Avis n° 120 (2022-2023) de M. Jacques-Bernard MAGNER , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 17 novembre 2022

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SOMMAIRE

Pages

AVANT-PROPOS 5

I. DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA JEUNESSE ET LA VIE ASSOCIATIVE EN HAUSSE EN 2023, EN SOUTIEN À PLUSIEURS DISPOSITIFS 7

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME À HAUTEUR DE 8,4 % 7

B. UNE TIMIDE PROGRESSION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA VIE ASSOCIATIVE ET DES LOISIRS ÉDUCATIFS DES JEUNES 7

1. Un renforcement de plusieurs dispositifs en faveur du milieu associatif et du secteur de l'animation, contrebalancé par la baisse conséquente des moyens attribués au compte d'engagement citoyen 7

2. Une progression budgétaire à nuancer, en partie expliquée par l'intégration au sein du programme 163 d'une partie des crédits portés jusqu'alors par le Plan de relance 10

C. UNE HAUSSE DES CRÉDITS MAJORITAIREMENT ABSORBÉE PAR LE DÉVELOPPEMENT DU SERVICE CIVIQUE ET LA MONTÉE EN CHARGE DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL 11

1. Le service civique : un abondement de 20 millions d'euros supplémentaires pour poursuivre la montée en charge du dispositif, nuancé par l'arrêt du financement de missions de service civique par le Plan de relance 11

2. Le service national universel : des crédits qui poursuivent leur hausse malgré des résultats encore en dessous des objectifs pour 2022 12

II. À MESURE DE SON DÉPLOIEMENT, LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL DÉMONTRE SON INCAPACITÉ À SE HISSER À LA HAUTEUR DE SES AMBITIONS 13

A. UN DISPOSITIF LACUNAIRE, QUI PEINE À DÉCOLLER 13

1. L'objectif de 50 000 jeunes n'a pas été atteint en 2022 13

2. Un mode de recrutement qui interroge 14

3. La réalisation des missions d'intérêt général est loin d'être systématique 15

4. Les contraintes du SNU sont incompatibles avec une généralisation rapide du dispositif 16

B. LA NÉCESSITÉ D'UN SNU « EN PHASE » AVEC LES DISPOSITIFS EXISTANTS 16

III. UN SOUTIEN AUX ASSOCIATIONS À RENFORCER POUR PRÉSERVER LE DYNAMISME DU TISSU ASSOCIATIF 18

A. LE SECTEUR ASSOCIATIF PEINE À RETROUVER SON NIVEAU D'AVANT-CRISE 18

B. LE CONTRAT D'ENGAGEMENT RÉPUBLICAIN SUSCITE DES OPPOSITIONS AU SEIN DU MONDE ASSOCIATIF 19

C. LE FDVA, UN DISPOSITIF EFFICACE À CONFORTER 19

EXAMEN EN COMMISSION 23

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 31

ANNEXE 33

• Audition de Mmes Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, et Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel 33

AVANT-PROPOS

Les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » augmentent de 65 millions d'euros pour atteindre plus de 837 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023. Par rapport à l'année dernière, il s'agit d'une progression de plus de 8,4 %.

Cette hausse demeure cependant principalement absorbée par la poursuite du développement du service civique, qui bénéficie d'un transfert des crédits du plan de relance à hauteur de 20 millions d'euros pour 2023, et par la montée en charge du service national universel (SNU) , qui voit ses crédits augmenter de 30 millions d'euros, alors même que la mise en oeuvre et la pérennisation de ce dispositif suscitent encore de nombreuses questions. Une telle progression interroge d'autant plus que l'objectif de 50 000 jeunes accueillis en 2022, pour lequel les moyens avaient déjà considérablement augmenté l'année dernière, n'a été atteint qu'à 57 % avec l'accueil de seulement 32 000 volontaires lors des trois séjours de cohésion organisés cette année .

Le rapporteur estime quant à lui que la priorité du Gouvernement devrait être de renforcer davantage le soutien aux associations , qui peinent à retrouver leur dynamisme d'avant-crise. Si l'intégration au programme 163 du financement des postes Fonjep créés dans le cadre de Plan de relance doit être saluée, la stagnation des crédits consacrés au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) et la complexité de certains dispositifs destinés à soutenir le tissu associatif rendent les perspectives de reprise d'activité d'autant plus incertaines pour l'année à venir. Dans ces conditions, le rapporteur invite le Gouvernement à rehausser la quote-part des sommes acquises à l'État relative aux comptes inactifs tombés en déshérence qui abonde le FDVA , pour soutenir convenablement ce secteur essentiel à notre société.

I. I. DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA JEUNESSE ET LA VIE ASSOCIATIVE EN HAUSSE EN 2023, EN SOUTIEN À PLUSIEURS DISPOSITIFS

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME À HAUTEUR DE 8,4 %

Les crédits du programme 163 progressent, pour la cinquième année consécutive, à hauteur de 65 millions d'euros. Cette hausse se concentre principalement sur les crédits consacrés au développement du service civique et à la montée en charge du service national universel.

Actions

LFI 2022 (CP)

millions €

PLF 2023 (CP)

millions €

Évolution

millions €

Évolution

( %)

Développement de la vie associative

58,99

52,69

- 6,3

- 10,68 %

Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire

104,24

125,54

+ 21,3

+ 20,43 %

Développement du service civique

498,80

518,80

+ 20

+ 4,01 %

Service national universel

110,05

140,05

+ 30

+ 27,26 %

Total

772,08

837,08

+ 65

+ 8,42 %

B. UNE TIMIDE PROGRESSION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA VIE ASSOCIATIVE ET DES LOISIRS ÉDUCATIFS DES JEUNES

1. Afin de répondre aux besoins croissants de professionnalisation et de structuration du monde associatif, l'État a créé en 2005 des centres de ressources et d'information des bénévoles (CRIB) pour soutenir les bénévoles et les accompagner dans la gestion et le développement de leur association. En 2022, la moyenne est d'1 CRIB pour 6 500 associations.

Trois régions pilotes ont été désignées pour mener une nouvelle politique d'accompagnement, visant en particulier à renforcer la proximité du dispositif. Ces trois régions ont bénéficié en 2021 d'une dotation de 1,5 million d'euros sous forme de postes Fonjep.

Un renforcement de plusieurs dispositifs en faveur du milieu associatif et du secteur de l'animation, contrebalancé par la baisse conséquente des moyens attribués au compte d'engagement citoyen

+ 2,12 M€

en faveur de la vie associative locale et du développement numérique

En 2023, cette politique bénéficiera d'une enveloppe complémentaire de 1,32 million d'euros afin de doubler le nombre de régions concernées .

Enfin, les outils numériques développés par l'État, poursuivant le double objectif de simplification des démarches administratives et d'amélioration de la connaissance de la vie associative, bénéficient d' une enveloppe complémentaire de 0,8 million d'euros. Cette somme sera consacrée au développement des systèmes d'information de la vie associative , notamment « Compte asso », « Compte bénévole » ainsi que « Data.subvention », outil créé en 2021 permettant de garantir à l'État, une vision transversale et consolidée des subventions en cours d'instruction ou déjà attribuées aux associations.

Si le rapporteur se réjouit d'une hausse des crédits en faveur du milieu associatif, il constate dans la pratique une diversité et une complexité croissantes des dispositifs d'aide proposés par l'État, altérant la visibilité de ces derniers pour les bénévoles .

Le compte d'engagement citoyen (CEC) valorise l'engagement des bénévoles associatifs sous forme d'heures de formation. Celles-ci sont adossées au compte personnel de formation.

Les crédits destinés au CEC qui s'élèvent à 5,97 millions d'euros sont en baisse de 8,42 millions d'euros en 2023 par rapport à 2022 compte tenu d'un recours au CEC moins élevé que prévu, tant en 2020 qu'en 2021.

Ces crédits sont consacrés à la couverture des droits de formations acquis par les bénéficiaires bénévoles.

- 8,42 M€

en faveur du Compte d'engagement citoyen

Pour faciliter l'accès des plus jeunes à des loisirs éducatifs de qualité, le ministère vient en aide aux fédérations nationales d'éducation populaire qui accompagnent les collectivités, notamment dans la mise en oeuvre du « Plan mercredi », lancé à la rentrée 2018, qui vise à permettre à tous les enfants d'accéder à des activités éducatives organisées en lien avec le temps scolaire . Cet appui se traduit par la conception d'outils pédagogiques innovants et ouverts à tous et par un accompagnement de structures, notamment du milieu rural. Aujourd'hui, on compte 2 940 « plans mercredi » pour 5 500 communes ; le dispositif a connu un sursaut en 2022 (+ 15 %), sous l'effet du plan de relance.

Face à ces résultats en deçà des prévisions, le rapporteur appelle le Gouvernement à mieux communiquer et informer sur l'existence de ce dispositif, souvent méconnu par les bénévoles .

+ 6,8 M€

en faveur des loisirs éducatifs des jeunes

En 2023, une enveloppe complémentaire de 6,8 millions d'euros permettra de financer les mesures relatives aux Assises de l'animation pour 2,8 millions d'euros , et le « plan mercredi » pour 4 millions d'euros .

Les Assises de l'animation :

25 mesures « Pour un renouveau de l'animation
en accueils collectifs de mineurs »

Fin 2021, le secrétariat d'État à la Jeunesse et à l'Engagement a organisé les premières « Assises de l'animation », réunissant une cinquantaine d'organisations, employeurs et financeurs du secteur et aboutissant en février 2022 à 25 mesures pour « renforcer la complémentarité éducative dans les territoires » et « améliorer les conditions d'exercice de l'animation » .

Le plan « Pour un renouveau de l'animation en accueils collectifs de mineurs » prévoit une participation de l'État à hauteur de 64 millions d'euros pour 2022 : 53 millions d'euros à destination des collectivités territoriales qui initient un « plan mercredi » ; 5 millions d'euros pour la formation de 30 000 jeunes au brevet d'aptitude (BAFA), dont 10 000 volontaires du service civique ; 4 millions d'euros pour la formation de 2 500 animateurs professionnels non diplômés.

Le plan est structuré autour de trois axes : renforcement de la complémentarité éducative dans les territoires, renouveau de l'animation professionnelle, et renouveau de l'animation volontaire. Les mesures déclinant ces axes doivent désormais être élaborées par le Comité de filière animation, lancé le 20 octobre dernier.

En matière de complémentarité éducative territoriale, la plan vise, d'une part, via le renforcement du financement proposé aux collectivités qui s'engagent dans la définition d'un « plan mercredi », à soutenir les collectivités dans leur gestion des accueils collectifs de mineurs et, d'autre part, à approfondir le dialogue entre l'école et le périscolaire.

Le plan ambitionne également de renforcer l'accès à la formation et d'améliorer la qualité de l'emploi pour les animateurs professionnels. Il poursuit aussi l'objectif d'attirer davantage de jeunes volontaires en redonnant du sens à cette forme d'engagement et en améliorant concrètement les conditions de formation et d'emploi. Parmi les mesures arrêtées, ont donc été proposés des dispositifs comme l'aide « exceptionnelle » accordée à 20 000 jeunes dans la dernière phase de leur formation au BAFA pour renforcer les équipes d'animation, l'aide « exceptionnelle » accordée aux 2 500 animateurs professionnels en exercice depuis au moins 3 ans mais sans qualification ou dotés du seul BAFA pour se former au certificat de qualification professionnelle (CQP animateur périscolaire), ou encore la revalorisation du contrat d'engagement éducatif (CEE) .

2. Une progression budgétaire à nuancer, en partie expliquée par l'intégration au sein du programme 163 d'une partie des crédits portés jusqu'alors par le Plan de relance

Les postes Fonjep permettent aux associations de pérenniser leurs actions en s'appuyant sur des personnels permanents et prennent la forme d'une subvention annuelle de 7 164 euros, pour une durée de trois ans .

Un soutien renforcé a été apporté aux associations intervenant dans les champs de la jeunesse et de l'éducation populaire avec le subventionnement de 2 000 « postes Fonjep » supplémentaires sur 2021 et 2022 , financés à hauteur de 21,64 millions d'euros sur le programme 364 « Cohésion » de la mission « Plan de relance ». L'enveloppe de 14,4 millions d'euros pour 2023, ouverte sur le programme 163, permettra de financer la 3 e année des postes Relance créés en 2021 et la deuxième année de ceux créés en 2022 .

Les crédits de l'action Développement de la vie associative diminuent de 6,3 millions d'euros, quand ceux de l'action Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire progressent de 21,3 millions d'euros au sein du projet de loi de finances pour 2023. La hausse de cette dernière action s'explique en grande partie par l'intégration au programme 163 du financement des postes Fonjep créés dans le cadre du Plan de relance, à hauteur de 14,4 millions d'euros. Ces crédits ne viendront donc pas financer l'ouverture de nouveaux postes en 2023 ou augmenter le montant de la subvention reversée .

+ 14,4 M€

En faveur du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation Populaire

Le rapporteur se réjouit de la pérennisation des postes créés pendant la crise sanitaire pour le dispositif « Fonjep Jeunes », mais encourage le Gouvernement à intensifier ses efforts en revalorisant le montant de la subvention annuelle octroyée, qui n'a pas augmenté depuis 2011 .

C. UNE HAUSSE DES CRÉDITS MAJORITAIREMENT ABSORBÉE PAR LE DÉVELOPPEMENT DU SERVICE CIVIQUE ET LA MONTÉE EN CHARGE DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL

1. Le service civique : un abondement de 20 millions d'euros supplémentaires pour poursuivre la montée en charge du dispositif, nuancé par l'arrêt du financement de missions de service civique par le Plan de relance

Créé par la loi du 10 mars 2010, le service civique propose à des jeunes de 16 à 25 ans et jusqu'à 30 ans pour les jeunes en situation de handicap, de s'engager dans une mission d'intérêt général auprès d'associations ou d'institutions publiques. Depuis sa création, le dispositif a pris une place croissante dans les politiques de jeunesse : entre 2017 et 2021, environ 80 000 jeunes ont commencé une mission chaque année , soit quatre fois plus qu'en 2014.

147 700 volontaires ont effectué un service civique en 2021 . En 2022 et 2023, l'objectif est de mobiliser 159 000 jeunes en missions.

+ 20 M€

en faveur de l'Agence du service civique pour 2023

Pour cela, l'Agence du service civique bénéficie d'une enveloppe complémentaire de 20 millions d'euros en 2023 afin de poursuivre la montée en charge du dispositif. Le budget inscrit sur le programme 163 s'élève ainsi à 518,8 millions d'euros .

Il convient toutefois de rappeler que le service civique bénéficiait également l'année dernière de 201 millions d'euros supplémentaires issus du programme Cohésion de la mission Plan de relance . Si l'Agence du service civique assure que les crédits supplémentaires du programme 163 lui permettront d'absorber l'augmentation du point d'indice - qui a permis à l'indemnité de passer de 580 à 600 euros pour les jeunes - et que la mobilisation de sa trésorerie permettra de contribuer à créer davantage de missions de services civiques en 2023 , le rapporteur regrette que les crédits issus du Plan de relance ne soient pas pérennisés .

Une baisse de l'effort consacré au service civique sur le long terme risquerait de mettre en péril la logique de croissance qui caractérise le service civique depuis dix ans .

Ce désengagement de l'État est d'autant plus décevant que le programme bénéficie d'une très bonne notoriété . 84 % des jeunes qui ont participé au service civique déclaraient en 2021 qu'ils recommandaient le dispositif. Le service civique constitue par ailleurs un vecteur d'engagement fort : 58 % des volontaires souhaitent s'engager bénévolement à l'issue de leur mission.

L'enjeu pour 2023 réside dans l'adéquation entre les attentes des jeunes et l'offre de missions, parfois mal réparties sur le territoire. L'Agence se félicite pour 2021 d'un accroissement du nombre de collectivités territoriales accueillant des volontaires (500 collectivités supplémentaires). 6 000 volontaires de plus ont également été recensés dans les milieux ruraux en 2021. Il est indispensable de poursuivre ces dynamiques, en encourageant le dialogue entre les acteurs locaux pour pallier les difficultés persistantes sur certains territoires .

2. Le service national universel : des crédits qui poursuivent leur hausse malgré des résultats encore en dessous des objectifs pour 2022

+ 30 M€

En faveur du service national universel pour 2023

Le service national universel bénéficie d'un abondement de 30 millions d'euros pour 2023 , afin de permettre d'accueillir davantage de jeunes volontaires en séjour de cohésion et prendre en charge l'encadrement croissant nécessaire. Le budget inscrit sur le programme 163 pour le SNU s'élève ainsi à 140,05 millions d'euros.

Ces crédits permettent notamment la rémunération des encadrants, la prise en charge du transport, de l'hébergement et des tenues et financent les différentes activités proposées aux jeunes pendant leur séjour de cohésion. Ils permettent également d'assurer le financement d'actions de communication ainsi que la mise en place de systèmes d'informations nécessaires à la gestion des inscriptions, des séjours et des missions d'intérêt général (MIG). Le développement de ces outils est aujourd'hui assuré par la Start-up d'État « Engagement civique », qui mobilise 16 équivalents temps plein (ETP).

Cette augmentation des crédits alloués au SNU doit permettre d'accueillir 64 000 jeunes lors des quatre sessions qui seront organisées en 2023.

Si le nombre de jeunes accueillis en SNU en 2020 et 2021, nettement inférieur aux prévisions, s'expliquait par la crise de la Covid, le nombre de 32 000 jeunes accueillis en 2022 est particulièrement décevant, alors que trois sessions étaient proposées cette année pour atteindre l'objectif de 50 000 jeunes participant à la première phase.

Le rapporteur s'interroge quant à la pertinence d'une nouvelle montée en charge du dispositif, face à son manque d'attractivité, encore démontré en 2022 .

II. À MESURE DE SON DÉPLOIEMENT, LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL DÉMONTRE SON INCAPACITÉ À SE HISSER À LA HAUTEUR DE SES AMBITIONS

A. UN DISPOSITIF LACUNAIRE, QUI PEINE À DÉCOLLER

Si le nombre de jeunes ayant effectué un séjour de cohésion a doublé par rapport à 2021, le déploiement du service national universel en 2022 s'est toutefois heurté à de nombreuses difficultés, loin d'atteindre les objectifs qui lui avaient été fixés.

Bilan du déploiement du SNU en 2022

39 900 dossiers ont été déposés et 32 000 jeunes ont participé à la phase 1, contre 50 000 volontaires visés

5 389 encadrants recrutés, dont 90 % via le Contrat d'engagement éducatif

56,5 % des 32 000 jeunes n'ont pas réalisé leur MIG et ne sont pas en cours de recherche
ou de réalisation

1. L'objectif de 50 000 jeunes n'a pas été atteint en 2022

Après une première année d'expérimentation dans 13 départements en 2019, la phase 1 avait été annulée en 2020 sur l'ensemble du territoire en raison de la pandémie, sauf en Nouvelle-Calédonie.

En 2022, pour la première fois, trois sessions ont été organisées en février, juin et juillet et 32 212 jeunes ont été accueillis, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à 2021 . Malgré ce chiffre encourageant, l'objectif de 50 000 volontaires n'a cependant été atteint qu'à hauteur de 57 % , alors que la période de sortie de crise aurait dû être favorable, démontrant la faible attractivité du dispositif .

Si, selon une évaluation de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) en 2022, l'organisation du séjour en période scolaire « n'a pas eu d'effet dissuasif sur la volonté d'inscription des jeunes », cette organisation « en milieu de l'année scolaire, accroît la fatigue des jeunes », alors même que « peu d'aménagements ont été anticipés par les professeurs en termes de continuité éducative durant les séjours de cohésion ». Dans ce contexte, l'organisation d'un 4 e séjour en avril, annoncée par Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des Armées et du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, chargée de la Jeunesse et du Service national universel, interroge sur la possibilité d'attirer réellement plus de volontaires en 2023 .

2. Un mode de recrutement qui interroge

En 2022, le nombre d'encadrants recrutés sur les trois sessions de séjours de cohésion s'élève à 5 389 et se décompose ainsi : 515 en février, 2 303 en juin et 2 571 en juillet. 38 % sont issus du champ de l'éducation populaire, 34 % des corps en uniforme et 22 % de l'éducation nationale.

Parmi eux, 90 % des encadrants sont recrutés en Contrat d'engagement éducatif, outil dont l'objectif premier n'a pourtant jamais été de permettre l'encadrement des jeunes en SNU.

Le rapporteur s'inquiète quant à ce recours massif au Contrat d'engagement éducatif, qu'il juge inadapté face aux particularités organisationnelles du SNU .

Le Contrat d'engagement éducatif, un dispositif inadapté
dans le cadre du SNU

Créé par la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif , le Contrat d'engagement éducatif (CEE) permet à ceux qui en bénéficient de participer occasionnellement à des fonctions d'animation ou de direction d'un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif à l'occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs. Dès lors, le CEE est mobilisable pour une période maximum de 80 jours sur une période de 12 mois.

Ce contrat, à durée déterminée, est dérogatoire au droit commun en ce qui concerne notamment la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires, le temps de repos et la rémunération.

Le recours massif à ce type de contrat conduit à plusieurs biais.

Comme le souligne l'enquête de l'INJEP, le cumul des jours rémunérés pour les fonctions de chef de centre, d'adjoint et de cadres spécialisés ne leur permet pas d'effectuer plus de 2 séjours par an, sous peine de dépasser le plafond autorisé des 80 jours annuels dans le cadre du CEE. Or, la fidélisation des équipes , notamment de direction, permet une capitalisation des expériences et une très grande implication dans la conception, la préparation et la conduite des séjours .

Par ailleurs, pour répondre aux exigences du CEE, la formation des encadrants est souvent modulée selon qu'il s'agit du premier ou du second séjour . Si les jours de formation en amont du séjour (de l'ordre de 5 jours) sont conservés systématiquement, les formations régionales, voire nationales, ne sont mobilisées que lors de la première participation, pouvant grandement influencer le déroulement et l'encadrement des séjours de cohésion qui suivent .

3. La réalisation des missions d'intérêt général est loin d'être systématique

Si la mission d'intérêt général (MIG) semble mieux connue par les volontaires, cette seconde phase reste toutefois assez incertaine à l'issue du séjour pour de nombreux jeunes qui ne repèrent pas toujours les structures susceptibles de les accueillir et/ou qui font face à une offre limitée sur leur territoire et à des problèmes de mobilité . De plus, la charge administrative engendrée par l'inscription et le suivi des missions, qui incombe aux référents MIG, pose là encore question quant à la montée en charge du dispositif. En outre, il est parfois difficile pour certaines organisations d'adapter les missions aux exigences d'un public mineur.

À ce jour, seulement 3,5 % des volontaires ayant effectué l'un des trois séjours de cohésion en 2022 ont réalisé leur MIG et 40 % sont en cours de recherche ou de réalisation. Pourtant, les jeunes en MIG témoignent d'une grande satisfaction sur les missions qui leur sont proposées. La MIG a une véritable valeur ajoutée en ce qu'elle permet réellement aux volontaires de découvrir l'engagement. La simple réalisation du séjour de cohésion de 15 jours perd véritablement de son intérêt s'il n'est pas suivi par une mission à plus long terme .

D'autant plus que le séjour de cohésion est coûteux : en 2023, la construction budgétaire repose sur un coût moyen de 2 140 € par jeune (hors dépenses liées aux systèmes d'information et à la communication). Il est primordial que ce haut niveau de dépenses suscite par la suite chez la quasi-totalité des jeunes l'envie de s'engager pour la société au travers d'une MIG.

4. Les contraintes du SNU sont incompatibles avec une généralisation rapide du dispositif

Pour la première fois, en 2023, le nombre de places pour participer aux séjours de cohésion ne sera plus limité, afin que tous les Français de 15 à 17 ans qui souhaitent s'engager le puissent.

Si à l'heure actuelle, le dispositif semble encore faiblement attractif, la généralisation de celui-ci pose toujours question. Au-delà du nombre limité de centres susceptibles d'accueillir les jeunes effectuant le séjour de cohésion, encadrer toute une classe d'âge, soit environ 800 000 jeunes, aurait des conséquences budgétaires, juridiques et logistiques considérables, qu'il parait difficile de solutionner à court terme pour toutes les raisons exposées ci-dessus.

B. LA NÉCESSITÉ D'UN SNU « EN PHASE » AVEC LES DISPOSITIFS EXISTANTS

Alors que l'année 2023 a vocation à représenter une nouvelle étape vers le plein déploiement du dispositif, le rapporteur encourage le Gouvernement à réfléchir sur les moyens d'articuler la mise en oeuvre du service universel avec les outils existants pour valoriser la citoyenneté, renforcer la cohésion nationale et faire découvrir l'engagement aux jeunes .

Le défi aujourd'hui est de trouver la formule équilibrée pour un SNU contribuant à faire grandir les jeunes Français en tant que citoyens acteurs de la société mais aussi les encourageant de manière concrète à s'engager à long terme.

Pour cela, le rapporteur propose de réformer le contenu des séjours de cohésion pour le rapprocher de celui de la session de formation générale au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) afin que les jeunes volontaires obtiennent, à l'issue de la phase 1 du SNU la qualité d'animateur stagiaire. Un tel rapprochement permettrait ainsi d'encourager fortement les participants au SNU à poursuivre ensuite la formation pour obtenir le BAFA et apporterait une véritable valeur ajoutée à cette première phase de cohésion.

Relier les séjours de cohésion et la formation au BAFA, pour renforcer l'attractivité du SNU et remédier à la crise du secteur de l'animation

L'obtention du BAFA est conditionnée à la participation au parcours suivant : une session de formation générale, pour acquérir les notions de bases d'une durée de 8 jours, permettant d'obtenir la qualité d'animateur stagiaire, un stage pratique de 14 jours et une session d'approfondissement de 6 jours ou de qualification de 8 jours pour compléter les acquis. Chaque étape est évaluée, puis le brevet est ensuite délivré par le Service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (SDJES).

Or, le BAFA connait une hémorragie de candidats depuis plusieurs années . Si l'année 2021 a vu une hausse de 8 % du nombre de brevets délivrés, le niveau d'avant la crise est loin d'avoir été retrouvé, sachant que le nombre de brevets délivrés avait déjà fortement baissé entre 2016 et 2019, passant de 54 800 à 42 900 brevets délivrés. La rentrée scolaire 2021 a ainsi été marquée par de grandes difficultés de recrutement dans le secteur des accueils collectifs de mineurs, 80 % des opérateurs ayant éprouvé des difficultés pour recruter de la main-d'oeuvre.

La crise sanitaire depuis 2020 a accéléré les difficultés en engendrant une lassitude des animateurs et en limitant la capacité des jeunes à se former . Trop de jeunes se détournent de ces métiers qui leur semblent intéressants mais peu valorisés, peu rémunérés, avec des temps de travail morcelés et peu de perspectives d'évolution. Pourtant, les brevets d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et de directeur (BAFD) en accueils collectifs de mineurs représentent près de 80 % des certifications délivrées dans l'animation.

Nombre de BAFA délivrés

Si les aides mises en place dans le cadre des assises de l'animation doivent être saluées (aide exceptionnelle accordée en 2022 à 20 000 jeunes qui terminent leur formation BAFA, abaissement de l'âge minimum d'entrée en formation à 16 ans 1 ( * ) ), il est essentiel de redonner encore davantage aux jeunes l'envie de s'investir dans ces secteurs en crise .

Un rapprochement avec le service civique a été enclenché en permettant aux volontaires qui ont effectué une mission depuis le 1 er janvier 2022 de bénéficier d'une réduction de 100 € sur leur BAFA ou BAFD. Il est indispensable de relier aussi le SNU et le BAFA - et ce de manière encore plus concrète - pour enclencher une nouvelle dynamique au sein des deux dispositifs .

III. UN SOUTIEN AUX ASSOCIATIONS À RENFORCER POUR PRÉSERVER LE DYNAMISME DU TISSU ASSOCIATIF

A. Les effets des deux années de vagues épidémiques et de mises à l'arrêt forcées des associations se font encore ressentir en 2022. En mai dernier, France Bénévolat et le réseau Recherches et solidarités indiquaient que le secteur associatif a perdu environ 15 % de ses bénévoles entre 2019 et 2022 .

Malgré les efforts du Gouvernement pour redynamiser le tissu associatif, le secteur alerte sur l'empilement de dispositifs à destination des bénévoles, souvent mal connus. Nombre de dispositifs, à l'instar du CEC, du passeport bénévole ou encore du congé engagement demeurent faiblement utilisés par les bénévoles éligibles. D'autres dispositifs plus connus comme le FDVA manquent parfois de lisibilité, freinant encore leur attractivité. Il est urgent de communiquer davantage sur les dispositifs existants .

LE SECTEUR ASSOCIATIF PEINE À RETROUVER SON NIVEAU D'AVANT-CRISE

- 15%

Évolution du nombre de bénévoles entre 2020 et 2022

Par ailleurs, devenir bénévole permet de développer des connaissances, des compétences et du savoir-être, qualités particulièrement utiles dans la vie quotidienne, mais souvent mal reconnues, notamment dans le milieu professionnel. Plus généralement, l'activité bénévole manque souvent de visibilité en dehors de la sphère associative .

Pour pallier ces faiblesses, la Secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, Marlène Schiappa , a lancé le 17 octobre dernier un « Tour de France du bénévolat » pour exprimer la reconnaissance de la Nation auprès des acteurs de la vie associative . À chaque étape, les bénévoles sont invités à partager leurs bonnes pratiques et sont récompensés.

Cette action doit être saluée, mais il est impératif de mettre en place une politique plus ambitieuse pour la vie associative et de multiplier les initiatives pour valoriser davantage l'engagement bénévole .

B. LE CONTRAT D'ENGAGEMENT RÉPUBLICAIN SUSCITE DES OPPOSITIONS AU SEIN DU MONDE ASSOCIATIF

La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République prévoit que toute association ou fondation sollicitant l'octroi d'une subvention publique, d'un agrément ou d'une reconnaissance d'utilité publique doit souscrire un contrat d'engagement républicain , induisant le respect de sept grands principes : respect des lois de la République, liberté de conscience, liberté des membres de l'association, égalité et non-discrimination, fraternité et prévention de la violence, respect de la dignité de la personne humaine et respect des symboles de la République.

Ce contrat, en vigueur depuis le 1 er janvier 2022, suscite de vives oppositions parmi les acteurs du monde associatif, alors que les associations s'engageaient déjà jusqu'alors à respecter les principes et valeurs de la Charte des engagements réciproques conclue le 14 février 2014 entre l'État, les collectivités territoriales et les associations, ainsi que les déclinaisons de cette charte. Plus encore, ce contrat est parfois vécu comme un acte de défiance par les associations , mais également comme un danger puisqu'il peut parfois être, selon sa mise en oeuvre et son interprétation dans certains territoires, détourné pour justifier le retrait de subventions .

C. LE FDVA, UN DISPOSITIF EFFICACE À CONFORTER

Le FDVA est un outil financier majeur pour la promotion et le développement de la vie associative, tant pour la formation des bénévoles (« FDVA 1 ») que pour le soutien des projets des associations (« FDVA 2 »). Comme en 2022, 33 millions d'euros seront consacrés au FDVA pour 2023 . Alors que nombre d'associations doivent reconstituer leur structure associative face à la diminution du nombre de bénévoles qui se poursuit depuis deux ans, le rapporteur regrette que le montant alloué au FDVA soit en stagnation face aux besoins croissants.

§ FDVA 1 : Pour se renouveler, les associations doivent diversifier leurs activités dont certaines exigent aujourd'hui des compétences spécifiques. De plus, la formation des bénévoles est un levier de professionnalisation, de fidélisation et de reconnaissance particulièrement important. Ainsi, l'État a consacré, en 2021, 7 millions d'euros dans le cadre du FDVA au financement des formations de bénévoles de tout secteur, hors associations sportives.

1 970 associations (74 % des demandes) ont reçu une subvention pour former 239 000 bénévoles (66 % du nombre de bénévoles souhaités), à travers près de 21 000 journées de formation. Le taux de petites associations bénéficiaires (deux salariés au plus) est de 49 %.

§ FDVA 2 : Depuis 2018, le FDVA s'est vu confier la responsabilité d'attribuer aux associations les fonds anciennement versés au titre de la réserve parlementaire . Les petites associations de tous les territoires, sans condition d'agrément ou de secteur, peuvent ainsi effectuer des demandes de subventions au titre du FDVA aussi bien pour leur fonctionnement que pour leurs nouveaux projets. Le FDVA consacre 25 millions d'euros au soutien au fonctionnement et à l'innovation des associations locales .

Par ailleurs, depuis 2020, une quote-part des sommes acquises à l'État relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance-vie en déshérence est affectée au FDVA . Cette quote-part, fixée à 20 %, représente 17,5 millions d'euros pour 2023 .

En 2021, 46,85 millions d'euros ont été accordés et versés représentant seulement 38 % du montant total demandé. Près de 13 400 associations et plus de 14 250 actions ont été soutenues ; plus d'une association sur 5 ayant présenté une demande s'est donc vu refuser un financement. Ces résultats montrent que la lisibilité des critères du financement du FDVA 2 peut encore être améliorée. 79 % des associations soutenues n'ont pas de salarié ou 2 au maximum.

Fin 2021, la Cour des comptes a publié un rapport évaluant l'efficacité du dispositif. Celui-ci soulignait notamment la lourdeur du dispositif. Plus encore, le rapport constatait que « les objectifs nombreux et ambitieux assignés au FDVA 2 apparaissent en décalage avec les moyens déployés et provoquent un saupoudrage des financements et la distribution de subventions de faible montant ».

Afin de donner au FDVA les moyens de ses ambitions, le rapporteur plaide pour une hausse de la quote-part des sommes acquises à l'État relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance-vie en déshérence qui lui est affectée .

Cette hausse est indispensable pour répondre à l'ensemble des demandes et accompagner la reprise du secteur et prévenir les difficultés à venir, face à l'inflation et aux coûts supplémentaires auxquels les associations vont devoir faire face dans les prochains mois.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a décidé, lors de sa réunion plénière du 16 novembre 2022, de s'abstenir sur l'adoption des crédits du programme « Jeunesse et vie associative », au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2023, et s'en remettra, dans ces conditions, à la sagesse du Sénat .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 16 NOVEMBRE 2022

___________

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis sur les crédits Jeunesse et vie associative . - Le programme 163 est doté, dans le projet de loi de finances pour 2023, de 837,08 millions d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de 65 millions d'euros, soit de plus de 8 % par rapport à l'année dernière.

Mais une fois encore, l'augmentation de ce budget pour l'année à venir demeure en grande partie absorbée par la montée en charge du service national universel. Les crédits qui y sont consacrés augmentent de 30 millions d'euros, alors même que la mise en oeuvre et la pérennisation de ce dispositif suscitent encore de nombreuses questions. J'y reviendrai.

Les crédits en faveur du service civique inscrits dans le programme 163 sont également en augmentation. Une enveloppe complémentaire de 20 millions d'euros doit permettre à l'Agence du service civique de poursuivre ses activités en 2023.

Toutefois, cette évolution favorable du budget doit être nuancée ; il ne faut pas oublier que le service civique bénéficiait également l'année dernière de 201 millions d'euros supplémentaires issus du Plan de relance. Si l'Agence du service civique assure pouvoir continuer de mener à bien ses missions en 2023 dans ces conditions, je regrette tout de même que ces crédits ne soient pas pérennisés. Le service civique est pourtant un dispositif pertinent, qui démontre chaque année son efficacité en termes d'accompagnement des jeunes, d'insertion et d'engagement.

Ce budget pour 2023 appelle également deux autres remarques générales :

- Tout d'abord, l'effort en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire doit être souligné. En 2023, une enveloppe complémentaire de 6,8 millions d'euros permettra, d'une part, de financer les mesures relatives aux Assises de l'animation annoncées par la secrétaire d'État Sarah El Haïry en février dernier. Ces mesures ont notamment pour ambition de renforcer l'accès à la formation et d'améliorer la qualité de l'emploi pour les animateurs professionnels. Ces crédits permettront aussi, d'autre part, de financer le « plan mercredi ». Ce plan, pour rappel, vise à permettre à tous les enfants d'accéder à des activités éducatives organisées en lien avec le temps scolaire.

J'attire un instant votre attention sur la pérennisation des postes créés pendant la crise sanitaire pour le dispositif « Fonjep Jeunes ». Je vous rappelle qu'en 2021 et 2022, un soutien renforcé avait été apporté aux associations intervenant dans les champs de la jeunesse et de l'éducation populaire avec le subventionnement de 2 000 « postes Fonjep » supplémentaires sur le Plan de relance. Leur financement est désormais intégré au sein du programme 163. Ces postes Fonjep sont particulièrement importants : ils sont attribués pour trois ans, ce qui offre une certaine visibilité à long terme pour l'association bénéficiaire.

- Toutefois, les crédits en faveur du développement de la vie associative sont en baisse pour 2023, sous l'effet notamment de la diminution des crédits consacrés au compte d'engagement citoyen. En effet, le dispositif a été moins sollicité que prévu par les bénévoles éligibles.

Cette baisse du budget alloué au monde associatif est particulièrement préoccupante. Plus que jamais, il m'apparait au contraire essentiel de renforcer davantage le soutien aux associations, qui peinent à retrouver leur dynamisme d'avant-crise. Le secteur associatif a perdu environ 15 % de ses bénévoles entre 2019 et 2022 !

Par ailleurs, l'activité bénévole est souvent trop peu valorisée en dehors de la sphère associative. Le bénévolat doit être davantage reconnu et encouragé.

Si des dispositifs à destination des bénévoles existent, à l'instar du CEC, du passeport bénévole ou encore du congé engagement, ils demeurent trop faiblement utilisés par les bénévoles éligibles, car peu connus par ces derniers.

Au lendemain d'une crise sanitaire qui les a durement éprouvées, les associations se heurtent désormais à une véritable crise du bénévolat, à laquelle vient s'ajouter la crise énergétique. Le tissu associatif local en est fortement fragilisé et doit plus que jamais être soutenu.

Aussi, face aux besoins croissants, je regrette que le montant alloué au FDVA soit à nouveau en stagnation. Le FDVA est pourtant un outil financier majeur pour la promotion et le développement de la vie associative.

En 2021, le « FDVA 1 » a permis de former près de 240 000 personnes. Toutefois, les possibilités de formation offertes restent en deçà des demandes des bénévoles puisque seulement 66 % du nombre de bénévoles demandeurs a pu accéder aux formations proposées durant l'année.

Depuis 2018, vous le savez, le FDVA s'est vu confier la responsabilité d'attribuer aux associations les fonds anciennement versés au titre de la réserve parlementaire.

Ainsi, les crédits du « FDVA 2 » - destinés au soutien aux projets et à l'innovation - permettent aux petites associations de tous les territoires d'effectuer des demandes de subventions.

Mais ce dispositif est très lourd pour les petites associations et manque de lisibilité. Son efficacité n'est pas satisfaisante : en 2021, 46,85 millions d'euros ont été accordés et versés, représentant seulement 38 % du montant total demandé. Plus d'une association sur 5 ayant présenté une demande s'est vu refuser un financement.

Par ailleurs, le FDVA bénéficie également depuis 2021 d'un abondement annuel venant des comptes inactifs des associations en déshérence. La quote-part est aujourd'hui fixée à 20 %. Cela représente 17,5 millions d'euros pour 2023, comme en 2022. Une hausse de cette quote-part me parait indispensable pour répondre à l'ensemble des demandes et prévenir les difficultés à venir, face à l'inflation et aux coûts supplémentaires auxquels les associations vont devoir faire face dans les prochains mois.

J'aimerais maintenant revenir au service national universel. Eu égard aux modalités de déploiement du dispositif cette année, je suis particulièrement sceptique quant à sa montée en charge.

Premier constat : trois ans après sa première expérimentation, le dispositif peine encore à décoller. Concernant la phase 1 et pour la première fois cette année, trois sessions ont été organisées en février, juin et juillet. Pourtant, seulement 32 000 volontaires ont effectué un séjour de cohésion en 2022, loin de l'objectif de 50 000 volontaires fixé initialement. Le gouvernement vise pour 2023 le nombre de 60 000 volontaires effectuant la phase 1 du SNU. Au vu du peu d'engouement suscité depuis sa mise en place, cet objectif me parait une nouvelle fois bien trop ambitieux.

Je m'inquiète également du recours massif au Contrat d'engagement éducatif pour recruter les encadrants du séjour de cohésion. Ce type de contrats permet à ceux qui en bénéficient de participer occasionnellement à des fonctions d'animation ou de direction d'un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif, à l'occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs. Il est mobilisable pour une période maximum de 80 jours sur une période de 12 mois. Il n'est en aucun cas adapté aux particularités et aux exigences du SNU.

Quant à la phase 2, c'est-à-dire, la mission d'intérêt général pendant 15 jours ou 84 heures, trop de peu de jeunes encore la réalisent. À ce jour, seulement 3,5 % des volontaires ayant effectué l'un des trois séjours de cohésion en 2022 ont réalisé leur MIG et 40 % sont en cours de recherche ou de réalisation !

Parmi les principaux freins, les jeunes ne repèrent pas toujours les structures susceptibles de les accueillir, ou font face à une offre limitée sur leur territoire et à des problèmes de mobilité.

Dans ces conditions, la montée en charge du dispositif interroge. Je l'avais déjà indiqué l'année dernière : il est urgent d'avoir une réflexion de fond sur les objectifs du SNU et sur son déploiement à long terme.

Il pourrait par exemple être opportun de réformer le contenu des séjours de cohésion pour le rapprocher de celui de la session de formation générale au BAFA. Cela pourrait permettre aux volontaires d'obtenir, à l'issue de la phase 1 du SNU, la qualité d'animateur stagiaire. Un tel rapprochement permettrait d'encourager fortement les participants au SNU à poursuivre ensuite la formation pour obtenir le BAFA et permettrait ainsi d'enclencher une nouvelle dynamique au sein des deux dispositifs.

Je terminerais d'ailleurs en évoquant la situation inquiétante du BAFA, qui connait depuis plusieurs années une baisse drastique du nombre de candidats.

Si l'année 2021 a vu une hausse de 8 % du nombre de brevets délivrés, le niveau d'avant la crise est loin d'avoir été retrouvé, sachant que le nombre de brevets délivrés avait déjà fortement baissé entre 2016 et 2019.

Comme je l'indiquais, des aides ont déjà été mises en place dans le cadre des assises de l'animation. Parmi elles, une aide exceptionnelle a été accordée en 2022 à 20 000 jeunes qui terminent leur formation BAFA et l'âge minimum d'entrée en formation a été abaissé à 16 ans. Ces initiatives doivent être saluées.

Mais face à l'ampleur des besoins, il est essentiel de redonner encore davantage aux jeunes l'envie de s'investir dans ces secteurs en crise.

La rentrée scolaire 2021 a été marquée par de grandes difficultés de recrutement dans le secteur des accueils collectifs de mineurs - 80 % des opérateurs ayant éprouvé des difficultés pour recruter de la main-d'oeuvre.

C'est notamment le cas des colonies de vacances. Or, la diminution du nombre de départs en colonie de vacances a également des conséquences, à moyen terme, sur le nombre de candidats en BAFA, la plupart des candidats ayant déjà participé à des séjours collectifs. Il m'apparait donc important de soutenir également la dynamique des colonies de vacances pour élargir le vivier de candidats potentiels au BAFA. C'est pourquoi je tenais à réitérer mon appel à la création d'un « pass colo » à destination des enfants de 9 à 11 ans, soit de CM1/CM2, afin d'inciter et soutenir financièrement le départ des enfants en séjours collectifs.

Je conclurais donc en rappelant que les crédits du programme 163 sont en augmentation pour 2023. Néanmoins, je suis sceptique sur l'utilisation de ces millions d'euros supplémentaires, dont une majorité pourrait à mon sens être mieux utilisée en faveur d'autres dispositifs du programme. C'est la raison pour laquelle je propose que notre commission s'en remette à la sagesse du Sénat.

Mme Elsa Schalck . - Je tiens à saluer le travail accompli par le rapporteur et à le remercier de nous avoir conviés aux auditions organisées dans le cadre de la préparation de son rapport.

Nous constatons que la hausse du budget du programme 163 est cette année encore majoritairement consacrée au financement du déploiement du service national universel (SNU), dispositif sur lequel nous souhaitons continuer à émettre de nombreuses réserves. Celui-ci se caractérise toujours par un manque criant de visibilité et de lisibilité, une sur-estimation manifeste et systématique du nombre de participants attendus et des difficultés récurrentes en termes de logistique. Nous nous étonnons, dans ces conditions, que le gouvernement s'entête à envisager de généraliser le SNU.

Un certain nombre de questions restées sans réponse entourent d'ailleurs ce dispositif. Nous pensons plus particulièrement à celles relatives à l'identité et à la formation des encadrants, à celles concernant l'intérêt du séjour de cohésion et à celles associées aux modalités de financement de la généralisation envisagée par le gouvernement, dont le coût avoisinerait les 1,7 milliard d'euros. Nous estimons, comme vient de le souligner le rapporteur, qu'il est grand temps de donner au Parlement l'opportunité de débattre de l'avenir de ce dispositif.

Nous nous félicitons en revanche du succès rencontré par le service civique, dont les crédits progresseront de vingt millions d'euros en 2023. Nous constatons avec satisfaction son déploiement progressif en milieu rural depuis 2021. Nous appelons de nos voeux la mise en oeuvre d'une communication appropriée afin de porter les informations relatives aux contours et aux modalités de ce dispositif aux jeunes concernés.

Pourtant annoncée comme prioritaire par le Président de la République, on ne peut que regretter que la politique du gouvernement en faveur de la jeunesse de France se trouve éparpillée entre plusieurs ministères et différentes missions budgétaires, ce qui nuit à sa lisibilité et occulte sa compréhension.

Après une crise sanitaire qui a considérablement fragilisé le tissu associatif et au moment où les associations font face aux surcoûts liés à l'explosion de leurs dépenses énergétiques, il est regrettable de constater une stagnation du montant des crédits alloués au FDVA et une baisse de ceux consacrés au compte d'engagement citoyen. Il serait d'ailleurs opportun de songer à articuler le FDVA avec d'autres dispositifs, comme ceux destinés à la valorisation de la formation des bénévoles.

La baisse des demandes de subventions constatée au titre du FDVA traduit selon nous le manque de lisibilité de ses critères de financement et la lourdeur des procédures imposées aux associations, en particulier les plus petites. Il est impératif de procéder rapidement à l'amélioration de ces critères et à la simplification de ces procédures.

Pour toutes ces raisons, les membres de mon groupe s'abstiendront sur le vote des crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative.

Mme Sylvie Robert . - Je tiens à mon tour à remercier le rapporteur pour la qualité de sa présentation. Nous ne pouvons que regretter la baisse des crédits consacrés à la vie associative alors que la plupart des structures n'ont pas encore retrouvé leur rythme de croisière. C'est un signal négatif adressé tant aux associations qu'aux bénévoles qui les animent.

S'agissant du SNU, je me demande si la secrétaire d'État croit vraiment à l'avenir du dispositif dont elle s'emploie, avec un certain talent, à nous vanter les mérites. Il est d'ailleurs paradoxal de souhaiter permettre à l'ensemble d'une classe d'âge de faire cohésion quand un si petit nombre de jeunes participent effectivement au dispositif chaque année. On peut par conséquent estimer que les trente millions d'euros supplémentaires alloués au SNU en 2023 auraient été plus profitables au soutien de la vie associative et du service civique ou à la création d'un véritable écosystème autour du BAFA et des colonies de vacances.

Au regard de son manque d'attractivité et de son coût, j'espère que le SNU sera bientôt arrêté.

Nous suivrons bien entendu l'avis du rapporteur.

M. Claude Kern . - Nous ne pouvons que regretter la diminution des crédits consacrés au monde associatif au moment où ses acteurs doivent faire face à l'inflation et au renchérissement significatif du coût de l'énergie. Je rappelle que ce secteur concerne pas moins de treize millions d'adhérents, vingt et un millions de bénévoles et un million huit cent mille salariés soit près de dix pour cent des emplois privés. Je déplore que l'ensemble des mesures visant à valoriser l'engagement bénévole proposées par le Sénat à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France n'aient pas été retenues par le gouvernement.

Je constate, comme d'autres, que les procédures permettant de bénéficier du FDVA demeurent trop lourdes et trop complexes pour les petites associations. Nous attendons donc avec impatience la mise en oeuvre des mesures de simplification annoncées hier soir par Marlène Schiappa.

Si je me félicite de la poursuite de l'effort budgétaire réalisé en faveur du service civique, qui connaît un véritable engouement auprès des jeunes, je serais en revanche plus critique à l'égard du service national universel. On peut en effet douter que ce dispositif soit en mesure de contribuer efficacement au développement de l'autonomie et des compétences réelles de nos jeunes. On constate au contraire une inadéquation flagrante entre ce dispositif et leurs attentes alors que de nombreux secteurs économiques en crise de recrutement n'y sont pas associés. La question de l'avenir de ce dispositif est clairement posée.

Au final, la stratégie du gouvernement à l'égard de la jeunesse demeure particulièrement floue.

Notre groupe s'abstiendra sur l'adoption de ces crédits.

Mme Céline Brulin . - Ce projet de budget destiné à la jeunesse frise l'insincérité compte tenu des hypothèses envisagées par le gouvernement concernant l'avenir du SNU. En effet, l'augmentation des crédits proposée par le gouvernement en 2023 ne permettrait en aucun cas de financer une éventuelle généralisation du dispositif et s'avérerait totalement inutile si celui-ci devait a contrario être intégré au temps scolaire. En résumé, il s'agit d'une hausse des crédits en trompe-l'oeil, et ceux-ci seraient bien mieux employés à soutenir les associations et les autres dispositifs destinés à la jeunesse.

Je partage ce qui a déjà été dit concernant le FDVA dont il faut augmenter les crédits et simplifier les procédures . Les calendriers que les associations sont tenues de respecter dans le cadre de leurs demandes de subventions me paraissent ainsi totalement inadaptés. Je n'en demeure pas moins inquiète, car, lorsqu'un membre du gouvernement annonce une simplification, l'expérience montre que les choses ont plutôt tendance à se complexifier ...

Je forme le voeu que les dispositifs créés par le gouvernement pour aider les associations à faire face à la hausse des coûts de l'énergie soient d'une plus grande simplicité.

En tout état de cause, notre groupe votera contre l'adoption de ces crédits.

Mme Monique de Marco . - Nous nous félicitons de l'augmentation des crédits alloués à la jeunesse et à l'éducation populaire, mais regrettons la baisse de ceux destinés au soutien à la vie associative au moment où nous constatons une diminution du bénévolat dans toutes les catégories d'associations.

Nous considérons nous aussi qu'il est nécessaire d'avoir un débat de fond sur l'avenir du SNU.

Nous nous inquiétons de la perte d'intérêt des jeunes de nos territoires pour le BAFA et de la désaffection des familles pour les colonies de vacances.

Considérant que les millions d'euros alloués à ce budget pourraient être utilisés différemment, nous suivrons l'avis de sagesse proposé par le rapporteur.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - J'ai apprécié le terme d'écosystème employé par Sylvie Robert. Il résume bien ce continuum , dont le service universel ne fait pas partie, partant de l'école élémentaire, passant par le collège et se terminant par le service civique.

Au regard de vos interventions, je vous proposerais de nous abstenir sur l'adoption de ces crédits.

La commission a décidé de s'abstenir sur l'adoption des crédits du programme « jeunesse et vie associative », au sein de la mission Sport, jeunesse et vie associative du projet de loi de finances pour 2023 et s'en remettra, dans ces conditions, à la sagesse du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Lundi 10 octobre 2022

• Table ronde des acteurs du milieu associatif :

- Haut conseil à la vie associative : M. Kaïs MARZAOUI , secrétaire général, Mmes Carole ORCHAMPT , vice-présidente, présidente de la commission engagement, et Chantal BRUNEAU , membre du bureau ;

- Le mouvement associatif : Mme Frédérique PFRUNDER , déléguée générale,

- France Bénévolat : M. Hubert PENICAUD , ancien vice-président,

• Agence du service civique : Mme Béatrice ANGRAND , présidente, M. Grégory CAZALET , directeur général.

Jeudi 13 octobre 2022

- Jeunesse au plein air : MM. Christian DOMINÉ , président, Quentin THIROT, chargé du plaidoyer, et Alexis TRICLIN , avocat.

- Unis-Cité : Mmes Marie TRELLU-KANE , présidente fondatrice, et Chloé VANTORRE , chargée du plaidoyer.

Lundi 17 octobre 2022

Ministère de l'Éducation nationale - Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative : MM. Yves BOERO , directeur, Jean-Roger RIBAUD , sous-directeur du service national universel, Charles-Aymeric CAFFIN , chef du bureau du développement de la vie associative, et Gilles NEDELEC , sous-directeur de l'éducation populaire.

Lundi 24 octobre 2022

Ligue de l'Enseignement : Mme Ariane AZÉMA , déléguée générale, M. Yannick HERVÉ, secrétaire général en charge de la vie associative, de l'engagement et de la jeunesse.

ANNEXE

Audition de Mmes Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, et Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel

MERCREDI 15 NOVEMBRE 2022

___________

M. Laurent Lafon, président . - Nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de finances pour 2023 en accueillant Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des Armées et du ministre de l'Éducation nationale chargée de la jeunesse et du Service national universel (SNU) et Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative.

Mesdames, je vous remercie de vous être rendues disponibles pour venir commenter à deux voix, devant notre commission, les crédits mis à votre disposition dans le projet de loi de finances pour 2023, en particulier ceux du programme 163 « jeunesse et vie associative ».

Avec un total de 837 millions d'euros répartis entre quatre actions - le développement de la vie associative, les actions en faveur de la jeunesse et l'éducation populaire, le développement du service civique et le financement du SNU -, ce programme voit ses moyens augmenter pour la cinquième année consécutive !

Au-delà de la progression de ces crédits, sans doute bienvenue, cette audition est aussi l'occasion pour nous de vous entendre présenter les grands axes des actions que vous souhaitez entreprendre en faveur de la jeunesse et de vie associative. Je pense à la montée en charge du service national universel, qui, après avoir été fortement perturbée par la crise sanitaire, peine encore à atteindre les objectifs quantitatifs fixés par le gouvernement. Je suis certain que notre rapporteur vous interrogera à ce sujet. Je pense aussi au financement des missions de service civique qui ne bénéficieront plus, comme en 2022, des 200 millions d'euros issus du programme Cohésion de la mission du Plan de relance Je pense, enfin, au secteur associatif, qui aurait perdu près de 15 % de ses bénévoles entre 2019 et 2022 selon une étude récemment publiée par France Bénévolat et Recherches & Solidarités. Les travaux réalisés par notre commission ont mis en évidence la fragilité des associations et le rôle essentiel qu'elles jouent dans la création et le maintien du lien social sur nos territoires. Que prévoit donc le budget 2023 pour leur rendre le dynamisme que certaines ont semble-t-il perdu au cours des deux années écoulées ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des armées et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel . - Le programme « Jeunesse et vie associative » que je porte avec Marlène Schiappa, regroupe une partie des crédits alloués aux politiques en faveur des jeunes et du soutien associatif.

Je le rappelle chaque année, ce programme 163 n'est qu'une partie de l'effort budgétaire de la Nation en faveur de la jeunesse, les politiques en direction de la jeunesse passent par l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, la culture - et ce programme 163 vise une partie plus informelle, qui accompagne les jeunes et le secteur associatif. Les actions soutenues bénéficient concrètement aux jeunes parce qu'elles sont construites en lien avec les services déconcentrés, en articulation avec l'ensemble des échelons des collectivités territoriales, mais aussi en étroite collaboration avec le monde associatif.

Agir pour la jeunesse, c'est prendre en considération sa diversité, l'accompagner tout au long de son émancipation ; c'est apporter des réponses concrètes, adaptées, multiples, pour que chaque jeune puisse trouver sa place ; c'est l'accompagner vers l'autonomie, en facilitant et en optimisant l'accès à l'information pour lutter concrètement contre le non-recours aux droits ; c'est aussi aider les jeunes à se projeter dans l'avenir en leur donnant les moyens de penser et de construire leurs projets de vie.

Agir pour la jeunesse, c'est déployer les solutions afin de léguer aux générations futures un avenir aussi prometteur que soutenable ; c'est refuser et combattre les déterminismes en donnant à chaque jeune, quelle que soit son origine sociale ou géographique, les mêmes chances de réussir.

Agir pour la jeunesse, c'est développer une société de l'engagement, une société dans laquelle la jeunesse s'engage ; c'est concrétiser la promesse républicaine du vivre-ensemble, de la tolérance, de l'accès aux droits et à l'éducation.

Ces crédits liés aux politiques en faveur de la jeunesse, de l'engagement, de l'éducation populaire et de la vie associative, augmentent cette année de 65 millions d'euros, soit + 8,6 %, pour atteindre 837,1 millions d'euros pour 2023.

Ce budget renforcé est au service de deux grands axes : favoriser l'engagement de la jeunesse, en l'accompagnant vers plus d'autonomie et d'opportunités ; accompagner et soutenir le développement de la vie associative.

Le programme « Jeunesse et vie associative » ne retrace évidemment qu'une fraction de l'effort de la Nation, mais il permet à l'État de jouer un rôle essentiel d'impulsion et d'innovation, pour accompagner les jeunes face aux défis nombreux de notre époque, je pense au défi climatique et aux questions de mobilité par exemple.

Je vous présenterai, parmi toutes les actions que nous soutenons, quelques mesures emblématiques et prioritaires l'an prochain.

Nous voulons, d'abord, structurer le secteur associatif. Pour mémoire, les assises de la vie associative qui ont eu lieu de novembre 2021 à février 2022 ont permis de mobiliser tous les acteurs sur les mesures nécessaires pour son devenir, voire son renouveau. C'est le sens du Plan composé de 25 mesures annoncées le 22 février 2022. Il comprend des mesures exceptionnelles pouvant être mises en oeuvre par le secrétariat d'État et des mesures qui relèvent du comité de filière, par exemple l'aide de 200 euros accordée aux jeunes ayant entamé leur formation au Bafa au 1 er janvier et l'achevant avant la fin de l'année - nous avions budgété 20 000 aides, il y a eu 25 000 demandes et nous les avons honorées. Il y a quelques jours, un décret a entériné l'abaissement à 16 ans de l'âge minimal d'entrée en formation au Bafa.

Ces mesures sont nécessaires, elles portent déjà leurs fruits. Cependant, nous avons besoin d'une transformation plus structurelle de l'animation, en s'appuyant d'abord sur la confiance des parents et en renforçant l'attractivité des métiers de l'animation, en particulier en luttant contre le temps partiel subi et en construisant de véritables parcours d'animation. J'ai souhaité également mettre l'accent sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, cela passe par une meilleure formation en particulier pour l'accueil de jeunes avec hébergement - j'ai mis autour de la table tous les acteurs concernés, pour mettre en lumière les meilleures pratiques pour répondre au besoin de sécurité et de confiance.

Deuxième action prioritaire que je souhaite souligner, le déploiement du SNU. Je vous en ai présenté les étapes chaque année, sans vous en dissimuler les difficultés, nous sommes à un momentum , nous avons essayé plusieurs modes d'organisation - la délégation, la centralisation -, nous sommes face à des défis climatiques plus criants, des catastrophes climatiques sont là, je pense aux feux de forêt de cet été, aux inondations, ou encore à la tornade qui s'est produite dans le Pas-de-Calais, nous sommes aussi face à des défis de cohésion nationale, une partie de la jeunesse ne fait plus commun avec le reste de la société - comment, dans ces conditions, peut-on recréer, susciter une culture de l'engagement autour de valeurs communes, mais aussi augmenter la résilience de notre pays ? Par résilience, je pense à l'éducation à la sécurité civile, je pense au retour à la guerre de haute intensité sur notre continent, mais aussi à la nécessité de comprendre comment fonctionne notre démocratie, je pense à la possibilité de rencontrer des élus locaux, pour rappeler combien la démocratie est une cause qui nous est chère, et que la citoyenneté et le civisme, cela s'apprend tout au long de la vie, et dès le plus jeune âge - alors que nous voyons que des jeunes s'abstiennent de voter et se tiennent loin de nos institutions démocratiques.

Le SNU comprend une phase de séjour collectif de cohésion de douze jours, puis une mission d'intérêt général d'une même durée, pour faire découvrir l'importance et le pouvoir d'agir de chacun dans une collectivité, au sein d'une association ou d'une équipe de sapeurs-pompiers ou d'une brigade de gendarmerie par exemple. Ensuite, les jeunes peuvent choisir de prolonger leur engagement dans le cadre des réserves militaires ou civiles, ou dans le cadre d'un service civique.

Le SNU poursuivra son développement pour faire face au grand défi du plein déploiement souhaité par le Président de la République avec, en 2023, une montée en puissance et une augmentation de 30 millions d'euros par rapport à l'an passé, pour atteindre 140 millions d'euros. Nous avons deux hypothèses pour le SNU de demain : soit l'intégration au temps scolaire, dans l'éducation civique et morale, donc l'intégration dans les référentiels de compétences scolaires en classe de Seconde ou de Première année de CAP ; soit on élargit le recrutement du SNU en levant les freins constatés pour les jeunes en lycées professionnels et agricoles, par exemple les problèmes de calendrier liés à ce que des séjours de cohésion soient concomitants aux stages professionnels. En tout état de cause, notre objectif pour l'an prochain, c'est d'aller jusqu'à 64 000 jeunes en SNU.

Troisième mesure, nous voulons amplifier le Plan mentorat. Annoncé par le président de la République le 1 er mars 2021 dans le cadre du plan #1jeune1solution, le dispositif « 1 jeune, 1 mentor », vise à accroître le nombre de jeunes qui bénéficient de l'accompagnement d'un mentor - étudiant, professionnel en exercice ou retraité -, pendant leur parcours scolaire, dans leurs choix d'orientation ou en phase d'insertion professionnelle. Ce plan sera doté de 27 millions euros en 2023. Le mentorat mobilise par le lien et le témoignage, je pense aux associations Chemin d'avenir qui accompagnent de jeunes ruraux vers les grandes écoles, ou encore à Télémaque - j'ai de très nombreux exemples, mais ce n'est pas le cadre ici de les présenter.

Notre ministère porte une attention toute particulière aux colonies de vacances, les séjours connaissaient une baisse de fréquentation depuis une dizaine d'années, le nombre de départs de mineurs s'est stabilisé depuis 2018-2019 autour de 900 000 enfants et adolescents, pris en charge dans 33 000 séjours avec hébergement. Les colonies sont des temps où l'on apprend à vivre en collectivité, c'est essentiel et nous soutenons en particulier les vacances apprenantes.

Quatrième mesure, nous développons le service civique. C'est le Sénat qui, dans sa grande sagesse, l'a soutenu en 2010, plus de 600 000 jeunes ont fait le choix de s'engager dans le cadre d'une mission de service civique, 145 000 jeunes ont effectué un service civique en 2021. Le budget consacré au service civique gagne 20 millions d'euros l'an prochain, pour atteindre 518,8 millions d'euros. Je suis très vigilante à ce que le service civique ne se substitue pas à de l'emploi, c'est bien un temps d'engagement, certes rémunéré et dont nous avons augmenté la rémunération pour tenir compte de l'inflation, mais cela reste de l'engagement. Et je suis très vigilante également à ce que le service civique irrigue l'ensemble du territoire, y compris la ruralité, nous cherchons à ce qu'il puisse être porté par l'intercommunalité pour les plus petites communes.

De manière complémentaire, le ministère soutient les actions d'éducation populaire.

Voici de façon préliminaire à nos échanges quelques éléments structurants sur le budget Jeunesse et vie associative. Comme vous pouvez le constater, il relève surtout de la logique dans laquelle s'inscrit la politique du gouvernement : celle d'accompagner notre jeunesse vers l'émancipation, avec une ambition forte, celle de développer la force morale de chacun, la culture de l'engagement et de renforcer la cohésion nationale, tout en agissant sur le développement de nos territoires.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative . - Je suis ravie de vous présenter la partie « vie associative » de cette mission « Sports, Jeunesse et Vie associative », je salue la très bonne gestion financière de ma prédécesseure, j'ai trouvé des finances saines à mon arrivée.

La France compte 20 millions de bénévoles, soit près d'un Français sur trois et 1,5 million d'associations oeuvrant au quotidien pour des causes qui leurs sont chères. Toutes et tous ici, du fait de vos expériences d'élus locaux, vous connaissez les visages et les actions de ces femmes et de ces hommes dans vos territoires, qui donnent ce qu'ils ont de plus précieux, leur temps. Ce sont les poumons de notre vie démocratique et une formidable école de la citoyenneté par leur culture du dialogue et du compromis. Cependant, ce secteur connait depuis quelques années une crise de l'engagement. Le Gouvernement veut inverser ce lent délitement qui s'est accéléré à cause de la crise sanitaire, c'est le sens de ma feuille de route, dans la continuité des actions conduites par ma prédecesseure.

Notre action, dont nous avons défini les objectifs avec les acteurs, vise à simplifier et à valoriser l'action des associations.

Les crédits « Fonctionnement et numérique » de la vie associative doublent, passant à 1,5 million d'euros. Concrètement, nous facilitons la vie des associations et nous dotons l'État d'une meilleure lecture de la vie associative par territoire. Trois dispositifs complémentaires illustrent cet aspect.

D'abord, le « Compte asso » : en fonctionnement depuis 2018, cet outil numérique offre la possibilité aux associations de centraliser leurs informations, de nombreux renseignements du quotidien ainsi que les démarches administratives et les demandes de subventions. L'objectif est de limiter la perte de temps sur le principe du « dites-le-nous une fois ». C'est une simplification puisqu'en plus de la dématérialisation, on limite les doubles saisies et notre objectif est d'en faire le véritable guichet unique de la vie associative pour permettre de réduire le temps administratif et de le transformer en temps associatif.

Ensuite, DataAsso. Véritable banque de données de la vie associative, son but est d'obtenir des data pour renseigner la puissance publique sur la vitalité de la vie associative d'un territoire, mais aussi de faire connaître le tissu associatif local aux habitants, afin de pousser aux dynamiques d'engagement. Une carte interactive est disponible sur le site et un travail de déclinaison au niveau des organes publics territoriaux est à l'oeuvre pour qu'elles puissent valoriser les associations de leur territoire.

Enfin, Data subvention : si la simplification est un enjeu pour les associations, il l'est aussi pour l'État. Cette interface interministérielle développée par une startup d'État doit améliorer la lisibilité des subventions versées aux associations. Ainsi les services qui reçoivent des demandes et attribuent des subventions aux associations accèdent aux informations déjà disponibles sur ces associations - données administratives, subventions déjà versées, subventions en cours d'instruction - afin de faciliter leur analyse, éviter de multiplier les allers-retours en demandant plusieurs fois le même justificatif et ainsi éclairer la prise de décision. Je le sais par mon parcours, associatif aussi bien que ministériel : on a trop tendance à redemander aux associations les mêmes informations, il faut simplifier ces démarches.

Autre outil de la simplification, les crédits pour l'animation de la vie associative locale et les centres de ressources et d'information des bénévoles augmentent de 1,3 million d'euros, passant à près de 3 millions d'euros, principalement concentrés sur le financement de Guid'Asso. L'idée est d'aider les associations à frapper à la bonne porte lorsqu'elles cherchent une information. Le Guid'Asso, par l'intermédiaire du mouvement associatif et du délégué départemental à la vie associative, met en réseau l'ensemble des structures qui accompagnent les associations afin de les orienter dans leurs démarches et leurs projets dans une logique de parcours. Déjà présent dans trois régions - Centre-Val-de-Loire, Nouvelle-Aquitaine et Hauts de France -, il s'étendra l'an prochain à trois régions supplémentaires - Bretagne, Normandie et Pays de la Loire -, avec l'objectif de s'étendre à l'ensemble du territoire pour 2024.

Vous l'aurez compris, je souhaite nouer un pacte de confiance avec les associations et fluidifier leurs relations avec l'État, pour alléger la charge mentale des bénévoles et leur permettre de s'épanouir là où est leur vocation, la création de liens sur le terrain. C'est aussi une politique d'attractivité des bénévoles et des salariés dans les associations, beaucoup nous disent leur découragement face à la complexité administrative : la simplification administrative rend ces fonctions plus attractives.

Sur le volet valorisation, je commencerai par le Fonds de développement à la vie associative (FDVA), vous en connaissez l'importance dans vos départements. Principale source de soutien à la vie associative locale, ce fonds a parfaitement joué son rôle cette année puisqu'il a co-financé 12 000 actions dont 80 % dans des petites associations. Son montant pour l'année à venir est stable, à 50 millions d'euros, sa ventilation également, avec 8 millions d'euros pour la formation des bénévoles - plus de 160 000 de nos concitoyens ont pu en bénéficier cette année -, 25 millions d'euros pour le fonctionnement et l'innovation, qui a permis d'accompagner 10 000 associations dans leur projet d'évolution et de croissance, et 17 millions d'euros par le fonds de concours « Participations financières privées ou publiques au financement d'actions en faveur de la vie associative » autrement appelé aussi la quote-part sur les comptes inactifs.

Ensuite, nous retrouvons le Compte d'engagement citoyen (CEC), qui participe à la formation tout au long de la vie et à l'objectif de plein emploi. Il s'agit de valoriser l'engagement en crédits sur le compte personnel de formation (CPF) en justifiant d'heures de bénévolat, elles-mêmes validées par un dirigeant de l'association. Le ministre de l'intérieur a signé le 3 novembre un décret permettant aux 200 000 sapeurs-pompiers volontaires de notre pays de faire valoir leur engagement via le CEC.

Dans ce champ de la reconnaissance et de la valorisation des bénévoles, je me réjouis de la réforme de la valorisation des acquis de l'expérience (VAE) portée par Olivier Dussopt et Carole Grandjean. Encore trop peu de bénévoles valorisent les savoir-faire et les savoir-être acquis. Je veux que l'on puisse obtenir des certifications quand on a exercé la délicate tâche de la trésorerie d'une association ou que l'on a organisé des évènements par exemple. Je souhaite renforcer le lien entre engagement bénévole et sphère professionnelle, cela répond à la quête de sens des salariés et à l'attrait des employeurs pour des compétences humaines.

Enfin, pour récolter les bonnes pratiques ainsi que les difficultés des bénévoles sur le terrain, j'ai lancé dans l'Orne, le 17 octobre dernier, le Tour de France du Bénévolat. Il s'agit de réunir sur une demi-journée, des associations agissant sur des champs très différents - culture, sport, environnement, égalité des chances et des droits... - au sein d'un même département et d'animer la discussion autour de quatre thématiques : la gouvernance, la valorisation de l'engagement, la formation des bénévoles et la coopération entre associations. Ces déplacements sont l'occasion de mettre en avant des bénévoles particulièrement impliqués depuis des années et de les en remercier via une médaille. Je tiens à votre disposition des médailles du bénévolat, si vous souhaitez en décerner dans vos circonscriptions à des bénévoles particulièrement engagés. Cette opération, qui aura lieu sur l'ensemble du territoire hexagonal comme ultra-marin, se terminera en juillet et je serai très heureuse de vous y rencontrer.

Vous l'aurez compris Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, l'État porte un regard attentif sur les difficultés que connait le monde associatif et mène pour cela les chantiers nécessaires aux côtés de ces acteurs structurants de nos territoires, vecteur de lien social afin de leur permettre d'exercer leur raison d'être, l'intérêt général.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur des crédits pour la jeunesse et la vie associative . - Merci pour la présentation de ce programme 163, mais les chiffres que vous nous donnez le disent : l'essentiel va au service civique et au SNU, très peu reste pour la vie associative.

J'entends votre volonté d'établir un pacte de confiance avec les associations, mais il ne me semble pas qu'il y ait de pacte de défiance actuellement, en tout cas pas du côté des associations, elles sont toujours prêtes à participer aux actions initiées par le Gouvernement et elles l'ont bien montré, quel que soit la majorité politique.

Les crédits du Compte d'engagement citoyen passent de 15 à 6 millions d'euros, est-ce parce que ce dispositif ne fonctionne pas ? Le fonds développement de la vie associative est un sujet d'autant plus important à nos yeux qu'il a été abondé par les 25 millions d'euros de la réserve parlementaire, dont nous nous servions non pas pour du clientélisme, mais pour aider de petites associations dans nos territoires. Il a bénéficié de 17,5 millions d'euros venus des comptes bancaires inactifs, pourrait-on aller plus loin, en augmentant la quote-part de ces fonds, aujourd'hui fixée à 20 % ?

Le SNU, ensuite, est un échec puisque vous prévoyiez 50 000 places cette année, et qu'il n'y a eu que 32 000 jeunes à se présenter : qu'en dites-vous ? Avez-vous consommé les 110 millions d'euros que nous avions prévus ? Si oui, le coût par jeune est plus élevé que prévu - et les 140 millions d'euros que vous nous demandez pour l'an prochain suffiront-ils aux 64 000 jeunes que vous comptez accueillir ? Je ne vous cache pas que les crédits du SNU font rêver les associations. Quant à la généralisation du SNU, vous savez que c'est très difficile, pour des raisons budgétaires aussi bien que pour des raisons d'adhésion. Ne pensez-vous pas que nous devons, à tout le moins, débattre de l'avenir du SNU au Parlement ?

Enfin, j'avais proposé l'an passé par amendement l'instauration d'un Pass'colonies de vacances, pour aider les classes moyennes à revenir, car les colonies font partie intégrante du parcours citoyen. Le colon peut devenir animateur, le Bafa peut faire partie d'un parcours, qui s'appellerait peut-être « service national universel » et qui se déploierait à un bien moindre coût que celui que l'on connait et qui serait bien plus universel.

Enfin, vous dites que les crédits du service civique progressent de 4 %, mais c'est moins que l'inflation, alors que c'est un outil très pertinent pour tous les jeunes.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État . - Lorsque je parle d'un pacte de confiance avec les associations, ce n'est pas pour dire qu'il y aurait actuellement un pacte de défiance, mais parce que je sais, par mon expérience de présidente d'un réseau associatif pendant dix ans, puis comme ministre à plusieurs reprises, combien les associations sont noyées sous les tâches administratives. Il faut renouveler le rapport que l'administration entretient avec elles. Je suis patriote, j'adore mon pays, mais je connais aussi la passion française pour la paperasse, des associations me disent très régulièrement combien on leur demande des informations redondantes. Je suis donc tout à fait favorable à la prudence s'agissant de dépenses publiques, mais je crois qu'il serait utile de privilégier les subventions de fonctionnement, les engagements dans des conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO), plutôt que multiplier les appels à projets qui placent les associations en position de mettre en oeuvre les politiques publiques décidées par le Gouvernement, avec l'obligation de déposer constamment des dossiers. Je suis bien sûr favorable à ce que les associations rendent des comptes, mais je ne confonds pas leur activité avec celle des cabinets de lobbying. Aussi je ne crois pas utile de les soumettre aux mêmes obligations de transparence, d'exiger qu'elles rendent compte de toute rencontre avec des élus locaux. Les associations sont dans leur rôle en défendant leur cause, leur activité devant des élus, elles défendent l'intérêt général, alors que des lobbyistes défendent des intérêts particuliers. Nous travaillons donc, avec les associations, pour trouver le point d'équilibre. Il faut simplifier et mettre la transparence au bon endroit, il faut sortir de l'ère du soupçon. Les associations nous demandent de leur faire confiance, elles en ont besoin sur le long terme, nous y travaillons.

Sur le compte engagement citoyen, les crédits n'ont pas tous été dépensés. Il faut faire connaitre ce dispositif. Il est possible de valoriser l'engagement inscrit sur le CPF à 240 euros par an avec plafond à 720 euros. Nous allons regarder, dans le Tour de France du bénévolat, si les trois conditions posées sont pertinentes - l'existence de l'association depuis trois ans, le bénévolat depuis un an, le seuil de 100 heures dans la même association, ce qui peut aller contre le fait que les jeunes participent à plusieurs associations. Nous avons simplifié les procédures avec le décret du 5 novembre dernier et nous débattrons de l'opportunité d'aller plus loin à l'occasion du tour de France du bénévolat. Le budget du CEC me semble cependant bien dimensionné pour l'an prochain.

Le FDVA se compose de trois parties : la partie « formation des bénévoles », qui compte 8 millions d'euros, la partie « fonctionnement innovation » des associations, qui compte 25 millions d'euros, et, depuis 2020, la quote-part sur les comptes bancaires inactifs, avec une partie discutée par département et une part variable. L'enveloppe du FDVA reste fixée à 33 millions d'euros l'an prochain. Cela correspond aux réalités, il se déploie correctement et touche ses cibles, en majorité de « petites » associations locales, territoriales, c'est dans cet esprit qu'a été créé le FVDA. J'observe, plus généralement, que beaucoup d'associations pourraient prétendre à des subventions, mais qu'elles ne le font pas parce que cela prend du temps, ou tout simplement parce qu'elles ne se savent pas éligibles, c'est aussi notre travail de les en informer.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Nous sommes à un momentum où il nous faut décider de l'avenir du SNU. Notre objectif quantitatif est ambitieux, comme chaque année du reste puisque nous le doublons chaque année depuis sa création. Le principal, ce n'est pas la course au chiffre, c'est l'objectif de fond qui est qualitatif. Comment faire pour que des jeunes de Trappes, de Nantes et d'Aurillac se rencontrent, fassent leur première mobilité, vivent une expérience en portant un uniforme et laissant de côté les vêtements des marques auxquelles ils s'identifient peut-être. Une expérience où chacun fasse un bilan de santé, découvre notre patrimoine culturel, apprenne les gestes qui sauvent ? Les jeunes ne l'apprennent pas à l'école, puisque ce n'est pas dans les missions de l'école, alors que ces apprentissages renforcent la cohésion nationale...

Cela dit, j'entends votre question sur l'aspect quantitatif, et je sais que vous serez heureux d'entendre, Monsieur le rapporteur, que nous n'avons pas dépensé plus que prévu et que, en collectif budgétaire, les crédits non consommés - soit 24 millions d'euros - ont été reversés aux colonies apprenantes, qui partagent avec le SNU l'objectif de mobilité. Nous avons besoin que notre jeunesse soit unie, qu'elle ait le goût de l'engagement, nous aidons à l'autonomie, au premier départ de la maison familiale, un jeune sur deux reçu au SNU n'avait jamais pris le train tout seul... Le nombre de jeunes issus de quartiers populaires est trop faible, il est passé de 4 % à 7 %, pour une représentativité de 9 %, la part des élèves en filière professionnelle est passée de 14 à 17 %, pour une moyenne nationale de 33 % - ma mission est d'aller plus loin et que ce temps passé au SNU s'inscrive dans un parcours de citoyenneté et de civisme, qui prépare à ce grand moment qu'est la majorité.

Nous avons besoin de conforter la culture de la protection civile, face au dérèglement climatique, nous devons lever des freins à l'accès à la formation professionnelle, comme l'accès au permis de conduire. Le Président de la République l'a dit à Toulon lors de la présentation de la revue stratégique, il y aura des arbitrages sur le SNU, mais il faut déjà retenir que 9 jeunes sur dix à y participer s'en disent satisfaits...

M. Laurent Lafon, président . - Nous avons entendu parler d'un projet de loi en préparation pour généraliser le SNU : qu'en est-il ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Très concrètement, il y a une hypothèse de généralisation par l'intégration au temps scolaire, via le renforcement de l'éducation civique et morale, et une autre hypothèse consistant à renforcer l'attractivité du SNU, par exemple en finançant le permis de conduire ou le Bafa. Les deux hypothèses sont à l'étude et nous les présenterons au Parlement.

Mme Elsa Schalck . - Je salue le travail de notre rapporteur, nous partageons la plupart de ses questions, en particulier sur la généralisation du SNU.

Ce premier budget « jeunesse » du mandat s'inscrit dans la droite ligne des années précédentes. Je déplore, une fois encore, le manque de lisibilité et de visibilité de la politique en direction de la jeunesse ; érigée au rang de priorité par le Président de la République, elle est éparpillée dans différentes missions budgétaires, sans que l'on perçoive la cohérence ni la vision d'ensemble que vous souhaitez pour les jeunes de France.

Vos crédits augmentent, avec le déploiement du SNU, qui mobilisera 140 millions d'euros, soit 30 millions d'euros de plus que cette année, alors même que les objectifs fixés pour l'an dernier sont loin d'avoir été atteints. Vous attendiez 50 000 jeunes, 32 000 sont venus : comment l'expliquez-vous ? Et quel a été le coût effectif par jeune du séjour de cohésion cette année ? Comment avez-vous fixé ce nouvel objectif de 64 000 jeunes et comment comptez-vous le respecter ? Vous prévoyez de recruter 9 608 encadrants, mais en avez-vous les capacités ?

Vous comprendrez nos réserves face à la volonté du Gouvernement de généraliser le SNU, alors que le dispositif peine à se mettre en place et que nous n'en avons pas débattu au Parlement - sans compter que la généralisation représenterait un coût colossal évalué à 1,7 milliard d'euros...

Je salue le service civique, ainsi que le travail mené par l'Agence nationale du service civique : il rencontre un réel succès et ne cesse de faire ses preuves, douze ans après sa création. Le budget prévoit d'y consacrer 518,8 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de plus que l'an dernier - la moitié de cette hausse, cependant, correspond à l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires. D'après un sondage Odoxa réalisé cette année, si l'existence du service civique est connue et qu'il a une image plutôt positive, très peu de jeunes savent en définir les modalités et les contours : sa durée, sa réalisation dans le secteur public ou privé, la perception d'une indemnité, son caractère obligatoire...

Ce dispositif est utile pour l'avenir de la jeunesse, pour son parcours dans l'autonomie et il importe d'en faire mieux connaître les bénéfices notamment professionnels. Comment comptez-vous accroitre sa valorisation dans un parcours et ses bénéfices pour inciter davantage de jeunes à y avoir recours ? Enfin, nous sommes particulièrement sensibles au fait que tous les jeunes puissent y avoir accès et en bénéficier. Comment le service civique se développe-t-il dans le monde rural ?

M. Thomas Dossus . - Au-delà du quantitatif dont le bilan est plus que mitigé, il me semble que votre vision du SNU est un peu abstraite. Je vous citerai quelques exemples.

En juillet de cette année, une vidéo montre 130 jeunes épuisés, alignés dans la cour d'un centre SNU pour faire des pompes et du gainage. Plusieurs jeunes sont en pleurs, se plaignent de douleur. La vidéo a été filmée par les encadrants responsables de la punition.

Le 13 juillet, Le Canard enchaîné révèle que, lors des cérémonies du 18 juin, 31 jeunes participants au SNU ont fini aux urgences après avoir été laissés au garde-à-vous au soleil, en pleine canicule, pendant de longues minutes.

Le 2 août, le compte Twitter de la police nationale du Bas-Rhin vante l'organisation d'un stage de « menottage » avec des jeunes du SNU, atelier dans lequel ils sont invités à immobiliser leurs camarades, avec l'utilisation de menottes réservées normalement aux forces de l'ordre.

Ce ne sont pas des cas isolés, ils incarnent l'identité même du SNU : un moment qui se veut républicain, mais qui, vidé de toute substance, ne devient qu'un simulacre de service militaire - le maniement des armes en moins. Faux service, vraie caporalisation de la jeunesse.

Le SNU n'est pas le seul outil de caporalisation de la société déployé par le gouvernement.

Madame la ministre Schiappa, vous venez de parler de faciliter la vie des associations, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République - dite loi « séparatisme » - a pourtant instauré les contrats d'engagement républicain (CER) que les associations doivent signer pour espérer obtenir un agrément, des subventions ou des avantages fiscaux.

Le résultat est prévisible et le mouvement associatif avait déjà alerté au moment de l'étude du texte : en septembre dernier, le Préfet de la Vienne a appelé à retirer les subventions à l'association écologiste Alternatiba en raison de l'organisation d'un atelier de désobéissance civile. Les contrats d'engagement républicain deviennent des outils utilisés contre la liberté d'expression et pour mettre au pas les associations militantes qui s'opposent à votre politique, on est loin de la lutte contre le séparatisme islamiste.

La vitalité associative et l'émancipation de la jeunesse ne sont pas des menaces pour notre république.

Si nous sommes dans un momentum , profitons-en, finissons-en : les crédits alloués au SNU - 140 millions d'euros cette année, avec un objectif de 1,5 milliard d'euros - seraient mieux utilisés dans le soutien à l'éducation populaire, dont les crédits sont pour la deuxième année consécutive inférieurs à ceux du SNU. Ce serait un signal appréciable envoyé à toute la société.

M. Cédric Vial . - Nous avons un problème de visibilité et de lisibilité pour la vie associative. Je n'ai pas bien compris les avantages de votre organisation ministérielle et je ne vois guère le surplus d'interministérialité, puisque chaque ministère continue à abonder les associations de ses missions budgétaires. Et des fonds proviennent aux associations via les préfectures, qui ne sont pas toujours les meilleures connaisseuses des associations, sans que leur circuit budgétaire soit clair au regard de la Lolf puisqu'on ne sait pas bien leurs missions budgétaires de rattachement...

Nous sommes sur l'écume des choses. Le plus important, ce n'est pas ce que sont les associations, c'est ce qu'elles font. Le débat sur la reconnaissance de l'engagement civique est important, certes, mais il n'est pas nouveau et on voit mal en quoi vos outils vont changer les choses.

Quel est le bilan de la charte de la laïcité : combien d'association l'ont signée, et quelles en sont les conséquences sur le soutien aux associations ? Quel bilan a-t-on, ensuite, de la défiscalisation des associations, qui dépasserait les 2 milliards d'euros ?

M. Julien Bargeton . - Je me réjouis que ce budget augmente. Je veux souligner l'effort réalisé en faveur des Centres de ressources et d'information pour les bénévoles, dont les crédits augmentent de 50 %. C'est important parce qu'ils forment, conseillent et accompagnent les bénévoles et soutiennent leurs projets. Que pensez-vous de l'application de la loi du 1 er juillet 2021 sur l'engagement associatif ?

Je partage l'idée de contrat avec les associations, avec des droits et des devoirs - et il me semble juste, responsable, qu'on demande des engagements précis aux associations.

Mme Céline Brulin . - Vous nous mettez dans l'embarras sur le SNU. Vous nous dites qu'il n'atteint pas ses objectifs de mixité sociale, de cohésion nationale, mais vous dites qu'il faudrait choisir entre une généralisation, avec le coût que l'on sait, ou bien une intégration dans le temps scolaire, via l'éducation civique et morale, que l'on charge déjà beaucoup puisqu'on y fait entrer toujours plus de choses. Vous nous en avez donc dit trop, ou pas assez. Est-il utile de doubler les crédits du SNU, pour que vous tranchiez dans quelques semaines le choix que vous nous présentez aujourd'hui ?

On ne peut pas évoquer la jeunesse, ensuite, sans parler des conséquences de la crise sanitaire sur la santé mentale des jeunes. Or, nous n'avons rien vu dans le PLFSS, ni dans le budget de l'Éducation nationale, ni encore aujourd'hui sur le sujet : c'est plus qu'inquiétant.

Face à l'inflation, le Gouvernement prend des mesures pour les particuliers, pour les entreprises, mais les associations ne voient rien pour elles, alors qu'elles ont elles aussi des charges.

Enfin, il y a beaucoup d'attentes sur la formation, la reconnaissance en VAE est très insuffisante. De même, il faudrait revoir l'aide aux postes du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep), les niveaux actuels sont trop faibles : qu'en pensez-vous ?

Mme Sylvie Robert . - Je suis frappée de voir que notre discussion sur le SNU se répète et que rien ne change, les objectifs ne sont pas tenus, mais cela ne vous empêche pas de les doubler - alors que, dans le fond, agir à cette échelle n'a pas beaucoup de sens par rapport à ce qu'on visait initialement. Quand les crédits manquent partout, on se pose cette question : voulez-vous vraiment continuer le SNU, alors que son évaluation n'est pas claire ?

Sur la vie associative, il faut bien voir que toutes les associations n'ont pas repris leur rythme d'avant la pandémie. Elles rencontrent des difficultés et l'augmentation de crédits que vous nous annoncez, à + 4 %, ne compense pas l'inflation.

M. Claude Kern . - Le budget du programme dans son ensemble augmente, mais il baisse pour la vie associative, qui a subi la crise sanitaire et alors que les associations comptent tout de même 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés, soit 10 % des emplois privés de notre pays. Le FDVA est reconduit, mais il est complexe : pourquoi ne pas le flécher vers les élus, qui connaissent mieux leur territoire ? Les instruments sont nombreux, mais ils sont mobilisés sans véritable stratégie, il faut simplifier les circuits.

Le compte d'engagement citoyen voit ses crédits sous consommés, la dotation diminue ; avez-vous évalué son impact sur le bénévolat ? La Cour des comptes suggère de s'en passer, qu'en pensez-vous ? Le moment n'est-il pas venu de mettre en oeuvre les propositions pour valoriser le bénévolat que nous avons faites dans la loi du 2 mars 2022 pour démocratiser le sport ? Comment comptez-vous promouvoir le bénévolat pendant les Jeux olympiques et paralympiques ?

Quel bilan faites-vous du mentorat, créé l'an passé et qui reçoit 27 millions d'euros de crédits ?

Mme Sonia de La Provôté . - Vous avez évoqué la start up d'État, DataAsso, qui récupère toutes les données des associations. Cette entreprise utilise des outils venus de la Silicon Valley : quelle est la protection des données associatives ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Le SNU a été imaginé pour répondre à trois enjeux. D'abord, améliorer la résilience de notre pays. Cela veut dire être capable de prendre l'ascendant sur l'extérieur, grâce à une culture de la défense, à la maîtrise des gestes qui sauvent, à une culture mémorielle et patrimoniale. Ensuite, faire vivre aux jeunes un temps de mixité sociale et territoriale, qui n'existe pas dans la vie ordinaire, un temps qui soit aussi l'occasion d'un bilan de santé. Enfin, développer la culture de l'engagement, le bénévolat, la volonté des jeunes à s'engager dans les sapeurs-pompiers, auprès des communes, des associations. À l'origine du SNU, il y a cette volonté de rétablir un grand creuset républicain, un temps d'égalité réelle d'accès à l'engagement, quel que soit son territoire ou sa situation d'origine, parce qu'on sait bien que les jeunes n'ont pas le même accès à l'offre culturelle, aux colonies de vacances, et ceci même si l'on rénove les classes nature à l'école. Le SNU, c'est la chance donnée à tout jeune de vivre son premier départ, c'est l'occasion de lui donner le goût de la mobilité, de parler de sujets difficiles comme la laïcité, le non-recours au droit, le cyberharcèlement, du consentement, des sujets qu'il est plus facile d'évoquer hors de sa classe, de son territoire. C'est cela, le projet social du SNU, en écho à ce qu'était le service national de sa famille, comme temps de mixité sociale où l'on faisait aussi un bilan de santé, où l'on pouvait lutter contre l'illettrisme...

L'opposition entre le SNU et l'éducation populaire est un faux débat. Jamais le budget de l'Éducation nationale n'a autant augmenté - il gagne 3,6 milliards d'euros - ni celui des Armées - il gagne 3 milliards d'euros. Le service civique gagne 20 millions d'euros, l'éducation populaire continue d'être soutenue : le SNU vient en plus et abonde l'éducation populaire puisque, dans les 2 100 euros dépensés par jeune en SNU, une part va aux associations d'éducation populaire pour l'encadrement des séjours de cohésion. Demandez ce qu'ils en pensent aux responsables de Léo-Lagrange.

Je reconnais donc les difficultés quantitatives du SNU, mais je crois que le sujet est d'abord qualitatif et qu'il faut voir que 9 jeunes sur 10 venus en SNU s'en disent satisfaits pour avoir rencontré des gens, découvert le champ des possibles, participé à une expérience qui alimente en réalité le patriotisme, qui donne des souvenirs d'être ensemble à l'échelle du pays, en particulier pour ceux qui ne partent pas en colonies de vacances - et je sais aussi que tout cela prend du temps.

Dans les exemples d'incidents que vous citez, Monsieur Dossus, les encadrants ont été renvoyés immédiatement. Comment prévenir de tels incidents ? Par plus de formation des encadrants, nous nous y employons. Plus de 150 centres ont été ouverts, ils ont accueilli 32 000 jeunes l'an passé : ce n'est pas un échec, mais une réussite ; pour vous en convaincre, je vous invite à écouter les jeunes qui ont participé, ils seront meilleurs ambassadeurs que moi pour le SNU. Face au défi climatique, nous avons besoin d'une culture de résilience, le SNU donne la possibilité de mieux réagir en s'inscrivant dans une chaîne de commandement de la sécurité civile. Ne vous arrêtez donc pas à l'aspect quantitatif, demandez ce qu'ils pensent du SNU aux gendarmes, aux pompiers, aux responsables du Souvenir français... Nous devons faire mieux, je l'ai dit, pour attirer plus de jeunes des classes populaires, nous adaptons les dates des séjours de cohésion. L'éducation populaire est partie prenante du SNU, les associations nous disent que c'est un premier départ, une étape du parcours de citoyenneté.

Nous avons besoin de construire le service civique nouvelle génération. Il s'agit d'une occasion de construire un nouveau pacte entre générations, de la cohésion sociale, avec l'ensemble des acteurs associatifs, mais aussi de tenir la promesse républicaine - qui est de proposer à chacun une place d'où s'épanouir, plutôt que figer des hiérarchies sociales sclérosantes.

Le tutorat et le mentorat touchent 100 000 jeunes, cet écosystème est présent en ville, mais aussi dans le tissu rural, notre objectif est de doubler le nombre de jeunes accompagnés, c'est très utile pour l'accès à la formation et à l'emploi.

Quelle est notre vision de la jeunesse ? Le débat est très large, et il faut, en réalité, parler des quelque 100 milliards d'euros, tous budgets confondus, que l'État consacre à la jeunesse, vous les retrouvez dans le jaune budgétaire. Le programme 163 cible plus précisément l'engagement, il ne représente qu'une fraction de l'action de l'État pour la jeunesse - sans parler de l'action des collectivités territoriales. Cela dit, la clause d'impact jeunesse sur les politiques publiques peut devenir plus ambitieuse, c'est une chance pour conforter nos politiques en direction de la jeunesse.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État . - Le contrat d'engagement républicain, j'y crois, je l'ai porté dans la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. La procédure en est légère, nous l'avons conçue pour ne pas alourdir le travail des associations et, en pratique, il n'y a qu'une case à cocher sur le Cerfa. Son objectif est d'assurer que les subventions n'aillent pas à des associations qui n'acceptent pas les valeurs de la République, nous visions alors des associations comme le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui a été dissous depuis. Cela dit, certaines associations se plaignent qu'on leur en demande bien plus sur le contrat d'engagement républicain, c'est un dévoiement de la loi. Nous avons demandé à Sonia Backès, ministre en charge de ce contrat, de réunir les associations sur ce point. S'agissant de l'association Alternatiba, il n'y a eu aucun retrait de subvention par l'État, mais par une collectivité territoriale. Il est donc faux de dire que nous ferions du soutien au Gouvernement un critère de subvention. Je peux vous citer des dizaines d'exemples d'associations financées par l'État et qui critiquent vertement le Gouvernement, c'est dans notre conception de la démocratie...

Mon secrétariat d'État est rattaché à Matignon pour avoir une action interministérielle, mais les politiques publiques restent sectorielles, les ministères continuent donc de subventionner les associations de leur secteur et nous ne subventionnons que l'accompagnement à la vie associative, la structuration de la vie associative. Le FDVA sera attribué par les préfets, qui connaissent parfaitement la vie associative de leur territoire, les parlementaires participant quant à eux aux collèges départementaux et à la définition des orientations ; s'il arrivait que vous ne soyez pas conviés, n'hésitez pas à me le dire.

Les mécanismes déployés pour limiter les effets des hausses des prix de l'énergie, madame Brulin, s'appliquent pleinement aux associations, la Première ministre l'a précisé et elle en a été remerciée par les têtes de réseaux - il ne faut pas leur dire le contraire, ou bien on risque de les priver de ce recours très utile.

La loi du 1 er juillet 2021 sur l'engagement associatif a prévu une protection des dirigeants bénévoles en matière de responsabilité financière, c'est un élément d'attractivité pour le secteur associatif, et, d'une manière générale, cette loi porte déjà ses fruits.

Sur DataAsso, madame de La Provôté, je me tiens à votre disposition pour vous répondre plus techniquement que je ne peux le faire ici, les données regroupées sont publiques et cet outil est intéressant pour les associations elles-mêmes - mais je suis pleinement disposée à vous répondre plus en détail avec mes services.

M. Laurent Lafon, président . - Merci pour toutes ces réponses.


* 1 Décret n° 2022-1323 du 14 octobre 2022.

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