industrie agro-alimentaire, étendre les débouchés des biocarburants, enrayer la désertification avancée de certaines régions en passe de devenir des « parcs naturels », sans pour autant demander aux agriculteurs de se convertir en jardiniers ou « paysagistes ». La stabilisation des crédits de la PAC jusqu'en 2013, actée en octobre 2002 à la suite du compromis franco-allemand, pourrait donc constituer une longue transition vers une refonte de grande ampleur des modalités de la PAC et une diminution - qui paraît inéluctable - des retours de la France au titre de cette politique.

2. Une politique régionale aux effets ambigus

La politique régionale souffre d'une critique récurrente portant sur le « saupoudrage » des versements et la complexité des procédures d'octroi, et d'une ambiguïté quant à son efficacité réelle. Si les crédits structurels ont incontestablement permis aux Etats de la cohésion, et en particulier à l'Irlande qui constitue à cet égard un cas emblématique et a été favorisée par sa petite taille, d'accélérer leur rattrapage économique, les effets sur la réduction des inégalités régionales apparaissent moins nets . Une étude de M. Jacky Fayolle et Mme Anne Lecuyer réalisée en 2000 18 ( * ) concluait ainsi que si les écarts de développement entre pays se sont bien réduits, tel n'a pas été le cas des écarts entre régions au sein des pays, notamment des plus pauvres. Ce seraient donc surtout les régions les plus riches des pays les moins développés qui auraient profité des actions structurelles.

A contrario , le rapport Sapir considérait que les fonds structurels favorisait l'inertie de la croissance européenne en freinant la tendance naturelle à l'agglomération des activités économiques, et recommandait donc d'affecter ces fonds à la seule intégration et aux restructurations qu'elle suscite. De fait, l'objectif premier de la politique régionale réside bien dans la convergence des économies nationales plutôt que dans l'harmonisation des capacités économiques des régions.

La future programmation des fonds structurels doit donc être consacrée en priorité aux nouveaux Etats membres , ainsi que le préconisaient notre collègue député Marc Laffineur et notre collègue sénateur Serge Vinçon dans leur rapport sur les perspectives financières européennes 2007-2013 19 ( * ) . Cette priorité se traduirait vraisemblablement par une diminution des retours dont bénéficieront les Etats de la cohésion , en particulier au titre du « phasing out », destiné à compenser l'effet statistique de la diminution du PNB moyen par habitant de l'Union.

Ce cadre financier doit également constituer l'occasion d'une révision du mécanisme de correction britannique , dont les fondements sont aujourd'hui beaucoup moins justifiés que durant la décennie 80 et dont la France est le premier contributeur. Mais compte tenu des risques de remise en cause du cadrage financier de la PAC, il serait sans doute contre-productif d'en faire l'enjeu central des négociations . En outre, la proposition de la Commission de le remplacer par un mécanisme généralisé de correction des soldes nets permet certes de restaurer une certaine équité entre Etats membres, mais accroît la complexité du budget et multiplie les motifs potentiels de contestation.

* 18 Citée par Jacques Le Cacheux, op. cité.

* 19 « Les perspectives financières 2007-2013 », rapport au Premier ministre de MM. Marc Laffineur et Serge Vinçon, remis le 24 février 2004.

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