EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 16 NOVEMBRE 2022

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur pour avis. - Nous examinons les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et informations administratives ».
La mission « Direction de l'action du Gouvernement » sera dotée en 2023
de 810 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 798 millions d'euros en crédits de paiement (CP), en augmentation respective de 13,5 %
et 8 % par rapport au budget 2022. Elle est composée du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » et du programme 308 « Protection des droits et libertés ». Ce dernier regroupe les budgets de plusieurs autorités administratives indépendantes (AAI). Le programme 359 « Présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022 », qui finançait cet événement ponctuel, est devenu sans objet et ne figure plus dans la mission.

86 % des crédits de la mission reviennent au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ». Celui-ci est largement marqué par le contexte sécuritaire, ce qui conduit à un renforcement de ses moyens. Le budget du programme 308 « Protection des droits et libertés » augmente aussi, afin d'accompagner les AAI dans leurs nouvelles missions. Plusieurs d'entre elles ont en effet vu leur périmètre s'étendre.

Le programme 129 finance le budget du nouveau secrétariat général à la planification écologique créé par décret du 7 juillet 2022 qui sera doté
de 15 emplois équivalents temps plein (ETP). Ce programme accompagne le besoin de croissance de la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE), chargée de l'évaluation de l'encadrement de la haute fonction publique, sorte de « vigie » de la haute fonction publique. Il sera doté en 2023 de 5 ETP supplémentaires. J'ai obtenu cette année quelques informations sur le budget du haut-commissariat au plan, doté de 10 ETP, et du nouveau conseil national de la refondation qui dispose, par la loi de finances rectificative pour 2022, de 5 ETP. Les effectifs du Haut Conseil pour le climat seraient renforcés de 5 ETP en 2023 et je m'en félicite. En effet, un amendement déposé à l'Assemblée nationale a été retenu par le Gouvernement dans le projet de loi de finances considéré comme adopté en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Curieusement, ces emplois ne sont pas inscrits dans le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » mais dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ce qui impliquera des mises à disposition au profit du Haut Conseil pour le climat. On peut s'interroger sur le rattachement du Haut Conseil pour le climat, instance d'expertise indépendante, au programme 129 au même titre que des structures beaucoup plus opérationnelles, comme le secrétariat général à la planification écologique. On pourrait imaginer qu'il soit déplacé dans le programme 308 renommé « Protection des droits, libertés, et de l'environnement ».

Le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) bénéficiera de quatre emplois supplémentaires en 2023 afin de permettre la création d'un bureau d'appui à la mobilisation de fonds européens. L'ensemble des acteurs, collectivités territoriales et administrations, seront accompagnés dans la demande de fonds traditionnels mais aussi dans le cadre du plan de relance européen pour lequel des cibles et jalons doivent impérativement être respectés.

En matière de sécurité, nous avons pu constater que nos hôpitaux et collectivités territoriales sont particulièrement vulnérables face aux cyberattaques. Pendant deux ans, le plan de relance a permis aux administrations, par l'intermédiaire de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), de bénéficier d'un diagnostic des besoins en sécurité informatique et d'un début de financement d'opérations de sécurisation. Beaucoup d'administrations n'ont pas encore évalué ce risque d'être l'objet d'attaques alors que le plan de relance a pris fin.

Le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) monte en puissance et devrait à terme passer de 40 à 65 ETP. Il détecte les opérations impliquant un État étranger et visant à diffuser massivement en ligne de fausses informations. Vous avez pu constater que nos intérêts ont été mis en cause en Afrique de l'ouest et Viginum était utile pour identifier les sources de cette désinformation. La question reste de savoir ce que l'on peut faire une fois identifié l'État qui est en est à l'origine.

Avec l'adoption de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, nous avons besoin de renforcer les moyens du groupement interministériel de contrôle (GIC) en raison des nouvelles techniques de renseignement autorisées. De même, l'Opérateur des systèmes d'information interministériels classifiés (OSIIC), garant des transmissions gouvernementales, obtient des moyens supplémentaires.

S'agissant des AAI, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom), la plus dotée du programme 308, a remplacé au 1 er janvier 2022 le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi). Elle devra faire face dans les prochains mois à l'entrée en vigueur des règlements européens DMA ( Digital Markets Act ) et DSA ( Digital Service Act ) qui instituent un nouveau modèle de régulation. Ces règlements impacteront aussi l'activité de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Depuis la loi n° 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte, le rôle de cette dernière institution a été renforcé. Elle doit, de plus, faire face à une augmentation de 18 % des réclamations présentées dans la grande majorité par des usagers en grande difficulté face à la dématérialisation croissante des services publics. Le Défenseur des droits a également besoin de moyens pour mieux indemniser, surtout en période d'inflation, ses délégués territoriaux bénévoles qui traitent 80 % des réclamations. En recrutant 20 délégués supplémentaires, l'institution veut également éviter que certains d'entre eux ne soient contraints d'y consacrer l'équivalent d'un temps plein.

La CNIL, outre l'application des règlements DMA et DSA évoqués précédemment, devra s'emparer du sujet de la gestion des données personnelles à l'heure de l'intelligence artificielle et de la vidéosurveillance, notamment à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Elle traite également un nombre croissant de plaintes. Il est intéressant de mettre en regard son budget, qui est légèrement supérieur à 26 millions d'euros pour 2023, avec le total des 18 sanctions prononcées en 2021, soit 214 millions d'euros reversés au budget de l'État.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté continue à améliorer les délais de publication de ses rapports de contrôle même si, à mon sens, c'est encore trop long pour qu'ils soient pleinement efficaces. Elle va prochainement établir des rapports sur la dignité en détention, afin de rendre plus opérationnel le recours rendu possible par la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, adoptée à l'initiative du président François-Noël Buffet.

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) fait face elle aussi au nouveau cadre légal en matière de renseignement avec de nouvelles technologies à intégrer. Les écoutes téléphoniques perdent de leur intérêt car les personnes susceptibles d'être surveillées utilisent désormais des messageries cryptées. Cela oblige les services de renseignement à demander à recourir à des techniques plus intrusives, ce que la CNCTR doit analyser avant de rendre son avis. Après avoir consolidé ses compétences juridiques ces dernières années, la commission doit renforcer ses compétences techniques pour assurer un contrôle efficace, ce qui justifie l'augmentation de ses moyens.

Enfin, la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) dont l'activité ne faiblit pas, a absolument besoin de renforcer la formation des PRADA, personnes responsables de l'accès aux documents administratifs désignées par les administrations. L'autorité bénéficiera en 2023 d'un soutien financier afin de développer un MOOC.

Pour ces raisons, je propose à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et informations administratives ».

Compte tenu des besoins de croissance du Défenseur des droits, je vous propose par ailleurs un amendement visant à lui transférer 3 ETP parmi ceux actuellement dédiés au conseil national de la refondation.

Mme Agnès Canayer . - J'aimerais vous interroger sur les AAI car une réflexion s'était engagée il y a quelques années sur la question du rapprochement ou de la fusion de certaines d'entre elles. Qu'en est-il actuellement ?

En ce qui concerne le renseignement et la cybersécurité, je suis d'accord pour qu'on renforce les moyens afin de faire face aux nouvelles technologies. C'est le sens des dispositions que nous avions adoptées dans la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement et qui concernent les communications satellitaires et la technologie 5G. Il y a un manque de prise de conscience des enjeux en matière de cybersécurité.

S'agissant des fonds européens, il est très compliqué de les mobiliser. Avez-vous des éléments sur les contraintes imposées aux acteurs pour pouvoir en bénéficier ?

Mme Laurence Harribey . - Je suis très satisfaite de l'augmentation des moyens en matière de cybercriminalité mais il faut souligner que les compétences techniques sont difficiles à conserver au sein des effectifs. Les auditions ont montré une « fuite des cerveaux » et une difficulté pour
les AAI ou structures étatiques à recruter.

Je voulais souligner le manque d'informations au sujet du conseil national de la refondation et du haut-commissariat au plan. Je souscris à la proposition du rapporteur de transférer 3 ETP du conseil national de la refondation vers le Défenseur des droits. Celui-ci rencontre des difficultés pour recruter des délégués territoriaux qui sont des bénévoles dont l'indemnité n'a pas été revalorisée depuis plusieurs années et qui exercent une mission souvent chronophage.

Je souligne enfin l'augmentation des crédits de la MILDECA (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), après trois ans de diminution. C'est la preuve que les mutualisations évoquées tout à l'heure ne peuvent pas toujours permettre aux structures de mener leurs missions à bien.

M. François-Noël Buffet , président . - Monsieur le rapporteur, j'ai une question au sujet de votre amendement. Les 3 ETP que vous souhaitez transférer au Défenseur des droits sont-ils une demande de Claire Hédon ou le fruit de votre analyse ?

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur pour avis . - Claire Hédon, Défenseure des droits, avait sollicité pour 2023 un renfort de 5 ETP mais n'en a obtenu que deux dans le projet de loi de finances. Il est important de lui donner les moyens d'assurer ses nouvelles compétences en matière de protection des lanceurs d'alerte ainsi que l'encadrement des délégués territoriaux.

M. François-Noël Buffet , président . - C'est un sujet important, je partage totalement votre analyse sur les difficultés, dans les territoires, à trouver des personnes prêtes à s'investir dans ces activités bénévoles.

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur pour avis . - Il y a un besoin d'encadrement et de meilleure indemnisation de ces délégués territoriaux. Nous avons voté la loi organique du 15 janvier 2021 qui réforme le Conseil économique, social et environnemental pour en faire le carrefour des consultations publiques et l'institution de référence en matière de participation citoyenne. Je ne vois pas pourquoi, un an plus tard, on crée le conseil national de la refondation.

En effet, se pose la question des compétences en matière informatique et technique. C'était initialement un problème pour l'ANSSI, cela touche maintenant l'ensemble des administrations.

Sur les fonds européens, l'une des difficultés du SGAE concerne le plan de relance européen qui nécessite de remplir certaines conditions strictes sous peine de voir se réduire l'enveloppe destinée à la France. Ce sont 38 milliards d'euros qui sont en jeu.

Pour ce qui est des fusions d'AAI, j'ai évoqué celle du CSA et d'Hadopi. Il avait été envisagé de rapprocher la CNIL et la CADA, ainsi que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avec le Défenseur des droits. Mais, à chaque fois, on s'est aperçu que la différence de taille entre les AAI fragiliserait une partie des missions en cas de fusion. Je pense qu'aujourd'hui la situation est stabilisée.

L'amendement présenté par le rapporteur est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

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