COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DES OUTRE-MER

M. François-Noël Buffet , président . - Nous poursuivons notre audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des
outre-mer, en évoquant le projet de loi de finances pour 2023, en particulier sur les missions « Sécurités », « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Je vous présenterai ces trois missions dans leurs grandes lignes, car nous en avons largement débattu lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) - ce projet de loi de finances sert les engagements pris, tout en prenant en compte les annonces que le Président de la République vient de faire pour la sécurité civile et qui donneront lieu à des amendements en séance plénière.

Sur la mission « Sécurité », nous créons 3 018 effectifs dans les forces de police et de gendarmerie, soit le tiers des engagements pris dans la Lopmi, puis nous continuerons en 2024, Coupe du monde de rugby et Jeux olympiques obligent : nous avons donc cette année un rendez-vous très important de recrutement et de formation. Je pourrai, l'an prochain, ajouter 60 brigades de gendarmerie dans les départements, en prenant des gendarmes sortis d'école. Je souligne aussi la création de postes d'agents de préfecture : pour la première fois depuis 17 ans, nous projetons de créer 400 postes sur le quinquennat, dont une cinquantaine l'an prochain. Après des années de baisse continue et deux ans de stagnation des effectifs, je suis heureux de pouvoir annoncer un renforcement des moyens humains de l'administration territoriale de l'État. À cette première mesure s'ajoute la création de 6 sous-préfectures annoncée par le Président de la République lors de son déplacement en Mayenne le 10 octobre dernier. Par ailleurs, les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) augmenteront aussi fortement pour aider les communes à s'équiper en vidéo-protection. Nous y consacrerons 22 millions d'euros l'an prochain. Nous poursuivons le renouvellement de nos équipements, nous avons déjà changé les deux-tiers du parc automobile et nous prévoyons 340 millions d'euros pour la rénovation des commissariats de police et des brigades de gendarmerie. Nous lançons le réseau radio du futur et nous lançons l'achat progressif de 36 hélicoptères pour la sécurité civile.

Sur le sujet immigration qui va aussi avec l'outre-mer, nous aurons l'occasion de revoir l'opération Shikandra de Mayotte et aurons sans doute également une discussion sur l'opération Harpie en Guyane. Des annonces ont également été faites avec le ministre de la justice et le ministre des comptes publics pour la sécurisation totale de l'aéroport de Cayenne, en particulier pour mieux lutter contre les « mules ».

Un travail important est également mené contre l'immigration irrégulière, nous avons augmenté de 20 % les reconduites à la frontière par rapport à 2021 alors que nous sommes encore au mois de novembre et je viens d'accepter un amendement du député Éric Ciotti pour doubler le nombre de places en centres de rétention administrative (CRA) dans le quinquennat. Nous allons ajouter près de 500 places dès l'an prochain. Les crédits correspondants pour la lutte contre l'immigration irrégulière connaissent une progression importante de 34 %, simplement pour les centres ou les locaux de rétention administrative.

Nous poursuivrons, dans le même temps, le travail sur les moyens consacrés à l'intégration, avec plus de 51 millions, principalement sur le volet linguistique qui sous-tend le projet de loi que nous avons commencé à présenter. C'est également vrai des moyens attribués à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), puisque nous devons continuer à réduire les délais de traitement. J'ai accepté ce matin un amendement du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale, pour fixer à 60 jours le délai d'études des dossiers. Nous y parviendrons avec les moyens supplémentaires pour l'Ofpra, je rappelle que 200 ETP supplémentaires avaient été accordés. Les crédits de l'allocation pour les demandeurs d'asile sont d'ailleurs, pour la première fois, sous exécutés : ce n'est pas parce que les demandeurs sont moins nombreux, mais parce que le traitement des dossiers est plus rapide. Reste, cependant, à améliorer le côté juridictionnel, c'est-à-dire les recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). C'est l'une des dispositions du texte, qui reprend d'ailleurs l'une des propositions de votre rapport, monsieur le président.

Je me présente donc devant vous comme un ministre heureux, qui voit ses crédits augmenter de 1,4 milliard d'euros, dont « seulement » 200 millions pour tenir compte de l'inflation, car le ministère de l'intérieur a des dépenses de personnel plutôt que de matériel - nous pourrons donc être au rendez-vous des politiques publiques.

M. Henri Leroy . - Vous l'avez dit, Monsieur le ministre, nous avons largement discuté des orientations budgétaires de votre ministère dans la Lopmi. Les chiffres de la mission « Sécurités » pour 2023 sont en hausse, c'est une très bonne chose que personne ne conteste. Cependant, la répartition des crédits par missions et programmes n'est pas définie dans la Lopmi, qui ne prévoit qu'une trajectoire applicable à l'ensemble du ministère de l'intérieur.

Dans ces conditions, comment garantir la réalisation de la trajectoire prévue par la Lopmi dans les dernières années du quinquennat ? Nous n'avons guère d'inquiétude jusqu'en 2024, mais que se passera-t-il après les Jeux olympiques ?

Mme Muriel Jourda . - Monsieur le ministre, ma première question est relative à l'allocation pour demandeurs d'asile. Vous avez indiqué que celle-ci était actuellement en sous-exécution du fait de l'amélioration du délai de traitement des dossiers. Toutefois, cette amélioration plafonne et l'allocation est également octroyée aux réfugiés Ukrainiens, dont le nombre sur le territoire français est important et va probablement encore augmenter. Au regard de ces deux éléments, la baisse de 36 % de la dotation prévue dans le budget est-elle bien pertinente ?

Le président de la République, ensuite, a récemment précisé que l'objectif d'un taux d'exécution de 100 % concernait les seules obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées sur des motifs d'ordre public. Pourquoi ce revirement ? Ou en est le taux d'exécution sur cette catégorie d'OQTF ? Cela signifie-t-il que l'on abandonne l'exécution des autres ?

Enfin, un sujet plus d'actualité mais qui peut avoir un impact sur le budget pour 2023 : monsieur le ministre, vous avez annoncé ce matin avec le ministre Olivier Dussopt des mesures qui pourraient être reprises dans le projet de loi sur l'immigration que vous envisagez, dont une qui est la régularisation des personnes en situation irrégulière qui travaillent dans une filière en tension. Cela ressemble à un un nouvel élargissement de la circulaire Valls qui permet de régulariser des clandestins. Comment faire pour que cela ne soit pas un « appel d'air » et une incitation à l'immigration irrégulière ?

Mme Nadine Bellurot , en remplacement de Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » . - Après les « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » et la Lopmi, qui prévoyaient un renforcement des services déconcentrés, le Gouvernement nous annonce, dans le projet de loi de finances pour 2023, un véritable « réarmement » de l'État territorial.

Je partage l'avis de Cécile Cukierman, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui tient à saluer la prise de conscience salutaire du Gouvernement, qui semble désormais comprendre que l'État ne peut pas continuer à diminuer sa présence dans les territoires au risque d'amplifier le sentiment d'abandon de nos concitoyens comme des élus locaux.

Toutefois, ces annonces interviennent après plus de dix ans de coupes budgétaires drastiques qui ont conduit à la suppression cumulée de 14 % de l'effectif initial de l'administration territoriale de l'État entre 2010 et 2021 et de nombreux plans de réforme qui ont mis à mal les services de l'État et la qualité du service public. Les secrétariats généraux communs départementaux (SGC-D) ont été créés au 1er janvier 2021. Nous n'avons pas encore eu le temps de dresser le bilan de cette réforme décriée que le Gouvernement nous annonce déjà un nouveau plan d'action pour les préfectures à horizon 2025.

La création de 210 équivalents temps plein (ETP) sur les trois prochaines années vous paraît-elle suffisante pour réarmer l'État territorial ? Comment ces ETP seront-ils répartis ? De même, le « déjumelage » de
5 sous-préfectures et la création d'une nouvelle sous-préfecture en Guyane, vous paraissent-ils répondre de manière satisfaisante au besoin de plus d'État dans les territoires ruraux ?

Sur quels critères entendez-vous vous baser pour rééquilibrer la répartition des emplois entre préfectures ? Quelles préfectures seront concernées par ces mouvements ?

Quelles mesures concrètes seront mises en oeuvre pour renforcer l'attractivité des métiers de l'administration territoriale de l'État, notamment dans les sous-préfectures rurales qui peinent à recruter ?

Nous souhaitons que les sous-préfectures reprennent vie. Dans l'Indre, par exemple, leur nombre est passé de trois à deux, alors que nous avons plus que jamais besoin de la présence de l'État dans nos territoires.

M. Henri Leroy . - Vous annoncez pouvoir former 60 nouvelles brigades de gendarmerie l'an prochain, mais les documents budgétaires prévoient 312 effectifs dédiés à ces brigades. A 10 personnels par brigade, cela ne fait que 30 brigades créées en 2023 : quel est donc le bon chiffre ?

M. François-Noël Buffet . - Françoise Dumont, rapporteure pour avis des crédits de la sécurité civile, s'interroge sur le plan de « réarmement aérien d'urgence » annoncé par le Président de la République dans son discours du 28 octobre 2022, à hauteur de 250 millions d'euros. Ce montant ne correspond pas à ceux du projet de loi de finances pour 2023 et est en deçà des ambitions de la Lopmi : pouvez-vous nous préciser le périmètre et les attentes de ce plan ? Elle s'interroge également sur l'objectif du Président de la République de renouveler et de renforcer notre flotte de Canadair « d'ici la fin du quinquennat », alors que vos services et vous-même, lors de votre audition au Sénat le 21 septembre 2022, avez mis en avant des difficultés industrielles justifiant des délais de production importants. Elle constate en outre l'absence de crédits spécifiques dans ce projet de budget. Comment comptez-vous tenir ce calendrier ambitieux ?

M. Jérôme Durain . - Le Sénat a adopté plusieurs amendements à la Lopmi pour doter de 100 millions d'euros un fonds dédié à l'immobilier de la gendarmerie : pensez-vous traduire cet engagement dans le projet de loi de finances pour 2023 ?

Nous avons découvert hier un rapport sur les luttes contre les discriminations dans les forces de sécurité, qui propose d'inclure cette thématique dans les travaux de l'IGPN : ne pensez-vous pas que nous pourrions l'inscrire également parmi les indicateurs de performance que nous regardons chaque année ?

Enfin, sur la régularisation dans les secteurs en tensions, je crois peu au risque d'un « appel d'air », alors que je sais combien la régularisation de salariés devenus irréguliers fait perdre du temps à tout le monde : comment voyez-vous les choses concrètement ?

Mme Françoise Gatel . - Pour « réarmer la présence de l'État territorial », je crois que nous avons besoin non pas de plus d'État mais de mieux d'État : nous avons surtout besoin d'améliorer l'organisation des services de l'État dans les territoires. Des agences qui jouissent d'une grande autonomie ont pu être mobilisées par le préfet pendant la crise sanitaire, il serait bon qu'elles puissent l'être en temps ordinaire - je vous renvoie au rapport d'Agnès Canayer et Éric Kerrouche, au titre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont le titre très parlant est « À la recherche de l'État dans les territoires ». L'État est souvent très discret dans les territoires et vous avez raison, il faut réarmer les sous-préfectures pour mieux accompagner les élus et ne pas se contenter de faire du contrôle de légalité.

Une question qui ne coûte pas grand-chose : serait-il possible que le préfet de région ne soit pas en même temps préfet du département ? Le cumul conduit à la surcharge ou à l'indisponibilité.

Enfin, sur les titres de séjour, des entreprises se trouvent en grande difficulté lorsqu'elles doivent demander le renouvellement de titres de séjour de salariés, elles font alors face à des délais décourageants, voire à l'absence de réponse sur les titres de séjour : peut-on accélérer les choses ?

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Je transmets à votre commission ce document, que je vais communiquer dans les heures qui viennent à vos collègues députés, qui est la ventilation des 15 milliards d'euros de crédits de la Lopmi pour les cinq années à venir sur les différentes missions budgétaires concernées. Il peut se passer bien des choses en cinq ans, mais vous avez là le document que je vous avais promis en séance plénière dans le débat sur la Lopmi.

Des brigades de gendarmerie, ensuite, on peut en créer entre 20 et 70 nouvelles l'an prochain, mais tout dépend desquelles on parle, car les gendarmes, il faut les loger, avec leurs familles - les situations sont très différentes selon qu'il faut rénover ou construire des bâtiments, équiper telle brigade équestre ou telle brigade fluviale qu'on me demande en Guyane sur l'Oyapock ou le Maroni... tout cela dépend des projets, des lieux, des conditions. En tout cas, nous pouvons compter sur les effectifs que j'ai indiqués, de 380 par an.

Sur la question de l'ADA, le montant proposé ne comprend pas les montants versés aux ukrainiens parce que si, effectivement, ils touchent cette allocation, ils sont aussi plus nombreux à travailler que les demandeurs d'asile classique puisqu'ils y ont droit dès leur premier jour sur le territoire. Nous adaptons donc le montant des crédits, et nous constatons d'ailleurs que le flux d'entrants est désormais inférieur aux sortants, en particulier du fait du nombre de personnes qui retournent dans les zones moins touchées par le conflit ou dans les pays limitrophes. Je ne partage donc pas le constat qu'il y en aura de plus en plus sauf en cas d'évolution du conflit. Nous avons donc convenu avec le ministère des comptes publics d'adapter nos prévisions pour cette allocation s'agissant des Ukrainiens, nous avons dépensé à ce titre 244 millions d'euros pour les Ukrainiens, nous pourrons intégrer ces crédits en gestion pour cette année. Quant au délai de traitement des demandes d'asile, on est en 2022 à 140 jours et il devrait encore baisser. Cela ne fait pas la une des journaux, alors même que c'est une prouesse administrative, mais nous sommes le pays qui traitons le plus rapidement les demandes d'asile dans l'Union européenne, grâce au recrutement de quelque 200 contractuels supplémentaires que vous avez accordés à l'Ofpra.

Sur les OQTF, ce débat est très important démocratiquement. Chacun commente un taux d'exécution que personne ne connait. Les chiffres utilisés pour ce taux d'exécution ne reposent sur aucune réalité statistique. Car que fait la presse quand elle le calcule, et produit un chiffre que nous, les politiques, reprenons collectivement sans y regarder de plus près ? Elle rapporte le nombre des OQTF prononcées par les préfectures dans une année pleine au nombre d'exécution de ces OQTF - pour 2021, c'est 120 000 OQTF prononcées. Or, vous savez qu'il y a deux sortes d'exécution des obligations, celles qui sont volontaires, ce qu'avait l'assassin présumé de la petite Lola, et celles qui sont forcées - elles se répartissent pour moitié, donc environ 60 000 chacune. Avec l'an dernier 16 000 reconduites à la frontière effectuées, le pourcentage d'exécution est de moins de 20 %, voire moins si l'on enlève les retours spontanés alors qu'il faut tout prendre.

Cette base n'est pas la bonne d'abord car il y a un décalage temporel, les obligations exécutées ont souvent été prononcées l'année d'avant et il peut y avoir 20 000 à 30 000 OQTF de différence dans cette base, par exemple entre 2020et 2021. Il y a également le fait que la moitié environ des OQTF contraintes fait l'objet d'un recours judiciaire, qui est suspensif : on demande au ministre de l'intérieur d'exécuter toutes les OQTF, alors qu'une bonne partie fait l'objet d'un recours suspensif - il serait plus honnête de prendre pour base, donc, les OQTF contraintes et de tenir compte des procédures judiciaires : le résultat, alors, c'est plutôt 40 % d'OQTF exécutées, et non pas 6 %, comme on l'entend parfois dire. Enfin, il y a aussi le fait que des gens partent sans nous le dire et c'est pour cela que j'ai demandé que toutes les OQTF soient rentrées dans le fichier des personnes recherchées (FPR). Il y en a beaucoup - c'est le cas, par exemple, de l'assassin présumé de la petite Lola, qui faisait l'objet d'une OQTF sans inscription au FPR. Seules les OQTF pour motifs d'ordre public font l'objet d'une inscription au FPR.

Comment les choses se passent-elles à l'aéroport, quand une personne à qui on a demandé de quitter le territoire, se présente avec son passeport pour rentrer dans son pays : la police des frontières la laisse partir, sans signaler à la préfecture émettrice de l'OQTF que cette personne est partie, sauf si c'est une exécution contrainte, donc accompagnée par un policier. Il y a comme ça des milliers de personnes, peut-être même plus, qui exécutent elles-mêmes leur OQTF de manière volontaire sans que nous le sachions nécessairement. C'est pourquoi je proposerai que toute personne faisant l'objet d'une OQTF soit inscrite dans le FPR : ce sera le moyen pour que son départ soit signalé automatiquement, et puisse être comptabilisé. Il y a, encore, le fait que des personnes partent dans un pays voisin, comme la Belgique, l'Allemagne ou l'Espagne, sans qu'on n'en sache rien puisqu'il n'y a pas de contrôle aux frontières.

Il y a donc bien des personnes qui partent de notre pays et qui continuent d'être considérées comme à expulser. Dans la loi sur l'immigration que nous allons vous présenter avec Olivier Dussopt, nous allons proposer une nouvelle organisation du travail des préfectures, pour que les agents, au lieu de passer beaucoup de temps à contrôler des étrangers qui ne posent aucun problème sur le territoire de la République, se concentrent sur ceux qui font l'objet d'une OQTF, pour contrôler effectivement si cette obligation est respectée, avec des relances répétées et régulières - ce que les agents ne font guère aujourd'hui, faute d'effectifs.

Donc je le répète : oui, on peut atteindre 100 % d'OQTF exécutées, mais si l'on compte ce qui doit l'être, et si l'on réforme les catégories de recours - nous vous proposerons ainsi de passer de 12 à 4 catégories de recours, et de considérer également que le refus d'asile vaut OQTF, avec un délai de 15 jours pour que le tribunal administratif statue sur le refus. Aujourd'hui, nous savons bien que les personnes les plus difficiles à expulser sont les déboutés du droit d'asile. Les choses se passent aujourd'hui ainsi : lorsque l'asile est refusé par l'Ofpra, dans un délai de 6 à 8 mois, le demandeur saisit la CNDA, c'est 9 mois de délai supplémentaire ; la CNDA rejette la demande dans 70 % des cas, le préfet prend une OQTF et il y a encore un recours, donc six mois de plus, et si l'OQTF est confirmée, le demandeur peut encore faire appel devant le Conseil d'État... Au total, les demandeurs peuvent rester jusqu'à deux ans sur le territoire national, avec parfois des naissances, donc une famille en France... Je n'invente rien, le rapport Buffet l'avait déjà en partie souligné. Nous vous proposerons de changer ces règles, et si nous adoptons ce texte nous pourrons, alors, atteindre quasiment les 100% d'OQTF exécutées. Les quelques points manquants seraient le fait des étrangers qui se voient refuser leur laissez-passer consulaire, ou des étrangers non éloignables, du fait que nous n'avons pas de relations diplomatiques avec leur pays d'origine, c'est le cas des Syriens et des Afghans - et je ne sais pas si quelqu'un ici propose qu'on rétablisse nos relations diplomatiques avec les Talibans, mais je n'y suis pas favorable...

La question sera donc de savoir ce que nous faisons des étrangers à qui l'on ne donne pas l'asile, mais qu'on ne peut expulser. Les Allemands ont dans ce cas ce qu'ils appellent une tolérance, avec une protection temporaire qui ne crée pas de droit et qui prend fin lorsque la personne redevient expulsable - nous en reparlerons dans le projet de loi sur l'immigration. Quoiqu'il en soit, nous avons augmenté les reconduites à la frontière de 20 % cette année et, en attendant les mesures que nous vous proposerons prochainement, j'ai demandé à la direction générale des étrangers en France et à l'Insee de travailler sur les statistiques disponibles, c'est nécessaire pour éviter de nourrir les fantasmes sur ces questions.

Le titre de séjour pour les métiers en tension est tout le contraire de la régularisation massive telle qu'elle a été pratiquée par les circulaires Chevènement ou Valls. D'abord, ces régularisations nous les faisons depuis 10 ans : nous régularisons à peu près 30 000 personnes par an, 23 000 au titre de la vie privée et familiale, et 7 000 par la régularisation d'un travail au noir, et quand nous le faisons, la régularisation est ad vitam . Alors que le titre de séjour pour les métiers en tension, lui, est délivré pour un an, et tant que le métier est effectué. Rien à voir, donc, avec la régularisation massive. J'ai d'ailleurs invité le président des sénateurs LR pour expliciter notre projet puisque nous allons faire de grandes consultations. Ensuite, on ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas de métiers en tension, dans lesquels le patronat demande davantage d'immigration de travail. L'enjeu, dans notre pays, c'est de diminuer l'immigration familiale et d'aller vers une immigration de travail, l'Allemagne a dix points de plus que nous d'immigration de travail, et nous en sommes arrivés là parce que nos titres de séjour sont fondés sur la famille plutôt que sur le travail.

Nous proposons donc de contrecarrer l'automaticité de l'immigration familiale, tout en respectant la Convention européenne des droits de l'homme, bien entendu, donc le regroupement familial. Nous proposerons par exemple un examen de français, parce qu'il faut bien parler notre langue, ainsi qu'un titre spécifique pour le travail. Ce sera aussi une façon de reconnaitre ces sans-papiers qui travaillent dans les restaurants, qui nettoient nos bureaux, qui délivrent des repas, qui payent des cotisations et de la fiscalité sans être jamais protégés - on ne peut plus faire comme s'ils n'existaient pas. Nous disons donc qu'il faut lutter fort contre les entreprises qui font faire du travail au noir, le ministre du travail propose même une fermeture administrative, c'est bien plus sévère qu'une amende. En contrepartie nous pourrions discuter des métiers en tension chaque année au Parlement, pour définir des secteurs et le nombre de titres de travail dont ils ont besoin, par exemple 5 000 emplois dans l'hôtellerie-restauration, ou 3 000 médecins et personnels hospitaliers. On pourrait actualiser cette liste et ce nombre chaque année, et ces titres sont tout le contraire d'une régularisation massive puisque quand le métier sera retiré de la liste, la personne ne pourra rester sur le territoire national, nonobstant les droits qu'elle aurait créés dans la vie privée et familiale - nous aurons l'occasion d'en reparler.

Sur les préfectures, nous prévoyons 50 agents supplémentaires l'an prochain, et 400 sur le quinquennat. Je déplore qu'en préfecture, ne viennent plus que des étrangers qui demandent des papiers et des personnes qui, ayant raté leur permis de conduire, demandent à le repasser. Les sous-préfectures accompagnent beaucoup les collectivités territoriales mais les citoyens n'ont plus guère d'autres raisons de se rendre physiquement en préfecture, car nous avons délégué de nombreuses missions aux collectivités territoriales, par exemple la délivrance des papiers d'identité. Donc le service ces étrangers mobilise beaucoup les agents des préfectures, mais je crois que la solution est moins dans l'accroissement des effectifs que dans un changement de méthode. Au lieu de faire en sorte que les agents passent leur temps à contrôler des centaines de milliers d'étrangers qui ne posent aucun problème à la République mais qui doivent renouveler leur titre de séjour et à qui l'on demande de venir faire des heures d'attente en préfecture dans de mauvaises conditions, qui peuvent être vexantes - je pense aux vieux Chibani de Tourcoing, qui ont servi dans l'armée française et qui sont dans ces longues files, parmi tous les autres -, pourquoi ne pas demander aux agents de se concentrer sur les primo-arrivants, pour vérifier qu'ils parlent le français, qu'ils n'ont pas de casier judiciaire, qu'ils ne sont pas suivis pour radicalisation, et sur le suivi des OQTF ? J'ai donc proposé que les centaines de milliers de dossiers étudiés chaque année ne le soient plus manuellement mais automatiquement, avec possibilité bien sûr pour l'État de reprendre la main et de traiter au cas par cas lorsqu'il y a un signalement, ou bien si le casier judiciaire a changé. Cela libèrera des ressources en préfecture pour mieux contrôler les personnes en situation irrégulière et les étrangers délinquants et se concentrer sur leurs autres missions.

Un préfet de région qui ne serait pas aussi préfet de département ne verrait les choses que régionalement, il serait en décalage vis-à-vis de ses collègues préfets de département et déconnecté de l'aspect concret de l'action préfectorale. Le préfet de région, souvent préfet zonal, n'a pas d'autorité sur les préfets de département ; il a juste des dossiers supplémentaires à traiter. Je vous accorde que la fonction est devenue plus lourde avec la création des grandes régions, mais je crois que ce serait une erreur que le préfet de région ne soit plus préfet de département, cela créerait une superstructure, avec un état-major régional, qui renforcerait l'échelon régional - alors qu'il faut renforcer l'échelon départemental, ce n'est pas au Sénat que je vais me retenir de dire que je suis départementaliste...

Je suis très favorable aux conclusions du rapport de Christian Vigouroux, déontologue du ministère de l'intérieur, sur les actes et propos racistes et discriminants au sein de la police - et je suis favorable au changement. Je suis donc prêt à travailler à des amendements sur le sujet, par exemple dans la Lopmi en vue de la CMP. Cependant, entre le titre de presse que vous évoquez, Monsieur Durain, et le contenu du rapport de Christian Vigouroux, il y a un monde - vous noterez d'ailleurs qu'il ne propose pas le récépissé pour le contrôle d'identité. Je suis donc très favorable à ce rapport, je vais le rendre public, le sujet concerne l'ensemble des forces de l'ordre et nous savons aussi qu'il y a des propos racistes à l'encontre de policiers ou gendarmes - « sale traitre » ou « sale arabe » - et aussi des propos entre agents des forces de l'ordre; nous devons avancer sur ce sujet.

Enfin, je veux rassurer sur la sécurité civile. Les sommes dont nous parlons sont en plus de la Lopmi, le montant est net. Et s'il n'y a pas de ligne budgétaire spécifique aux Canadair, c'est parce que, comme l'a dit le président de la République, avant d'acheter des Canadair, il faut recréer l'usine qui les fabrique - et l'achat de ce type d'équipements est couvert à 90 % par des crédits européens, il est donc normal que les crédits ne figurent pas dans le projet de loi de finances.

Mme Muriel Jourda . - Nous avons tout de même des éléments sur l'exécution des OQTF. On peut admettre une discussion sur le périmètre et les effets du décalage temporel entre le moment où une OQTF est prononcée et celui où elle est exécutée, mais la direction générale des étrangers en France, vos services, donne des chiffres très précis sur le nombre d'OQTF prononcées et sur le nombre qui ont été exécutées, ils me les ont encore donnés mercredi dernier. Ce nombre comprend les retours spontanés qui ne sont pas très importants...

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Je travaille avec les mêmes chiffres, qui sont ceux que nous connaissons mais je vous parle, moi, du continent que nous ne connaissons pas. C'est pourquoi je veux changer les choses et je regrette de ne pas avoir eu plus tôt les idées que je vous ai exposées.

J'ai voulu vérifier comment les choses se passent à l'aéroport, j'ai été maire, j'aime les choses concrètes. Ce que les policiers m'ont dit, c'est que quand un étranger se présente avec une OQTF et un passeport du pays dont il a la nationalité et un billet pour ce pays, le policier le laisse passer sans traiter l'information concernant l'OQTF - ce qui n'est pas le cas, bien entendu, lorsque l'étranger est inscrit au FPR. J'avoue que j'ai découvert la chose : les chiffres ne sont pas recoupés entre la préfecture, qui prononce l'OQTF, la police aux frontières, qui contrôle les personnes, et la direction générale des étrangers en France, qui établit les statistiques. Lorsque nous comptons l'exécution des OQTF, nous nous limitons à celles qui sont contraintes puisque les autres, nous n'avons pas l'outil pour les enregistrer systématiquement. On ne sera pas à 100 % d'exécution en les comptant tous, je l'admets volontiers, mais le chiffre que nous vous donnons c'est le minimum des exécutions que nous connaissons parce que nous les accompagnons par l'OFII ou la police aux frontières.

Mme Muriel Jourda . - Le titre pour emploi dans un secteur en tension reste de la régularisation, puisqu'on donnera des titres à des clandestins. Le recrutement d'un étranger dans une entreprise qui ne trouve pas de candidat est déjà possible, mais la procédure est alors un préalable à l'entrée sur le territoire national, c'est très différent.

M. Hussein Bourgi . - Pour les côtoyer depuis des années, je témoigne que les services des étrangers dans les préfectures sont parmi ceux où l'on rencontre le plus d'agents en souffrance, qui s'interrogent sur les missions qu'on leur confie sans leur en donner les moyens; ce sont des hommes et des femmes dévoués qui sont souvent en sous effectifs parce que leurs services ne sont pas prioritaires. Au fil des ans, j'ai créé une forme de complicité avec certains d'entre eux qui m'ont expliqué comment les longues files d'attente devant les grilles de la préfecture étaient alimentées par des étudiants arrivés en septembre et auxquels on demande une carte d'étudiant pour avoir un titre de séjour, alors que l'université leur demande un titre de séjour pour les inscrire...

La semaine dernière, j'ai sollicité à deux reprises le secrétaire général de la préfecture sur des situations particulières qu'on retrouve partout en France : un ressortissant étranger qui travaille dans les transports scolaires, qui n'obtient pas de rendez-vous pour renouveler son titre de séjour qui a expiré, son chef d'entreprise recevant de ce fait des lettres comminatoires des services de l'emploi - le cas a été réglé en quelques jours, mais il a fallu l'intervention du parlementaire que je suis. Autre cas : un étudiant étranger fait son stage au Medef, dans l'Hérault; le Medef veut le recruter, mais rencontre les plus grandes difficultés pour le faire passer du statut d'étudiant à celui de salarié. Ici encore, il a fallu des interventions - et pour ces exemples qu'on a réglés parce que l'on a pu se mobiliser, combien de personnes se retrouvent dans les trop longues files d'attentes devant les préfectures ? Il y a quelques années, l'un de vos prédécesseurs a pensé trouver l'astuce contre les files d'attente, en obligeant à un rendez-vous préalable en ligne. Résultat : un véritable marché noir des places s'est développé, des personnes réussissent à réserver des places et à les revendre plusieurs centaines d'euros à des personnes qui désespèrent d'en trouver : c'est cela, la réalité. C'est pourquoi, sans préjuger de vos propositions sur l'immigration, je vous appelle à améliorer les choses pour les agents de préfecture eux-mêmes, pour qu'ils n'aient plus à jeter l'éponge tous les deux ou trois ans - je peux vous assurer qu'ils sont usés par ces missions répétitives et cette question permanente et lancinante qu'ils se posent sur le sens de leur fonction.

Ensuite, vous dites qu'il est difficile de trouver un interlocuteur pour les Canadair. Mais alors, quelle alternative avons-nous et que répondre aux soldats du feu qui attendent des moyens ? Et dans quel délai peuvent-ils espérer ces moyens ?

Mme Brigitte Lherbier . - Quel est le coût du retour au pays ? Celui qui est volontaire paie son billet, mais celui qui est expulsé doit être accompagné : comment prévoir les crédits afférents ?

Mme Catherine Belrhiti . - L'idée d'un titre pour le travail dans les secteurs en tension apportera peut-être une solution à ceux qui travaillent et qui, dans la situation actuelle, ont beaucoup de mal ne serait-ce qu'à prendre des congés.

Vous parlez, ensuite, de doubler le nombre de places en CRA, mais les personnes n'y sont retenues que 90 jours : que se passe-t-il après ce délai ?

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Monsieur Bourgi, vous avez raison, il faut changer notre façon de faire et c'est ce dont je vous ai parlé, pour mieux suivre les primo-arrivants et les OQTF. Quant aux Canadair, je vous renvoie à ce qu'a dit le Président de la République.

Le placement dans un CRA n'est pas une obligation, il y a aussi les assignations à résidence, les locaux de rétention administrative par exemple dans des chambres d'hôtel, dans des commissariats, en brigade de gendarmerie ou en prison. Que fait-on après le CRA ? Dans les faits, nous expulsons dans les trois mois la moitié de ceux qui y entrent, sachant que la plupart sont inscrits en fichiers S ou qu'ils sont délinquants et qu'on ne fait quasiment plus entrer en CRA des personnes qui ne posent pas de problème d'ordre public. Ceux qui n'ont pas été expulsés dans les trois mois sont assignés à résidence, avec pointage au commissariat, et parfois des surveillances. La directive européenne ne nous permet pas d'allonger la durée de rétention administrative, car n'est pas une peine complémentaire mais une mesure privative de liberté. Cependant, le fait de prolonger ne règlerait pas la difficulté parce que le problème qui se pose, en général, c'est d'obtenir le laissez-passer consulaire du pays d'origine, c'est un travail diplomatique très important dont nous ne pouvons pas nous passer.

Madame Jourda, dans la proposition de titre pour emploi dans un secteur en tension, ce n'est pas l'employeur mais l'employé qui demande la régularisation, et c'est un changement capital parce que cela évite l'exploitation et nous cesserons alors d'encourager les filières d'immigration. Actuellement, les employeurs ne peuvent pas légalement recruter des sans-papier mais ils le font et ils fournissent ensuite une attestation d'emploi pour que leur salarié soit régularisé. Notre droit refuse l'emploi d'un sans-papier, mais l'administration demande une attestation d'emploi pour régulariser, avouez que c'est bizarre et cela encourage les filières d'immigration. Nous proposons de changer les choses : que l'employeur discute par branche pour les métiers en tension, sachant que ces métiers ne peuvent pas fonctionner sans population immigrée - nous le savons tous, et ceux qui le taisent sur les plateaux de télévision, sont souvent les premiers à demander des dérogations pour leur circonscription... -, puis l'employé aura son titre parce qu'il travaillera dans un métier en tension, on inverse la charge de la preuve. Alors qu'aujourd'hui, on peut créer une autoentreprise sans justifier de son droit de résidence, - je l'ai fait, pour le vérifier -, on peut comme cela travailler plusieurs années, payer ses charges et ses taxes, et se trouver après plusieurs années dans cette situation où les gens ne sont pas protégés ni expulsés, ce qui a entrainé l'adoption de la circulaire Valls, et la régularisation massive.

Nous inversons les choses, en disant que c'est à la personne de demander sa régularisation, pas à l'employeur. Dès lors, soit la personne est hors de France et veut exercer un métier en tension, et on l'acceptera son entrée sur notre territoire avec vérification préalable, comme vous le dites, Madame Jourda ; soit elle est déjà présente sur notre territoire, c'est l'exemple donné par M. Bourgi, ou encore de l'étudiante en infirmerie ou du jeune pâtissier en formation qui ont des promesses d'embauche parce que l'on ne trouve personne d'autre et qui ne parviennent pas aujourd'hui à passer du statut d'étudiant, à celui de salarié, et qui deviennent irréguliers le temps que l'administration traite leur dossier : pour ceux-là, le titre de séjour pour métier en tension sera une solution - et on arrêtera avec cette hypocrisie actuelle où on leur demande, pour pouvoir être embauchés, de retourner dans leur pays d'origine puis d'adresser un courrier à notre consulat... Avec le titre de séjour pour métier en tension, on régularise pour un an renouvelable. Enfin, il y a le cas des demandeurs d'asile qui ont le droit de travailler après 6 mois, et parmi eux ceux dont on sait qu'il vont obtenir leur titre de protection - par exemple les femmes yézidies sont certaines d'obtenir l'asile quand elles le demandent, ou encore les Afghans qui nous ont aidés et que nous avons fait venir après la chute de Kaboul ; ne peut-on, dans ce cas, donner un titre temporaire d'une année, en attendant l'asile, pour travailler - et qui peut être repris si l'asile n'est pas obtenu ? C'est une proposition innovante, nos voisins le font, en particulier l'Allemagne. Faut-il lister les métiers en tension et voter chaque année, mettre des quotas ? Il faut en débattre. Aujourd'hui notre pays compte entre 600 000 et 900 000 irréguliers, ce n'est pas nouveau et c'est bien parce que des filières existent, qui créent des non régularisables non expulsables, c'est parce que notre droit prévoit des recours trop long et trop nombreux, c'est aussi le fait d'une hypocrisie capitalistique - le patronat a une part de responsabilité en faisant travailler des étrangers, alors nous leur disons : si vous les faites venir, comment les logez-vous, comment leur donnez-vous des cours de langue, comment leur permettez-vous de vivre et de s'intégrer dans notre société ?

La philosophie de notre projet de loi à venir sur l'immigration, c'est qu'on doit aider les gens qui veulent s'intégrer et travailler dans notre pays et qu'on doit expulser les personnes qui se comportent mal et qui ne respectent pas les règles de notre pays.

Combien coûte une expulsion ? Je vérifierai ces données mais j'ai plus de dix mille euros par personne en tête...

M. François-Noël Buffet . - Entre 12 000 et 13 000 euros.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - En tout cas, moins ça dure et moins ça coûte. Nous payons le billet d'avion, il y a aussi le retour aidé, mis en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy et qui a fait débat parce qu'il y avait des retours. Nous avons maintenant des cartes prépayées dans le pays, que la personne ne peut donc toucher que dans son pays, et le versement est accompagné d'une interdiction de territoire. Je ne pense pas qu'augmenter cette aide soit une bonne chose, car cela donne l'idée d'une récompense à la présence irrégulière. Cela dit, il y a des personnes qui doivent partir et qu'il faut aider, parce qu'elles sont éloignées de la vie administrative. À Tourcoing, La Poste m'avait dit un jour que 22 % des personnes n'ouvraient pas leur courrier quand leur nom et adresse étaient dactylographiées, par peur de l'administration : cela laisse imaginer les difficultés que des étrangers peuvent ressentir devant une OQTF, qui n'est pas toujours facile à comprendre, surtout quand on ne maîtrise pas le français... L'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) peut aider ceux qui sont dans l'incapacité de repartir, à acheter un billet d'avion, à faire les démarches et à se préparer - ces personnes peuvent être éloignées de ces démarches, sans penser à mal, et en les aidant, nous les éloignons des filières clandestines ou encore de tous ceux qui leur expliquent comment contourner les lois et, finalement, lutter contre la République. Dans le même temps, nous devons être très fermes contre ceux qui trichent et qui commettent des actes de délinquance : c'est pourquoi j'ai demandé qu'on lève les réserves législatives contre ce qui avait été qualifié de « double peine », consistant à pouvoir expulser un étranger qui commet un acte de délinquance. En quelque sorte, nous voulons être gentils avec les gentils, et méchants avec les méchants - alors qu'on est parfois gentil avec les méchants et méchant avec les gentils.

M. François-Noël Buffet . - Nous en débattrons largement en séance plénière. J'ai lu des choses intéressantes dans vos articles récents, notamment que vous entendiez reprendre nos propositions en la matière. Nous avons besoin de mesures concrètes, mais également d'une stratégie en matière migratoire. Merci pour toutes vos réponses.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat .

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