2. l'absence de prise en compte de la dimension économique de l'intervention budgétaire

Comptablement erronées, les données sont dénuées de toute prise en compte de la dimension économique du sujet.

a) La question du point de vue des recettes

S'agissant des recettes, l'on fait comme s'il était légitime d'exclure du débat toute référence aux données économiques qui, pourtant, influencent beaucoup la variation des versements de chaque Etat.

A structure et niveau de dépenses inchangés, la dégradation du solde d'un pays peut d'abord provenir d'un différentiel de croissance favorable à ce pays. Ce facteur a joué de façon importante s'agissant des Pays-Bas dans un passé récent.

De la même manière, le poids du prélèvement effectivement supporté par les Etats dépendait avant l'adoption de l'euro pour onze d'entre eux et continuera de dépendre pour les Etats ne participant pas à la troisième phase de l'Union économique et monétaire des variations du change de leur monnaie face à l'écu et désormais à l'euro.

Il est surtout facile de démontrer que la hiérarchie des contributeurs est, dans l'ensemble, conforme à la hiérarchie des capacités contributives.

Part relative de chaque Etat membre dans le financement du budget communautaire

(En %)

1995 (1)

1996 (2)

1997 (3)

1998 (3)

1999 (4)

Belgique

4,0

3,9

3,9

3,7

3,9

Danemark

1,9

1,9

2,0

2,0

2,0

Allemagne

31,4

29,2

28,2

27,3

26,4

Grèce

1,5

1,6

1,5

1,6

1,5

Espagne

5,4

6,4

7,1

6,5

6,9

France

17,5

17,5

17,5

17,0

17,2

Irlande

1,0

1,0

0,9

1,0

1,0

Italie

9,5

12,6

11,5

12,8

13,0

Luxembourg

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

Pays-Bas

6,4

6,2

6,4

5,9

6,0

Autriche

2,6

2,6

2,8

2,5

2,7

Portugal

1,3

1,4

1,4

1,3

1,4

Finlande

1,3

1,4

1,4

1,3

1,4

Suède

2,4

2,8

3,0

2,8

2,9

Royaume-Uni

13,6

11,6

11,8

14,0

13,5

(1) Rapport Cour des comptes des CE

(2) Compte de gestion et bilan financier de la Commission pour 1997

(3) Budget 1998

(4) Projet de budget pour 1999

Le tableau qui précède rappelle que la France est le deuxième contributeur au budget européen (17,2 % du total), loin derrière l'Allemagne (26,4 %), mais aussi loin devant le Royaume-Uni (13,5 %) et l'Italie (13 %). Ces quatre Etats financent plus de 70 % du budget communautaire. Il est intéressant de rapprocher ces résultats de la part prise par le PIB de ces Etats dans le PIB communautaire. Elle s'élève à près de 75 %.

Il faut également apprécier l'évolution des contributions des Etats membres dans le temps. L'entrée de trois nouveaux Etats membres s'est traduite en 1995 par un allégement mécanique de la part contributive des Etats déjà membres. On constate que la contribution de l'Allemagne s'allège rapidement entre 1995 et 1999. La part de sa contribution dans le total se replie de 5 points alors qu'à l'inverse, la part contributive de notre pays est stable. La contribution du Royaume-Uni évolue au gré des fortunes diverses de la livre et d'écarts de croissance plus ou moins favorables. Quant à l'Italie, sa contribution a connu un ressaut du fait de la montée en charge de la " ressource-PNB ".

En tout état de cause, les données disponibles démontrent que, dans l'ensemble, la hiérarchie des contributeurs était conforme à la hiérarchie économique des Etats appréhendée au moyen de leurs parts dans le PIB européen.

Quote-parts des Etats membres dans le financement de l'Union européenne
et dans le PNB de l'Union européenne à 15

(en pourcentage du total, données pour 1997, y compris la correction
en faveur du Royaume-Uni)

B

DK

D

GR

E

F

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

Part du PNB de l'UE

3,1

1,9

26,0

1,5

6,6

17,2

0,8

14,2

0,2

4,5

2,6

1,2

1,4

2,7

16,1

Part dans le financement du budget de l'UE


3,9


2,0


28,2


1,6


7,1


17,5


0,9


11,5


0,2


6,4


2,8


1,4


1,4


3,1


11,9

Dont ressources propres traditionnelles


7,4


2,0


24,2


1,2


4,5


10,9


1,6


7,9


0,2


12,2


1,8


1,1


1,0


2,6


21,5

Dont contributions TVA et PNB

3,1

2,0

29,1

1,7

7,8

19,0

0,8

12,4

0,2

5,1

3,0

1,5

1,5

3,2

9,6

La situation de quelques pays apparaissait singulière. L'Italie et, plus encore, le Royaume-Uni contribuaient moins que leur situation de richesse l'aurait justifié . La "correction britannique" explique ce phénomène pour le Royaume-Uni. Pour l'Italie, la modicité des recettes prélevées au titre des ressources propres traditionnelles (prélèvements agricoles et droits de douane) "justifient" une partie de l'écart tandis qu'il faut probablement trouver dans les "particularités" de son assiette-TVA l'explication du reste de l'écart.

En contrepartie, l'Allemagne et, à un moindre degré, les Pays-Bas contribuent plus que leur part dans le PIB européen . Pour les Pays-Bas, l'essentiel de cet écart provient des recettes de droit de douane, ce qu'on appelle "l'effet-Rotterdam". Pour l'Allemagne, cet effet ne joue pas mais ce pays doit assumer une part importante des effets de la réforme des contributions TVA et PNB et de la correction britannique, même si l'Allemagne bénéficie en la matière d'un plafonnement particulier.

b) La question du point de vue des dépenses

S'agissant des dépenses, l'on peut évoquer les crédits non répartis. Une part importante de ces crédits concerne, on l'a dit, les crédits de politique extérieure de l'Union, parmi lesquels les crédits consacrés aux programmes PHARE et TACIS.

Outre les observations mentionnées plus haut, il faut ajouter que l'aide ainsi prodiguée se traduit par un supplément de croissance dans les pays qui en bénéficient, supplément de croissance qui, à son tour, engendre un courant d'importations.

Or, ces phénomènes sont susceptibles de " profiter " très inégalement aux 15.

L'exemple du commerce extérieur est particulièrement éclairant. La place toute particulière de l'Allemagne dans les échanges de l'Union européenne avec les pays d'Europe centrale et orientale doit être soulignée. Les exportations allemandes vers ces pays représentent 41 % des exportations des 15 et, avec 35,4 milliards d'écus en 1997, plus de 5 fois les exportations françaises ou encore plus de 19 fois les exportations espagnoles. Elles se sont par ailleurs accrues sur un rythme très élevé de 20 % l'an.

Exportations vers les pays d'Europe centrale et orientale

(en millions d'écus)

Pays

1994

1995

1996

1997

Europe des 15

48.053

58.722

70.828

87.291

Europe des 11

51.785

62.121

76.281

Belgique/Luxembourg

1.7520

2.122

2.710

3.422

Danemark

1.038

1.198

1.438

1.685

Allemagne

20.155

24.797

29.053

35.387

Grèce

765

887

1.135

1.437

Espagne

865

1.050

1.439

1.872

France

3.349

4.077

5.265

6.525

Irlande

165

314

407

486

Italie

7.412

9.101

11.508

13.215

Pays-Bas

2.647

3.033

3.199

4.220

Autriche

4.480

5.484

6.227

8.200

Portugal

57

83

135

161

Finlande

1.602

1.725

2.178

2.792

Suède

1.373

1.780

2.225

2.936

Royaume-Uni

2.393

3.071

3.909

4.953

Ces observations ne sont pas anodines. Les coûts budgétaires de la préparation à l'élargissement et ceux à venir de l'adhésion effective des nouveaux membres peuvent, objectivement, être considérés comme un investissement dont tout laisse à penser que les retours ont profité et profiteront certes aux Etats concernés mais aussi, à titre principal, parmi les 15 à l'Allemagne et aux petits pays fortement exportateurs de l'Union européenne.

Il fallait intégrer cette perspective au débat. Elle conduisait à s'opposer très fermement aux prétentions à la correction des soldes budgétaires.

Enfin, la construction européenne est productrice d'externalités positives aux premiers rangs desquelles figurent la liberté du commerce et de l'industrie, et la création d'une zone monétaire unique. Ces externalités profitent sans doute à tous mais probablement davantage aux pays les plus prospères les plus industrialisés et les plus exportateurs.

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