CHAPITRE PREMIER :

UN NOUVEL ACCORD INTERINSTITUTIONNEL DÉCEVANT

Il faut, comme l'an dernier, insister sur la nécessité d'instaurer des règles plus subtiles et réalistes de programmation. Il n'existe en effet désormais plus qu'un seul budget en Europe échappant à de vraies disciplines budgétaires formelles, le budget des Communautés européennes.

Les résultats acquis par le Sommet de Berlin du 26 mars 1999 et les termes du nouvel accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sont loin de donner satisfaction à ces exigences.

La responsabilité de cette déception incombe très largement à l'ombre portée sur les négociations par le débat fondamentalement non-européen ouvert par certains pays relatif aux contributions nettes.

I. UNE NÉGOCIATION BIAISÉE PAR UNE APPROCHE CONTRAIRE A L'ESPRIT EUROPEEN

Quatre pays ont pris la responsabilité de centrer les négociations des nouvelles perspectives financières sur la question des " contributions nettes ", c'est-à-dire sur la question des soldes enregistrés par chaque Etat membre, à l'occasion des flux budgétaires entre les Etats et le budget européen.

Le polarisation des débats sur ce sujet a détourné l'attention des questions qui auraient dû être abordées.

C'est d'autant plus regrettable qu'il s'agit d'un faux débat qui, selon toutes vraisemblances, n'est malheureusement pas purgé ce qui mérite qu'on y revienne.

A. LES DONNÉES DU DÉBAT

C'est l'existence de déséquilibres comptables entre Etats-membres qui a alimenté un débat, qui s'est par ailleurs nourri des inquiétudes sur les effets budgétaires de l'élargissement. En outre, l'impact des propositions relatives aux nouvelles " perspectives financières " transmises par la Commission sur chacun des Etats-membres a été peu précisé et n'a, ainsi, pas été pris en compte.

1. L'existence de déséquilibres comptables

Le tableau ci-après démontre l'existence de déséquilibres comptables, certains Etats membres versant au budget de l'Union européenne davantage qu'ils n'en perçoivent, l'inverse étant également vrai par construction.

Solde budgétaire par Etat membre en 1996 selon la Cour des comptes européenne

Etat Membre

Recettes 96

Dépenses réparties 96

Solde 1996

Solde 1995

Solde 1994

ECU/hbt 1996

(Mécus)

%

(Mécus)

%

(Mécus)

(Mécus)

(Mécus)

Belgique

2.743,0

3,9

1.996,8

2,7

- 746,2

- 311,2

- 309,3

- 73,9

Danemark

1.359,9

1,9

1.553,3

2,1

193,4

305,7

198,9

37,2

Allemagne

20.766,9

29,2

9.872,0

13,6

- 10.894,4

- 13.431,0

- 13.637,1

- 134,8

Grèce

1.107,1

1,6

5.039,8

6,9

3.932,7

3.488,9

3.851,9

378,1

Espagne

4.538,9

6,4

10.511,1

14,4

5.972,2

7.218,1

3.116,6

152,7

France

12.410,9

17,5

11.951,1

16,4

- 459,8

- 1.727,2

2.626,4

- 8,0

Irlande

710,2

1,0

2.970,5

4,1

2.260,3

1.886,9

1.752,0

627,9

Italie

8.935,2

12,6

7.532,9

10,3

- 1.402,3

- 614,1

- 2.540,4

- 24,3

Luxembourg

163,2

0,2

83,9

0,1

- 79,3

- 44,8

253,7

- 198,3

Pays-Bas

4.435,7

6,2

1.988,9

2,7

- 2.446,8

- 2.004,7

- 1.829,9

- 159,9

Autriche

1.872,6

2,6

1.600,4

2,2

- 272,2

- 905,1

0,0

- 34,5

Portugal

906,1

1,3

3.680,4

5,1

2.774,3

2.381,1

1.827,0

283,1

Finlande

961,3

1,4

988,4

1,4

27,1

- 164,6

0,0

5,3

Suède

1.957,4

2,8

1.204,9

1,7

- 752,5

- 937,3

0,0

- 86,5

Royaume-Uni

8.227,1

11,6

5.951,1

8,2

- 2.276,0

- 4.720,2

- 1.158,8

- 39,2

non réparti

5.867,7

8,1

Total

71.095,5

100,0

72.793,2

100,0

Certains Etats se trouvent ainsi en situation de contributeurs nets tandis que d'autres sont des bénéficiaires nets.

Parmi les premiers, sur la base des données relatives à 1996, se situent l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l'Autriche, la Belgique, le Royaume-Uni, la France et l'Italie.

Le second groupe de pays rassemble par ordre décroissant sur la base d'une référence en écus par habitant, l'Irlande, la Grèce, le Portugal, l'Espagne (les 4 Etats de la cohésion), le Danemark et la Finlande.

L'existence et le niveau des soldes nets résultent en fait pour l'essentiel de la répartition des dépenses du budget communautaire qui commande naturellement les versements reçus par chaque Etat membre. Le tableau ci-dessous rend compte de ce phénomène.

Répartition des dépenses opérationnelles par Etat membre

Etat Membre

FEOGA

Garantie

%

Actions

Structurelles

%

Recherche

%

Coopé

ration

%

Autres

%

Totaux

%

Belgique

1.152,8

2,9

327,7

1,3

159,9

5,4

20,6

0,5

335,9

14,0

1.996,9

2,7

Danemark

1.358,4

3,5

104,6

0,4

39,3

1,3

2,6

0,1

48,3

2,0

1.553,2

2,1

Allemagne

6.050,4

15,5

3.435,4

14,0

263,9

9,0

11,1

0,3

111,1

4,6

9.871,9

13,6

Grèce

2.801,7

7,2

2.122,9

8,6

45,8

1,6

1,7

0,0

67,8

2,8

5.039,9

6,9

Espagne

4.054,6

10,4

6.234,1

25,3

117,1

4,0

18,1

0,5

87,1

3,6

10511,0

14,4

France

9.572,1

24,5

1.938,8

7,9

285,5

9,7

12,8

0,3

141,9

5,9

11.951,1

16,4

Irlande

1.700,1

4,4

1.206,4

4,9

30,3

1,0

1,2

0,0

32,5

1,4

2.970,5

4,1

Italie

4.231,1

10,8

3.016,4

12,3

161,6

5,5

24,9

0,7

99,0

4,1

7.533,0

10,3

Luxembourg

20,0

0,1

14,6

0,1

15,5

0,5

2,6

0,1

31,1

1,3

83,8

0,1

Pays-Bas

1.536,2

3,9

268,7

1,1

109,9

3,7

4,6

0,1

69,5

2,9

1.988,9

2,7

Autriche

1.214,2

3,1

235,9

1,0

18,6

0,6

1,9

0,1

129,8

5,4

1.600,4

2,2

Portugal

646,0

1,7

2961,5

12,0

16,6

0,6

5,1

0,0

51,2

2,1

3.680,4

5,1

Finlande

649,3

1,7

135,2

0,5

18,9

0,6

0,5

0,0

184,6

7,7

988,5

1,4

Suède

624,1

1,6

94,6

0,4

25,0

0,9

1,6

1,2

459,6

19,1

1.204,9

1,7

Royaume-Uni

3.470,1

8,9

1.961,1

8,0

343,4

11,7

45,4

1,2

131,1

5,5

5.951,1

8,2

Divers

0,0

0,0

550,5

2,3

1.287,8

43,8

3.598,4

95,9

425,0

17,7

5.867,7

8,1

Total

39.081,1

100,0

24.614,4

100,0

2.939,1

100,0

3.753,10

100,0

2.405,5

100,0

72.793,2

100

%

53,7

33,8

4,0

5,2

3,3

100

Alors que la part contributive des Etats membres est " grosso modo " parallèle à leur part dans le PIB européen, la part des versements reçus par quelques uns d'entre eux est nettement décalée par rapport à cette dernière donnée et se trouve donc sans proportion avec l'écot versé.

C'est le cas, en négatif, pour l'ensemble des contributeurs nets, et, en positif, pour l'ensemble des bénéficiaires nets.

Les soldes comptables sont donc principalement le résultat de l'orientation donnée aux dépenses communautaires.

C'est par exemple le niveau élevé des dépenses agricoles versées en France qui détermine les " retours " français.

Part de la France dans les postes de dépenses du FEOGA-Garantie en 1997

(en Mécus)

FEOGA-Garantie

Ensemble

France

% en 1997

Rappel % 1996

Cultures arables

Sucre

Huile d'olive

Fourrages séchés et légumes secs

Plantes textiles et vers à soie

Fruits et légumes

Secteur viti-vinicole

Tabac

Autres secteurs végétaux

17.414,0

1.607,8

2.196,0

367,4

906,9

1.569,0

1.030,1

998,0

274,4

5.235,7

611,8

9,4

86,3

37,6

239,8

225,1

80,7

31,1

30,1

38,1

0,4

23,5

4,1

15,3

21,9

8,1

11,3

31,6

29,7

0,5

25,2

5,5

16,1

23,9

8,3

12,9

Total secteur végétal

26.363,6

6.557,5

24,9

25,6

Lait et produits laitiers

Viande bovine

Viande ovine et caprine

Viande porcine

OEufs et volailles

Autres actions produits animaux

Pêche

3.101,2

6.580,4

1.424,9

478,8

78,7

94,4

33,5

849,6

1.231,7

142,3

7,2

55,1

7,7

9,6

27,4

18,7

10,0

1,5

70,0

8,2

28,7

23,1

26,4

8,8

10,0

66,7

2,2

31,4

Total secteur animal

11.791,9

2.303,2

19,5

23,5

Dépenses annexes

Aides au revenu

Mesures d'accompagnement

198,3

4,5

2.064,8

33,3

1,0

233,0

16,8

22,2

11,3

44,2

35,4

11,4

Total général du FEOGA-Garantie


40.423,1


9.128,0


22,6


24,4

Si l'importance de l'agriculture française était du niveau de celle de l'Allemagne, la France ne bénéficierait plus des 16,4 % de dépenses réparties qu'elle reçoit mais de seulement 11,6 % du total de ces dépenses. Son solde net se creuserait passant par exemple d'un déficit de 459,8 millions d'écus à un déficit de 3.981 millions d'écus en 1996.

La situation des gros contributeurs nets provient de ce qu'ils bénéficient de " retours "moyens au regard des principales rubriques du budget communautaire même si ces retours peuvent être importants comme le montre l'exemple de l'Allemagne, deuxième bénéficiaire des actions structurelles.

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