B. DES RELATIONS TOUJOURS COMPLEXES ENTRE AUTEURS ET ÉDITEURS

Les relations entre auteurs et éditeurs restent marquées par une forme de méfiance, parfois de défiance . Elles font ainsi l'objet de négociations parfois tendues, qui ont pour objet le contenu et les obligations mutuelles du contrat d'édition .

Dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2020 1 ( * ) , Françoise Laborde avait exposé en détail la situation des auteurs , qui n'a que peu évolué depuis cette date, alors qu'elle était au coeur du rapport remis par Bruno Racine au ministre de la culture le 22 janvier 2020 2 ( * ) .

Les dispositions du code de la propriété intellectuelle (CPI) relatives à ce contrat sont en effet structurantes pour le secteur du livre, en déterminant les règles impératives qui organisent les contrats de cession des droits par les auteurs aux éditeurs, ainsi que les obligations réciproques des parties.

Les règles étaient restées pour l'essentiel inchangées depuis 1957, ce qui les rendait obsolètes. Elles suscitaient de plus de nombreuses critiques des auteurs, qui les jugeaient trop favorables aux éditeurs . Un consensus a finalement pu être trouvé, formalisé par un accord-cadre signé le 21 mars 2013 entre le Conseil permanent des écrivains (CPE) et le Syndicat national de l'édition (SNE). L'article 2 de la loi du 8 juillet 2014 a ainsi habilité le gouvernement à tirer les conséquences de cet accord-cadre par voie d'ordonnance. Publiée le 13 novembre 2013 et entrée en vigueur le 1 er janvier 2014, l'ordonnance a apporté de substantielles modifications au contrat liant l'auteur et l'éditeur.

Cependant, ce long processus de concertation interprofessionnelle n'ayant alors pas permis d'aborder l'ensemble des points de discussion entre les professionnels, le CPE et le SNE ont repris en 2015 leur dialogue afin de converger vers une position commune sur certains sujets visant plus particulièrement à améliorer la transparence dans les relations entre auteurs et éditeurs.

Un accord a ainsi été signé le 29 juin 2017 par les deux organisations sur l'encadrement des pratiques de compensation intertitres et de provision pour retours. L'article 3 de la loi du 30 décembre 2021 a permis l'application de ces règles à l'ensemble du secteur .

Par ailleurs, la directive du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique impose aux États membres de mettre en place un certain nombre de dispositions visant à assurer aux auteurs une juste rémunération et à améliorer la transparence due aux auteurs de la part de leurs cessionnaires de droits. L'ordonnance du 12 mai 2021 consacre le principe d'une rémunération appropriée et proportionnelle et renforce les obligations de transparence au bénéfice des auteurs . Enfin, elle leur ouvre de nouveaux droits dans la relation avec les exploitants de leurs oeuvres, à travers un mécanisme de réajustement de la rémunération prévue au contrat.

Le Conseil permanent des écrivains a appelé de ses voeux la réouverture des discussions interprofessionnelles autour de l'accord de décembre 2014. Il est en effet prévu que les parties signataires engagent une discussion sur la révision de cet accord, sous l'égide du ministère chargé de la culture, tous les cinq ans à compter de sa signature. Une nouvelle mission de médiation a ainsi été confiée au professeur Pierre Sirinelli afin d'accompagner les organisations professionnelles représentant les auteurs et les éditeurs dans le travail d'évaluation et de révision de l'accord de 2014.

Lors d'une première phase de négociations, organisations d'auteurs et représentants du Syndicat national de l'édition (SNE) étaient parvenus le 15 février 2022 à cinq points d'accord susceptibles d'améliorer la transparence des informations fournies aux auteurs, ainsi qu'à l'établissement d'une « clause de poursuite », centrée sur la question de la rémunération.

Le 16 mars 2022, jour prévu pour la signature de cet accord, le Conseil d'administration du SNE a suspendu sa réponse. Les deux co-présidents du Conseil permanent des écrivains (CPE) ont manifesté publiquement leur indignation et en ont appelé aux pouvoirs publics pour débloquer la situation. Le 25 octobre, le CPE a annoncé que l'accord ne pouvait finalement convenir, signant ainsi de manière imprévue l'échec des tentatives de médiation .

Les auteurs mettent en avant leur volonté d'évoquer, avant de s'engager, la question de leur rémunération , sujet que les éditeurs ne souhaitent pas aborder. La situation parait donc bloquée pour l'heure.

Le rapporteur pour avis juge indispensable la reprise très rapide du dialogue entre ces deux partenaires de la création .


* 1 https://www.senat.fr/rap/a19-145-43/a19-145-43.html

* 2 https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/L-auteur-et-l-acte-de-creation

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