II. À MESURE DE SON DÉPLOIEMENT, LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL DÉMONTRE SON INCAPACITÉ À SE HISSER À LA HAUTEUR DE SES AMBITIONS

A. UN DISPOSITIF LACUNAIRE, QUI PEINE À DÉCOLLER

Si le nombre de jeunes ayant effectué un séjour de cohésion a doublé par rapport à 2021, le déploiement du service national universel en 2022 s'est toutefois heurté à de nombreuses difficultés, loin d'atteindre les objectifs qui lui avaient été fixés.

Bilan du déploiement du SNU en 2022

39 900 dossiers ont été déposés et 32 000 jeunes ont participé à la phase 1, contre 50 000 volontaires visés

5 389 encadrants recrutés, dont 90 % via le Contrat d'engagement éducatif

56,5 % des 32 000 jeunes n'ont pas réalisé leur MIG et ne sont pas en cours de recherche
ou de réalisation

1. L'objectif de 50 000 jeunes n'a pas été atteint en 2022

Après une première année d'expérimentation dans 13 départements en 2019, la phase 1 avait été annulée en 2020 sur l'ensemble du territoire en raison de la pandémie, sauf en Nouvelle-Calédonie.

En 2022, pour la première fois, trois sessions ont été organisées en février, juin et juillet et 32 212 jeunes ont été accueillis, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à 2021 . Malgré ce chiffre encourageant, l'objectif de 50 000 volontaires n'a cependant été atteint qu'à hauteur de 57 % , alors que la période de sortie de crise aurait dû être favorable, démontrant la faible attractivité du dispositif .

Si, selon une évaluation de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) en 2022, l'organisation du séjour en période scolaire « n'a pas eu d'effet dissuasif sur la volonté d'inscription des jeunes », cette organisation « en milieu de l'année scolaire, accroît la fatigue des jeunes », alors même que « peu d'aménagements ont été anticipés par les professeurs en termes de continuité éducative durant les séjours de cohésion ». Dans ce contexte, l'organisation d'un 4 e séjour en avril, annoncée par Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des Armées et du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, chargée de la Jeunesse et du Service national universel, interroge sur la possibilité d'attirer réellement plus de volontaires en 2023 .

2. Un mode de recrutement qui interroge

En 2022, le nombre d'encadrants recrutés sur les trois sessions de séjours de cohésion s'élève à 5 389 et se décompose ainsi : 515 en février, 2 303 en juin et 2 571 en juillet. 38 % sont issus du champ de l'éducation populaire, 34 % des corps en uniforme et 22 % de l'éducation nationale.

Parmi eux, 90 % des encadrants sont recrutés en Contrat d'engagement éducatif, outil dont l'objectif premier n'a pourtant jamais été de permettre l'encadrement des jeunes en SNU.

Le rapporteur s'inquiète quant à ce recours massif au Contrat d'engagement éducatif, qu'il juge inadapté face aux particularités organisationnelles du SNU .

Le Contrat d'engagement éducatif, un dispositif inadapté
dans le cadre du SNU

Créé par la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif , le Contrat d'engagement éducatif (CEE) permet à ceux qui en bénéficient de participer occasionnellement à des fonctions d'animation ou de direction d'un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif à l'occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs. Dès lors, le CEE est mobilisable pour une période maximum de 80 jours sur une période de 12 mois.

Ce contrat, à durée déterminée, est dérogatoire au droit commun en ce qui concerne notamment la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires, le temps de repos et la rémunération.

Le recours massif à ce type de contrat conduit à plusieurs biais.

Comme le souligne l'enquête de l'INJEP, le cumul des jours rémunérés pour les fonctions de chef de centre, d'adjoint et de cadres spécialisés ne leur permet pas d'effectuer plus de 2 séjours par an, sous peine de dépasser le plafond autorisé des 80 jours annuels dans le cadre du CEE. Or, la fidélisation des équipes , notamment de direction, permet une capitalisation des expériences et une très grande implication dans la conception, la préparation et la conduite des séjours .

Par ailleurs, pour répondre aux exigences du CEE, la formation des encadrants est souvent modulée selon qu'il s'agit du premier ou du second séjour . Si les jours de formation en amont du séjour (de l'ordre de 5 jours) sont conservés systématiquement, les formations régionales, voire nationales, ne sont mobilisées que lors de la première participation, pouvant grandement influencer le déroulement et l'encadrement des séjours de cohésion qui suivent .

3. La réalisation des missions d'intérêt général est loin d'être systématique

Si la mission d'intérêt général (MIG) semble mieux connue par les volontaires, cette seconde phase reste toutefois assez incertaine à l'issue du séjour pour de nombreux jeunes qui ne repèrent pas toujours les structures susceptibles de les accueillir et/ou qui font face à une offre limitée sur leur territoire et à des problèmes de mobilité . De plus, la charge administrative engendrée par l'inscription et le suivi des missions, qui incombe aux référents MIG, pose là encore question quant à la montée en charge du dispositif. En outre, il est parfois difficile pour certaines organisations d'adapter les missions aux exigences d'un public mineur.

À ce jour, seulement 3,5 % des volontaires ayant effectué l'un des trois séjours de cohésion en 2022 ont réalisé leur MIG et 40 % sont en cours de recherche ou de réalisation. Pourtant, les jeunes en MIG témoignent d'une grande satisfaction sur les missions qui leur sont proposées. La MIG a une véritable valeur ajoutée en ce qu'elle permet réellement aux volontaires de découvrir l'engagement. La simple réalisation du séjour de cohésion de 15 jours perd véritablement de son intérêt s'il n'est pas suivi par une mission à plus long terme .

D'autant plus que le séjour de cohésion est coûteux : en 2023, la construction budgétaire repose sur un coût moyen de 2 140 € par jeune (hors dépenses liées aux systèmes d'information et à la communication). Il est primordial que ce haut niveau de dépenses suscite par la suite chez la quasi-totalité des jeunes l'envie de s'engager pour la société au travers d'une MIG.

4. Les contraintes du SNU sont incompatibles avec une généralisation rapide du dispositif

Pour la première fois, en 2023, le nombre de places pour participer aux séjours de cohésion ne sera plus limité, afin que tous les Français de 15 à 17 ans qui souhaitent s'engager le puissent.

Si à l'heure actuelle, le dispositif semble encore faiblement attractif, la généralisation de celui-ci pose toujours question. Au-delà du nombre limité de centres susceptibles d'accueillir les jeunes effectuant le séjour de cohésion, encadrer toute une classe d'âge, soit environ 800 000 jeunes, aurait des conséquences budgétaires, juridiques et logistiques considérables, qu'il parait difficile de solutionner à court terme pour toutes les raisons exposées ci-dessus.

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