N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée
nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution,
pour
2023 ,

TOME V

FONCTION PUBLIQUE

Par Mme Catherine DI FOLCO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Les crédits du programme « Fonction publique » , qui financent le volet interministériel de la politique de ressources humaines de l'État, sont stables dans le projet de loi de finances pour 2023 par rapport à 2022, à périmètre constant.

Au-delà de cette stabilité, le rapporteur a souligné les défis majeurs auxquels la fonction publique et ses employeurs sont aujourd'hui confrontés. Alors que le vieillissement des effectifs en activité se poursuit dans les trois versants de la fonction publique, laissant augurer des départs à la retraite de plus en plus nombreux dans les années à venir 1 ( * ) , et que les employeurs publics font face à des difficultés de recrutement croissantes, la question de l'attractivité de la fonction publique se pose avec une acuité particulière .

Les trois dernières années ont certes été marquées par un certain nombre de réformes, dont la loi de transformation de la fonction publique 2 ( * ) . Pour la première fois depuis 2017, la valeur du point d'indice a en outre été augmentée ; si la commission salue cette mesure générale, qui est bienvenue dans un contexte de hausse de l'inflation 3 ( * ) , elle souligne toutefois que l'attractivité ne saurait se réduire à la rémunération.

Les modalités d'accès à l'emploi public, la connaissance des métiers des trois versants dans leur diversité, les conditions de travail ainsi que le sens de l'engagement public pour les agents et la société entière constituent autant de facteurs à prendre en compte afin de renforcer l'attractivité de la fonction publique et fidéliser davantage les agents. Si des réponses ambitieuses ne sont pas apportées rapidement, la pérennité de la fonction publique pourrait être compromise, et avec elle, la qualité du service public apporté aux citoyens.

Convaincu du rôle que peut jouer l'apprentissage dans l'accès à l'emploi public, le rapporteur a salué la poursuite de l'engagement financier de l'État en faveur de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale en 2023 .

Par ailleurs, le rapporteur a estimé nécessaire de rétablir les indicateurs de performance relatifs à l'action sociale interministérielle tels qu'ils existaient jusqu'en 2021, afin de permettre l'évaluation du coût et de l'efficience des dispositifs en la matière. Sous réserve de l'adoption de cet amendement, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique ».

I. DANS UN CONTEXTE DE STABILISATION DES EFFECTIFS DE L'ÉTAT, LA HAUSSE DE LA MASSE SALARIALE DES EMPLOYEURS PUBLICS EST PORTÉE PAR DES REVALORISATIONS SALARIALES INÉDITES

A. ALORS QUE LE GOUVERNEMENT VISE LA STABILITÉ DES EFFECTIFS, DES GAINS EN EMPLOIS DANS LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE POURRAIENT DÉCOULER DE L'APPLICATION DES RÈGLES RELATIVES AU TEMPS DE TRAVAIL

1. À rebours de l'engagement pris lors du quinquennat précédent, le Gouvernement vise désormais la stabilité des effectifs

Au 31 décembre 2020, la fonction publique compte 5,66 millions d'agents , dont 45 % sont employés par la fonction publique de l'État (FPE), 34 % par la fonction publique territoriale (FPT) et 21 % dans la fonction publique hospitalière (FPH).

S'agissant des effectifs de l'État, l'objectif officiel de stabilité a succédé à celui de suppression de postes, affiché durant les quatre premières années du quinquennat 2017-2022 4 ( * ) .

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit même de créer 10 764 équivalents temps plein travaillé (ETP) dans la fonction publique de l'État . Cette hausse sera portée principalement par l'État (+ 8 975 ETP). Les créations de postes les plus importantes s'observeront dans les ministères régaliens (+ 3 069 ETP pour le ministère de l'intérieur et des outre-mer ; + 2 253 ETP pour le ministère de la justice ; + 1 547 ETP pour le ministère des armées) ainsi que dans le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (+ 2 000 ETP).

2. L'obligation pour les collectivités de respecter la durée annuelle de travail de 1 607 heures

En 2021, les agents de la fonction publique à temps complet (hors enseignants) ont déclaré une durée annuelle effective de travail de 1 612 heures 5 ( * ) . Cette moyenne dissimule des écarts importants entre les trois versants : 1 661 heures dans la FPE 6 ( * ) ; 1 579 heures dans la FPT ; 1 605 heures dans la FPH.

L'alignement du temps de travail dans la FPT sur la durée annuelle légale de 1 607 heures est toutefois en cours, en application de l'article 47 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui a abrogé les régimes légaux dérogatoires de travail antérieurs à la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 7 ( * ) . Un délai d'un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes a été accordé aux collectivités territoriales concernées pour définir les nouvelles règles relatives au temps de travail, qui doivent, aux termes de la loi, entrer en application au plus tard le 1 er janvier suivant leur détermination.

Dans sa décision QPC du 29 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a considéré que, par cette disposition qui contribue à réduire les inégalités entre les agents et à faciliter leur mobilité, le législateur avait poursuivi un objectif d'intérêt général 8 ( * ) . La mise en oeuvre de cette mesure demeure toutefois encore inaboutie : si les collectivités relevant du bloc communal avaient jusqu'au 1 er janvier 2022 pour mettre en place les nouvelles règles, seuls les deux-tiers d'entre elles ont défini, au 1 er octobre 2022, les règles applicables en matière de temps de travail 9 ( * ) . Une instruction sera par ailleurs prochainement adressée aux préfets afin de rappeler aux départements et aux régions l'échéance du 1 er janvier 2023 qui s'applique à eux.

L'enjeu budgétaire associé aux régimes dérogatoires de durée du travail dans la FPT n'est pas négligeable ; la Cour des comptes a estimé en 2016 que l'allongement de la durée annuelle effective de travail dans la FPT par son alignement sur la durée légale constituerait un gain net pour la collectivité, et pourrait permettre à terme une réduction des effectifs d'environ 3 % 10 ( * ) . Ainsi, la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a récemment évalué le non-respect de la durée légale de travail par le conseil départemental des Bouches-du-Rhône à une perte annuelle de 203 ETP, représentant près de 10 millions d'euros 11 ( * ) . En tout état de cause, l'allongement du temps de travail constitue un levier important à la disposition des collectivités pour mieux maîtriser l'évolution de leur masse salariale 12 ( * ) .

3. Une augmentation des recrutements dans la fonction publique hospitalière

Entre 2019 et 2022 , les effectifs de la fonction publique hospitalière ont augmenté de 3 % 13 ( * ) . La plus forte part d'augmentation a eu lieu en 2020, du fait de la crise sanitaire (+ 1,8 %, soit + 21 400 agents).


* 1 Fin 2020, la part des 50 ans et plus parmi les fonctionnaires des trois versants de la fonction publique est de 41 % (source : rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexe au PLF pour 2023, p. 75).

* 2 Dont un premier bilan devrait être dressé par la Cour des comptes à l'occasion de son prochain rapport public annuel.

* 3 L'inflation s'est élevée à 6,1% en juillet 2022 (contre 1,2 % en juillet 2021), et à 6,2 % en octobre 2022 (source : Insee).

* 4 Entre 2018 et 2022, auront été supprimés 1 239 équivalents temps plein (source : réponse au questionnaire budgétaire).

* 5 Rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexe au PLF pour 2023, p. 131.

* 6 Soit le même niveau que dans le secteur privé.

* 7 Loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique.

* 8 Décision n° 2022-1006 QPC du 29 juillet 2022, Commune de Bonneuil-sur-Marne et autres, considérant 9.

* 9 Près de 70 % des délibérations respectent les règles applicables en matière de temps de travail et n'ont appelé aucune observation de la part des services chargés du contrôle de légalité. Seul un faible nombre de délibérations ont été jugée illégales au titre du contrôle de légalité et ont donné lieu à quarante-huit déférés (source : DGCL, réponse au questionnaire budgétaire).

* 10 Cour des comptes, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, octobre 2016, p. 176.

* 11 Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur, rapport d'observations définitives sur le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, octobre 2022.

* 12 Cour des comptes, rapport précité.

* 13 Source : enquête de la Fédération hospitalière de France sur la situation des ressources humaines, mai 2022.

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