Avis n° 121 (2022-2023) de M. Loïc HERVÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2022

Disponible au format PDF (742 Koctets)

Synthèse du rapport (436 Koctets)


N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée
nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution,
pour
2023 ,

TOME XI

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Par M. Loïc HERVÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Face à un environnement économique lourd d'incertitudes , les crédits ouverts dans le projet de loi de finances pour 2023 au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » connaissent une diminution particulièrement regrettable .

Cette baisse s'explique en particulier par l'extinction de dispositifs exceptionnels de soutien à l'investissement des collectivités territoriales ouverts pour l'exercice 2022. Dans un contexte inflationniste, ce retour au statu quo ante fait courir le risque d'un affaissement de l'investissement local , que la commission regrette vivement. Alors que les collectivités territoriales perdent tendanciellement des marges de décision financières, le défaut de soutien de l'État risque en effet de porter un coup fatal à nombre de leurs projets d'investissement .

Au vu de cette baisse des crédits et jugeant l'engagement financier de l'État aux côtés des collectivités nettement insuffisant, la commission a donc émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission .

S'agissant des articles rattachés à la mission , la commission a souhaité élargir le bénéfice d'une garantie financière à l'ensemble des communes nouvelles. Au surplus, comme chaque année, elle a jugé nécessaire de renforcer davantage l'association des élus locaux aux décisions d'attribution par les services déconcentrés de l'État des dotations d'investissement et d'assurer la lisibilité de celles-ci. Elle a en conséquence adopté cinq amendements tendant à procéder à ces nécessaires ajustements .

I. ENTRE DÉFIANCE ET PERTE DE MARGES DE DÉCISION, UN CONTEXTE DE VIVE INQUIÉTUDE POUR LES COLLECTIVITÉS

A. UN CADRE PLURIANNUEL DES RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET L'ÉTAT MARQUÉ PAR LA DÉFIANCE

Comme le relevait la Cour des comptes dans sa communication à la commission des finances du Sénat relative aux scénarios de financement des collectivités territoriales, toute réforme du système de financement des collectivités territoriales exige un « pacte de confiance » 1 ( * ) entre État et collectivités territoriales. À cet égard, la définition du cadre pluriannuel des finances locales constitue pour l'heure une occasion manquée.

En effet, faisant suite aux contrats dits « de Cahors » 2 ( * ) , l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoyait un nouveau dispositif de contractualisation se distinguant du précédent par la fixation d'un objectif à l'échelle de strates de collectivités. Si le volet préventif du dispositif s'apparentait à un régime de « liberté surveillée » 3 ( * ) , le volet correctif s'avérait plus coercitif que les contrats dits « de Cahors ». La menace de l'exclusion de la perception de dotations d'investissement était ainsi particulièrement problématique : véritable frein à l'investissement local, une telle mesure aurait pour effet de modifier en profondeur les relations entre État et collectivités, transformant des dotations - longtemps attribuées de droit et libres d'emploi - ayant vocation à soutenir des projets d'investissement en aiguillons d'une gestion locale toujours suspecte d'être insuffisamment vertueuse.

Rejeté à l'Assemblée nationale 4 ( * ) et au Sénat 5 ( * ) , ce dispositif - qui a manifestement échoué à emporter l'adhésion de la représentation nationale - a été réintroduit par le Gouvernement au sein de l'article 40 quater du projet de loi de finances . Auditionné par la commission des lois le 9 novembre 2022, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a estimé qu'il existait « des chemins de compromis » et précisé qu'il « ne [souhaitait] pas un dispositif qui recrée un climat de défiance ». Sans qu'il lui appartienne de se prononcer sur le fond d'un article qui n'est pas rattaché à la mission, la commission relève que le rétablissement d'une disposition s'inscrivant à rebours de la position constante du Sénat 6 ( * ) - et faisant litière de la volonté clairement exprimée par la représentation nationale - n'augure en rien de la restauration d'un climat de confiance entre l'État et les collectivités territoriales , ni entre le Gouvernement et le Parlement.

B. FACE À UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE INQUIÉTANT, LA PREMIÈRE PARTIE DU PROJET DE LOI DE FINANCES ENTÉRINE UNE DIMINUTION DES MARGES DE DÉCISION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Un contexte économique inflationniste, source d'une perte potentielle de marges de manoeuvre financières

Le contexte économique et financier pour 2023 est lourd d'incertitudes pour les collectivités territoriales . Bien qu'elles aient bénéficié, à la fin de l'exercice 2021, d'une situation financière favorable se traduisant par une hausse de leur épargne brute - pour atteindre le niveau inédit 7 ( * ) de 41,4 milliards d'euros, en hausse de 6,4 milliards d'euros par rapport à 2020 8 ( * ) -, la Cour des comptes relève que « l'évolution du contexte international et ses conséquences en termes de hausse des prix et de difficultés d'approvisionnement risquent de contraindre beaucoup de collectivités à reporter voire annuler certains de leurs projets , d'autant que le manque de visibilité sur leurs ressources favorise l'attentisme » 9 ( * ) . Porté par les dépenses énergétiques, le niveau de l'inflation pour 2023, qui devrait se situer selon les estimations entre 4,2 % selon les prévisions du Gouvernement 10 ( * ) et 4,7 % selon la Banque de France 11 ( * ) , ne serait qu' imparfaitement pallié par les dispositions prévues en première partie du projet de loi de finances.

En premier lieu, la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) - initialement prévue à 210 millions d'euros et portée à 320 millions d'euros - ne compensera que partiellement le niveau prévisionnel d'inflation . D'une part, à l'échelle de la diminution historique de la DGF opérée sur la décennie passée, le montant de cette augmentation, dont le principe ne saurait qu'être salué, doit être relativisé. D'autre part, le rapporteur note que la hausse proposée représente une diminution en volume de l'ordre de 2,9 % 12 ( * ) . Une telle évolution ne s'inscrit que trop naturellement dans la tendance de l'État à prévoir en loi de finances des montants de DGF ne permettant pas la compensation de l'inflation.

Évolution comparée des montants effectifs de DGF
et de ceux permettant la couverture de l'inflation sur les années 2013 à 2023 13 ( * )

Source : commission des lois, d'après des données de l'Insee 14 ( * )

En second lieu, s'il n'appartient pas à la commission de se prononcer sur les articles non rattachés à la mission, elle ne peut que relayer les doutes des collectivités territoriales sur les mécanismes proposés par le Gouvernement pour compenser la hausse des prix de leurs fournitures en énergie . Le ciblage du dispositif de « filet de sécurité » prévu à l'article 14 ter du projet de loi de finances transmis au Sénat, proche de celui prévu à l'article 14 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, ne laisse pas de poser question. Ce dernier a ainsi été source de vives critiques, tenant en particulier au nombre de collectivités ou groupements éligibles, paraissant nettement plus faible qu'initialement envisagé 15 ( * ) , et à la complexité administrative du système d'acomptes 16 ( * ) .

Le Gouvernement a reconnu les difficultés posées par ce dispositif. Auditionné par la commission des lois, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, a ainsi déclaré : « Le filet de sécurité doit s'améliorer en 2023. (...) Nous devons regarder si nous sommes bien au rendez-vous de notre promesse de soutien aux collectivités territoriales, et ce rapidement en vue du dispositif pour 2023 17 ( * ) . »

Par ailleurs, si l'ajout à l'article 42 ter d'un dispositif « d'amortisseur » pour les dépenses d'électricité des collectivités territoriales, pour un montant estimé à un milliard d'euros, est bienvenu, le rapporteur relève que les contours du dispositif doivent encore être largement précisés par voie réglementaire et demeurent flous. Au surplus, la commission ne peut que regretter son ajout tardif et son défaut d'articulation avec les autres dispositifs de compensation 18 ( * ) , qui n'offrent pas, en l'état, de garanties claires aux collectivités territoriales quant au niveau de leurs ressources pour 2023.

2. Une nouvelle perte regrettable de marges de décision fiscale

L'article 5 du projet de loi de finances tend à supprimer à l'horizon de 2024 19 ( * ) la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) . À la suite de sa réforme en loi de finances pour 2021 20 ( * ) , son produit - de l'ordre de 9,32 milliards d'euros en 2022 - est perçu par le bloc communal (à hauteur de 53 %) et les départements (à hauteur de 47 %). Cette suppression appelle deux remarques de la part du rapporteur.

En premier lieu, il est profondément regrettable que le mouvement tendanciel de réduction des marges de manoeuvre fiscales des collectivités territoriales et de leurs groupements se poursuive . Dans sa communication à la commission des finances du Sénat relative aux scénarios de financement des collectivités territoriales, la Cour des comptes a ainsi estimé que « la décomposition des ratios d'autonomie financière montre qu'ils reposent désormais davantage sur la fiscalité nationale que sur la fiscalité locale propre 21 ( * ) . » Or, la suppression de la CVAE - qui représentait en 2021 respectivement 7 % et 9 % des ressources fiscales du bloc communal et des départements, comme le montrent les graphiques ci-après - se traduira par une nouvelle diminution des recettes fiscales sur lesquelles les collectivités et leurs groupements - en particulier pour les communes et EPCI à fiscalité propre, qui disposent de compétences en matière économique - ont une marge de manoeuvre. Inquiet de la perte de marges de décision résultant de la suppression de cette ressource, le Sénat n'a pas adopté l'article 5 du projet de loi de finances le 21 novembre 2022.

Part de la CVAE dans les ressources fiscales du bloc communal (gauche)
et des départements (droite) en 2021

Source : direction du budget

En second lieu, afin de compenser la perte d'un mécanisme incitatif pour les collectivités désireuses d'attirer sur leur territoire une activité économique, l'article prévoit que la dynamique de la fraction de TVA versée aux communes et EPCI à fiscalité propre aujourd'hui attributaires de la CVAE est affectée à un « fonds national de l'attractivité économique des territoires ». Or, les critères de répartition de ce fonds, qui a vocation à territorialiser la dynamique de TVA, ne sont pas précisément définis par l'article 5 , qui se borne à en fixer l'objectif - « tenir compte du dynamisme » des territoires respectifs - tout en renvoyant ses modalités concrètes à un décret. En conséquence, la commission est favorable à l'amendement n° I-119 , adopté par la commission des finances sur proposition de son rapporteur général Jean-François Husson, tendant à renvoyer la définition des critères de répartition de ce fonds à une loi de finances .

II. UNE DIMINUTION INACCEPTABLE DE CRÉDITS QUI ENTÉRINE L'AFFAISSEMENT DU SOUTIEN DE L'ETAT AUX COLLECTIVITÉS

Divisés en deux programmes, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui représentent environ 4 % du total des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales en crédits de paiement (CP) 22 ( * ) , connaissent une diminution de 12,84 % en autorisations d'engagement à l'échelle de la mission .

A. LA DIMINUTION DES CRÉDITS POUR LE PROGRAMME 122 EST LARGEMENT PÉRIMÉTRIQUE

Le programme 122 « Concours spécifiques et administration », qui regroupe des crédits destinés à financer le soutien de l'État à des collectivités territoriales confrontées à des situations exceptionnelles, connait une légère baisse des autorisations d'engagements de l'ordre de 2,93 % , soit 7,6 millions d'euros.

Néanmoins, cette diminution est largement périmétrique et n'implique pas un amoindrissement du soutien de l'État aux collectivités concernées. En effet, elle s'explique en particulier par la baisse à hauteur de 17 millions d'euros des AE allouées au fonds de reconstruction pour les collectivités touchées par la tempête Alex et l'intégration de la dotation pour frais de garde d'enfants au prélèvement sur recettes de la DPEL, concentrées sur l'action n° 1, les actions n° s 2 et 4 ne connaissant qu'une légère hausse des crédits.

En revanche, le rapporteur appelle l'attention sur l'augmentation des crédits, au sein de l'action n° 2, finançant les dépenses d'informatique de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Si une telle hausse n'est, dans son montant comme dans son objet, aucunement problématique, le rapporteur s'étonne à nouveau de l'inscription de ces crédits au sein de la mission , alors que les dépenses informatiques ont été transférées à la direction du numérique du ministère de l'intérieur (DINUM) depuis le 1 er janvier 2020, et regrette le caractère par trop allusif de la justification de la hausse des dépenses d'informatique de cette direction.

B. LA BAISSE DES CRÉDITS PRÉVUS POUR LE PROGRAMME 119 FAIT COURIR LE RISQUE D'UNE DIMINUTION DE L'INVESTISSEMENT LOCAL

Les crédits ouverts au titre du programme 119 ont pour objet, d'une part, le soutien à l'investissement des collectivités territoriales pour un montant cumulé de 2,07 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) à l'échelle du programme et, d'autre part, des compensations financières des charges transférées aux collectivités territoriales ou leurs groupements via le versement de concours de dotation générale de décentralisation (DGD), pour un montant de 1,96 milliard d'euros en AE et en CP .

1. Une compensation des transferts à nouveau entamée par l'inflation

Les crédits des dotations de compensation connaissent une légère diminution de 2,9 % en valeur (soit 58 millions d'euros) par rapport à ceux inscrits en loi de finances pour 2022. Les DGD des communes et des régions étant relativement stables et la dotation « concours particuliers » ne connaissant qu'une faible hausse, cette diminution s'explique essentiellement par la diminution de 51,7 millions d'euros de la DGD des départements 16,3 % en AE et CP, en raison de la non-reconduction par l'État de la dotation exceptionnelle versée en 2022 pour la compensation des pertes subies sur le dispositif de compensation péréquée (DCP).

Néanmoins, la relative stabilité de ces concours masque une nette baisse en volume : en adoptant l'estimation du Gouvernement d'un taux d'inflation de 4,2 %, ces dotations connaîtraient une baisse en volume de 7,3 %. La commission déplore à nouveau que de tels crédits, compensant des transferts de compétences passés au « coût historique », connaissent une érosion progressive en termes réels due à l'inflation, s ans faire l'objet d'une compensation adéquate par l'État.

2. Une nette diminution du soutien à l'investissement local due à l'extinction de dispositifs exceptionnels

Après une nette hausse pour l'exercice 2022 de 17,4 %, les crédits ouverts en AE dans le projet de loi de finances pour 2023 pour le soutien à l'investissement des collectivités connaissent une diminution en valeur de 13,2 % . Cette baisse s'explique, à titre principal, par la non-reconduction de plusieurs dispositifs exceptionnels de soutien à l'investissement.

Ainsi, les crédits inscrits pour l'action n° 1, qui rassemble près de la moitié des crédits du programme 119 et qui inclut les diverses dotations de soutien aux projets des communes et de leurs groupements, diminuent en valeur de 13,6 % en AE . Cette baisse importante s'explique par la non-reconduction de l'abondement exceptionnel de 303 millions d'euros en autorisations d'engagement de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), par l'absence d'abondement de la dotation du plan « Marseille en grand » ainsi que par l'intégration de la dotation finançant les frais d'assurance pour la protection fonctionnelle des élus au prélèvement sur recettes qui finance la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) 23 ( * ) . Imparfaitement compensée par la hausse de deux dotations 24 ( * ) , l'extinction de ces dispositifs exceptionnels se traduit donc, à périmètre constant, par une relative stabilité de ces crédits . Il en va de même pour ceux ouverts pour le soutien aux projets des départements (action n° 3), qui diminuent de 20 millions d'euros en raison de l'extinction de la dotation exceptionnelle destinée à améliorer l'attractivité du département de la Seine-Saint-Denis, la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) demeurant stable.

La relative stabilité de ces dotations de soutien à l'investissement des collectivités se traduit néanmoins, dans un contexte inflationniste, par une nette diminution en volume . À l'échelle du programme, les autorisations d'engagement ouvertes pour ces actions diminuent ainsi en volume de 19,9 % pour 2023, comme le montre le tableau ci-dessous.

Évolution en valeur et en volume des dotations de soutien à l'investissement 25 ( * )

Source : commission des lois, à partir des documents budgétaires

Dans ces conditions, la commission s'inquiète du défaut de soutien de l'État à l'investissement local , qui représente une part déterminante du total de l'investissement public. Elle alerte ainsi sur le risque que constitue un tel désengagement dans le contexte de particulière inquiétude qui caractérise actuellement les finances locales : le fléchissement de l'appui de l'État aux collectivités territoriales pourrait en effet porter un coup fatal à nombre de leurs projets d'investissement. Au bénéfice de ces observations, la commission a donc émis un avis défavorable à l'adoption des crédits inscrits au titre de la mission .

III. LES ARTICLES RATTACHÉS : RENFORCER LES GARANTIES, AMÉLIORER LA LISIBILITÉ DES DOTATIONS POUR LES ÉLUS

A. DES GARANTIES BIENVENUES POUR LES RESSOURCES DE CERTAINES COLLECTIVITÉS

Parmi les articles rattachés à la mission, quelques-uns offrent d'opportunes garanties de ressources pour certaines collectivités territoriales , qu'il convient néanmoins de renforcer. L'article 45 ter 26 ( * ) prévoit ainsi que le montant de dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) perçu par une commune nouvelle serait, à compter du 1 er janvier 2023, calculé comme étant la « somme des dotations particulières calculées sur le périmètre de leurs communes déléguées ». La crainte de la perte d'un montant de DPEL peut freiner la création de communes nouvelles .

Comme l'a montré le rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) de juillet 2022 relatif aux communes nouvelles 27 ( * ) , l'absence d'incitation financière au regroupement a pu expliquer l'échec relatif des régimes juridiques prévus par les lois dites « Marcellin » 28 ( * ) et « RCT » 29 ( * ) . A l'inverse, la création de garanties financières à partir de 2014 30 ( * ) a permis un net accroissement du nombre de communes nouvelles créées à partir de 2015 avant de connaître, à partir de 2020, un plateau.

Évolution du nombre de communes nouvelles créées depuis 2013 31 ( * )

Source : commission des lois d'après des données de la DGCL

L'évolution prévue à l'article 45 ter s'inscrit donc dans un mouvement bienvenu d'encouragement à la création de communes nouvelles, qui tend à s'essouffler depuis trois ans. Le rapporteur relève néanmoins qu'en l'état de sa rédaction, cette garantie n'est ouverte qu'aux communes nouvelles dont les communes « historiques » constituent des communes déléguées. En conséquence, la commission a adopté un amendement tendant à assurer l'éligibilité de cette garantie à l'ensemble des communes nouvelles .

Par ailleurs, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 46, qui étend l'éligibilité de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales à un plus grand nombre de communes, sur sa fraction « parcs nationaux » 32 ( * ) comme « parcs naturels régionaux » 33 ( * ) .

B. FAVORISER LA LISIBILITÉ ET L'ASSOCIATION DES ÉLUS À L'ATTRIBUTION DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT

1. Renforcer l'information et l'association des élus

La commission regrette que les crédits de l'État dédiés au soutien à l'investissement des collectivités territoriales soient répartis selon des modalités ne permettant pas la parfaite lisibilité et la pleine association des élus . D'une part, les crédits ouverts au titre du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dit « fonds vert », seront répartis selon des modalités qui demeurent indéterminées et n'offrent pas les mêmes garanties que les procédures d'attribution prévues pour des dotations telles que la DETR ou la DSIL 34 ( * ) .

D'autre part, jugeant l'information et l'association des élus sur les décisions d'attribution structurellement insuffisantes, l a commission a adopté à l'initiative de son rapporteur trois amendements identiques à ceux de la commission des finances tendant :

- conformément à une position constante de la commission des lois , à prévoir que les décisions d'attribution de dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) soient prises par le préfet de région après avis des présidents de conseil départemental , rendu dans un délai de 15 jours;

- à améliorer l'information des élus locaux sur les subventions de DSID , en prévoyant que les orientations du préfet de région dans l'attribution de ces subventions et la liste des projets subventionnés seraient communiquées auprès de la commission départementale des investissements locaux (dite « commission DETR ») ;

- renforcer l'information des membres de la « commission DETR », en prévoyant que soit communiquée à cette commission avant la fin du premier trimestre de chaque année la liste de l'ensemble des demandes éligibles et recevables - et non les seules opérations à subventionner, comme c'est actuellement le cas.

2. Favoriser la lisibilité des décisions d'attribution

Souhaitant éviter toute complexification inutile de l'attribution des dotations d'investissement, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer l'article 45 bis 35 ( * ) . Cet article prévoit que les préfets de département et de région seraient désormais tenus de prendre en compte le « caractère écologique des projets dans la fixation des taux de subvention » pour les attributions de DETR et de DSIL respectivement.

En premier lieu, l'ajout de ce nouveau critère pourrait entrer en contradiction avec les critères déjà définis dans la loi pour l'attribution de ces projets . Il convient de ne pas altérer une procédure d'attribution dont les élus trouvent souvent - en particulier pour la DSIL - qu'elle n'est pas d'une parfaite lisibilité.

En second lieu, le critère proposé est particulièrement imprécis et pourrait s'avérer inopérant en rendant l'appréciation par le préfet du caractère écologique du projet malaisée. D'une part, l'article ne précise pas si le caractère écologique d'un investissement devrait être apprécié au niveau de la finalité du projet ou dans ses modalités concrètes de réalisation. D'autre part, à supposer que seule la finalité poursuivie par le projet soit prise en compte, le caractère écologique de celle-ci peut être discuté : par exemple, un investissement favorable à la décarbonation d'une activité mais nuisant à la biodiversité doit-il être considéré comme écologique ?

Alors que le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires devrait flécher de nouveaux investissements vers des projets dont le caractère écologique sera garanti, et faute de nécessaires clarifications juridiques, la commission a donc proposé la suppression de cet article susceptible de créer un risque contentieux .

*

* *

Réunie le 23 novembre 2022, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission, tout en adoptant cinq amendements aux articles rattachés.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 23 NOVEMBRE 2022

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Cette année, l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) s'inscrit dans un climat particulièrement anxiogène pour les élus des collectivités territoriales.

Dans un contexte inflationniste et, en particulier, de hausse inédite des dépenses d'approvisionnement en énergie, les incertitudes financières pour l'année 2023 pèsent lourdement sur les perspectives d'investissement des collectivités. En conséquence, les élus locaux espéraient un projet de loi de finances (PLF) pour 2023 à la hauteur de leurs craintes. Las ! ces espoirs seront, cette année encore, largement brisés.

Avant d'en venir à la présentation des crédits de la mission RCT, je souhaite donc attirer votre attention sur le contexte dans lequel ce projet de loi de finances est examiné : celui d'une vive inquiétude entre défiance d'une part et perte de marges de décision d'autre part.

La défiance, en premier lieu, marque la définition du cadre pluriannuel enserrant les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. En effet, faisant suite aux contrats dits « de Cahors », l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoyait un nouveau dispositif de contractualisation dont le volet correctif s'avérait plus coercitif encore que son prédécesseur, fort peu regretté. Rejeté à l'Assemblée nationale et au Sénat, ce dispositif a
- étonnamment ! - été réintroduit par le Gouvernement au sein de l'article 40 quater du PLF. Il me semble que ce choix, faisant litière de la volonté clairement exprimée par la représentation nationale, n'augure en rien de la restauration d'un climat de confiance entre l'État et les collectivités territoriales, ni d'ailleurs entre le Parlement et le Gouvernement. Une telle initiative de ce dernier nous paraît incriminable, et je forme le voeu qu'à l'issue de la discussion parlementaire de ces deux projets de loi cette disposition ne figure dans aucun.

J'évoque maintenant la perte de marges de décision. D'une part, le contexte inflationniste devrait logiquement se traduire, faute de compensations nécessaires, par une diminution en volume des ressources des collectivités. Ainsi, la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de 320 millions d'euros est évidemment bienvenue, mais elle ne compensera ni la baisse tendancielle de cette dotation sur la décennie écoulée ni l'inflation prévue pour l'année 2023 : cette hausse ponctuelle se traduira donc par une diminution en volume de l'ordre de 2,9 %. Par ailleurs, chacun a pu le relever lors de l'audition du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, vu la complexité et l'insuffisance des divers dispositifs de compensation des coûts de l'énergie prévus par le Gouvernement, leur articulation gagnerait indéniablement à être précisée.

Par ailleurs, les collectivités perdront en 2023 de nouvelles marges de décision en matière fiscale avec la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), que notre assemblée a opportunément rejetée lundi dernier en séance publique. Cette suppression, qui devrait vraisemblablement être rétablie à l'Assemblée nationale par le Gouvernement notamment dans le cas où il ferait de nouveau application de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, est d'autant plus critiquable que les modalités concrètes de territorialisation de la dynamique de la taxe sur la valeur ajoutée, qui viendra compenser cette perte de ressource fiscale, demeurent encore très floues.

Dans ce contexte, source de vives inquiétudes, les crédits inscrits au titre de la mission RCT enregistrent une baisse particulièrement regrettable de 12,84 % en autorisations d'engagement (AE) à l'échelle de la mission.

Le programme 119, qui concentre des dotations de soutien à l'investissement et des compensations financières des charges, connaît une diminution de 13,4 % en AE. Cette diminution résulte de deux facteurs.

D'une part, les crédits des dotations de compensation connaissent une légère diminution de 2,9 % en valeur - soit 58 millions d'euros - par rapport à ceux qui sont inscrits en loi de finances pour 2022. Ce fléchissement s'explique essentiellement par la non-reconduction par l'État de la dotation exceptionnelle versée en 2022 pour la compensation des pertes subies sur le dispositif de compensation péréquée (DCP). À nouveau, dans un contexte inflationniste, la relative stabilité de ces concours masque une nette baisse en volume : en adoptant l'estimation du Gouvernement d'un taux d'inflation de 4,2 %, ces dotations connaîtraient une baisse en volume de 7,3 %, poursuivant l'érosion progressive de ces dotations calculées au « coût historique ».

D'autre part, les crédits ouverts en AE pour le soutien à l'investissement des collectivités connaissent une diminution en valeur de 13,2 %. Cette diminution s'explique par la non-reconduction de dispositifs exceptionnels, en particulier d'un abondement de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) à hauteur de 303 millions d'euros en 2022. Ce retour au statu quo ante ne saurait pour autant nous satisfaire, car il se traduira par une diminution en volume de 19,9 % de ces dotations entre la loi de finances pour 2022 et ce qui est prévu par le PLF pour 2023.

Le programme 122, qui regroupe des crédits destinés à financer le soutien de l'État à des collectivités territoriales confrontées à des situations exceptionnelles, connaît une légère baisse des AE de l'ordre de 2,93 %, soit 7,6 millions d'euros. Néanmoins, cette diminution est largement périmétrique et n'implique pas un fléchissement du soutien de l'État aux collectivités concernées. Elle s'explique en particulier par la baisse, à hauteur de 17 millions d'euros, des AE allouées au fonds de reconstruction pour les collectivités touchées par la tempête Alex - les travaux nécessitent moins de crédits qu'en 2022 - et l'intégration de la dotation pour frais de garde d'enfants et d'assistance au prélèvement sur recettes de la dotation particulière « élu local » (DPEL).

Le programme n'appelle donc pas de remarque négative quant au montant des crédits inscrits ; il est en revanche problématique pour la sincérité du débat budgétaire que la justification de l'inscription sur la mission des dépenses d'informatique de la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui augmentent régulièrement, ne soit pas plus détaillée.

Enfin, comme chaque année, l'examen des articles rattachés offre l'occasion de renforcer les garanties de ressources pour certaines collectivités et d'améliorer la lisibilité des dotations pour les élus.

En premier lieu, je tiens à saluer l'ajout de l'article 45 ter , qui prévoit que le montant de la DPEL perçu par une commune nouvelle serait, à compter du 1 er janvier 2023, calculé comme étant la « somme des dotations particulières calculées sur le périmètre de leurs communes déléguées ». La crainte de la perte d'un montant de DPEL peut effectivement freiner la création de communes nouvelles ; j'ai eu l'occasion d'échanger à ce sujet avec Françoise Gatel, qui m'a confirmé l'intérêt d'un tel dispositif pour encourager ou, à tout le moins, ne pas décourager des projets de création de communes nouvelles.

Je relève néanmoins que, en l'état de sa rédaction, cette garantie n'est ouverte qu'aux communes nouvelles dont les communes « historiques » constituent des communes déléguées. Je vous proposerai, en conséquence, d'adopter un amendement tendant à assurer l'éligibilité de cette garantie à l'ensemble des communes nouvelles, y compris celles qui ne disposent pas de communes déléguées.

En second lieu, il me semble nécessaire de renforcer la lisibilité et l'association des élus dans l'attribution par l'État des dotations d'investissement. Je me félicite à cet égard qu'à la suite de la publication du rapport de nos collègues Claude Raynal et Charles Guené à ce sujet, la commission des finances se rallie - au moins partiellement ! - aux positions constamment défendues par notre commission sur ce thème. Je vous proposerai donc d'adopter trois amendements identiques à ceux qui ont été adoptés par la commission des finances : le premier prévoit que les décisions d'attribution de dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) soient prises par le préfet de région après avis des présidents de conseil départemental, rendu dans un délai de quinze jours ; le deuxième tend à améliorer l'information des élus locaux sur les subventions de DSID, en prévoyant que les orientations du préfet de région dans l'attribution de ces subventions et la liste des projets subventionnés seraient communiquées auprès de la commission relative à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR); et le troisième a pour objet de renforcer l'information des membres de la commission DETR, en prévoyant que soit communiquée à cette commission avant la fin du premier trimestre de chaque année la liste de l'ensemble des demandes éligibles et recevables, et non les seules opérations à subventionner, comme c'est actuellement le cas.

Enfin, je vous proposerai d'adopter un amendement tendant à supprimer l'article 45 bis , aux termes duquel les préfets de département et de région seraient désormais tenus de prendre en compte le « caractère écologique des projets dans la fixation des taux de subvention » pour les attributions de DETR et de DSIL respectivement. Entendons-nous bien : le verdissement des projets d'investissement des collectivités territoriales est une évolution positive et n'est aucunement remis en question dans cet amendement. Néanmoins, le critère proposé étant particulièrement imprécis et pouvant s'avérer inopérant, il n'apporterait que davantage de confusion dans un processus d'attribution déjà illisible pour bien des élus locaux. D'une part, l'article ne précise pas si le caractère écologique d'un investissement devrait être apprécié au niveau de la finalité du projet ou dans ses modalités concrètes de réalisation. D'autre part, à supposer que seule la finalité poursuivie par le projet soit prise en compte, le caractère écologique de celle-ci peut être discuté : par exemple, un investissement favorable à la décarbonation d'une activité, mais nuisant à la biodiversité, doit-il être considéré comme écologique ?

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de ces quelques ajustements, je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Mathieu Darnaud . - Je remercie le rapporteur pour ce rapport très exhaustif. J'observe que l'État ne s'impose pas ce qu'il impose aux collectivités, ce qui devient préjudiciable.

Ma première remarque sera conjoncturelle. L'augmentation de la DGF ne saurait masquer une baisse tendancielle et ne permettra en rien de juguler la hausse de l'inflation, dont les impacts sont lourds. Des maires m'ont fait part hier de leur inquiétude quant aux cantines scolaires et au prix de l'énergie.

Nous sommes plusieurs à avoir interpellé le ministre Christophe Béchu lors de son audition. Les trois dispositifs proposés, à commencer par le fameux filet de sécurité, peinent à nous convaincre tant les critères, y compris ceux de 2023, ne correspondent en rien aux besoins des territoires, et ce pour une raison simple : quels que soient les critères retenus, il y a autant de cas de figure que de communes en France, qu'il s'agisse de la signature des contrats d'énergie, des aides dont ont bénéficié les communes, du potentiel fiscal de la commune. Nos communes vont donc devoir faire face à une situation aussi inédite que douloureuse.

Ma deuxième remarque est structurelle, le lien entre les territoires et nos concitoyens ou nos entreprises est de plus en plus distendu avec la fin de la taxe d'habitation, ou encore la suppression programmée de la CVAE. Or la Cour des comptes préconise notamment le versement de la DGF aux intercommunalités, ce qui n'est pas pour nous rassurer.

Il est légitime d'exprimer ces inquiétudes, d'autant que nos concitoyens aspirent à plus de proximité et à voir le lien entre les collectivités être conforté, afin d'avoir une lisibilité de l'action publique. On fragilise dangereusement la strate communale ; on ne lui apporte pas de réponses conjoncturelles, ni structurelles. La Première ministre a parlé de renforcer le lien entre les présidents d'intercommunalité et les préfets ; est-ce à dire que, progressivement, l'intercommunalité va se substituer à la commune ? C'est une question que l'on peut se poser.

Enfin, la situation actuelle, si douloureuse soit-elle, ne doit pas éclipser le besoin d'une plus grande péréquation, si essentielle pour l'avenir de nos territoires.

M. Didier Marie . - Je remercie le rapporteur pour la qualité, la précision et la sévérité de son rapport, que je partage.

Cette mission est à replacer dans un contexte plus large. Elle ne représente que 4 % environ des transferts financiers de l'État aux collectivités.

Le Gouvernement s'est félicité de la « co-construction » de ce budget, qu'il aurait réalisée avec des associations d'élus. Or ces dernières nous alertent non seulement au sujet du manque de dialogue, mais surtout sur l'insuffisance des propositions au regard des difficultés financières qu'elles rencontrent. Si le Gouvernement se réjouit de l'abondement de la DGF à hauteur de 320 millions d'euros, nous ne pouvons que nous inquiéter : cette augmentation n'est pas du tout de nature à répondre aux problématiques actuelles en ce qu'elle ne représente, sur le volume total, que 1,2 %, un montant très en deçà du niveau de l'inflation. En fait, cet abondement équivaut à une baisse en moyens constants pour les communes, les départements et les intercommunalités.

Une réelle augmentation de la DGF indexée sur l'inflation, comme nous le proposons, permettrait aux collectivités de protéger leurs capacités d'autofinancement. Elle leur donnerait de la visibilité afin de programmer leurs investissements. Malheureusement, le Gouvernement reste sourd à cette revendication.

Le coût de l'énergie est par ailleurs un sujet d'inquiétude. Les communes redoutent de ne pas pouvoir boucler leurs budgets. Les maires nous informent que leur facture d'énergie a doublé, triplé, quadruplé, ce qui aura des conséquences sur leurs dépenses de fonctionnement et leurs capacités d'investissement. À cet égard, le filet de sécurité mis en place par le Gouvernement ne répond pas à cette situation. Il avait été annoncé l'été dernier que 22 000 communes seraient concernées. En réalité, selon les critères précisés début octobre, entre 7 000 et 9 000 communes, tout au plus, pourront en bénéficier. Nous attendons donc la mise en place d'urgence d'un véritable bouclier énergétique pour permettre aux communes de faire face.

Je note que les montants de la DETR et de la DSIL sont gelés, alors que les besoins sont plus importants que jamais. Nous souhaitons que la DETR soit effectivement destinée aux territoires ruraux et qu'elle ne soit pas partagée, comme elle l'est aujourd'hui, et également que la DSIL soit à la main des préfets de département après avis de la commission départementale. Si l'on peut constater que la nouvelle augmentation de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU) se fait par abondement de l'enveloppe totale de la DGF, comme nous le demandions depuis plusieurs années, il n'en reste pas moins qu'un abondement plus important aurait été bienvenu afin de permettre aux collectivités de répondre à divers enjeux, le réchauffement climatique en particulier.

La création d'un « fonds vert » méritera d'être précisée dans la discussion parlementaire. D'ores et déjà, nous pouvons considérer que son montant est loin du niveau des besoins exprimés.

En ce qui concerne la DPEL, nous regrettons qu'un certain nombre de petites communes en soient exclues du fait de leur potentiel financier.

En conclusion, ce budget ne va pas dans le sens de l'autonomie des collectivités territoriales, loin s'en faut, avec le retour de la contractualisation financière, supprimée par le Sénat, mais réintégrée par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances via l'usage de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, ce qui est un pur scandale. La suppression de la CVAE est un mauvais coup porté à nos collectivités, qui sont infantilisées et privées de toute marge de manoeuvre. Il est temps de leur redonner les moyens d'investir et de disposer de moyens de fonctionnement stables et dynamiques.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission, qui sont bien loin des souhaits exprimés par les élus.

Mme Nathalie Goulet . - Je constate que les conditions d'éligibilité à la DETR et à la DSIL sont toujours aussi opaques. Nous avons demandé à plusieurs reprises de connaître le motif des refus de DETR, en vain. J'aimerais connaître l'avis du rapporteur sur ce point.

On annonce la création et un abondement important du « fonds vert ». Les modalités d'attribution et de distribution doivent être précisées. Dans certains départements, la dotation serait plus importante que la DETR et la DSIL confondues. J'ai déposé un amendement prévoyant que la « commission DETR » soit informée.

Même si ce sujet ne fait pas techniquement partie de la mission RCT, il s'y rapporte sur le fond.

M. André Reichardt . - Je partage les constats du rapporteur, partagés par Didier Marie et Mathieu Darnaud. Je mesure les difficultés que ce budget va faire peser sur les collectivités locales. Dans ce cas, pourquoi M. le rapporteur propose-t-il un avis favorable aux crédits de la mission ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Je partage bien des remarques formulées, notamment celles de Didier Marie. Après la suppression de la taxe professionnelle, puis de la taxe d'habitation, nous risquons d'assister à la disparition de la CVAE. C'est là un véritable changement de régime. LaRévolution française avait instauré un système clair en vertu duquel il fallait être élu pour pouvoir prélever l'impôt. Il existait un lien direct entre la décision de la commune et le fait de lever l'impôt. Or la capacité fiscale des collectivités, notamment des communes, devient presque résiduelle. Imaginons un seul instant que des gouvernants, des parlementaires veuillent redonner de la liberté fiscale aux collectivités, il faudrait faire voter de nouveaux impôts, en disant à nos concitoyens que les impôts nationaux baisseraient à due concurrence. Mais qui le croirait ? Aussi, il s'agit d'un changement presque irréversible.

M. André Reichardt . - Absolument.

M. Jean-Pierre Sueur . - Comme le Sénat a supprimé l'article 5 du projet de loi de finances pour 2023, portant suppression de la CVAE, il me paraît important, dans les jours qui viennent, qu'il soit ferme sur ses positions. Si d'aventure une seconde lecture était demandée par le Gouvernement, nous devrions résister collectivement et dire que nous tenons aux marges de liberté des collectivités locales en matière de fiscalité.

Mme Marie Mercier . - Nous avons cru comprendre que le Gouvernement songeait à favoriser le couple préfet-intercommunalité au détriment des communes. Or dans le même temps, la Cour des comptes prône une DGF distribuée aux intercommunalités, mais elle épingle celles-ci quant à leur budget de fonctionnement qui serait en augmentation et peu lisible. Aussi, j'ai du mal à saisir le positionnement du Gouvernement et les avis de la Cour des comptes.

M. Philippe Bas . - L'excellent rapport de Loïc Hervé, l'intervention de Mathieu Darnaud et les interventions des représentants du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain m'ont absolument convaincu de rejeter ce budget.

M. Mathieu Darnaud . - Permettez-moi de compléter mon propos.

Nous ne saurions nous satisfaire d'une augmentation de la DSIL et d'une stabilisation, voire d'une légère augmentation de la DETR. Comment les communes vont-elles pouvoir présenter des projets d'investissement, alors même que leur budget leur permet à peine de fonctionner, certaines d'entre elles étant dans une situation inextricable ? Il est temps que le Gouvernement prenne la mesure de la situation. Il y va de l'avenir de certaines communes.

Je partage l'avis de Nathalie Goulet. Comme pour les commissions DETR, il serait normal que les élus soient associés au « fonds vert », quant aux conditions d'éligibilité et à la répartition des subventions. Il serait préjudiciable que le Gouvernement rejette cette proposition.

Enfin, je reviendrai sur la question de la péréquation, on nous avait promis des mesures concernant le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Or certaines communes sont ponctionnées, alors même qu'elles sont pauvres. Elles subissent une double peine.

Toutes ces observations n'incitent pas à cautionner les crédits de cette mission, ni les orientations prises par le Gouvernement.

M. Éric Kerrouche . - On ne peut pas se satisfaire du fait que les collectivités locales soient un peu moins maltraitées. Les difficultés de financement sont réelles. Pour rebondir sur les propos de Mathieu Darnaud concernant la DETR, je veux préciser que nous sommes sollicités uniquement sur les projets les plus importants. Avec Agnès Canayer, nous avons demandé que le montant des projets soumis à notre consultation soit abaissé. Une subvention de 50 000 euros peut s'avérer très importante pour certaines communes.

De manière plus systématique, je partage l'avis de Mathieu Darnaud, on maintient les capacités d'investissement au travers de la DETR et de la DSIL, mais quid des autres dépenses ? Les communes sont dans une situation financière telle qu'elles ne pourront pas financer les investissements. C'est une spirale infernale. C'est pourquoi je pense que le budget de cette mission doit être sanctionné par un avis défavorable de notre commission.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Pour être très clair avec vous, on est dans la technique du pied dans la porte : l'essentiel de nos débats, si intéressant soit-il, ne relève pas de la mission RCT. Le « fonds vert » et la réforme de la CVAE n'en font pas partie. Cette mission nous donne l'occasion d'aborder ces sujets, mais ils n'entrent pas dans le périmètre de la mission RCT de laquelle, seule, nous sommes saisis dans le cadre du PLF.

Concernant mon avis sur les crédits, je souligne que la commission des finances a d'ores et déjà proposé d'adopter les crédits de cette mission. La première année que j'ai été rapporteur pour avis sur cette mission, j'avais proposé un avis défavorable sur ces crédits, mais cette position est difficile à présenter dans l'hémicycle. On pourrait en déduire que le Sénat rejette les financements de l'État aux collectivités locales - d'ailleurs, à l'époque, le Sénat ne m'avait pas suivi. Que l'on ne se méprenne donc pas sur nos intentions ! Outre la divergence de vues avec la commission des finances, j'attire votre attention sur ces conséquences. J'ai pesé le pour et le contre, un avis défavorable pourrait être mal interprété. C'est pourquoi je maintiens mon avis.

Je partage le constat que fait Mathieu Darnaud et sa préoccupation que soit privilégié le couple préfet-président d'intercommunalité. Dans mon département, le préfet s'adresse au président d'intercommunalité comme à un « super maire », y compris pour des compétences qui ne relèvent absolument pas du champ des intercommunalités. Lors de la crise liée à l'épidémie de covid-19 et en matière de politique contractuelle de l'État, il est très pratique d'avoir 21 interlocuteurs au lieu de 279, mais il ne faudrait pas oublier le principe de transfert de compétences des communes vers les intercommunalités : les intercommunalités exercent des compétences communales. Cette dérive est préoccupante.

Je vous rejoins sur le « fonds vert », mais, je le redis, ce sujet est en dehors du périmètre de la mission. Madame Goulet, il est vrai que les sommes distribuées seront très importantes dans certains départements. Nous avons proposé que les élus soient mieux associés. Nous avions proposé il y a quelques années la création d'une commission des investissements locaux, en rapatriant la DSIL régionale vers le département. Globalement, la commission DETR fonctionne bien. On peut encore renforcer sa transparence ainsi que le périmètre des projets sur lesquels elle est amenée à rendre des avis.

Concernant la motivation du refus des décisions, notre amendement répond, d'une certaine manière, à cette question en demandant au préfet de porter à la connaissance des élus les projets qu'il n'a pas retenus. En revanche, si nous demandions une motivation expresse, je crains que nous n'ayons pas de réponse circonstanciée. En droit, la motivation peut être lapidaire.

En conclusion, je crains que si nous rendons un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission afin de marquer notre mécontentement, cela pourrait être mal interprété et aboutir à l'effet inverse à celui escompté.

Mme Nathalie Goulet . - Le Sénat a déjà voté à trois ou quatre reprises la demande de motivation du refus des projets éligibles à la DETR, mais le Gouvernement nous a, à chaque fois, objecté les éventuels recours. Mais pensons à l'incompréhension de certains élus quand leur demande est refusée, alors que la commune voisine bénéficie de cette dotation pour faire des travaux similaires.

M. Didier Marie . - Jusqu'à présent notre groupe votait les crédits de la mission. Nous ne le ferons pas cette année au regard du contexte exceptionnel. Nous n'avons pas connu de crise comme celle-ci, avec l'explosion de la dépense énergétique et l'inflation. Les crédits de la mission RCT auraient pu être augmentés. Nous allons donc voter contre les crédits de cette mission au motif qu'elle fait partie d'un cadre général inacceptable pour les collectivités, et pour les communes en particulier.

M. André Reichardt . - Je m'inscris en faux contre l'argumentation consistant à dire qu'un avis défavorable sur ces crédits vaudrait rejet de la totalité de ces crédits. Envoyons un signal fort. Personnellement, je ne comprendrai pas que la commission des lois donne un avis favorable. Ce n'est pas parce que la commission des finances a proposé d'adopter ces crédits que nous devons la suivre. J'assume mon avis défavorable.

M. Guy Benarroche . - Alors que l'on met en avant une véritable politique d'autonomie financière des collectivités territoriales, il n'est pas possible pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires de voter en faveur de ces crédits.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Nathalie Goulet a raison, nous avons en effet voté, notamment lors de l'examen de la proposition de loi visant à réformer la procédure d'octroi de la dotation d'équipement des territoires ruraux, présentée par notre collègue Hervé Maurey, une disposition visant à demander la motivation des refus d'attribution de DETR. Il pourrait être intéressant de débattre de ce sujet dans l'hémicycle. Mon amendement répond partiellement à cette question en ce qu'il prévoit que l'ensemble des demandes soit porté à la connaissance de la commission DETR.

Article 45 bis

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - L'amendement II-289 tend à supprimer l'article 45 bis , qui prévoit l'ajout d'un nouveau critère fondé sur le caractère écologique des projets proposés. Cette notion est beaucoup trop imprécise. Je ne suis pas contre le verdissement des dotations, mais les critères doivent être techniques et précis.

M. François Bonhomme . - Je rejoins le rapporteur. Sortons du tropisme écologique actuel, sous n'importe quel vocable, dans n'importe quel projet, comme si le critère écologique était le seul sujet. Il faut trouver un point d'équilibre.

M. Mathieu Darnaud . - De manière générale, il faut cesser d'ajouter chaque année des critères en matière d'octroi et d'attribution des aides, d'autant qu'ils sont au final contournés. Laissons un peu de souplesse aux territoires.

M. Guy Benarroche . - Je me réjouis de ce nouveau tropisme écologique. On a gagné une première bataille culturelle. Néanmoins, j'en suis d'accord, une disposition imprécise est de nature à créer de la confusion.

M. Didier Marie . - Nous sommes favorables à ce que l'État accompagne les collectivités, notamment les communes, dans tous les investissements visant à améliorer notre impact environnemental. Toutefois, laissons à la DETR, qui est une dotation d'accompagnement des communes rurales, sa vocation, sans la brider par des critères particuliers. Nous voterons cet amendement.

Mme Cécile Cukierman . - Cessons de donner, année après année, des injonctions à la commission DETR, sauf à considérer qu'elle n'a plus d'utilité. Au contraire, redonnons-lui toute sa force. La multiplication des critères risque de faire en sorte que tout le monde in fine les contourne. N'oublions pas l'objectif initial, l'intérêt de la commune, et laissons un peu de souffle et de liberté à cette commission.

L'amendement II-289 est adopté.

Après l'article 45 bis

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Identique à un amendement déposé au nom de la commission des finances par les rapporteurs spéciaux Claude Raynal et Charles Guené, l'amendement II-290 tend à mieux garantir l'association des présidents de conseil départemental aux décisions d'attribution de la DSID.

M. François Bonhomme . - La semaine dernière, une décision favorable a été rendue pour que le département recrute un agent chargé du tourisme au prétexte qu'il faisait de l'ingénierie. Cet exemple illustre le risque de dénaturation de l'objet de la dotation. Il faut que les décisions d'attribution de la DSID soient davantage contrôlées et mieux justifiées.

M. Didier Marie . - Je voterai cet amendement, sachant que la DSID est exclusivement déployée par appel à projets en mettant en concurrence les départements d'une même région, alors qu'une part de cette dotation était auparavant ventilée de façon structurée. La multiplication des appels à projets nous interpelle. Le simple fait d'y associer les présidents de département est un premier pas dans la bonne direction.

L'amendement II-290 est adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Identique à un amendement déposé par les rapporteurs spéciaux Claude Raynal et Charles Guené, l'amendement II-291 tend à favoriser la pleine information des élus locaux sur les attributions de la DSID.

L'amendement II-291 est adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Toujours identique à un amendement déposé par les rapporteurs spéciaux, l'amendement II-292 prévoit de renforcer l'information des membres de la commission DETR, en leur communiquant la liste de l'ensemble des demandes éligibles et recevables.

L'amendement II-292 est adopté.

Article 45 ter

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - L'amendement II-293 tend à élargir le dispositif de la DPEL, en assurant l'éligibilité à l'ensemble des communes nouvelles, y compris celles dont les anciennes communes ne se sont pas constituées en communes déléguées.

L'amendement II-293 est adopté.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Je porterai en séance publique le message politique de la commission des lois.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. CHRISTOPHE BÉCHU,
MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES

__________

MERCREDI 9 NOVEMBRE 2022

M. François-Noël Buffet , président . - Nous remercions le ministre de sa présence. Je rappelle que notre audition se tient dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de finances, plus spécifiquement sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont le rapporteur est Loïc Hervé. Nous évoquerons donc ensemble le budget des collectivités territoriales, leurs relations avec l'État et les difficultés des collectivités dans le contexte de crise que nous connaissons actuellement.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. - Je vous remercie Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs, avant toute chose, je souhaiterais revenir sur la situation actuelle.

Les arbitrages sur le projet de loi de finances sont rendus durant l'été. À cette époque, le dernier élément d'information en date consistait en un rapport de la Cour des comptes, dont l'analyse reposait sur un état des lieux en début d'année 2022 et sur des estimations des comptes administratifs. Nous nous sommes basés sur cette photographie pour déterminer l'état de santé des collectivités territoriales, et elle traduisait globalement une amélioration sur cinq ans. Or la tendance actuelle diffère sensiblement. Ainsi, l'inflation déjà présente en 2021 a changé de nature et d'ampleur à partir du 24 février 2022, date de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Afin d'en pallier les conséquences sur les finances des collectivités territoriales, le Sénat a ajouté un « filet de sécurité » dans la loi de finances rectificative, puis le Gouvernement a amendé sa copie. Des éléments restent à coconstruire dans le cadre de la discussion budgétaire et parlementaire, mais je tiens à présenter quelques éléments marquants :

• l'augmentation de l'enveloppe de DGF : elle progresse pour la première fois depuis 13 ans, à hauteur de 320 millions d'euros.

• la création d'un « fonds vert » : Ce fonds a vocation à soutenir le financement des projets des collectivités territoriales. Certes, les autorisations d'engagement liées au plan de relance et en lien avec le plan « Marseille en Grand » ne sont pas reconduites à cet égard, mais le solde reste très largement positif puisque le « fonds vert » sera abondé à hauteur de 2 milliards d'euros contre 1,5 milliard initialement. Ce fonds se veut extrêmement souple, et ne repose pas sur des appels à projets ou manifestations d'intérêt, qui le rendraient trop complexe pour apporter un appui financier réel et concret aux collectivités dès 2023 ;

• la stratégie face à la hausse des prix de l'énergie . Nous ajustons cette stratégie, dans un contexte où les prix évoluent et où une partie des discussions impliquent nos partenaires européens s'agissant de la réforme du marché de l'électricité. La façon d'agir la plus efficace et vertueuse en termes de finances publiques consiste à obtenir des baisses de prix avant d'étudier les solutions. Nous proposons deux dispositifs : un « amortisseur » et un nouveau « filet de sécurité ». Ce dernier peut sembler complexe dans la détermination de son montant, mais il présente l'intérêt de ne pas se limiter aux prix de l'électricité et permettra de répondre efficacement à une partie des surcoûts significatifs.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Monsieur le ministre, je souhaite avant toute chose revenir sur l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et sur l'échange que vous avez eu avec Christine Lavarde dans l'hémicycle.

Les contrats dits « de Cahors » n'ont pas laissé un bon souvenir chez les présidents d'exécutifs des collectivités territoriales et de leurs groupements, ni chez les parlementaires ; ils ont constitué une source de tensions dans la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Nous ne sommes pas soumis aux mêmes obligations en termes d'équilibre budgétaire, que nous soyons à votre place, monsieur le ministre, ou à la place des élus en charge de budgets de collectivités territoriales.

L'Assemblée, puis le Sénat, ont supprimé cette idée de « contrats de confiance », des contrats dont l'essentiel des clauses sont léonines. Devons-nous placer un tel licol autour du cou des collectivités territoriales pour satisfaire des exigences européennes ? Les collectivités locales sortent de la crise liée à l'épidémie de covid-19 et font aujourd'hui face à la hausse du coût de l'énergie. Elles me semblent capables de gérer leurs finances et ne méritent pas de tels dispositifs infantilisants. Tel est en tout cas ce qui ressort des auditions que j'ai conduites dans le cadre de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je vous invite en conséquence à regarder comment faire évoluer ce dispositif.

Un deuxième sujet illustre la différence de positions du Sénat et du Gouvernement quant aux finances locales :la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous sommes en train de tuer l'un des derniers impôts locaux de France sans avoir réformé ni la fiscalité locale ni la fiscalité des entreprises. La CVAE est le dernier impôt qui trace un lien entre la richesse produite dans un territoire et les collectivités territoriales, qui aménagent et rendent des services publics aux entreprises et aux salariés. Quand le lien entre l'industrie et le territoire aura définitivement disparu, il sera difficile de réindustrialiser le pays. Si la France possède une appétence à l'impôt, c'est parce que nous savons comment il est employé.

Je sais que des propositions de suppression de l'article 5 s'exprimeront. D'autres suggéreront de différer cette réforme dans le temps. Pour le moment, vous envisagez de supprimer la CVAE sans réfléchir à la manière de financer les collectivités territoriales avec ceux qui créent la richesse sur leur territoire. Nous parlons ici des entreprises, mais nous n'avons pas non plus obtenu gain de cause s'agissant des ménages puisque la taxe d'habitation a été supprimée et remplacée par des compensations.

Enfin, vous avez évoqué le fonds vert, de 2 milliards d'euros. On semble rassuré que le préfet de département, et non le préfet de région, attribue ces dotations. On pointe aussi un début de verdissement de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Comment envisagez-vous d'harmoniser ces deux dispositifs ? Avez-vous l'intention d'associer les élus locaux au processus d'attribution ? L'association des élus était intéressante pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), mais pas du tout pour la DSIL. Chaque année, nous tentons de créer un dispositif pour associer les élus locaux, et nous n'y parvenons pas. Nous aurons peut-être de nouvelles propositions.

M. Mathieu Darnaud . - Lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement, Jean-Michel Arnaud a relayé les inquiétudes légitimes de nos collectivités face à une situation aussi inédite que douloureuse s'agissant des énergies. Je souhaite à mon tour vous livrer une inquiétude sur ce qui constitue une forme de poison mortel pour l'avenir de nos collectivités.

Lors de la création du « filet de sécurité », nous avions insisté sur l'importance de son caractère opérationnel. Nous devons aux maires des dispositifs opérationnels et une parole de l'État tenue. Je m'étonne donc de recevoir de la part du ministre Gabriel Attal des propositions de versement d'acomptes pour l'Ardèche, alors que vous avez indiqué lors de la séance de questions au Gouvernement que vous-même n'avez pas à ce jour l'état des programmations de ce « filet de sécurité » pour l'année 2022 à l'échelle nationale. Cela ne me rassure pas.

Nous pouvons comprendre que des critères soient nécessaires et que les 22 000 communes susceptibles d'être éligibles initialement ne le soient finalement pas toutes. Cependant, les chiffres actuels inquiètent. Mon département compte 335 communes, dont beaucoup de communes rurales dans des situations très compliquées, et seules 29 entreraient dans le dispositif évoqué. Ce « filet de sécurité » ne sera donc pas au rendez-vous. De plus, certaines communes pourraient être obligées de restituer l'avance en mars car les critères auraient été mal estimés. Ce n'est pas possible, et je le dis avec solennité : l'heure est grave, et nous devons agir ensemble car il en va de notre crédibilité collective. Nos maires doivent faire face à une angoisse quotidienne, et la moindre des choses serait de leur donner de la transparence et de la clarté.

Enfin, j'avais cru comprendre en 2017 que le Président de la République souhaitait nous voir réfléchir à des dispositifs de péréquation. Or nous n'avons pas avancé sur le sujet et nous n'avons pas non plus réfléchi à l'avenir du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui pose question notamment sur les effets de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe ».

La ministre Caroline Cayeux a achevé sa réponse à la question d'actualité qui lui a été posée en se référant au rapport de la Cour des comptes relatif aux scénarios de financement des collectivités territoriales. Or, la même Cour des comptes s'est également prononcée, dans le fascicule 2 de son rapport sur les finances locales pour 2022, en faveur de l'attribution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à l'échelle du bloc communal, avant sa répartition entre l'intercommunalité d'une part et ses communes membres d'autre part. Je souhaiterais connaître votre sentiment sur cette question.

M. Philippe Bas . - Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez, avec des chiffres précis, l'évolution du pouvoir d'achat de la dotation globale de fonctionnement depuis dix ans. Nous avons connu des baisses de dotation sous le quinquennat de François Hollande, puis un gel sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Vous vous apprêtez aujourd'hui à faire un geste, mais il convient d'en mesurer la portée.

La baisse de capacité financière de la dotation globale de fonctionnement a un effet très fort dans une période où les dépenses ont augmenté sous l'effet des normes, des transferts de charges et de l'augmentation des traitements des fonctionnaires. À cet effet de ciseaux considérable s'est ajoutée la suppression d'impôts locaux, générant une situation qui justifie l'inquiétude exprimée par nos collègues.

Je ne mésestime pas les efforts que vous avez annoncés, certes limités mais qui présentent le mérite d'exister. Je souhaiterais toutefois que vous nous éclairiez sur le contexte du budget 2023, après dix ans d'érosion de la capacité financière des dotations globales de fonctionnement.

Enfin, je souhaite vous interroger sur un point plus anecdotique, relatif à une centaine de petites communes. La dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL), qui finance notamment les indemnités des élus locaux, est fonction du potentiel financier, censé refléter la richesse du territoire. Or, quand un habitant fortuné s'installe dans sa commune, le potentiel financier peut en être affecté et le maire peut voir sa dotation supprimée sur ce seul critère, alors qu'il accomplit le même travail. L'État ne se ruinerait pas à intervenir dans ces cas, et je présenterai un amendement en ce sens. Je souhaiterais que vous lui apportiez un soutien public.

M. Guy Benarroche . - Je tiens tout d'abord à m'associer à la position et aux inquiétudes exprimées par Loïc Hervé et Mathieu Darnaud.

Ma première question part du constat d'un besoin réel d'investissement dans les mobilités du quotidien. Le développement des transports en commun varie sur l'ensemble du territoire, et les territoires ruraux s'inquiètent aujourd'hui de l'augmentation annoncée des péages de SNCF Réseau. Par ailleurs, le développement des transports en commun de certaines métropoles très urbanisées s'avère encore très éloigné de celui d'Île-de-France. Des amendements ont été présentés sur le versement mobilité entreprise au moment du projet de loi de finances rectificative, visant à porter leur taux maximal à celui ayant cours en région parisienne. Ces amendements ont été rejetés hier à l'Assemblée nationale avec un avis défavorable du Gouvernement. Je rappelle pourtant que les membres des groupes Les Républicains et Renaissance, élus des Bouches-du-Rhône, les avaient défendus localement. Avez-vous des propositions pour permettre aux collectivités de mettre en oeuvre les mobilités nécessaires à leur développement ?

Par ailleurs, vous connaissez sans doute le problème des péréquations liées aux attributions de compensations (AC) ou à la dotation de solidarité des communes d'Aix-Marseille-Provence. La publication du rapport de la Cour des comptes le 20 octobre 2022 fait état de 178 millions d'AC versées indûment. Cette métropole a désormais besoin de visibilité pour prendre des décisions avant le 31 décembre 2022. Seriez-vous disposé à intégrer dans le projet de loi de finances pour 2023 un mécanisme progressif pour corriger cet état de fait ?

M. Alain Richard . - Certaines publications spécialisées ont récemment fait paraître des esquisses de répartition du « fonds vert ». J'en saisis mal la pertinence, dans la mesure où cette répartition relève normalement des préfets de département, sur dossier. Pourriez-vous préciser que vous émettrez prochainement une circulaire ou un guide sur l'utilisation du « fonds vert », à destination des préfets et élus utilisateurs ? Pourriez-vous également vous assurer d'un délai suffisant pour que les communes présentent leurs dossiers ?

Par ailleurs, j'ai cru comprendre que le ministre de l'économie et le ministre des comptes publics disposaient d'une légère marge en sortie d'exécution 2022. Nous pourrions donc progresser encore sur le « filet de sécurité » pour surmonter l'effet de seuil que crée le critère d'éligibilité de diminution annuelle de l'épargne brute de 25 %. En effet, de nombreuses communes et intercommunalités risquent de manquer cette cible pour quelques milliers d'euros. Certaines optimisent du reste leurs comptes administratifs pour satisfaire ce critère. Je suggère dans ce contexte de créer un deuxième étage, entre 20 % et 25 % de baisse d'excédents, le cas échéant avec des remboursements moins élevés, pour lisser cet effet de seuil.

N'étant pas polytechnicien, je n'ai quasiment rien compris à la présentation de la Première ministre sur le système « d'amortisseur électricité ». Il me semblerait donc opportun que le Gouvernement fasse paraître un document d'explication.

Enfin, il apparaît positif que les collectivités de petite dimension - celles ayant moins de 2 millions d'euros de recettes et moins de 10 emplois - soient éligibles au tarif réglementé de vente (TRV), mais les collaborateurs de Gabriel Attal ont précisé que le critère des effectifs portait bien sur 10 emplois et non 10 équivalents temps plein (ETP). Or nombre de ces petites collectivités cumulent les emplois à temps partiel dans les services techniques et scolaires sans pour autant dépasser les 10 ETP, ce qui les empêche d'accéder au tarif réglementé. Je vous invite donc à considérer un petit effort pour régler ce problème.

Mme Françoise Gatel . - L'action publique est conduite par l'État et les collectivités territoriales, ces dernières rendant des services essentiels à la population, y compris pour le compte de l'État. Comme le Président de la République l'a répété, vous souhaitez une relation de partenariat responsable et confiant entre l'État et les collectivités. Dans ce contexte, les contrats dits « de Cahors » n'ont pas rencontré le succès espéré. Je rappelle à cette occasion la ligne suivie constamment sur ce sujet par cette assemblée : qui décide paie ; et à l'inverse, qui assume le coût doit pouvoir décider.

Le Gouvernement propose la disparition de la CVAE. Cette contribution fait pourtant le lien entre les collectivités, qui agissent pour le développement économique de leur territoire, et les entreprises qui s'y installent. Nous faisons en outre face à la menace du « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui nous incitera à terme à choisir, dans notre politique locale d'aménagement, entre l'habitat et le développement économique. Quand ce dernier soulève du mécontentement de la part des concitoyens, l'absence de recettes ne semble pas très incitative. Je vous invite donc à revenir sur la suppression de la CVAE.

Si vous tenez réellement à diminuer les impôts de production, il conviendrait alors de réfléchir à la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au sujet de laquelle j'ai proposé hier un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cette taxe rapporte 3,6 milliards d'euros à l'État, destinés au financement de l'assurance vieillesse. Elle coûterait beaucoup moins cher en compensation à l'État que la CVAE.

J'aurai ensuite une question sur le « filet de sécurité », que le sénateur de Mayotte, Thani Mohamed Soilihi, m'a demandé d'étendre à l'outre-mer. Je salue votre effort, et sa reconduction en 2023, mais ce « filet de sécurité » inventé par Bercy s'avère très complexe et verrouillé. Je doute qu'il soit utilisé, car nous ne connaîtrons l'état d'un des trois critères d'éligibilité qu'en mars ou avril 2023. De plus, beaucoup de communes ont été écartées. Serait-il possible de simplifier ce dispositif, en lien avec les réalités de terrain ?

La situation est grave. Les collectivités craignent aujourd'hui 2023 et 2024, et risquent de prévoir un budget d'investissement faible ou nul, bloquant un moteur économique dont les entreprises ont besoin.

Enfin, 110 communes n'ont eu aucun candidat aux élections municipales en 2020, contre 80 en 2014. Nous constatons par ailleurs des démissions. Le dispositif de la commune nouvelle permettrait d'y remédier, mais il est victime de ses conditions financières. Entendez-vous l'améliorer ?

Mme Cécile Cukierman . - L'heure est grave quand, dans un pays comme le nôtre, une collectivité fait le pari du réchauffement climatique pour passer l'hiver en économisant sur les fluides dans ses équipements publics. Nous nous trouvons dans une situation ubuesque, et les élus ne savent plus comment satisfaire des besoins des populations.

Au moment du confinement, nous avons su débloquer les moyens nécessaires pour maintenir le niveau social de notre pays et accompagner les entreprises. Ce qui se passe aujourd'hui dans les collectivités suscitera certainement dans les mois à venir un plan de licenciement silencieux mais massif. Si les communes ne peuvent plus investir, les entreprises, les très petites entreprises (TPE), les artisans et toutes les activités qui peuvent être délocalisées en seront les premières victimes. L'investissement a déjà commencé à diminuer, sous l'effet de la hausse des matériaux dès fin 2021. Même les collectivités qui avaient bénéficié de dotations ont renoncé à des projets ou les réduisent.

La réponse doit être à la hauteur de ces enjeux, mais le nombre de communes bénéficiaires du « filet de sécurité » nous interpelle. Ainsi, seules 13 communes le sont sur les 323 que compte le département de la Loire. Si nous rendions cette liste publique, nous mettrions le feu aux territoires, et tel n'est pas notre souhait.

Je vous invite à réécouter la réponse que vous avez apportée lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement. Même avec des connaissances poussées en finances locales, le dispositif apparaît très compliqué et générera beaucoup de difficultés. Pour 2023, il convient avant tout de débloquer des fonds suffisants et de trouver des solutions plus simples.

Je rappelle qu'en période d'inflation, les recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de l'État ne diminuent pas. La question de l'indexation, totale ou partielle, de la DGF sur l'inflation se pose, et ce d'autant plus compte tenu de la création du « fonds vert ». Si ce fonds fonctionne sur le même principe que tous les dispositifs de co-financement entre l'Etat et les collectivités territoriales, à savoir par une participation maximale de l'Etat plafonnée à 80 % du coût d'un projet, il ne constituera une bonne nouvelle que pour ceux qui disposent des 20 % restants ; il continuera donc de fracturer les collectivités entre elles.

Enfin, nous avons besoin de dispositifs pour aider, accompagner et sécuriser l'investissement, mais nos collectivités rencontrent également des difficultés de fonctionnement qui réduisent leurs capacités d'investissement. Le projet de loi de finances doit pouvoir y répondre, mais nous en sommes encore loin.

M. Dominique Théophile . - Certaines communes ont signé un contrat de redressement outre-mer (COROM). Bénéficieront-elles du « filet de sécurité » en 2023 ?

M. André Reichardt . - Dans mon département de plus de 500 communes, seules 21 seraient éligibles au « filet de sécurité ». Il ne s'agit du reste que de 1 000 euros, qu'elles ne sont même pas certaines de conserver. Dès le PLFR voté, j'ai largement relayé l'effort mené, mais je ne le referai pas. Je milite aujourd'hui pour un discours clair et je rejoins à cet égard mes collègues sur la complexité du dispositif. Nous avons besoin d'éléments lisibles, notamment sur « l'amortisseur » évoqué par la Première ministre, et d'une véritable prise en compte des besoins des collectivités, en particulier dans les sommes allouées.

M. Didier Marie . - Si nous nous trouvions dans le contexte de l'année dernière, nous aurions pu nous féliciter des décisions contenues dans ce budget. Le contexte a toutefois changé. Les collectivités sortent de la crise liée à l'épidémie de covid-19, et certaines en subissent encore quelques difficultés. Par ailleurs, à la suite du conflit en Ukraine, nous connaissons une flambée du coût de l'énergie et un pic de l'inflation, qui se répercutent massivement sur les budgets de nos collectivités. Les indicateurs de précarité augmentent également : 85 % des Français estiment qu'ils devront se serrer la ceinture ou ont commencé à le faire, ce qui se traduit par un afflux dans nos centres communaux d'action sociale (CCAS) et des demandes d'allocations de solidarité dans nos départements.

Parallèlement, des décisions prises par l'État s'imposent aux collectivités sans compensation totale : l'évolution du point d'indice dans la fonction publique territoriale, l'augmentation des rémunérations des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), l'augmentation du revenu de solidarité active (RSA), l'avenant 43 pour l'aide sociale des départements, la modification des modalités de gestion de la taxe dite « GEMAPI ».

Dans ce contexte, la suppression de la CVAE apparaît malvenue. Elle constituait le dernier lien entre le territoire et le monde économique, mais aussi le dernier impôt puissant revenant aux collectivités. Vous  souhaitez le remplacer par une part de TVA, mais il s'agit par définition d'un impôt volatile, susceptible de diminuer en fonction de la situation économique. La suppression de la CVAE produit également des conséquences sur les fonds de péréquation des départements. En conséquence, nous risquons une panne de l'investissement local.

La commission de régulation de l'énergie (CRE) a annoncé avant-hier que l'État percevrait 30,9 milliards d'euros de la part des producteurs d'énergies renouvelables, soit 20 milliards d'euros de plus que l'année dernière. Ne pourriez-vous pas en utiliser une partie pour indexer la DGF sur l'inflation, ce qui correspond à une demande forte de l'ensemble des collectivités territoriales, améliorer le « filet de sécurité » et répondre aux revendications des associations d'élus ?

M. Christophe Béchu. - Je vous remercie pour toutes ces questions, qui relèvent principalement de quatre sujets : les contrats « de Cahors », la CVAE, le « filet de sécurité » et le « fonds vert ». J'y reviendrai dans cet ordre, après avoir confirmé à M. Théophile que les communes relevant du COROM peuvent bénéficier du filet de sécurité.

C'est Bercy qui a souhaité imaginer des contrats « de Cahors bis », en se basant sur la capacité d'autofinancement. Se baser sur les dépenses de fonctionnement n'était pas aussi pertinent dans la période d'inflation actuelle. Le signal s'est toutefois révélé catastrophique : nous semblions dire que nous ne faisions pas confiance aux collectivités territoriales dans leur gestion et nous laissions penser que l'État était par nature vertueux et les collectivités territoriales par nature dépensières.

Nous souhaitons maintenant y mettre un terme, en évitant des contrats individuels et des dispositifs automatiques. Je m'y suis employé, en recevant toutes les associations d'élus avec Gabriel Attal début juillet, en ne cachant rien des différentes hypothèses envisagées et en aboutissant à un point d'équilibre. Nous n'aurons pas de contrats individuels et nous fonderons l'application de ce mécanisme sur un indicateur connu depuis longtemps : l'objectif d'évolution des dépenses des collectivités locales (ODEDEL). Si, à la mi-2024, les comptes administratifs 2023 montrent que des collectivités se sont éloignées de leur trajectoire, nous organiserons des rendez-vous spécifiques avec les préfets. Nous verrons alors si des éléments conjoncturels permettent de l'expliquer ou si des trajectoires de retour à l'équilibre doivent être établies.

L'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 s'était engagé sur cette base, mais l'attitude de la majorité à l'Assemblée nationale a conduit à le dévitaliser et ce projet de loi n'a pas pu être adopté. Pour autant, le respect d'une trajectoire maastrichtienne dans l'évolution de nos dépenses publiques relève d'une obligation européenne, et elle entraîne des conséquences dans l'appréciation par les prêteurs de la solidité de notre situation financière et donc dans nos taux d'intérêt. Nous pouvons feindre de l'ignorer, au risque d'aggraver encore le problème dans les finances publiques nationales et locales à travers le rehaussement des taux d'intérêt. Nous devons donc rassurer les marchés quant à la soutenabilité de notre trajectoire de retour à l'équilibre, qui n'est pas la plus rapide de l'Union européenne, en envoyant des signaux sur la diminution du poids de nos dépenses publiques.

J'ai la conviction que nous devons revenir à l'esprit initial des contrats de confiance. L'absence d'accord sur le projet de LPFP nous a conduits à réintroduire le dispositif par voie d'amendement dans le projet de loi de finances, avec un mécanisme d'autant plus dur qu'il est provisoire --comme le précise l'exposé des motifs de l'article 23 du projet de LPFP. Du reste, ce mécanisme ne pourra pas s'appliquer avant 2024 car il implique une comparaison entre les comptes administratifs 2023 et 2022 dans l'appréciation de la trajectoire.

Je pense que des compromis sont possibles. Nous sommes tous dans la même situation, et le contribuable ne perçoit que les conséquences de l'impôt, qu'il soit local ou national, sur son pouvoir d'achat. Nous disposons selon moi de marges dans ce domaine, et je ne souhaite pas recréer un climat de défiance. Au contraire, nous avons besoin de recréer la confiance. Dans le cadre de l'examen de la LPFP et du PLF, nous sommes ouverts à l'intelligence collective, en particulier sur le titre 4 de l'article 23 du projet de LPFP, relatif aux sanctions.

S'agissant de la CVAE, je suis en désaccord avec vous pour plusieurs raisons. La première est de nature politique et relève d'une conception peut-être un peu démodée : quand on prend un engagement devant les électeurs, on le tient. Le Président de la République a pris un engagement très clair, et ne pas le tenir alimenterait l'idée que les hommes politiques s'affranchissent de leurs promesses de campagne une fois élus.

Par ailleurs, la majorité sénatoriale a longtemps eu trois convictions fortes : que la gestion de deniers publics implique de rester attentifs à la dette ; que le poids des prélèvements obligatoires en France, sensiblement supérieur à la moyenne européenne, constitue un frein pour son attractivité ; qu'il faut préserver la responsabilité des élus.

L'argument selon lequel la suppression de la CVAE nous prive de recettes publiques me semble discutable : diminuer un impôt qui pèse sur les entreprises stimule-t-il au contraire l'activité en générant un surplus de recettes fiscales supérieur à cette perte ?

Je rappelle ensuite que les élus locaux ont perdu leur pouvoir de taux lors de la création de la CVAE, et ne disposent donc pas d'une autonomie fiscale dans ce domaine. Il s'agit d'un impôt national. Remplacer une part de CVAE par une part de TVA n'y change donc rien.

Cet impôt reflète l'attractivité économique d'un territoire, et nous ne devons pas désinciter les élus en le supprimant. Il ne s'agit pas là d'autonomie fiscale, mais de politique économique, en particulier dans un contexte où le ZAN pourrait créer une tension.

Objectivement, ce choix coûtera plus cher aux finances publiques que le dispositif initialement prévu. Nous avons déjà procédé à des prélèvements sur recettes par le passé, et l'État ne les a pas toujours respectés, en les rabotant au fil du temps. De plus, cette dynamique n'est pas acquise. Remplacer la CVAE par de la TVA diffère totalement. Certes, la TVA est un impôt volatile, mais la CVAE l'est également, et même beaucoup plus : ainsi, la TVA a diminué pour la dernière fois en 2009, et la CVAE il y a trois ans. Les variations de CVAE à l'échelle d'un territoire s'avèrent en outre beaucoup plus importantes. En moyenne depuis dix ans, la CVAE a progressé de 2,5 % par an, contre 3,5 % pour la TVA. En contexte d'inflation, la TVA mécaniquement indexée sur celle-ci produit un effet de compensation.

Nous entendons peu les régions dans le débat budgétaire. En effet, les recettes de TVA des régions atteignent 9 %, en lien avec cette progression. L'État ne limite pas la compensation pour les collectivités où la TVA a déjà remplacé d'autres fiscalités, et n'envisage pas non plus de le faire pour le remplacement de la CVAE. Le dispositif reflétera donc mieux les cycles économiques dans la qualité de compensation.

Nous devons en revanche mieux accompagner les territoires qui agissent pour accueillir des entreprises. Un mécanisme repose pour cela sur la progression des bases, calculée sur la cotisation foncière des entreprises (CFE), et sur la progression des effectifs. Le lien est ainsi maintenu.

J'ai entendu la proposition relative à la C3S, mais elle porte principalement sur des services (banques, assurances). La CVAE est deux fois plus intense pour les entreprises industrielles, qui paient 25 % de la CVAE alors qu'elles ne représentent que 10 % des emplois. Si nous souhaitons réindustrialiser le pays, il vaut mieux supprimer la CVAE.

Concernant le « filet de sécurité », je suis édifié par les chiffres que j'ai entendus et je vais solliciter les analyses menées par département. Ces chiffres renforcent ma conviction que le « filet de sécurité » doit s'améliorer en 2023. Seuls 10 % à 15 % des collectivités bénéficieraient du filet de sécurité, de 430 millions d'euros. Nous envisageons aujourd'hui de multiplier par plus de trois ce montant, en lien avec les besoins de couverture du delta de « l'amortisseur électricité ». Nous devons toutefois regarder si nous sommes bien au rendez-vous de notre promesse de soutien aux collectivités territoriales, et ce rapidement en vue du dispositif 2023. Selon moi, un critère fondé sur la diminution de la capacité d'épargne brute de 25 % reste trop restrictif. Il incite soit à creuser le déficit en 2022 soit à ne pas limiter certaines dépenses en 2023 pour justifier d'une baisse de la capacité d'autofinancement.

Les sénateurs comme les membres du Gouvernement ont indiqué que la crédibilité de la parole publique serait engagée si les sommes n'étaient pas au rendez-vous des dispositifs de soutien votés. Pour élargir le dispositif, nous pouvons intervenir sur l'entrée dans le dispositif - et notamment ce taux de 25% -, mais aussi sur le mécanisme de compensation - égal à 50 % de l'écart réel entre les dépenses d'énergie et 60 % de l'augmentation des recettes réelles de fonctionnement. Au passage, nous pouvons sans doute rendre plus lisible ce mécanisme en le réécrivant. Cependant, le verrou qu'il introduit sur les dépenses sera plus important que les conditions d'entrée. Le sujet réside donc moins dans la perte d'épargne brute que dans cet écart entre la progression des recettes et la progression des dépenses d'énergie. Nous ne devons pas créer une prime à la mauvaise gestion.

« L'amortisseur électricité » s'avère très complexe. Quand une collectivité consomme 100 MW, la moitié est couverte par le dispositif « accès régulé à l'électricité nucléaire historique » (ARENH) à un prix fixe. Pour la deuxième moitié, l'État prend en charge 50 % de l'écart entre 325 et 800 euros/MWh. Il convient toutefois de prendre en compte la moitié prise en charge par l'ARENH, ce qui porte le prix à 180 euros. Des collectivités payant 200 euros seront donc bien aidées par l'État.

J'attire votre attention sur l'intérêt de conditions de révision des contrats si le moment de signature correspond à un pic de prix et si les prix diminuent dans les mois à venir.

Enfin, vous avez évoqué le « fonds vert ». J'ai rencontré hier tous les préfets de France et esquissé la base d'une circulaire. Ces 2 milliards d'euros seront souples et faciles d'utilisation, mais nous souhaitons fixer quelques règles aux préfets. Nous avons à cette fin imaginé 14 portes d'entrée simples, selon lesquelles les mesures positives pour le climat ou la biodiversité rendent éligibles (par exemple, l'érosion du trait de côte, les communes de montagne confrontées au réchauffement climatique, la rénovation de bâtiments, le changement de l'éclairage public, la préservation de la biodiversité).

Les enveloppes ont été fournies à titre indicatif et leur répartition se fera par territoire, et non par thème. Nous allons les pré-notifier aux préfets de région, afin qu'ils les répartissent par département. Puis nous enverrons rapidement des conseils ou circulaires, afin que les contacts se nouent avec les associations d'élus et que les dépenses soient engagées.

Le verdissement suggéré de la DSIL ne constitue pas une orientation gouvernementale à l'heure actuelle. Nous souhaitons toutefois parvenir à des budgets verts en 2023, conçus non pas par Bercy mais par les associations d'élus. Nous avons demandé à l'Association des maires et présidents d'intercommunalités de France (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France de nous suggérer un cadre de budget vert. Nous devrons par exemple nous entendre sur le caractère vert ou non de la construction de routes. Ce dialogue pourrait fournir l'occasion de voir comment améliorer notre efficacité climatique, voire de créer des liens entre contrats de relance et de transition écologique (CRTE) et DSIL, mais tel n'est pas le sujet pour le moment. Nous analyserons avant tout le retour d'expérience du « fonds vert ».

Comment associer les élus ? Les associations d'élus peuvent-elles en déterminer les critères ? Je vous avoue que je suis très partagé sur la question, d'autant qu'il s'agit de la première année. Nous devons nous montrer très transparents avec les élus sur l'utilisation des fonds, mais je ne suis pas certain de la nécessité d'une commission en amont sur ces 2 milliards d'euros. Nous n'y sommes pas hostiles, mais à condition que cela n'ajoute pas de complexité à ce dispositif, que les associations d'élus souhaitent simple et rapide.

J'en viens aux dispositifs de péréquation. Le budget présente de légères progressions, et le contexte des finances publiques ne milite pas pour un changement en profondeur des règles au regard des incertitudes actuelles.

J'ai lu le rapport de la Cour des comptes évoqué par Mathieu Darnaud, et je suis absolument hostile au transfert de la DGF au niveau des intercommunalités. Nous devons défendre l'intercommunalité, mais lui transférer la DGF en ferait une cible pour ceux qui critiquent déjà son poids. Le remède serait pire que le mal. Par ailleurs, l'obligation de projets de territoire me semble une fausse bonne idée, et risque d'aboutir à des projets sans volonté ni ambition réelles. Nous devons plutôt déterminer comment accompagner des intercommunalités, pour qu'elles évitent de devenir de simples guichets de répartition entre communes.

Philippe Bas a souligné l'évolution de la DGF sur dix ans. Elle est restée stable jusqu'à la dernière année du quinquennat Sarkozy, où elle a diminué de 200 millions d'euros, puis le quinquennat Hollande a été marqué par des baisses d'ampleur inédite (10,741 milliards d'euros sur la période). Les 320 millions d'euros envisagés ne restaurent pas les sommes prises aux élus durant ce quinquennat Hollande, mais dépassent les suppressions du quinquennat Sarkozy.

L'effort envisagé pour 2023 est sans précédent, mais dans un contexte d'inflation inédit. Nous optons pour des dispositifs de soutien ciblés, et non généralistes, car il existe des hétérogénéités considérables devant les prix de l'énergie selon les collectivités. Le mécanisme retenu est sans doute moins lisible, et l'AMF aurait souhaité l'ajout de 700 millions d'euros, mais nous y consacrons tout de même 2,5 milliards d'euros.

Vous avez évoqué l'impact que pourrait avoir l'arrivée d'un contribuable sur la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) dans certaines communes. Je m'en remettrai à la sagesse de votre assemblée pour corriger d'éventuels effets de bord, en vous signalant au passage que nous devons ajouter 1 million d'euros pour couvrir les frais de garde d'enfants ou d'assistance dans les plus petites communes.

M. Benarroche m'a interrogé sur le versement mobilité de la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Le taux national dépend du niveau de service. Un tramway ou un métro ouvre droit à 2 %, sauf Paris qui a droit à 2,95 %. Benoit Payan et Martine Vassal ont suggéré d'aligner la situation de Marseille sur celle de Paris, mais je m'attends à ce que Lyon puis Bordeaux me demandent ensuite la même chose. Je ne plaide pas pour un dispositif propre à un territoire. De surcroît, l'argument des 178 millions d'euros ne me semble pas bon. Le rapport de la chambre régionale des comptes du 31 août 2022 rappelle que l'État n'a pas imposé des transferts privant la métropole d'une capacité à assumer ses charges de centralité. Les conditions de création de la métropole et les accords locaux ont abouti à cette situation. Nous ne pouvons pas corriger un défaut de conception par un surplus de fiscalité.

Personnellement, je ne serais pas choqué que nous réfléchissions aux zones à faible émission. Nous pourrions imaginer que les territoires concernés bénéficient d'une surprime de ZFE, permettant de financer des mesures d'accessibilité sociale ou de généraliser les transports en commun. Les grandes agglomérations pourraient ainsi être accompagnées et certaines collectivités convaincues de l'intérêt d'une politique ambitieuse en matière de qualité de l'air.

Alain Richard a évoqué les critères du TRV, notamment celui des 10 salariés ou ETP. Je découvre ce problème et je m'enquerrai de la manière de l'accompagner.

Mme Gatel m'a interrogé sur le « filet de sécurité » dans les outre-mer, mais ceux-ci présentent la spécificité que les collectivités, entreprises et particuliers sont soumis au tarif réglementé. Ils y sont donc plus protégés qu'en métropole, avec une fiscalité réduite dans certains cas qui permet de compenser la cherté de la vie.

Une question a porté sur les communes nouvelles. L'épidémie de covid-19 a éclipsé la loi créant les communes-communautés, qui étaient l'oeuvre de Mme Gatel. L'inspection générale de l'administration préconise dans un rapport récent d'en refaire la publicité. Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée au titre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution reprend un amendement déposé par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoire (LIOT) visant à maintenir le niveau de DPEL en cas de création d'une commune nouvelle. Nous sanctuarisons donc cet avantage pour les communes nouvelles.

J'ai entendu les propos de Cécile Cukierman sur la nécessité de soutenir les investissements. Toute la difficulté consiste toutefois à soutenir des investissements qui évitent des puits sans fond en matière de fonctionnement. Nous avons dans ce cadre la volonté de modifier le code de la commande publique. L'État et les collectivités territoriales se trouvent aujourd'hui contraints par un article de ce code qui nous empêche de passer des contrats de performance rémunérés sur les économies. Si nous le modifions, nous pourrons libérer des masses d'investissement considérables, par exemple pour passer en LED les 10 millions de lampadaires de France dont seuls 15 % le sont aujourd'hui. Ces lampadaires représentent en moyenne 40 % des dépenses d'électricité des collectivités, et un passage en LED permet de réduire les frais de 40 % à 50 %. Nous devons trouver des leviers pour dégager ces marges, et ils ne relèvent pas uniquement de la dépense publique. L'Allemagne sait parfaitement débudgétiser, et nous pouvons nous en inspirer et nous montrer imaginatifs.

Enfin, Didier Marie m'a interpelé sur 30,9 milliards d'euros qui pourraient être récupérés, mais ces sommes sont déjà très largement engagées. Le bouclier tarifaire des collectivités représente ainsi 46 milliards d'euros de dépenses et 30,9 milliards d'euros de recettes. La rente des énergies renouvelables permet en réalité de financer les deux tiers du bouclier tarifaire pour les particuliers et structures de moins de 10 salariés. Sur cette somme, nous assumons un effort de près de 16 milliards d'euros. Nous le complétons avec les 12 milliards d'euros résultant de « l'amortisseur électricité », du guichet pour les très grandes entreprises et du « filet de sécurité » pour les collectivités territoriales. Cette somme est assurée par les 3 milliards d'euros du fonds « Ukraine » et les 7 milliards d'euros du dispositif de rente européenne applicable aux surprofits liés au gaz. L'écart est couvert par des crédits budgétaires déjà inscrits. Malheureusement donc, nous ne disposons d'aucun surplus.

J'espère que mes réponses vous auront pour la plupart satisfaits. J'aurai l'occasion de vous répondre de nouveau dans l'hémicycle.

M. François-Noël Buffet , président . - Nous vous remercions pour ces explications.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Direction du budget

M. Pierre Chavy , sous-directeur de la 5 e sous-direction « Budgets de la défense, de la sécurité et de l'administration gouvernementale, générale et territoriale de l'État »

M. Thibaut Roulon , chef du bureau Collectivités locales à la 5 e sous-direction

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

M. Sébastien Simoes , adjoint au sous-directeur des finances locales et de l'action économique

M. Julien Rougé , adjoint au chef du bureau des concours financiers de l'État

Associations d'élus

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

M. Joël Balandraud , maire d'Evron, président de la communauté de communes des Coëvrons, vice-président

Mme Marie-Cécile Georges , responsable du département intercommunalités et territoires

Mme Charlotte de Fontaines , chargée des relations avec le Parlement

Assemblée des départements de France (ADF)

M. Nicolas Fricoteaux , président du conseil départemental de l'Aisne

Mme Carine Riou , conseillère finances

Mme Marylène Jouvien, conseillère parlementaire

Intercommunalités de France - Association des communautés de France (AdCF)

Mme Claire Delpech , responsable du pôle finances et fiscalité à Intercommunalités de France

Mme Montaine Blonsard , responsable des relations avec le Parlement

Association des maires ruraux de France (AMRF)

M. Denis Durand , maire de la commune de Bengy-sur-Craon, président de l'association des maires ruraux du Cher

Association des petites villes de France (APVF)

M. Antoine Homé , maire de Wittenheim, premier vice-président

Mme Emma Chenillat , conseillère finances et fiscalité

France Urbaine

M. Franck Claeys , délégué adjoint

M. Anselmo Jalabert , conseiller finances

Mme Sarah Bou Sader , conseillère relations parlementaires

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Régions de France

Villes de France


* 1 Cour des comptes, Le financement des collectivités territoriales : des scénarios d'évolution , communication à la commission des finances du Sénat, octobre 2022, synthèse, p. 13, consultable à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-scenarios-de-financement-des-collectivites-territoriales .

* 2 Prévus à l'article 29 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Leur application avait été suspendue lors de la crise liée à l'épidémie de covid-19.

* 3 Rapport n° 86 (2022-2023) de Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 octobre 2022, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l22-086/l22-086.html .

* 4 Après avoir rejeté plusieurs amendements de suppression, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté divers amendements à cet article avant de rejeter ce dernier. En séance, les amendements n°s 10, 28, 45, 57 et 140 de Philippe Brun, Nicolas Sansu, Charles de Courson, David Guiraud et Juliette Laernoes respectivement.

* 5 La commission des finances a adopté les amendements identiques de suppression de Rémi Féraud, de Vanina Paoli-Gagin, de Daniel Breuiller, de Pascal Savoldelli ainsi que du rapporteur Jean-François Husson. En séance, l'amendement n° 73 du Gouvernement tendant à rétablir l'article n'a pas été adopté.

* 6 Le Sénat s'est à plusieurs reprises dit favorable à une contractualisation financière choisie et non subie. Voir par exemple la proposition n° 4 du rapport dit « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales », écrit sous la présidence de Gérard Larcher par Philippe Bas et Jean-Marie Bockel, publié en juillet 2020.

* 7 Le niveau antérieurement le plus élevé, atteint en 2019, était de 39 milliards d'euros.

* 8 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2022, fascicule 1, juillet 2022, consultable à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-finances-publiques-locales-2022-fascicule-1 .

* 9 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2022, fascicule 2, octobre 2022, consultable à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-finances-publiques-locales-2022-fascicule-2 .

* 10 Rapport économique, social et financier, annexé au projet de loi de finances pour 2023, pp. 53-54.

* 11 Banque de France, Projections macroéconomiques, septembre 2022, consultable à l'adresse suivante : https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2022 .

* 12 Pour un niveau d'inflation de 4,2 %, conformément à la prévision du Gouvernement.

* 13 Les calculs de montants cumulés sont effectués à partir d'une base pour 2013.

* 14 Note : pour l'année 2018, la baisse de la DGF s'explique par la suppression de la part régionale, compensée par une part de TVA, recette dynamique bénéficiant de la dynamique inflationniste. Elle ne saurait donc être lue comme une diminution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.

* 15 Auditionné par la commission des lois, le ministre Christophe Béchu a évoqué, s'agissant du « filet de sécurité » prévu à l'article 14 de la loi de finances rectificative pour 2022, un taux d'éligibilité des communes « de 10 à 15 % ». Le nombre de collectivités et EPCI à fiscalité propre bénéficiaires devrait finalement se situer à hauteur de 11 000, selon le site du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ( https://www.economie.gouv.fr/filet-securite-soutenir-collectivites-locales ).

* 16 Le montant moyen versé pour ces acomptes est égal à 20 046 euros par commune ou EPCI à fiscalité propre concerné. À de très rares exceptions près (dont la commune de Nice et la métropole de Nice Côté d'Azur, ayant perçu pour 2 794 382 et 3 861 275 euros respectivement à ce titre), les montants sont dans leur écrasante majorité inférieurs à 500 000 euros. Calculs de la commission des lois, à partir des données consultables sur le site du ministère ( https://www.economie.gouv.fr/filet-securite-soutenir-collectivites-locales ).

* 17 Audition par la commission des lois de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le 9 novembre 2022. Le compte rendu est consultable à cette adresse : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html .

* 18 Comme le précise le commentaire de l'article 42 ter de la note de présentation de Christine Lavarde sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », « la coordination des différents dispositifs proposés, notamment s'agissant des collectivités, potentiellement éligibles, selon leurs caractéristiques, au bouclier, à l'amortisseur et au filet de sécurité, doit nécessairement faire l'objet de précisions. »

* 19 L'article 5 du projet de loi de finances prévoit donc une suppression en deux temps : en 2023, une division par deux de la CVAE due par les entreprises (par suppression du dégrèvement barémique pris en charge par l'État et abaissement des taux applicables) ; en 2024, la CVAE serait entièrement supprimée.

* 20 En 2021, le taux de la CVAE a été divisé par deux, ce qui s'est traduit par la suppression de sa part régionale. En effet, avant son remplacement par une fraction de TVA, une part régionale représentant 50 % du produit était allouée aux régions ; les départements en percevaient 23, 5%, le bloc communal 26,5 %.

* 21 Cour des comptes, op cit., p. 42.

* 22 Direction du budget, Annexe au projet de loi de finances, Transferts financiers aux collectivités territoriales pour 2023 .

* 23 Article 13 du présent projet de loi de finances.

* 24 La dotation forfaitaire titres sécurisés, ainsi que la dotation dite « biodiversité » connaissent ainsi un abondement pour 2023 de 3 millions d'euros et 10 millions d'euros respectivement en AE. La réforme prévue à l'article 45 quater relative à la délivrance des titres sécurisés, qui devrait se traduire par un abondement de 20 millions d'euros, ne s'est pas traduite en l'état par un abondement de crédits correspondant.

* 25 Source : commission des lois, à partir des données du PLF pour 2023. Les calculs pour l'évolution en volume sont réalisés à partir d'une prévision d'inflation de 4,2 % pour 2022, conformément aux prévisions de la Banque de France (septembre 2022), consultables à l'adresse suivante : https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2021 .

* 26 Issu d'un amendement n° II-1112 de Bertrand Pancher et ses collègues du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, conservé par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'alinéa de l'article 49 de la Constitution.

* 27 Inspection générale de l'administration (B. Acar, P. Reix, V. Giudici), Les communes nouvelles : un bilan décevant, des perspectives incertaines , consultable à l'adresse suivante : https://www.interieur.gouv.fr/Publications/Rapports-de-l-IGA/Rapports-recents/Les-communes-nouvelles-un-bilan-decevant-des-perspectives-incertaines .

* 28 Loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes.

* 29 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

* 30 Voir en particulier l'article 133 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, qui a prévu le maintien, dans un contexte de diminution tendancielle de la dotation globale de fonctionnement (DGF), du montant de cette dernière pour les communes nouvelles durant les trois ans suivant leur création. Peut également être citée la création d'une dotation d'amorçage en remplacement de la précédente majoration de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement à hauteur de 5 %, par l'article 250 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 31 Note : les années 2011 et 2012, lors desquelles aucune commune nouvelle n'avait été créée, ne sont pas représentées.

* 32 Les amendements n° s II-2865 et II-2900 du Gouvernement et de Joël Giraud respectivement, repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité au titre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, prévoient que soient éligibles à cette fraction l'ensemble des communes dont le territoire terrestre est en tout ou partie compris dans un parc national - et non les seules communes situées dans le coeur de tels parcs comme précédemment prévu - et respectant les autres critères d'éligibilité.

* 33 Les amendements n° s II-3311 et II-3313 du Gouvernement et de Joël Giraud respectivement, repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité au titre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, prévoient que l'éligibilité de cette fraction soit ouverte l'ensemble des communes dont le potentiel financier par habitant est inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant des communes de la même strate et qui respectent les autres critères d'éligibilité.

* 34 Par exemple, la faculté du préfet de région de déléguer au préfet de département la signature de décisions d'attribution de subventions au titre de la DSIL, ouverte à l'article 155 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ».

* 35 Ajouté par l'amendement n° II-442 de Marina Ferrari, Jean-René Cazeneuve et Joël Giraud, repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution.

Page mise à jour le

Partager cette page