B. LA POURSUITE DE LA HAUSSE DES CAPACITÉS DE RÉTENTION

Les coûts de fonctionnement et de maintenance du parc de rétention, ainsi que les projets d'extension ou de création en cours, représentent toujours une majeure partie du budget de l'action « Lutte contre l'immigration irrégulière ». 169,5 M€ sont inscrits dans le PLF pour 2023 à ce titre, en augmentation de 18 % par rapport à l'exercice précédent.

Le plan d'investissement se poursuit et la capacité d'accueil des 26 CRA augmente progressivement : 1 719 places en 2021, 1 859 en 2022 et 1 961 programmées pour fin 2023 en France métropolitaine. En métropole, 102 nouvelles places sont attendues pour 2023, avec l'ouverture du CRA d'Olivet (90 places) et l'extension du CRA de Perpignan (12 places) 9 ( * ) .

On note néanmoins que le rythme effectif de cette augmentation se situe en-deçà des ambitions affichées l'an passé, puisque le précédent objectif était de 2 099 places pour la fin 2023. Cela s'explique notamment par le report de la livraison du CRA de Bordeaux (140 places) de 2023 à 2024. Le constat établi l'an passé par les rapporteurs, qui voyaient dans cette progression « un ajustement minimum », est ainsi toujours d'actualité .

C. MALGRÉ UN CONTEXTE PLUS FAVORABLE, UNE POLITIQUE D'ÉLOIGNEMENT TOUJOURS AUSSI PEU EFFICIENTE

Les rapporteurs déplorent qu'aucune avancée notable ne puisse être relevée dans l'exécution des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre des personnes en situation irrégulière . Les principaux indicateurs connaissent en effet sur la période récente des progressions anecdotiques compte tenu du volume de mesures d'éloignement prononcées . Le total des éloignements forcés exécutés se porte ainsi à 10 091 en 2021 contre 9 111 l'année précédente 10 ( * ) , tandis que le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) demeure dérisoire (6,9 % au premier semestre 2022).

Source : Commission des lois à partir des données transmises par le ministère de l'intérieur.

Si l'on peut admettre, comme l'a indiqué le ministre de l'intérieur au cours de son audition, que ce dernier indicateur doive être relativisé du fait d'un décalage temporel entre l'émission des OQTF et leur exécution, du nombre de recours ou de la possibilité que certaines OQTF soient exécutées spontanément sans que les services de l'État en soient avisés, cela ne remet pas en cause le constat général d'une politique foncièrement en échec . Le seul fait que le taux d'exécution ait été par le passé plus de trois fois supérieur à celui d'aujourd'hui démontre la limite de cette analyse. Les retours spontanés enregistrés étant particulièrement faibles (1 259 en 2020 11 ( * ) ), il convient par ailleurs, sauf à faire preuve de naïveté, de ne pas surestimer le volume de ceux d'entre eux dont les services de l'État ne sont pas informés.

La situation est d'autant plus préoccupante que les difficultés conjoncturelles liées aux protocoles sanitaires des États d'origine tendent à s'estomper avec le reflux de l'épidémie de Covid-19, et ce sans retrouver des résultats comparables à ceux de 2019, pourtant déjà très insuffisants . Cette année-là, le nombre d'éloignement forcés exécutés (18 906) était ainsi proche du double de celui d'aujourd'hui.

Il est vrai que des obstacles structurels à l'éloignement, notamment documentés par le dernier rapport d'information de la commission des lois intitulé « Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité », persistent. Les principaux sont les difficultés à identifier les personnes en situation irrégulière interpellées, à obtenir la délivrance de laissez-passer consulaires par les pays d'origine dans des délais utiles (53,7 % en 2021, en diminution de 13,4 % par rapport à 2019), la judiciarisation accrue du processus d'éloignement et la saturation du parc de rétention. Sur ce dernier point, le taux d'occupation moyen demeure insuffisant (80,7 % au premier semestre 2022) 12 ( * ) et le taux d'éloignement des étrangers retenus stagne toujours sous le seuil des 50 % (44,7 % au premier semestre 2022).

Pour autant, l'amélioration récente de la situation vis-à-vis des pays du Maghreb démontre que des solutions existent . Les restrictions de visas décidées en 2021 combinées à un intense dialogue diplomatique ont produit des résultats en termes de délivrance de laissez-passer consulaires et de retours. Les volumes restent très modestes mais la dynamique est significative : le nombre de retours forcés vers l'Algérie a été multiplié par 16 en un moins d'un an (34 en 2021 contre 557 au 13 octobre 2022) 13 ( * ) .

Les rapporteurs considèrent que cet exemple démontre l'efficacité des restrictions de visas, défendues de longue date par le Sénat, et plaident pour un recours accru à ce levier . Ils partagent par ailleurs pleinement les recommandations établies par le rapport d'information précité pour lever les obstacles structurels à l'éloignement.

Les retours aidés sont quant à eux stables mais encore loin de leur niveau pré-pandémie : 4 678 personnes sont retournées dans leur pays d'origine en 2021 avec une aide de l'OFII contre 10 678 en 2018. On notera que le dynamisme de ces retours est étroitement lié aux performances de la politique de retours forcés. Comme l'a indiqué le directeur général de l'OFII pendant son audition, « le retour volontaire est bien plus crédible lorsque le retour contraint l'est ».


* 9 Pour les territoires d'outre-mer, les capacités de rétention n'ont pas évolué, avec un total de 227 places.

* 10 Pour les 7 premiers mois de 2022, moins de 6 000 éloignements ont été exécutés, dont 2 057 en transferts Dublin. Ce chiffre comprend l'ensemble des mesures d'éloignements exécutées et non les seules OQTF.

* 11 On entend ici les départs spontanés non aidés tels que retranscrits dans le rapport annuel 2020 de la DGEF.

* 12 Du fait de la neutralisation de certains espaces pour la conduite de travaux ou pour des motifs sanitaires.

* 13 Si elle est moins nette, la dynamique est également observée pour le Maroc (172 éloignements en 2021 contre 258 au 13 octobre 2022) et la Tunisie (299 contre 345).

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