IV. UN RÉGULATEUR SACHANT RÉGULER

La loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse a confié à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) d'importants pouvoirs de régulation du secteur de la presse, mettant fin à une autorégulation alors exercée par le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP).

Le rapporteur pour avis, également rapporteur du projet de loi dont la première lecture avait eu lieu au Sénat, s'était montré particulièrement favorable à l'évolution d'un système à bout de souffle qui cumulait les déficits comme les frustrations des acteurs. Il écrivait ainsi dans son rapport 3 ( * ) : « Le choix de l'Arcep, autorité administrative indépendante reconnue pour son expertise des réseaux et des marchés, souligne également la volonté clairement établie de refonder le secteur de la distribution sur un principe général d'efficacité économique . »

L'Arcep, rebaptisé l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, sans que son acronyme n'évolue , s'est ainsi vue confier trois grandes missions :

Ø en amont, proposer au gouvernement le cahier des charges auquel les sociétés agréées doivent se soumettre et accorder l'agrément aux sociétés candidates (article 12 de la loi du 2 avril 1947 modifiée) ;

Ø établir un schéma directeur de la distribution de la presse cohérent avec les objectifs de la loi du 18 octobre 2019 ;

Ø enfin, exercer une régulation en continu de l'ensemble du secteur, y compris en matière de kiosques numériques (article 15 et 16 de la loi de 1947 modifiée).

Depuis le 17 décembre 2019, l'Arcep a adopté 35 avis et décisions relatifs au secteur de la distribution de la presse, qui représentent seulement 0,5 % de son activité sur la période. Cela ne traduit cependant que très imparfaitement les efforts de l'Autorité pour appréhender le secteur .

Le nouveau régulateur a littéralement dû découvrir et s'approprier les codes d'un univers dont les enjeux financiers sont bien moindres que son habituel domaine de compétences, mais d'une extrême complexité, et soumis depuis des décennies à une forme d'autorégulation peu propice à la remise en cause. Comme l'avait demandé le rapporteur, l'Arcep a cependant été dotée des moyens ( 8 ETP ) nécessaires pour cette mission.

Le régulateur a été immédiatement confronté à sa mission. Ainsi, alors que la loi prévoyait la publication des cahiers des charges des sociétés nouvellement agréées le 1 er janvier 2023 au plus tard, la faillite de Presstalis en juillet 2020 l'a contraint à accorder des agréments provisoires et à finalement publier le cahier des charges le 19 avril 2021.

L'agrément a été accordé à France Messagerie le 6 juillet 2021, le 15 décembre aux MLP et le 19 juillet 2022 à New CCEI, filiale internationale de France Messagerie.

L'Arcep a également dû se prononcer sur les barèmes des messageries, un exercice complexe de l'aveu de toutes les parties prenantes tant ils sont peu lisibles et assortis de remises, ristournes et autres procédés parfois opaques.

Le prochain chantier du régulateur est la mise en place d'une comptabilité réglementaire qui permettra, à l'horizon 2024 au mieux, de parvenir à une réelle vérité des coûts supportés par les uns et les autres.

L'Arcep a, pour la première fois, fait usage de son pouvoir de contrôle le 11 octobre 2022, suite à une saisine des marchands de presse , ce qui revêt aux yeux du rapporteur pour avis une grande importance symbolique, tant elle participe d'un rééquilibrage des relations avec ces derniers . La décision met en demeure les Messageries de respecter les obligations de desserte non discriminatoires des points de vente, suite à des manquements enregistrés en Savoie.

De manière générale, le rapporteur pour avis juge de manière très positive l'action de l'Arcep dans le domaine de la presse et la réactivité dont elle a su faire preuve. Le régulateur joue pleinement le rôle qui lui a été assigné par la loi d'imposer une réflexion économique et juridique à des acteurs qui ont pu avoir la tentation de s'en éloigner par le passé.

Il est donc éminemment souhaitable que les réflexions sur l'avenir de la filière capitalisent sur l'expérience d'ores et déjà acquise par l'Arcep .


* 3 https://www.senat.fr/rap/l18-501/l18-501.html

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