B. DES CONDITIONS DE TRAVAIL QUI RESTENT DIFFICILES

En dépit des créations d'emplois et des mesures de revalorisation qui ont été décrites, la question de l'attractivité des métiers de l'administration pénitentiaire reste posée. Par nature, le travail dans l'administration pénitentiaire comporte de réelles contraintes : absence de télétravail, travail de nuit ou le week-end, contact avec des détenus qui peuvent être menaçants ou violents... S'y ajoute la dégradation des conditions de travail résultant de la surpopulation carcérale.

Les schémas d'emplois sont en effet établis en fonction de la capacité d'accueil théorique des établissements, non en fonction du nombre de personnes réellement incarcérées. La surpopulation carcérale s'accompagne donc d'une surcharge de travail, dont témoigne le nombre élevé d'heures supplémentaires (5,4 millions en 2021). Il peut en résulter, à terme, une usure physique ou psychologique : à cet égard, l'augmentation, au cours du premier semestre 2022, du taux d'absentéisme pour raison médicale, qui a atteint 10,16 %, contre 8,7 % en 2021 et 7,5 % en 2019, constitue un point de vigilance.

Les difficultés de recrutement s'expliquent aussi par l'écart qui persiste avec les rémunérations offertes dans la police ou la gendarmerie nationales, les polices municipales ou la magistrature, certains professionnels se réorientent en cours de carrière. Plusieurs organisations syndicales ont fait part de leur inquiétude face aux départs de personnels d'encadrement. En qui concerne les surveillants, 30 % des emplois offerts au concours en 2022 n'ont pas été pourvus , alors que des embauches sont nécessaires pour répondre aux besoins découlant de l'ouverture de nouveaux établissements.

Les efforts de revalorisation et d'amélioration des conditions de travail doivent donc être poursuivis . En 2023, la DAP envisage d'engager une réforme statutaire d'envergure du corps d'encadrement et d'application, ce qui ouvre une perspective intéressante qui méritera d'être prolongée. D'autres leviers pourraient être actionnés pour renforcer l'attractivité des métiers, en s'inspirant par exemple des projets en cours près des établissements de Fleury-Mérogis et Savigny-sur-Orge qui visent à construire des logements accessibles pour le personnel à un coût raisonnable.

C. UN IMPACT NÉGATIF SUR LES PERSPECTIVES DE RÉINSERTION

En 2023, la dotation allouée à la réinsertion des personnes placées sous main de justice est portée à 122,6 millions d'euros, en progression de 13 % par rapport à la loi de finances pour 2022. Cette évolution doit notamment permettre de financer les mesures tendant à développer et à revaloriser le travail en détention , qui a donné lieu à une réforme dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire du 21 décembre 2021. Une enveloppe de 2,8 millions d'euros est notamment prévue pour améliorer le statut des détenus travailleurs.

La population carcérale augmente cependant plus vite que le nombre de postes de travail ou de places en formation, ce qui explique que le pourcentage de détenus travaillant en établissement pénitentiaire ne dépasse pas 30,4 %, loin de la cible de 50 % fixée pour 2025, tandis que moins de 9 % des détenus bénéficient d'une formation générale ou professionnelle. La surpopulation carcérale complique également l'accès aux activités sportives et culturelles, qui sont aussi un vecteur de réinsertion, alors même que le projet de budget prévoit de réduire de 25 % les subventions accordées aux associations qui interviennent en détention.

L'administration pénitentiaire veille toutefois à diversifier ses prises en charge pour les adapter aux profils des détenus. La commission est particulièrement attentive à la situation des personnes radicalisées, compte tenu de la menace qu'elles peuvent représenter pour la sécurité nationale. Le 29 septembre 2022, une délégation s'est rendue au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes afin d'y observer le fonctionnement du quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR), ouvert un an plus tôt, qui accueillait alors huit détenues. Les détenues séjournent dans le QPR pour une durée de six mois renouvelable une fois, avec un encadrement pluridisciplinaire assuré par des professionnels formés (surveillants, CPIP, psychologue...). Un médiateur du fait religieux intervient pour contrer le discours véhiculé par l'idéologie islamiste, la prise en charge ayant pour ambition de favoriser le désengagement de l'agir violent et la réaffiliation sociale. Cet accompagnement intensif a un coût élevé puisque le financement des actions, auquel s'ajoute la masse salariale, a occasionné en 2022 une dépense de l'ordre de 60 000 euros.

L'administration pénitentiaire contribue ainsi à la prévention de la récidive par la mise en oeuvre de dispositifs adaptés au public difficile que constituent les personnes placées sous main de justice.

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La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » inscrits au projet de loi de finances pour 2023.

Ces crédits seront examinés en séance publique le 25 novembre 2022.

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