Avis n° 121 (2022-2023) de Mme Catherine DI FOLCO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2022

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N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée
nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution,
pour
2023 ,

TOME V

FONCTION PUBLIQUE

Par Mme Catherine DI FOLCO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Les crédits du programme « Fonction publique » , qui financent le volet interministériel de la politique de ressources humaines de l'État, sont stables dans le projet de loi de finances pour 2023 par rapport à 2022, à périmètre constant.

Au-delà de cette stabilité, le rapporteur a souligné les défis majeurs auxquels la fonction publique et ses employeurs sont aujourd'hui confrontés. Alors que le vieillissement des effectifs en activité se poursuit dans les trois versants de la fonction publique, laissant augurer des départs à la retraite de plus en plus nombreux dans les années à venir 1 ( * ) , et que les employeurs publics font face à des difficultés de recrutement croissantes, la question de l'attractivité de la fonction publique se pose avec une acuité particulière .

Les trois dernières années ont certes été marquées par un certain nombre de réformes, dont la loi de transformation de la fonction publique 2 ( * ) . Pour la première fois depuis 2017, la valeur du point d'indice a en outre été augmentée ; si la commission salue cette mesure générale, qui est bienvenue dans un contexte de hausse de l'inflation 3 ( * ) , elle souligne toutefois que l'attractivité ne saurait se réduire à la rémunération.

Les modalités d'accès à l'emploi public, la connaissance des métiers des trois versants dans leur diversité, les conditions de travail ainsi que le sens de l'engagement public pour les agents et la société entière constituent autant de facteurs à prendre en compte afin de renforcer l'attractivité de la fonction publique et fidéliser davantage les agents. Si des réponses ambitieuses ne sont pas apportées rapidement, la pérennité de la fonction publique pourrait être compromise, et avec elle, la qualité du service public apporté aux citoyens.

Convaincu du rôle que peut jouer l'apprentissage dans l'accès à l'emploi public, le rapporteur a salué la poursuite de l'engagement financier de l'État en faveur de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale en 2023 .

Par ailleurs, le rapporteur a estimé nécessaire de rétablir les indicateurs de performance relatifs à l'action sociale interministérielle tels qu'ils existaient jusqu'en 2021, afin de permettre l'évaluation du coût et de l'efficience des dispositifs en la matière. Sous réserve de l'adoption de cet amendement, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique ».

I. DANS UN CONTEXTE DE STABILISATION DES EFFECTIFS DE L'ÉTAT, LA HAUSSE DE LA MASSE SALARIALE DES EMPLOYEURS PUBLICS EST PORTÉE PAR DES REVALORISATIONS SALARIALES INÉDITES

A. ALORS QUE LE GOUVERNEMENT VISE LA STABILITÉ DES EFFECTIFS, DES GAINS EN EMPLOIS DANS LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE POURRAIENT DÉCOULER DE L'APPLICATION DES RÈGLES RELATIVES AU TEMPS DE TRAVAIL

1. À rebours de l'engagement pris lors du quinquennat précédent, le Gouvernement vise désormais la stabilité des effectifs

Au 31 décembre 2020, la fonction publique compte 5,66 millions d'agents , dont 45 % sont employés par la fonction publique de l'État (FPE), 34 % par la fonction publique territoriale (FPT) et 21 % dans la fonction publique hospitalière (FPH).

S'agissant des effectifs de l'État, l'objectif officiel de stabilité a succédé à celui de suppression de postes, affiché durant les quatre premières années du quinquennat 2017-2022 4 ( * ) .

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit même de créer 10 764 équivalents temps plein travaillé (ETP) dans la fonction publique de l'État . Cette hausse sera portée principalement par l'État (+ 8 975 ETP). Les créations de postes les plus importantes s'observeront dans les ministères régaliens (+ 3 069 ETP pour le ministère de l'intérieur et des outre-mer ; + 2 253 ETP pour le ministère de la justice ; + 1 547 ETP pour le ministère des armées) ainsi que dans le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (+ 2 000 ETP).

2. L'obligation pour les collectivités de respecter la durée annuelle de travail de 1 607 heures

En 2021, les agents de la fonction publique à temps complet (hors enseignants) ont déclaré une durée annuelle effective de travail de 1 612 heures 5 ( * ) . Cette moyenne dissimule des écarts importants entre les trois versants : 1 661 heures dans la FPE 6 ( * ) ; 1 579 heures dans la FPT ; 1 605 heures dans la FPH.

L'alignement du temps de travail dans la FPT sur la durée annuelle légale de 1 607 heures est toutefois en cours, en application de l'article 47 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui a abrogé les régimes légaux dérogatoires de travail antérieurs à la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 7 ( * ) . Un délai d'un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes a été accordé aux collectivités territoriales concernées pour définir les nouvelles règles relatives au temps de travail, qui doivent, aux termes de la loi, entrer en application au plus tard le 1 er janvier suivant leur détermination.

Dans sa décision QPC du 29 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a considéré que, par cette disposition qui contribue à réduire les inégalités entre les agents et à faciliter leur mobilité, le législateur avait poursuivi un objectif d'intérêt général 8 ( * ) . La mise en oeuvre de cette mesure demeure toutefois encore inaboutie : si les collectivités relevant du bloc communal avaient jusqu'au 1 er janvier 2022 pour mettre en place les nouvelles règles, seuls les deux-tiers d'entre elles ont défini, au 1 er octobre 2022, les règles applicables en matière de temps de travail 9 ( * ) . Une instruction sera par ailleurs prochainement adressée aux préfets afin de rappeler aux départements et aux régions l'échéance du 1 er janvier 2023 qui s'applique à eux.

L'enjeu budgétaire associé aux régimes dérogatoires de durée du travail dans la FPT n'est pas négligeable ; la Cour des comptes a estimé en 2016 que l'allongement de la durée annuelle effective de travail dans la FPT par son alignement sur la durée légale constituerait un gain net pour la collectivité, et pourrait permettre à terme une réduction des effectifs d'environ 3 % 10 ( * ) . Ainsi, la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a récemment évalué le non-respect de la durée légale de travail par le conseil départemental des Bouches-du-Rhône à une perte annuelle de 203 ETP, représentant près de 10 millions d'euros 11 ( * ) . En tout état de cause, l'allongement du temps de travail constitue un levier important à la disposition des collectivités pour mieux maîtriser l'évolution de leur masse salariale 12 ( * ) .

3. Une augmentation des recrutements dans la fonction publique hospitalière

Entre 2019 et 2022 , les effectifs de la fonction publique hospitalière ont augmenté de 3 % 13 ( * ) . La plus forte part d'augmentation a eu lieu en 2020, du fait de la crise sanitaire (+ 1,8 %, soit + 21 400 agents).

B. UNE FORTE HAUSSE DE LA MASSE SALARIALE DE L'ÉTAT PORTÉE PAR DES MESURES GÉNÉRALES D'AMPLEUR INÉDITE

1. La revalorisation du point d'indice, après plus de cinq ans de « gel »

Dans le PLF pour 2023, la masse salariale de l'État hors pensions atteint 100,432 milliards  d'euros , soit une augmentation de 5,35 % par rapport à 2022 14 ( * ) .

Cette forte augmentation est portée à titre principal par la revalorisation du point d'indice de 3,5 % annoncée lors de la conférence salariale du 28 juin 2022 et entrée en vigueur le 1 er juillet 2022 15 ( * ) . Cette mesure générale - la première depuis février 2017 16 ( * ) - a un coût estimé en année pleine à 7,473 milliards d'euros pour les trois versants de la fonction publique, dont 3,213 milliards d'euros pour la fonction publique de l'État 17 ( * ) .

Par ailleurs, le solde du glissement vieillesse-technicité (GVT) 18 ( * ) correspondra en 2023 à une augmentation de 453 millions d'euros, tandis que le coût des créations de postes s'élèvera à 341 millions d'euros.

2. Des mesures catégorielles nombreuses

Ont également été annoncées lors de la conférence salariale du 28 juin 2022 des mesures complémentaires : la reconduction de la mesure de garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA) ; la revalorisation des débuts de carrière des agents de catégorie B au 1 er septembre 2022 pour les trois versants de la fonction publique ; la revalorisation et l'extension de la participation de l'État employeur aux frais de restauration ; l'extension du forfait mobilités durables.

Les revalorisations salariales
dans le cadre du Ségur de la santé et du social

Signé le 13 juillet 2020, le protocole d'accord relatif aux personnels non médicaux a prévu une réévaluation des carrières et des rémunérations s'appuyant sur :

- un complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros nets par mois à compter du 1 er décembre 2020 pour l'ensemble des personnels non médicaux des établissements publics de santé et des EHPAD publics (titulaires et contractuels), soit 1,5 million de professionnels ;

- des revalorisations indiciaires , échelonnées entre octobre 2021 (aides-soignants, auxiliaires de puériculture, infirmiers, entre autres) et avril 2022 (sages-femmes, directeurs des soins).

En conséquence, la masse salariale dans les établissements publics de santé et les EHPAD a augmenté de 16 % entre 2019 et 2022 19 ( * ) .

Les accords dits Laforcade , conclus le 28 mai 2021, ont étendu la revalorisation de 183 euros nets par mois aux professionnels soignants du secteur social et médico-social du champ non-lucratif et à ceux exerçant dans certains établissements publics sociaux ou médico-sociaux publics.

Lors de la conférence des métiers du social et du médico-social du 18 février 2022 , le Gouvernement a annoncé l'extension au 1 er avril 2022 du CTI de 183 euros nets mensuels aux professionnels de la filière socio-éducative 20 ( * ) .

3. Le « chantier des carrières et des rémunérations » est en cours

Aucune autre mesure générale ne semble être prévue d'ici la fin de l'année , le Gouvernement ayant renvoyé l'ouverture de négociations sur les salaires au début de l'année 2023, soit après les élections professionnelles du 8 décembre 2022.

En outre, la réforme des rémunérations de la haute fonction publique fera l'objet de discussions prochaines ; une grille indiciaire unique pour le nouveau corps interministériel des administrateurs de l'État - au sein duquel seront intégrés les membres des grands corps de l'État mis en extinction, en application du décret n° 2021-1550 du 1 er décembre 2021 21 ( * ) - devra notamment voir le jour.

Les conséquences de la future réforme des retraites
pour la fonction publique

Si le Gouvernement prévoyait initialement d'aligner les règles de calcul des retraites des fonctionnaires sur celles en vigueur dans le privé, le ministre de la transformation et de la fonction publiques a annoncé en octobre 2022 que la réforme, paramétrique, ne concernerait pas les fonctionnaires. En conséquence, les modalités de calcul des pensions 22 ( * ) ainsi que les règles spécifiques aux catégories dites « actives » 23 ( * ) devraient être conservées .

Pour autant, le recul de l'âge légal de départ à la retraite devrait s'appliquer aux fonctionnaires.

II. AU-DELÀ DU PROGRAMME 148, L'ENJEU DE LA POLITIQUE DE RESSOURCES HUMAINES DES EMPLOYEURS PUBLICS

Le programme 148 « Fonction publique » 24 ( * ) finance les actions interministérielles en matière de formation (38 % du programme), d'action sociale (51 %) et de gestion des ressources humaines (11 %). Piloté par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), il est mobilisé en complément des initiatives de chaque ministère.

Dans le PLF pour 2023, le Fonds d'accompagnement interministériel aux ressources humaines (FAIRH), créé en 2019 et dont les crédits avaient été intégrés au programme 148 dans le PLF pour 2022 25 ( * ) , est supprimé, son « efficacité n'[ayant] pas été démontrée 26 ( * ) ». Dès juillet 2021, la Cour des comptes avait souligné que la valeur ajoutée du FAIRH, chargé de promouvoir les outils ouverts par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, était limitée s'agissant de la détection des projets ; de plus, la consommation des plafonds de crédits était très faible 27 ( * ) .

La suppression du FAIRH explique ainsi la diminution apparente des crédits du programme 148, qui s'établissent à 295 520 062 euros en autorisations d'engagement (AE) et 300 973 842 euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 303 251 858 euros et 294 002 607 euros en loi de finances initiale pour 2022 ; en réalité, à périmètre constant , le montant du programme 148 connaît une augmentation de 4,4 % en autorisations d'engagement.

A. PRESTATIONS D'ACTION SOCIALE ET ÉGALITE PROFESSIONNELLE : DES INDICATEURS À AFFINER POUR PERMETTRE UNE VÉRITABLE ÉVALUATION

1. Les prestations d'action sociale interministérielle connaissent une augmentation du nombre de bénéficiaires

Le rapporteur regrette que les deux indicateurs financiers du programme annuel de performance (PAP) dans le PLF pour 2021 relatifs à l'action sociale interministérielle 28 ( * ) n'aient pas été réintroduits dans le PAP du PLF pour 2023 : ils permettaient une évaluation plus précise de l'efficacité et de l'efficience des dispositifs en matière d'aide aux familles, d'aide au logement, de restauration ou encore d'aide au maintien à domicile.

L'indicateur retenu depuis le PLF pour 2022 du « taux de satisfaction des bénéficiaires de certaines prestations d'action sociale » ne permet en particulier pas de connaître les coûts de gestion des prestations d'action sociale, dont la maîtrise demeure un enjeu important ; du reste, le taux de satisfaction des bénéficiaires atteint déjà un niveau très élevé, si bien que les marges de progression pour les années à venir sont faibles. Aussi la commission a-t-elle adopté l'amendement du rapporteur visant à réintroduire les deux indicateurs de performance relatifs à l'action sociale tels qu'ils figuraient dans le PLF pour 2021.

Dans l'ensemble, le montant des prestations d'action sociale individuelle (chèque-vacances ; chèque emploi service universel pour la garde des jeunes enfants de moins de 6 ans) tout comme celui des prestations d'action sociale collective (réservations de logements sociaux), augmentent au PLF pour 2023, notamment du fait de l'accroissement du nombre de bénéficiaires. La DGAFP bénéficie par ailleurs d'une enveloppe d'un million d'euros pour la réservation d'environ 135 places supplémentaires en crèche l'an prochain 29 ( * ) . En outre, le dispositif d'aide à l'installation des personnels de l'État sera ouvert à compter de 2023 aux agents contractuels disposant d'un contrat d'une durée égale à un an au moins.

2. Agir en faveur de l'égalité professionnelle dans les trois versants de la fonction publique

En application de l'article 80 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019, les ministères et leurs établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants et tous les établissements publics hospitaliers et médico-sociaux ont dû remettre, au plus tard pour le 1 er mars 2021 , leurs plans d'action en faveur de l'égalité professionnelle.

Si le taux d'élaboration de ces plans est encore perfectible dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière 30 ( * ) , il atteint en revanche 100 % dans la fonction publique de l'État en 2022. Aussi le rapporteur s'interroge-t-il, comme l'an passé, sur la pertinence de cet indicateur dans le PAP.

Concernant initialement la seule fonction publique de l'État, le Fonds en faveur de l'égalité professionnelle (FEP) a par ailleurs été étendu aux autres versants fin 2021 31 ( * ) . Bénéficiant d'un financement de près d' un million d'euros sur le programme 148, il permet le cofinancement de projets visant à promouvoir l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. En 2023, est envisagé le dépôt de 250 à 300 projets pour les trois versants de la fonction publique.

B. POUR UNE POLITIQUE DE RESSOURCES HUMAINES PLUS RÉACTIVE ET PLUS OUVERTE

1. La « Place de l'emploi public » devient « Choisir le service public » : un nouveau nom, des limites persistantes

Mise en place en février 2019 32 ( * ) , la plateforme de publication des offres d'emploi pour les trois versants de la fonction publique, « Place de l'emploi public » (PEP), a depuis gagné en visibilité aussi bien auprès des candidats qu'auprès des employeurs publics : en 2021, elle comptabilise ainsi 7 millions de visiteurs (contre 5 millions en 2020), et propose en permanence près de 50 000 offres d'emploi (contre 40 000 en 2020) 33 ( * ) .

En 2021, plus de 250 000 offres ont été publiées sur le site , dont 34 % pour la FPE, 65 % pour la FPT et 1 % pour la FPH. De telles disparités appellent plusieurs remarques : d'une part, si de nombreuses offres d'emploi sont accessibles sur la PEP pour la FPT 34 ( * ) , un nombre non négligeable de postes sont en fait déjà « réservés » pour des agents en interne. D'autre part, la plateforme de référence dans la FPH, utilisée de longue date par les employeurs et les candidats, est la bourse à l'emploi de la fédération hospitalière de France . Faute d'interface automatique entre ce site et celui de la PEP , les offres d'emploi de la FPH continuent donc d'être publiées uniquement sur le site « historique ».

Dans le cadre du développement de la marque « employeur » du service public , lancée en février 2022 sous le nom « Choisir le service public », le site PEP devrait être prochainement transféré vers le site choisirleservicepublic.gouv.fr. Ce changement de nom ne suffira toutefois probablement pas pour qu'émerge un espace numérique unique, commun aux trois fonctions publiques, et qui favorise les mobilités entre les versants .

2. L'augmentation des crédits consacrés aux « Prépas Talents » pour diversifier le recrutement et renforcer l'égalité des chances pour l'accès à la fonction publique

À la rentrée 2021, le modèle des classes préparatoires intégrées (CPI) a été remplacé par celui des classes préparatoires « Talents du service public » (CPT), destinées aux étudiants les plus méritants de l'enseignement supérieur pour préparer les concours externes - voire les troisièmes concours - de catégorie A et B donnant accès à certaines écoles de service public.

Présentes sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultra-marin 35 ( * ) , à raison de deux « Prépas Talents » au moins par région, ces classes préparatoires sont intégrées à des écoles de service public, à des universités, à des instituts d'études politiques, ou encore à des centres de préparation à l'administration générale (CPAG) ou à des instituts de préparation à l'administration générale (IPAG). À la rentrée 2022, 1 953 places sont offertes (contre 1 700 à la rentrée 2021), au sein de 100 classes préparatoires .

Les étudiants sont sélectionnés sous conditions de ressources et de mérite, sur la base d'un dossier et d'un entretien tenant compte du parcours du candidat, de ses aptitudes, de sa motivation et de son potentiel. Chaque étudiant bénéficie d'un tutorat renforcé par des fonctionnaires en poste ou par des fonctionnaires stagiaires des écoles de service public, et reçoit une bourse d'un montant de 4 000 euros (contre 2 000 euros pour l'allocation versée précédemment dans le cadre des CPI).

Le financement des « Prépas Talents » et des bourses « Talents » est assuré par la DGAFP au titre du programme 148 36 ( * ) , au moyen d'une subvention de 6 500 euros par place offerte et effectivement pourvue.

Les concours « Talents » : une expérimentation à généraliser ?

L'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public 37 ( * ) a instauré, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2024, un concours externe spécial pour l'accès à six écoles de service public : l'Institut national du service public (INSP) ; l'Institut national des études territoriales (INET), pour le concours d'administrateur territorial ; l'École des hautes études de santé publique (EHESP) pour les concours de directeur d'hôpital et de directeur des établissements sanitaires, sociaux ou médico-sociaux ; l'École nationale supérieure de la police (ENSP) pour le concours de commissaire de police ; l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) pour le concours de directeur des services pénitentiaires.

Cette nouvelle voie d'accès est destinée aux élèves des « Prépas Talents » et des classes préparatoires intégrées des trois années précédentes. Les candidats sont sélectionnés par le même jury que celui du concours externe et passent les mêmes épreuves ; le nombre de places dédiées à ce concours est compris entre 10 et 15 % des places offertes au titre du concours externe. À l'issue des premières sessions de ces concours, organisées en 2021 et début 2022, 26 élèves des « Prépas Talents » ont été admis 38 ( * ) .

Cette expérimentation doit faire l'objet d'une évaluation présentée au Parlement d'ici le 30 juin 2024.

III. LA FONCTION PUBLIQUE FACE AU DÉFI DE L'ATTRACTIVITÉ DES EMPLOYEURS PUBLICS ET DE LA FIDÉLISATION DES AGENTS

A. S'INSCRIVANT DANS UN CONTEXTE GÉNÉRAL DE TENSION SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL, LA BAISSE D'ATTRACTIVITÉ DE L'EMPLOI PUBLIC S'EXPLIQUE ÉGALEMENT PAR DES FACTEURS PARTICULIERS

1. Dans un contexte global de tension sur le marché du travail, les employeurs publics des trois versants font face à des difficultés croissantes de recrutement

En 2021, les tensions sur le marché du travail ont atteint leur plus haut niveau depuis 2011 ; elles sont particulièrement fortes dans les métiers du bâtiment, de l'industrie, de l'informatique et des télécommunications 39 ( * ) . Ce contexte affecte aussi bien l'emploi privé que public.

Les trois versants de la fonction publique sont ainsi confrontés à de fortes difficultés de recrutement , tant par la voie du concours que par celle du contrat. 39 % des employeurs territoriaux ont éprouvé des difficultés à recruter en 2021, soit 9 % de plus qu'en 2015 40 ( * ) ; dans la fonction publique hospitalière, ce chiffre s'élève même à 99 % 41 ( * ) . Dans la fonction publique de l'État, le nombre d'inscriptions aux recrutements externes a baissé de 11 % en 2020 par rapport à 2019 ; la sélectivité des concours , qui s'établissait à seize candidats présents pour un admis en 1997, est aujourd'hui descendue à six candidats présents pour un admis 42 ( * ) . Cette baisse du nombre de candidats aux concours de la fonction publique s'observe d'ailleurs dans les trois versants 43 ( * ) .

2. Bien identifiés, les facteurs de la baisse d'attractivité sont, pour certains, communs aux trois versants, et pour d'autres, spécifiques à la FPT et à la FPH

La baisse d'attractivité de l'emploi public n'est pas seulement conjoncturelle, mais s'explique également par des facteurs structurels bien identifiés. L'attractivité des trois versants de la fonction publique pâtit notamment d'une relative méconnaissance des métiers par les candidats, de modalités d'accès à l'emploi complexes voire rebutantes, de niveaux de rémunérations souvent inférieurs à ceux du secteur privé, et de conditions de travail parfois dégradées.

La perte d'attrait de la carrière et de « l'emploi à vie » auprès des jeunes générations, qui à l'inverse attachent une importance croissante à la qualité du management ainsi qu'à la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, doit également être prise en compte ; enfin, la tendance diffuse au dénigrement de la fonction publique , à l'oeuvre depuis plusieurs années, constitue probablement un facteur aggravant.

À cette situation commune aux trois fonctions publiques s'ajoutent des difficultés propres à chaque versant. Au sein de la fonction publique territoriale, tout d'abord, certains métiers n'attirent plus (tels les métiers de secrétaire de mairie, de policier municipal, d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles), tandis que d'autres métiers souffrent d'une forte concurrence avec le secteur privé, où les rémunérations sont plus élevées (métiers d'ingénieurs, de techniciens et d'informaticiens). De plus, la concurrence entre les collectivités territoriales ne doit pas être sous-estimée, qu'elle soit de nature financière (en raison des différences de régime indemnitaire) ou géographique (les régions situées à l'ouest du territoire étant par exemple plus attractives que celles situées à l'est). Par ailleurs, les métiers dans la fonction publique territoriale exposent davantage les agents, et notamment ceux de catégorie C, aux risques professionnels . Enfin, les modalités de recrutement propres à la fonction publique territoriale, selon lesquelles les lauréats d'un concours ne sont pas automatiquement affectés à un poste, mais inscrits sur une liste d'aptitude , peuvent apparaître complexes et aléatoires à certains candidats.

La fonction publique hospitalière est quant à elle confrontée à une pénurie de soignants formés : 5,6 % des postes d'infirmiers (soit environ 15 000 postes) et 2,5 % des postes d'aides-soignants (soit environ 5 000 postes) sont ainsi vacants dans les hôpitaux publics en 2021 44 ( * ) . Si l'accélération de la progression indiciaire qui résulte des accords du Ségur peut favoriser la fidélisation à long terme des agents, elle est en revanche dépourvue d'influence sur le nombre d'inscriptions dans les écoles de soignants. En outre, la question des conditions de travail a été laissée de côté par le Ségur de la santé ; des réformes structurelles visant à partager les contraintes d'exercice liées à la permanence des soins sont pourtant essentielles pour pallier le déficit d'attractivité de la fonction publique hospitalière.

B. DONNER PLUS DE VISIBILITÉ À L'EMPLOI PUBLIC ET EN FAIRE UNE VOIE D'INSERTION PROFESSIONNELLE EFFICACE

1. Améliorer la visibilité de l'emploi public auprès des candidats

Le développement de la marque employeur du service public vise à moderniser l'image des employeurs publics auprès des jeunes générations et améliorer la connaissance des métiers des trois fonctions publiques. La publication prochaine du référentiel commun des métiers de la fonction publique , en remplacement du répertoire des métiers de l'État, pourrait y contribuer, et devrait également favoriser les projets de mobilité des agents entre les versants, grâce à une meilleure identification des métiers transversaux.

2. Faire de l'apprentissage une voie d'insertion dans l'emploi public

En 2021, ont débuté 19 800 nouveaux contrats d'apprentissage dans l'ensemble de la fonction publique, soit 2,8 % du nombre total de nouveaux contrats signés dans les secteurs privé et public. Si de plus en plus de contrats d'apprentissage sont signés dans la fonction publique (19 800 en 2021, contre 15 050 en 2020 et 14 270 en 2019 45 ( * ) ), les volumes demeurent, en proportion, bien inférieurs à la part que représente l'emploi public dans l'emploi en France 46 ( * ) .

En outre, les écarts sont importants entre les trois versants, la fonction publique territoriale étant le premier employeur d'apprentis ; au 15 octobre 2022, elle abritait 58 % des contrats en cours d'exécution 47 ( * ) . L'apprentissage constitue en effet une composante à part entière de la politique de ressources humaines des collectivités territoriales, notamment pour les métiers spécifiques et/ou en tension (petite enfance, restauration, entretien des bâtiments).

Les deux dernières années ont néanmoins été marquées par l'augmentation du nombre d'apprentis dans la fonction publique d'État, si bien que l'objectif posé pour l'année 2021-2022 semble en passe d'être atteint 48 ( * ) . Pour atteindre le nouvel objectif fixé par la circulaire du 6 juillet 2022 du recrutement de 17 000 apprentis en 2022-2023 , et afin de tirer les conséquences du rapport sur les freins au développement de l'apprentissage dans la fonction publique 49 ( * ) , plusieurs mesures ont été prises. Ainsi, depuis la loi de finances pour 2022, les apprentis ne sont plus comptabilisés dans les plafonds d'emplois des ministères . Par ailleurs, est versée depuis le 1 er janvier 2022 une allocation de 500 euros aux maîtres d'apprentissage de la FPE 50 ( * ) , tandis qu'une plateforme spécifique permettant la dématérialisation des contrats d'apprentissage est opérationnelle depuis le 15 février 2022.

Si ces mesures sont bienvenues, les outils d'une véritable politique en faveur de l'insertion professionnelle des apprentis dans le secteur public font encore défaut . La demande faite aux maîtres d'apprentissage d'informer leurs apprentis des différentes modalités d'accès à la fonction publique et de leur proposer de suivre des modules de préparation aux concours (ou de les orienter vers des préparations de droit commun) semble à cet égard très insuffisante.

Un moyen d'améliorer significativement l'accès des apprentis à la fonction publique à l'issue de leur apprentissage pourrait être d'assimiler l'expérience acquise au cours du contrat d'apprentissage dans la fonction publique à une durée de services publics effectifs, afin de leur permettre de passer les concours par la voie interne 51 ( * ) ; le rapporteur regrette que le Gouvernement précédent n'ait rien entrepris en ce sens, en dépit de l'intention qu'il avait affichée l'année passée en la matière, et il espère qu'une telle évolution aboutira prochainement.

Par ailleurs, le rapporteur salue l'engagement pris par le Gouvernement de poursuivre en 2023 le soutien de l'État à hauteur de 15 millions d'euros en faveur de l'apprentissage dans la FPT 52 ( * ) ; faute de cet engagement, l'équilibre du nouveau système de financement de l'apprentissage dans la FPT, tel qu'issu de la loi de finances pour 2022, ne pourrait en effet être garanti 53 ( * ) .

3. Poursuivre la réflexion engagée sur les concours

Si, historiquement, le concours et la fonction publique ne font qu'un 54 ( * ) , ce lien s'est distendu sous l'effet de l'accroissement du recours aux contractuels 55 ( * ) , d'une part, et de dispositions visant certains publics ou certains métiers, d'autre part. Ainsi, aux dérogations prévues de longue date (emplois réservés ; recrutement des fonctionnaires de certains corps ou cadres d'emplois de catégorie C sous conditions) s'est ajoutée plus récemment la possibilité (à titre expérimental) de titulariser les apprentis en situation de handicap dans un corps ou cadre d'emploi de la fonction publique territoriale 56 ( * ) . En outre, les concours sur titres , qui étaient initialement réservés aux filières sociale, médico-sociale et médico-technique, ont été étendus à l'ensemble du versant territorial, notamment pour répondre aux difficultés de recrutement dans la filière artistique 57 ( * ) .

S'il ne s'agit ni de revenir sur le principe du concours, qui garantit l'égalité des candidats devant le recrutement et l'objectivité des procédures, ni d'amoindrir la sélectivité des recrutements, il paraît à tout le moins nécessaire de revoir la nature, le contenu et le rythme des épreuves . L'objectif est, d'une part, de mettre un terme aux décalages qui peuvent persister entre certaines épreuves et la nature des missions que le candidat sera amené à exercer et les compétences dont il devra faire preuve 58 ( * ) , et, d'autre part, d'adapter les épreuves aux besoins des employeurs publics, notamment dans les collectivités territoriales. La DGAFP a indiqué que la réflexion sur le sujet était en cours, en particulier s'agissant des concours de la haute fonction publique 59 ( * ) .

C. REDONNER DES PERSPECTIVES ET DU SENS AUX AGENTS PUBLICS

1. Renforcer la formation continue des agents pour favoriser leur évolution professionnelle

Dans le cadre du schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l'État , a été lancée une plateforme interministérielle de formation en ligne, « Mentor », qui offre à ce jour 80 formations. Un bilan devra être fait de cet outil, ainsi que des nouvelles dispositions en matière d'accompagnement personnalisé et d'élaboration du projet professionnel prévues par le décret n° 2022-1043 du 22 juillet 2022 60 ( * ) .

2. Favoriser les mobilités entre les versants et développer une stratégie territoriale des RH

En dépit des dispositifs introduits par la loi de transformation de la fonction publique visant à lever les freins à la mobilité, les agents qui changent de versant restent peu nombreux : ils n'ont été que 24 100 entre fin 2019 et fin 2020 61 ( * ) .

Le développement de la mobilité entre les versants apparaît pourtant à la fois comme un facteur de fidélisation des agents, et comme un outil de mise en oeuvre d'une stratégie territoriale équilibrée des ressources humaines . Les expérimentations lancées dans six régions en 2022 en vue du déploiement de comités locaux d'emploi public , qui associent des représentants des trois versants de la fonction publique, devront aboutir à des mesures ciblées pour le renforcement de l'attractivité territoriale .

*

Si « le noyau de l'attractivité reste la rémunération » 62 ( * ) , et s'il importe de revoir le régime indemnitaire afin d'en renforcer la lisibilité et l'équité tout en en faisant un véritable levier managérial, la réponse des pouvoirs publics ne saurait être uniquement indemnitaire. La crise des vocations que traverse le secteur public nécessite une approche ambitieuse et globale, qui porte à la fois sur la visibilité de l'emploi public et ses modalités d'accès, les conditions de travail et les perspectives d'évolution offertes aux agents, ainsi que la reconnaissance par la société de l'engagement public.

*

* *

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique » sous réserve de l'amendement qu'elle propose.

Le programme « Fonction publique » sera examiné en séance publique le 24 novembre 2022.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 9 NOVEMBRE 2022

M. François-Noël Buffet , président . - Nous écoutons à présent l'avis de Catherine Di Folco sur le programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » du projet de loi de finances (PLF) pour 2023.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - Monsieur le président, chers collègues, je me permets de vous rappeler que l'avis budgétaire sur le programme 148 « Fonction publique » porte prioritairement sur la fonction publique de l'État et plus précisément sur les actions interministérielles en matière de ressources humaines. Mon propos sera structuré en trois points : je rappellerai d'abord les données relatives aux effectifs, au temps de travail et à la masse salariale ; j'aborderai ensuite le programme 148 en lui-même ; enfin, je ferai un focus sur l'attractivité dans la fonction publique.

Sur les 5,7 millions d'agents publics que compte la fonction publique, 45 % sont employés par la fonction publique de l'État (FPE), 34 % par la fonction publique territoriale (FPT) et 21 % par la fonction publique hospitalière (FPH). S'agissant des effectifs de l'État, il y a eu un changement de paradigme : l'objectif officiel de stabilité de postes a succédé à celui de suppression de postes qui était affiché lors du précédent quinquennat.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit même de créer 10 764 équivalents temps plein travaillé (ETP) dans la fonction publique de l'État. Les créations de postes les plus importantes interviendront dans les ministères régaliens (+ 3 069 ETP pour le ministère de l'intérieur et des outre-mer ; + 2 253  ETP pour l+e ministère de la justice ; + 1 547 ETP pour le ministère des armées) ainsi que dans le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (+ 2 000 ETP).

S'agissant de la durée annuelle du temps de travail, je vous rappelle que la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a aligné le temps de travail dans la fonction publique territoriale sur la durée annuelle légale de 1607 heures en abrogeant les régimes légaux dérogatoires de travail antérieurs à la loi n°2001-2 du 3 janvier 2001. L'enjeu budgétaire n'est pas négligeable. La Cour des comptes a estimé en 2016 que cet alignement constituerait un gain net pour la collectivité et pourrait permettre à terme une réduction des effectifs d'environ 3 %. Cela constitue un levier important à la disposition des collectivités pour mieux maîtriser l'évolution de leur masse salariale.

La masse salariale de l'État, hors pensions, augmente de 5,35 % en 2023 par rapport à 2022. Cette augmentation est portée à titre principal par la revalorisation du point d'indice de 3,5 % entrée en vigueur le 1 er juillet 2022. Cette mesure générale a un coût estimé en année pleine à 7,473 milliards d'euros pour les trois versants de la fonction publique, dont 3,213 milliards d'euros pour la fonction publique de l'État. Par ailleurs, le solde du glissement vieillesse-technicité (GVT) correspondra en 2023 à une augmentation de 453 millions d'euros tandis que le coût des créations de postes s'élèvera à 341 millions d'euros.

Des mesures complémentaires ont été annoncées : la reconduction de la mesure de garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA) ; la revalorisation des débuts de carrière des agents de catégorie B pour les trois versants de la fonction publique ; la revalorisation et l'extension de la participation de l'État employeur aux frais de restauration ; l'extension du forfait mobilités durables.

En outre, la réforme des rémunérations de la haute fonction publique fera l'objet de discussions prochainement. Une grille indiciaire unique pour le nouveau corps interministériel des administrateurs de l'État - qui intègre les membres des grands corps de l'État mis en extinction - devra voir le jour.

Concernant le programme 148 « Fonction publique » lui-même, il finance les actions interministérielles en matière de formation (38 % du programme), d'action sociale (51 %) et de gestion des ressources humaines (11 %). Il est piloté par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et il est mobilisé en complément des initiatives de chaque ministère.

À noter qu'en 2023, le fonds d'accompagnement interministériel aux ressources humaines (FAIRH), qui avait été créé en 2019 et dont les crédits avaient été intégrés au programme 148 en 2022 pour 20 millions d'euros, est supprimé car son efficacité n'a pas été démontrée et que très peu de budget a été mobilisé. Cette suppression explique la diminution apparente des crédits du programme 148 qui s'établissent à 295 520 062 euros en autorisations d'engagement (AE) et 300 973 842 euros en crédits de paiement (CP). En réalité, à périmètre constant, le montant du programme 148 connaît une augmentation de 4,4 % en autorisations d'engagement.

Les montants des prestations d'action sociale individuelle (chèque-vacances ; chèque emploi service universel pour la garde des jeunes enfants de moins de six ans) et des prestations d'action sociale collective (réservations de logements sociaux), augmentent en 2023, notamment du fait de l'accroissement du nombre de bénéficiaires.

La DGAFP bénéficie aussi d'une enveloppe d'un million d'euros pour la réservation d'environ 135 places supplémentaires en crèche l'an prochain ; pour rappel, on compte aujourd'hui 4 700 places. En outre, le dispositif d'aide à l'installation des personnels de l'État sera ouvert à compter de 2023 aux agents contractuels disposant d'un contrat d'une durée égale à un an au moins.

Un bémol toutefois : je regrette que les deux indicateurs financiers relatifs à l'action sociale interministérielle du programme annuel de performance (PAP) présents dans le PLF 2021 n'aient pas été réintroduits en 2023. En effet, ils permettaient une évaluation précise de l'efficacité et de l'efficience des dispositifs en matière d'aide aux familles, d'aide au logement, de restauration ou encore d'aide au maintien à domicile.

L'indicateur retenu depuis le PLF pour 2022, le « taux de satisfaction des bénéficiaires de certaines prestations d'action sociale », ne permet pas en particulier de connaître les coûts de gestion des prestations d'action sociale, dont la maîtrise demeure un enjeu important : ils s'élevaient à environ 5 % l'an dernier. Je vous proposerai donc d'adopter, si vous en êtes d'accord, un amendement qui vise à réintroduire les deux indicateurs de performance préexistants.

En ce qui concerne l'action en faveur de l'égalité professionnelle dans les trois versants de la fonction publique, la loi de transformation de la fonction publique a imposé aux employeurs publics de remettre, au plus tard pour le 1 er mars 2021, leurs plans d'action en faveur de l'égalité professionnelle. Le taux d'élaboration de ces plans est encore perfectible dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. En revanche, il atteint 100 % dans la fonction publique de l'État en 2022. Dans ce contexte, je me demande s'il est pertinent de maintenir cet indicateur.

Il est à noter également que le fonds en faveur de l'égalité professionnelle (FEP), initialement créé pour la seule fonction publique d'État, a été étendu aux deux autres versants fin 2021. Il bénéficie d'un financement de près d'un million d'euros sur le programme 148, et permet le cofinancement de projets qui visent à promouvoir l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. En 2023, il est envisagé le dépôt de 250 à 300 projets pour les trois versants de la fonction publique.

Concernant la formation, outre les fonds dédiés au financement des cinq instituts régionaux d'administration (IRA) pour 42 millions d'euros, de l'institut national du service public (INSP) pour 39,1 millions d'euros et aux actions de formations interministérielles (2,7 millions d'euros), je ferai un focus sur les classes « Prépas Talents » qui ont remplacé les classes préparatoires intégrées (CPI).

Ces classes « Prépas Talents » sont destinées aux étudiants les plus méritants de l'enseignement supérieur pour préparer les concours externes - voire les troisièmes concours - de catégorie A et B qui donnent accès à certaines écoles de service public.

À la rentrée 2022, 1 953 places étaient offertes (contre 1 700 à la rentrée 2021), au sein de 100 classes préparatoires. Le ministre de la transformation et de la fonction publiques a annoncé l'ouverture de 2 000 places supplémentaires en 2023, sur l'ensemble du territoire national. Ces classes préparatoires sont intégrées à des écoles de service public, à des universités, à des instituts d'études politiques, à des centres ou des instituts de préparation à l'administration générale.

Chaque étudiant, sélectionné sous conditions de ressources et de mérite, bénéficie d'un tutorat renforcé par des fonctionnaires en poste ou par des fonctionnaires stagiaires des écoles de service public. Il reçoit une bourse d'un montant de 4 000 euros, soit le double de ce qui était versé précédemment dans le cadre des CPI.

Le financement des « Prépas Talents » et des bourses « Talents » est assuré par la DGAFP au titre du programme 148, au moyen d'une subvention de 6 500 euros par place offerte et effectivement pourvue.

Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 148 « Fonction publique » inscrits au projet de loi de finances pour 2023, sous réserve de l'amendement que je vous proposerai ultérieurement.

Je souhaiterais enfin faire un focus sur l'attractivité de la fonction publique, qui apparaît comme un sujet d'actualité prégnant.

Les trois versants de la fonction publique sont confrontés à de fortes difficultés de recrutement, tant par la voie du concours que par celle du contrat. 39 % des employeurs territoriaux ont éprouvé des difficultés à recruter en 2021 ; dans la fonction publique hospitalière, ce chiffre s'élève même à 99 %, et dans la fonction publique de l'État, le nombre d'inscriptions aux recrutements externes a baissé de 11 % en 2020 par rapport à 2019. On note aussi une forte baisse du nombre de candidats aux concours dans les trois versants.

La baisse de l'attractivité de la fonction publique n'est pas seulement conjoncturelle, mais s'explique également par des facteurs structurels bien identifiés. La méconnaissance des métiers est réelle, les niveaux de rémunérations sont souvent inférieurs à ceux du secteur privé, et les conditions de travail sont parfois dégradées. Il y aussi le « fonctionnaire bashing », c'est-à-dire le dénigrement de la fonction publique, et le manque de reconnaissance éprouvé par les agents.

On note également un changement de paradigme : les jeunes n'ont plus d'attrait pour « l'emploi à vie » ni pour le statut de fonctionnaire. En revanche, ils attachent une importance croissante à la qualité du management ainsi qu'à la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée.

À cette situation commune aux trois versants de la fonction publique, s'ajoutent des difficultés propres à chaque fonction publique.

Au sein de la fonction publique territoriale, certains métiers n'attirent plus (tels les métiers de secrétaire de mairie et de policier municipal, ainsi que les métiers de la petite enfance, de l'animation, de la filière médico-sociale et de la filière technique), tandis que d'autres métiers souffrent d'une concurrence avec le secteur privé, où les rémunérations sont généralement plus élevées (métiers d'ingénieurs, de techniciens et d'informaticiens).

De plus, il y a aussi une forte concurrence entre les collectivités territoriales, de nature financière (compte tenu des différences de régime indemnitaire), géographique (l'Ouest est plus attractif que l'Est) ou encore selon la taille de la collectivité (les grandes collectivités urbaines sont plus attractives que les petites collectivités rurales). Par ailleurs, les métiers dans la fonction publique territoriale exposent davantage les agents, et notamment ceux de catégorie C, aux risques professionnels. Enfin, les modalités de recrutement propres à la fonction publique territoriale, selon lesquelles les lauréats d'un concours ne sont pas automatiquement affectés à un poste, mais inscrits sur une liste d'aptitude, peuvent apparaître complexes et aléatoires à certains candidats.

La fonction publique hospitalière est quant à elle confrontée à une pénurie de soignants formés : 5,6 % des postes d'infirmiers (soit environ 15 000 postes) et 2,5 % des postes d'aides-soignants (soit environ 5 000 postes) sont ainsi vacants dans les hôpitaux publics en 2021. Les accords du Ségur de la santé ont permis une accélération de la progression indiciaire qui peut favoriser la fidélisation à long terme des agents ; en revanche, le nombre d'inscriptions dans les écoles de soignants est loin d'être suffisant. Le Ségur n'a pas réglé la question des conditions de travail, pourtant nécessaire pour pallier le déficit d'attractivité de la fonction publique hospitalière.

Dans ces conditions, comment attirer des talents vers la fonction publique ? Si le « noyau de l'attractivité reste la rémunération » selon le rapport sur l'attractivité de la fonction publique territoriale remis en janvier 2022 par Philippe Laurent, la crise des vocations que traverse le secteur public nécessite une approche ambitieuse et globale, qui porte à la fois sur la visibilité de l'emploi public, ses modalités d'accès, les conditions de travail, les perspectives d'évolution offertes aux agents, ainsi que la reconnaissance par la société de l'engagement public.

Je souhaite suggérer quelques pistes de réflexion et d'action.

Par exemple, il serait possible de réformer les carrières et les rémunérations. Le système actuel montre ses limites. Une réforme en profondeur est à imaginer pour mieux valoriser les métiers et les filières professionnelles. La politique de rémunération indiciaire ne peut pas tout résoudre ; afin d'assurer l'attractivité de certains métiers, accorder une part importante au régime indemnitaire est nécessaire. Les associations d'élus ont souligné l'importance de donner davantage de marge de manoeuvre aux employeurs territoriaux dans la rémunération des agents. Ils sont souvent corsetés par une grille indiciaire. Il faut promouvoir une politique de rémunération qui permette de valoriser les talents au-delà des dispositifs indiciaires et de mieux récompenser l'engagement individuel et collectif.

Autre piste : l'amélioration de la qualité de vie au travail, qui doit être au coeur des préoccupations des employeurs publics. De la qualité de vie au travail dépend la qualité du travail, qui assure la performance des services publics ; la santé au travail est également étroitement liée à cet enjeu. Par ailleurs, l'amélioration de la visibilité de l'emploi public auprès des candidats est indispensable. Au sein même de Pôle emploi, le panel des métiers de la fonction publique n'est pas connu ! Le développement de la marque employeur du service public et la publication prochaine du référentiel des métiers de la fonction publique pourraient contribuer à améliorer cette connaissance, et devraient également favoriser les projets de mobilité des agents entre les versants grâce à une meilleure identification des métiers transversaux.

Je vous dirai à présent quelques mots sur l'apprentissage, qui constitue une voie d'insertion dans l'emploi public à renforcer.

En 2021, 19 800 nouveaux contrats d'apprentissage ont été signés dans l'ensemble de la fonction publique, dont 58 % dans la fonction publique territoriale. L'apprentissage constitue en effet une composante à part entière de la politique des ressources humaines des collectivités territoriales, notamment pour les métiers spécifiques et/ou en tension (petite enfance, restauration et entretien des bâtiments).

Les deux dernières années ont également été marquées par l'augmentation du nombre d'apprentis dans la fonction publique d'État. L'objectif ambitieux de recruter 14 940 apprentis en 2021-2022 a été atteint ; en 2022-2023, il a été porté à 17 000 apprentis.

Il y a un moyen d'améliorer significativement l'accès des apprentis à la fonction publique à l'issue de leur apprentissage. Cela consisterait à assimiler l'expérience acquise au cours du contrat d'apprentissage dans la fonction publique à une durée de service public effectif. Un apprentissage de deux ans, ce n'est pas rien ! Cela leur permettrait plus facilement de passer les concours par la voie interne. Le Gouvernement s'y était engagé lors du précédent quinquennat mais il n'a rien entrepris en ce sens. J'espère que le Gouvernement actuel favorisera une telle évolution.

Je vous rappelle que le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) finance la totalité des frais de formation des apprentis dans la fonction publique depuis la loi de transformation de la fonction publique, en contrepartie de l'instauration d'une cotisation de 0,1 % sur la masse salariale des collectivités territoriales.

France compétences verse au CNFPT une contribution d'un montant annuel maximal de 15 millions d'euros, tandis que l'État s'est engagé à verser lui aussi 15 millions d'euros dans le cadre de la convention annuelle d'objectifs et de moyens en 2022. Dans le PLF pour 2023, cet engagement a été renouvelé.

En revanche, le Gouvernement a déposé un amendement pour supprimer le caractère annuel de la convention d'objectifs et de moyens signée entre l'État et le CNFPT, ce qui fragilise, à mon sens, l'équilibre du dispositif pour les années à venir. En effet, s'il y a désengagement de l'État et de France compétences, le financement de l'apprentissage incombera aux collectivités territoriales. J'envisage de déposer un éventuel amendement en ce sens sur les crédits non rattachés.

Il s'agit aussi de poursuivre la réflexion engagée sur les concours. Il n'est pas question de revenir sur le principe du concours, qui garantit l'égalité des candidats devant le recrutement et l'objectivité des procédures, ni d'amoindrir la sélectivité des recrutements.

Toutefois, il parait nécessaire de revoir la nature, le contenu et le rythme des épreuves afin de mettre un terme aux décalages qui peuvent persister entre certaines épreuves et la nature des missions que le candidat sera amené à exercer ainsi que les compétences dont il devra faire preuve. De plus, il faut adapter les épreuves aux besoins des employeurs publics, notamment dans les collectivités territoriales. La DGAFP a indiqué que la réflexion sur le sujet était en cours, en particulier s'agissant des concours de la haute fonction publique.

Il me semble qu'il faut aussi renforcer la formation continue des agents pour favoriser leur évolution professionnelle. Dans le cadre du schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l'État, une plateforme interministérielle de formation en ligne, qui s'appelle « Mentor », a été lancée et offre à ce jour 80 formations.

Il faut favoriser les mobilités entre les versants de la fonction publique. En dépit des dispositifs qui ont été introduits par la loi de transformation de la fonction publique afin de lever les freins à la mobilité, très peu d'agents changent de versant ; ils n'ont été que 24 100 entre fin 2019 et fin 2020. Le développement de la mobilité entre les versants apparaît pourtant à la fois comme un facteur de la fidélisation des agents et comme un outil de mise en oeuvre d'une stratégie territoriale des ressources humaines équilibrée.

Il y a sans doute bien d'autres pistes de réflexion à mener pour renforcer l'attractivité de la fonction publique et fidéliser davantage les agents - certaines collectivités font d'ailleurs preuve de beaucoup créativité en la matière. Il y va de la pérennité de la fonction publique, et avec elle, de la qualité du service public apporté aux concitoyens.

Je vous remercie de votre attention.

M. François-Noël Buffet , président . - Au final, quel est votre avis sur l'adoption des crédits de ce programme, Madame le rapporteur ?

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 148, sous réserve de l'amendement que je vais vous présenter sur les indicateurs de performance.

Mme Françoise Gatel . - Je tiens à remercier notre collègue Catherine Di Folco pour son excellente connaissance du sujet et pour toutes les suggestions et les observations qu'elle a faites.

Effectivement, il a lieu de s'inquiéter au sujet de l'avenir de la fonction publique, notamment dans son versant territorial. Il y a un vrai problème d'attractivité ; plusieurs facteurs ont été avancés à juste titre, dont le rapport au travail des nouvelles générations - qui s'observe également dans le secteur privé.

Auparavant, les agents qui entraient dans les collectivités y faisaient toute leur carrière. Aujourd'hui, il y a un taux de renouvellement extrêmement important, en raison des envies de mobilité professionnelle mais aussi d'évolution. Je pense que cela soulève des questions s'agissant du statut, que je ne remets pas en cause. Mais il constitue parfois une rigidité qui mériterait qu'on réfléchisse à des adaptations.

La valorisation des métiers est extrêmement importante. On a aujourd'hui dans nos collectivités des métiers remarquables, par exemple dans le champ de la cybersécurité, et qu'on ne fait pas suffisamment connaître. Alors que le ministre Stanislas Guerini lance une réflexion sur la fonction publique, je lui ai dit qu'il fallait qu'on communique à propos de ces métiers.

L'apprentissage est une voie d'insertion intéressante, non seulement pour les métiers classiques mais aussi pour les métiers de secrétaire de mairie ou de directeur général des services (DGS). J'en profite pour vous annoncer que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation s'emparera bientôt du sujet de l'attractivité dans la fonction publique, grâce à nos collègues Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial.

Comme l'a rappelé le rapporteur, les grandes collectivités ont moins de mal à recruter parce que leurs métiers sont moins au contact direct du public, qu'ils sont un peu plus protégés et plus valorisés, et qu'ils comprennent souvent des avantages salariaux qui n'ont rien à voir avec ceux des petites collectivités. C'est pourquoi il est nécessaire que nous recherchions des solutions pour pallier le déficit d'attractivité des petites collectivités. Celles-ci peuvent par exemple offrir un poste de secrétaire de mairie - dont chacun connaît l'extrême polyvalence - pour une journée ou d'une journée et demie de travail par semaine. Lorsque le poste en question se trouve à 50 kilomètres de son habitation, comment peut-on imaginer que l'on ait envie de répondre à cette offre d'emploi ? C'est pourquoi il a fallu développer des solutions à l'aide, notamment, du portage du contrat de travail par les intercommunalités et des mises à disposition auprès d'autres communes. La question s'est également posée pour les policiers municipaux.

Je voudrais dire un mot sur la fonction publique hospitalière et le secteur médico-social. Le rapporteur a évoqué le Ségur de la santé. Celui-ci a permis une revalorisation des métiers du sanitaire, mais pas du secteur médico-social. Or, dans les établissements de prise en charge du handicap, de l'enfance ou de la dépendance, les deux types d'activités peuvent coexister. Dans un même établissement, il peut donc y avoir deux secrétaires, une qui relève du secteur sanitaire et a bénéficié de la revalorisation mensuelle de 183 euros et l'autre qui est dans le secteur médico-social et n'en a pas bénéficié.

Mme Cécile Cukierman . - Je salue le travail du rapporteur et notamment les développements qu'elle a consacrés à l'enjeu de l'attractivité des métiers des trois versants de la fonction publique.

Au-delà des débats que nous pouvons avoir sur le fait de savoir s'il y a trop ou pas assez de fonctionnaires dans notre pays, une chose est certaine : pour mener à bien des politiques publiques, y compris celles qui garantissent les valeurs républicaines dont l'égalité, nous avons besoin d'agents de la fonction publique de l'État, de la fonction publique hospitalière et bien évidement de la fonction publique territoriale. Je souhaiterais revenir rapidement sur cette dernière.

Comme cela a été dit, face au défi de l'attractivité il y a plusieurs leviers à mobiliser : la question des salaires, et, au-delà, la problématique de l'évolution des carrières, de même que la prise en compte réelle des fonctions qui sont exercées et de la pénibilité de certains métiers. Soit on continue d'avoir des services publics qui sont ouverts tout au long de la semaine sauf quand les usagers en ont besoin, soit on décide de revoir certaines règles, pour mieux valoriser les métiers de la fonction publique...

Il y a très certainement et bien plus fortement que cela n'est fait aujourd'hui à prendre en compte cette aspiration nouvelle. Comme cela l'a indiqué Françoise Gatel, nous devons également prendre en compte les nouvelles aspirations des jeunes générations. Les enfants grandissent désormais avec l'idée qu'ils n'auront pas un mais plusieurs métiers, et que la mobilité et l'évolution professionnelles sont nécessaires. Aujourd'hui, même si les jeunes veulent bien rejoindre la fonction publique, ils ont un autre regard et d'autres exigences que précédemment.

Par ailleurs, le développement du télétravail et l'utilisation des journées de réduction du temps de travail (RTT) vont renforcer les concurrences entre collectivités. Je vais prendre un exemple. Une des collectivités territoriales les plus attractives, hors l'Île-de-France, demeure la région Auvergne Rhône-Alpes. Par le volume de ses effectifs, par son budget, elle a un système indiciaire intéressant. Lorsqu'on fait un ou deux jours de télétravail par semaine et que l'on a des journées capitalisables de réduction du temps de travail, alors la question d'aller travailler à Lyon, quand on habite à 70, 80 voire 100 kilomètres de là, ne se pose pas dans les mêmes termes que lorsqu'on est contraint d'y aller du lundi au vendredi, voire davantage selon les missions et les obligations de service. Je crois que ceci doit être pris en compte.

Un certain nombre de collectivités - je pense notamment aux départements mais également aux régions - sont confrontées à des difficultés de recrutement du fait de différences de coût de la vie au sein d'un même territoire. Ainsi, recruter un agent de catégorie C pour travailler dans un lycée, notamment en zone frontalière avec le pays de Gex, devient de plus en plus compliqué car le salaire versé ne permet pas de vivre sur place. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Donc il faut agir sur les salaires et donner les moyens aux collectivités de pouvoir le faire.

Comme cela a été dit, il faut aussi travailler à renvoyer une image de modernité des métiers de la fonction publique - et pas simplement à l'aide de quelques spots à la télévision ou sur Internet - pour donner aux jeunes envie de postuler. Enfin, il faut redonner du sens à ces métiers, car nous en avons profondément besoin.

Tout ceci étant dit, le groupe CRCE estime que le budget n'est pas à la hauteur. Nous ne voterons donc pas l'adoption des crédits du programme 148, mais nous voterons pour la publication du rapport.

M. François-Noël Buffet , président . - À titre d'exemple d'initiative pour mieux faire connaître la fonction publique, je voudrais souligner l'initiative innovante du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la Métropole de Lyon, qui organise demain, à l'initiative de son président, un job dating , en partenariat avec le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHP), pour travailler à l'insertion des personnes à mobilité réduite.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - Je remercie mes collègues pour leurs interventions. Je partage entièrement leurs avis. Je propose, si vous en êtes d'accord, un amendement qui vise à remplacer l'indicateur du taux de satisfaction par les deux indicateurs qui existaient dans le PLF pour 2021, à savoir : le coût de gestion des prestataires extérieurs chargés de certaines prestations d'action sociale, et le coût moyen annuel de réservation d'une place en crèche. Ces deux indicateurs me semblent plus pertinents pour évaluer la performance des actions mises en place.

M. François-Noël Buffet , président . - Il s'agit, pour être précis, d'un amendement à l'article 30, état G, alinéa 1398.

L'amendement est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la transformation et de la fonction publiques

Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)

Mme Nathalie Colin , directrice générale

Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

Sous-direction des élus locaux et de la fonction publique territoriale

M. Christophe Bernard , sous-directeur

Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

Mme France Burgy , directrice générale

Mme Muriel Bialecki , adjoint au directeur général adjoint chargé des ressources, en charge du pilotage, des finances et de l'achat

Fédération hospitalière de France (FHF)

Mme Cécile Chevance , responsable du pôle OFFRES (Offre de soins, Finances, FHF-Data, Recherche, E-Santé)

M. Quentin Henaff , responsable adjoint du pôle Ressources humaines hospitalières


* 1 Fin 2020, la part des 50 ans et plus parmi les fonctionnaires des trois versants de la fonction publique est de 41 % (source : rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexe au PLF pour 2023, p. 75).

* 2 Dont un premier bilan devrait être dressé par la Cour des comptes à l'occasion de son prochain rapport public annuel.

* 3 L'inflation s'est élevée à 6,1% en juillet 2022 (contre 1,2 % en juillet 2021), et à 6,2 % en octobre 2022 (source : Insee).

* 4 Entre 2018 et 2022, auront été supprimés 1 239 équivalents temps plein (source : réponse au questionnaire budgétaire).

* 5 Rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexe au PLF pour 2023, p. 131.

* 6 Soit le même niveau que dans le secteur privé.

* 7 Loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique.

* 8 Décision n° 2022-1006 QPC du 29 juillet 2022, Commune de Bonneuil-sur-Marne et autres, considérant 9.

* 9 Près de 70 % des délibérations respectent les règles applicables en matière de temps de travail et n'ont appelé aucune observation de la part des services chargés du contrôle de légalité. Seul un faible nombre de délibérations ont été jugée illégales au titre du contrôle de légalité et ont donné lieu à quarante-huit déférés (source : DGCL, réponse au questionnaire budgétaire).

* 10 Cour des comptes, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, octobre 2016, p. 176.

* 11 Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur, rapport d'observations définitives sur le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, octobre 2022.

* 12 Cour des comptes, rapport précité.

* 13 Source : enquête de la Fédération hospitalière de France sur la situation des ressources humaines, mai 2022.

* 14 Source : réponse au questionnaire budgétaire.

* 15 Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

* 16 Entre juillet 2016 et février 2017, le point d'indice a augmenté de 1,2 %.

* 17 Le coût en année pleine s'élève à 2,272 milliards d'euros pour la fonction publique territoriale et à 1,988 milliard d'euros pour la fonction publique hospitalière (source : réponse au questionnaire budgétaire).

* 18 Il correspond à l'effet mécanique des progressions de carrière sur la masse salariale.

* 19 Cette augmentation intègre une part conjoncturelle liée aux heures supplémentaires et majorations avant l'été 2022.

* 20 Cette extension a été actée par l'article 44 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 21 Pris sur le fondement de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État.

* 22 Le montant de la pension de retraite des fonctionnaires étant calculé à partir des six derniers mois d'activité, et non pas des vingt-cinq dernières années comme c'est le cas pour les salariés du secteur privé.

* 23 Pour les agents relevant des catégories « actives » (soit 765 000 agents de la fonction publique, dont 59 % dans la fonction publique hospitalière et 23 % dans la fonction publique d'État), le départ à la retraite anticipé est possible.

* 24 Le programme 148 fait partie depuis le PLF pour 2021 de la mission « Transformation et fonction publiques », qui comporte actuellement quatre autres programmes (P 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » ; P 349 « Transformation publique » ; P 352 « Innovation et transformation numériques » ; et P 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques », créé en PLF 2022).

* 25 Pour un montant de 20 023 670 euros en autorisations d'engagement au PLF pour 2022.

* 26 Fiches missions du PLF pour 2023, mission « Transformation et fonction publiques ».

* 27 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021 de la mission Transformation et fonction publiques.

* 28 À savoir, « coût de gestion des prestataires extérieurs chargés de la gestion de certaines prestations d'action sociale » et « coût moyen annuel de réservation d'une place en crèche ».

* 29 En 2022, le parc est constitué d'environ 4 700 places (source : PAP du programme 148, annexe du PLF pour 2023).

* 30 D'après l'enquête réalisée par la DGAFP au début de l'année 2022, 46 % des collectivités territoriales ayant répondu avaient un plan finalisé, et 8 % avaient un plan en cours d'élaboration ; 34 % des établissements publics hospitaliers et médicaux ayant répondu avaient un plan finalisé, et 58 % avaient un plan en cours d'élaboration. Une nouvelle enquête devrait être conduite en 2023.

* 31 Circulaire du 14 novembre 2021 relative à l'appel à projets du fonds en faveur de l'égalité professionnelle dans les trois versants de la fonction publique - NOR : TFPR2135979C.

* 32 La « Place de l'emploi public » a succédé à la « Bourse interministérielle de l'emploi public », qui ne concernait que la fonction publique de l'État.

* 33 Source : PAP du programme 148, annexe au PLF pour 2023.

* 34 Environ 30 000 par jour (source : rapport sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, Philippe Laurent, 2022).

* 35 Aux deux classes ouvertes à La Réunion à la rentrée 2021, se sont ajoutées deux classes ouvertes en Guadeloupe et en Martinique à la rentrée 2022.

* 36 Dans le cadre de l'action 01 « Formation des fonctionnaires », qui finance également les cinq instituts régionaux d'administration (IRA) ; l'Institut national du service public (l'INSP) ; et les actions de formation interministérielle.

* 37 Prise en application de l'article 59 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 38 6 à l'INSP, 4 à l'INET, 13 à l'EHESP, 2 à l'ENSP et 1 à l'ENAP.

* 39 7 métiers sur 10 sont ainsi en tension forte ou très forte en 2021 (DARES résultats n° 45, septembre 2022).

* 40 Source : rapport sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, janvier 2022.

* 41 Source : enquête de la Fédération hospitalière de France sur la situation des ressources humaines, mai 2022.

* 42 Source : rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexe au PLF pour 2023, p. 45.

* 43 Entre 2014 et 2017, la baisse du nombre de candidats aux concours était de 33 % pour la FPT, 18 % pour la FPH et 16,5 % pour la FPE (source : réponse au questionnaire budgétaire).

* 44 Source : enquête de la Fédération hospitalière de France sur la situation des ressources humaines, mai 2022.

* 45 Source : rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexe au PLF pour 2023.

* 46 En 2020, la fonction publique (hors bénéficiaires de contrats aidés) représente 19,9 % de l'emploi total (salariés et non-salariés) en France (hors Mayotte) - source : rapport précité.

* 47 Contre 35 % (7 540 contrats) pour la FPE, et 7 % (1 449 contrats) pour la FPH (source : réponse au questionnaire budgétaire).

* 48 La circulaire du 21 mai 2021 avait fixé l'objectif de recruter 14 940 apprentis en 2021-2022 ; 15 065 apprentis étaient présents dans les ministères en 2021 (source : réponse au questionnaire budgétaire).

* 49 Prévu par l'article 65 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique,

* 50 En application du décret n° 2021-1861 du 27 décembre 2021.

* 51 Depuis la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, les apprentis peuvent accéder, sous réserve de remplir les conditions exigées par les statuts particuliers, aux troisièmes voies des concours, en faisant valoir la durée d'apprentissage (réalisé auprès d'un employeur public ou privé) comme une expérience professionnelle.

* 52 Amendements n°II-2811 et n°II-2843 du Gouvernement déposés le 28 octobre 2022 et adoptés dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité le 2 novembre 2022.

* 53 Depuis le 1 er janvier 2022, le CNFPT finance la totalité des frais de formation des apprentis dans la FPT, en contrepartie de l'instauration d'une cotisation de 0,1 % sur la masse salariale des collectivités territoriales. En application du décret n° 2022-280 du 28 février 2022, France compétences verse au CNPFT une contribution d'un montant annuel maximal de 15 millions d'euros, tandis que l'État s'est engagé à verser lui aussi 15 millions d'euros dans le cadre de la convention annuelle d'objectifs et de moyens pour 2022, signée le 23 février 2022.

* 54 L'article 16 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, codifié à l'article L. 326-1 du code général de la fonction publique depuis le 1 er mars 2022, dispose que « les fonctionnaires sont recrutés par concours sauf dérogation prévue par la loi ».

* 55 La part des contractuels atteint 21 % du nombre des agents de la fonction publique fin 2020, soit +1 point par rapport à fin 2019 (source : rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexe au PLF pour 2023).

* 56 Conformément à l'article 91 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 57 En application de l'article 89 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 58 Le rapport sur l'attractivité de la fonction publique territoriale souligne ainsi que la dimension managériale est absente des épreuves d'admission pour les grades d'attaché ou d'ingénieur.

* 59 Le projet de décret relatif aux voies d'accès et aux formations à l'Institut national du service public, qui abrogerait le décret n° 2015-1449 du 9 novembre 2015, devrait être présenté le 17 novembre prochain par le Gouvernement en Conseil supérieur de la fonction publique d'État (CSFPE).

* 60 Pris en application de l'ordonnance n°2021-658 du 26 mai 2021.

* 61 Rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexe au PLF pour 2023.

* 62 Rapport sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, janvier 2022, p. 33.

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