II. PRÉSERVER L'EFFET DISSUASIF DES PEINES D'EXCLUSION DES PROCÉDURES DE PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS

A. LA TRANSPOSITION PARTIELLE DES DIRECTIVES 2014/23/UE ET 2014/24/UE RELATIVES AUX MARCHÉS PUBLICS ET AUX CONTRATS DE CONCESSION NÉCESSITE UNE MODIFICATION DE LA LÉGISLATION

La directive 2014/23/UE, relative aux contrats de concession, et la directive 2014/24/UE, relative aux marchés publics, prévoient des motifs d'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession à la suite d'infractions pénales, de non-respect du droit du travail, de faute professionnelle grave ou encore de manquements aux obligations fiscales. Les opérateurs économiques sanctionnés en ce sens ont néanmoins la possibilité de démontrer leur « fiabilité » , et ainsi de continuer à candidater à des marchés publics, notamment en prouvant qu'ils ont pris des « mesures concrètes » de nature à prévenir toute nouvelle infraction.

Si ces motifs d'exclusion de plein droit ont bien été transposés en droit interne par le biais des ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, ces ordonnances n'ont transposé que partiellement le mécanisme de régularisation qu'imposent ces directives .

En effet, les infractions pénales les plus graves, mentionnées aux articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique, telles que la traite des êtres humains, le trafic de stupéfiants, la corruption ou encore l'escroquerie, ont été exclues de ce mécanisme de régularisation. Or, celui-ci est censé s'appliquer indifféremment à l'ensemble des cas d'exclusion mentionnés par lesdites directives.

Le caractère incomplet de la transposition de ces directives ayant été reconnu par le Conseil d'État 8 ( * ) et, à la suite d'une question préjudicielle, par la Cour de justice de l'Union européenne 9 ( * ) , la commission a pris acte de la nécessité d'étendre , comme le propose l'article 11 du projet de loi , le mécanisme de régularisation aux infractions pénales précitées.

B. PRÉVOIR EXPLICITEMENT L'ÉVALUATION DES MESURES DE RÉGULARISATION MAINTIENDRAIT LE CARACTÈRE DISSUASIF DES PEINES D'EXCLUSION DES MARCHÉS PUBLICS ET AMÉLIORERAIT LA LISIBILITÉ DU DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Bien que reposant sur le volontarisme des opérateurs économiques condamnés à une peine entraînant l'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession, le mécanisme de régularisation prévu par les directives 2014/23/UE et 2014/24/UE précitées doit faire l'objet d'une évaluation prenant en compte la gravité des infractions ou des fautes commises .

Selon les termes desdites directives, cette évaluation porte sur les « mesures concrètes » de nature à « prévenir » toute nouvelle infraction ou faute, prises par l'opérateur économique souhaitant candidater à un marché public ou à un contrat de concession malgré sa condamnation. Cette évaluation peut aboutir au constat de « l'insuffisan[ce] » de ces mesures. Or, en droit interne, le contour de cette évaluation est lacunaire et, dans les faits, sa systématisation par les acheteurs publics n'est pas garantie, faute de lisibilité au sein du code de la commande publique.

Compte tenu de la particulière gravité des infractions mentionnées aux articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique que l'article 11 du projet de loi complète, incluant notamment la traite d'êtres humains, la commission a souhaité , sur proposition du rapporteur, préserver le caractère pleinement dissuasif des peines d'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession en inscrivant, au sein des articles du code de la commande publique concernés, l'existence de ces évaluations propres au mécanisme de régularisation prévu par les directives européennes. Cette évaluation ne serait exigée que pour les candidats auxquels il serait envisagé d'attribuer le marché public ou la concession.


* 8 Décision n° 419146 du Conseil d'État du 12 octobre 2020, dite « Société Vert Marine ».

* 9 CJUE, 11 juin 2020, Vert Marine SAS, C-472/19.

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